Ce vingt-septième recueil de poésie classique du poète Stephen Blanchard (à paraître en mars 2025) s'inscrit dans le mouvement lyrique de la poésie romantique française et européenne. Il réactive par ses multiples invocations aux muses et aux figures du poète romantique, bucolique et lyrique le succès de la poésie romantique française, sa puissante charge symbolique auprès du lectorat et sa force créative et émotionnelle. Le poète y versifie ses vagabondages lyriques, bucoliques et romantiques sous la forme d'un périple élégiaque et extra et « métapoétique ». Ce périple méditatif et introspectif par le biais des poèmes, quarante et un précisément, peut avoir lieu grâce aux vagabondages de la plume svelte du poète lyrique, voyageur et navigateur. Or, ce choix de revenir vers la poésie romantique classique pour s'y abreuver et y retrouver sa puissance créative démontre à quel point la poésie romantique classique et lyrique reste indémodable indépendamment de sa valeur poétique sûre, en ce siècle-ci, elle continue d'être le refuge ultime des artistes de la poésie et l'une des sources de leur force créative.
Le poète Stephen Blanchard, ce Chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres, ce messager et mécène infatigable de la poésie, qui n'est plus vraiment à présenter au lectorat, a déjà acquis plusieurs titres prestigieux et a pu faire connaître en France et ailleurs dans le monde sa passion pour la poésie et son fervent engagement à la défendre, toutefois sa poésie, qui regorge de richesses insoupçonnables, demeure à découvrir métamorphosée, ravivée dans les flammes de l'Olympe poétique dans chacun de ses nouveaux recueils. Et ce vingt-septième recueil n'y échappe pas. Il a ainsi habitué, au gré des années, son fidèle lectorat aux nombreux travestissements et métamorphoses poétiques de sa plume.
Ce recueil composé de quarante et un poèmes lyriques composés de quatre quatrains pour chacun d'entre eux, sauf un, oui, un poème échappe à cette éternelle ritournelle poétique pour nous offrir un sonnet traditionnel en deux quatrains suivis de deux tercets dans le poème-clé pour la compréhension de cet ouvrage (ou plutôt sa colonne vertébrale) « Dans mon jardin secret » où le poète confesse son doux plaisir de poétiser en usant de la métrique comme l'alexandrin et des rimes féminines et masculines comme les rimes croisées. En fin poète, il entremêle les saveurs, sens et sonorités des mots dans une synesthésie romantique pour déployer ses ailes du poète lyrique. Il nous avoue avec une infinie délicatesse son amour impondérable de la poésie qui le met à nu, lui procure « le bonheur parfait » et le « désarme » par ses richesses, musiques et beautés.
Le schéma du recueil actuel dessine un carré poétique presque parfait puisque le poème « ce soir, je fais le point » revient en une variante pour former quarante et un poèmes au lieu de quarante et le poème sonnet fait l'exception à la règle de quatre quatrains symbolisant les quatre éléments naturels de l'univers : la Terre, l'Eau, l'Air et le Feu. Le poème sonnet déploie le vœu du poète de trouver dans le sonnet le cinquième élément de l'univers et qui représente la poésie... Ainsi, ce carré poétique presque parfait symbolise – d'après plusieurs poèmes décrivant le processus de la versification classique – la finitude et difficultés du poète lyrique et romantique en quête de la versification rimée parfaite.
Ce poète traite de la poésie, en parle en vers, en strophes, en poèmes, en oxymores, en rimes et métriques, c'est ce que des spécialistes de poésie nomment de la « métapoésie »(voir par exemple au sujet de la « métapoésie » les recherches de Pascale Gaulin, tout particulièrement sa thèse intitulée « « Métapoésie et poésie française au XXe siècle », Université d'Ottawa, Canada). En fait, comme bien d'autres poètes de tous les genres et cultures, Stephen Blanchard est un métapoète, autrement dit, un poète dont le thème principal est la poésie, ses contrées et rôles en lui et hors de lui. Il est un métapoète parce qu'il se focalise aussi sur les types et portraits des poètes et le processus de la création poétique, ses sources d'inspirations externes et internes On retrouve également ce même sujet de prédilection dans des œuvres poétiques de plusieurs de nos contemporains et contemporaines (je souligne par exemple les ouvrages de Camille Aubaude, Françoise Urban-Menninger et Maggy de Coster).
Le poète s'adonne dans ce recueil à la poésie classique, s'embarquant au fil de la métrique et des rimes vers des contrées lointaines et intimes de son for intérieur. Inlassablement, en découvreur, en voyageur, il tisse tel un navigateur les fils de ses aventures pittoresques. Dans les sillages de ces vagabondages lyriques, on découvre plusieurs facettes du poète et des figures mondaines des poètes. Ses poèmes satiriques par exemple dressent des portraits différenciant les vrais des faux poètes dans entre autres : « Je connais les poètes », « Le destin du poète » et « Le poète n'a plus sa fougue ». Il se confesse aussi individuellement pour mieux nous faire rencontrer les poètes tels qu'ils sont : des messagers, prophètes, visionnaires, maudits, tourmentés, philosophes, enfants terribles, etc. Et il y explore non seulement sa solitude du poète face au monde et l'au-delà mais il nous entraîne peu à peu en alternant les oxymores formés grâce aux adjectifs, adverbes, vers entiers, strophes entières et de poèmes entiers d'affects tristes et joyeux dans un périple lyrique et universel du poète éthique face à lui-même, à son insuffisance, à sa finitude d'humain et d'artiste des mots et des sons éphémères.
C'est en revisitant toutes ou presque toutes les figures du poète qu'il arrive à transformer ce périple individuel en odyssée universelle de n'importe quel artiste authentique de la poésie vivant d'ombres et de lumières, de joies et de peines, de pages blanches et colorées, de pages vides, d'attentes et de pages pleines dues aux déluges des mots et vertiges émotionnels.
Ce recueil de poèmes est assez représentatif du romantisme lyrique grâce aux thèmes et vocabulaires caractéristiques du romantisme et du lyrisme de ses poèmes (voir par exemple « J'ai mal de vivre », « Je me souviens », « Le dernier passage » « Sous mes vers esseulés » etc. pour une présentation du « Romantisme », je vous renvoie à l'article « Romantisme » par Henri Peyre dans le Dictionnaire des genres et notions littéraires, Nouvelle édition augmentée, préface de François Nourissier, Paris, éditions Encyclopædia Universalis et Albin Michel, collection Encyclopædia Universalis, 2ème édition, 2001, pp. 736-756).Les thèmes récurrents abordés par ce métapoète lyrique et romantique sont le for intérieur, la vie intérieure, les états d'âme du poète (cf. : « Au gré de mes humeurs, ma plume vagabonde » dans le poème intitulé « Au fil du temps », le bonheur, la mélancolie, la poésie, la poétisation, la versification, la quête de la rime heureuse, de la belle métrique, des poèmes courts et élégiaques nous dévoilent la complexité de l'âme romantique, lyrique du poète tourmenté par ses amours, passions, sensations, sentiments et affects comme dans le poème « Dans mon jardin secret » où on le retrouve enivré par la poésie entonnant : « Je sillonne les champs avec la rime en fleur »
C'est une rime printanière, une rime bourgeonnante, enfantine, espiègle pleine de rondeur et d'ingéniosité. « Dans son jardin secret », il se dévoile solitaire, fragile, romantique, engagé et vivant dans l'obstination, en quête de la Muse salvatrice qu'il invoque et s'en enivre tour à tour. Cette énième « Muse », inspiratrice, célébrée en fanfare de rimes, cette aurore du bonheur qu'il aperçoit enfin dans le dernier poème qui clôt le recueil sur une note d'espoir, sur le bonheur d'être un faiseur de poèmes, un aède d'autres temps, un troubadour d'antan et un citharède d'autrefois au chevet de la poésie dans « Quel ravissant bonheur » : le seul soleil qui réchauffe son cœur et lui apporte tout l'amour et le bonheur dont il a besoin dans ce monde. Sa soif de mots s'étanche grâce à l'amour de la poésie et l'amour de versifier. La poésie est l'amour et l'amour n'attend pas, il se vit comme il se savoure, le voici esquissant son autoportrait du poète en citharède :
Qu'importe les douleurs quand brûle tant d'amour
Si l'indicible mot me rend trop solitaire,
Car le vers luit en moi comme un vrai troubadour
Captivé par les sons de son luth solitaire.
Le poète Stephen Blanchard se métamorphose donc dans ce métapoème en citharède romantique du XXIe siècle s'embarquant sur son voilier solitaire de la poésie lyrique et romantique, chantant en métrique et en rimes la beauté et la grâce volcaniques des mondes poétiques externes et internes allant jusqu'à l'exploration géopoétique des confins les plus secrets de son être.
Lisez-le, il vous emporte dans sa belle quête lyrique et authentique de l'amour des Muses. Lisez-le en savourant lentement son doux-amer périple lyrique.
© Dina Sahyouni, 31 janvier 2025, cet article issu d'un projet de préface du recueil de poèmes devient par une impérieuse nécessité éditoriale une réception brève de l'ouvrage à paraître. Bonne lecture !