Henri Rousseau
(dit Le Douanier Rousseau, 1844-1910)
Crédit photo : Henri Rousseau
(dit Le Douanier Rousseau, 1844-1910), «La guerre », peinture tombée dans la domaine public, capture d'écran de l’image libres de droits du site Wikipédia. Illustration choisie par la poète.
Pour citer ce poème pacifique, politique illustré & inédit
Françoise Urban-Menninger, «les charniers de l’humanité » avec une peinture par Henri Rousseau (1844-1910), Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : ÉTÉ 2025 | NO III NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES », 1er Volet, mis en ligne le 11 juin 2025. URL :
Crédit photo : Mary Cassatt (1844-1926), « La tasse de thé », 1880, peinture tombée dans la domaine public, capture d'écran de l’image libres de droits du site Wikidata. Illustration choisie par l’autrice.
Dans le vase bleu roi, trois tulipes d’un rouge pourpré, courbent leur tête bombée aux pétales dilatés vers le filet de lumière qui filtre parcimonieusement entre les persiennes.
Le silence habite la pièce et l’habille de volutes invisibles qui serpentent d’objet en objet, de la bergère au bibelot raffiné, à la photographie jaunie et surannée où posent deux jeunes mariés du siècle dernier, du napperon en dentelles crochetée à l’œuf d’oie peint, ramené d’un lointain voyage dans une île grecque.
Tous ces objets ont leur place attribuée et s’y tiennent, confinés et immobiles dans une conversation silencieuse quotidienne, gracieuse et volubile, perçue d’eux seuls dans l’intimité des murs qui les abritent.
Parfois dans ma solitude, je deviens l’un de ces objets. Je me fonds dans le décor et suis tour à tour, ce coussin de soie parme, ce rideau d’organdi ajouré ou cette poupée en celluloïd au sourire figé. Je n’ai plus de corps, je m’évapore, me dissous dans les airs, légère, aérienne et n’ai pas plus de consistance que la transparence de ma pensée.
Mon âme, seule, vagabonde à la rencontre de toutes ces âmes qui émanent de chacun des objets qui occupent le salon. Une vraie fête commence alors, faite de conciliabules, de rires étouffés, de confidences ineffables et froufroutantes… Et quand je prends mon thé dans ma tasse en porcelaine fine, liserée d’or, des esprits tout exprès sortis des murs, des tentures et des tableaux, viennent me rejoindre sur le canapé fleuri où déjà deux oiseaux des îles piaillent et babillent en dérobant, de leur bec doré, grand comme un dé à coudre, les quelques miettes qui tombent de ma tranche de cake.
Tout le salon s’anime d’une vie sémillante et ravie d’émerger d’un trop long sommeil. De lointains parents, des amis disparus, aux traits que je croyais avoir oubliés, avancent leur visage de revenant et me font signe dans le feuillage de lierre qui déborde les murs de ma maison pour s’inviter dans mon salon. Des voix, au timbre indéfinissable et pourtant familier, m’enveloppent de leur tessiture et me parlent jusque dans la soirée où la demi-pénombre m’impose d’allumer les lampes du séjour.
Alors autour de moi, tout n’est plus que débandade, tout se défait et s’anéantit. Une agitation de lendemain de fête, amère et frustrante, succède à mon trop court moment de plénitude où le temps avait arrêté son cours.
Toues les âmes, bien trop sages, rejoignent leurs secrètes alcôves, pendant que moi, reprise dans le filet des habitudes, je renoue avec les apprêts de mon être civilisé et policé. Je regagne mon corps, reprends mon masque de mascarade, réajuste mon sourire de comédie devant le miroir qui ne me renvoie que l’apparence de mon vrai moi.
Mon âme, elle, danse encore sur le bord de ma tasse de thé où les deux oiseaux n’ont pas fini de picorer l’ennui qui les dévore en silence.
Françoise Urban-Menninger, «L’âme des choses » avec une peinture par Mary Cassatt (1844-1926), Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : ÉTÉ 2025 | NO III NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES », 1er Volet, mis en ligne le 11 juin 2025. URL :
S’il ne faut « plus raconter des histoires » et surtout « faire des histoires », écrit Sandrine Weil, elle ajoute qu’« elle ne se taira plus maintenant » car sa grand-mère Odette, fière d’avoir une petite-fille qui intègre une première littéraire, lui avait « commandé » le récit de leur histoire familiale qu’elle reprend par l’écriture « à son compte / conte » en redonnant une voix aux disparus.
Née à Paris en 1972, Sandrine Weil est professeure de lettres modernes et de cinéma à la Flèche et au Mans. Elle écrit depuis l’adolescence, réalise des courts métrages, anime des émissions pour Radio Prévert et témoigne dans ce premier ouvrage de « L’histoire de Jean Weil », son père déporté à Bergen-Belsen à l’âge de 4 ans avec sa mère Odette et sa sœur Josette, âgée d’à peine sept mois.
Ce drame familial, qu’elle met en lumière, s’inscrit dans la grande Histoire et croise d’autres destins comme celui de Rudolf et Marga qui, par leur incroyable mariage à Auschwitz, « transforment la haine en amour pur. »
Cet « amour pur », s’incarne tout au long de ce récit en la figure féminine d’Odette, la grand-mère de Sandrine, mère exemplaire qui, dans les camps, au comble de l’horreur veille sur ses deux enfants, tente de les préserver du mal en veillant sur leurs progrès, en notant leurs bons mots qu’elle transmet à Marcel Weil, son époux, prisonnier de guerre qui, depuis son STALAG réussit à leur faire parvenir des colis qui leur sauveront la vie.
Grâce aux traces écrites de Marcel et au récit oral d’Odette, Sandrine revient sur la tragédie impensable vécue par les siens et qui les ont tous marqués dans leur chair et leur âme. Le fil rouge de ce récit n’est autre que la mort de Josette, empoisonnée « après avoir mangé un vrai repas » alors qu’elle venait de regagner la liberté avec son frère et sa mère. Sandrine comprend la détresse de cette dernière « qui avait tué sa fille en croyant bien la nourrir . » Et d’ajouter plus loin « Sa mort restera une honte pour l’humanité tant qu’elle n’aura pas été racontée. »
Nul doute que Sandrine Weil lui confère avec son livre une tombe nimbée de luminescence où l’image de la petite fille revêtue de la robe en laine rose, confectionnée par sa mère pour son retour, restera ancrée dans la mémoire du lecteur touché en plein coeur.
D’autres images transcendent les mots, celle de Jean, heureux de recevoir le dessin d’un autobus en guise du jouet qu’il avait souhaité se voir offrir par son père. Plus tard, il écrira une nouvelle, bien évidemment symbolique, intitulée Le train où il évoque « le retour dans des wagons à bestiaux. »
Tous les fantômes qui hantent le livre de Sandrine Weil viennent à leur tour interpeller le lecteur qui reste fasciné par la dignité d’Odette, une femme remarquable, admirée de tous dans les camps.
Sandrine Weil déborde le récit de l’histoire de ses proches pour aborder de nombreuses questions restées à ce jour sans réponses tel « l’aveuglement oedipien du grand rabbin » ou encore celui de Gustave Nordan...Preuve s’il en fallait qu’ « il ne faudra plus raconter des histoires » mais bien affronter cette « réalité qui dépasse la fiction » et qui n’a jamais cessé de tarauder Jean Weil, écrivant dans sa nouvelle, Les verres de Cristal, à propos de sa sœur Josette « ...il la cherchait partout. Où était-elle ? », « Les preuves objectives étaient rares : deux photos jaunies, des habits, mais plus que cela, sa présence dans la mémoire des vivants. »
Et c’est bien cette présence parmi les vivants que Sandrine Weil a réactivé avec magnificence car la véritable mort n’est autre que l’oubli.
Françoise Urban-Menninger, « Il ne faudra plus raconter des histoires, récit de Sandrine Weil sous-titré Le livre de Jean, 1942-1945, un enfant dans les camps paru chez L’Harmattan dans la collection Graveurs de Mémoire », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événements poétiques | NO II Hors-Série | Festival International Megalesia 2025 « Rêveuses » & « Poésie volcanique d'elles » & Distinctions 2025, mis en ligne le 10 mai 2025. URL :
La vie nous réserve de belles rencontres. Grâce à ma contribution au livre unique, Paris est un livre, d’Alexis Margowski, j’ai découvert « l’existentialisme écologique » de Corine Pelluchon, qui a publié de nombreux livres. Elle a présenté au Festival du livre de Paris (FLP, 11 avril 2025) son nouvel essai L'être et la mer, dans le cadre d’une programmation d’événements liés à des actions pour préserver l’Océan.
Les références qui m’ont marquée durant sa conférence sont littéraires et poétiques. Elles ressortissent à une pensée féminine essentielle, salutaire et irremplaçable... On sait qu’il est difficile, voire impossible, d’être une femme philosophe dans un pays de coteries, de prétentions et d’entre-soi phallocratique. Le travail de fond qu’accomplit cette professeure d’université est reconnu par le prix Leopold Lucas qui vient de lui être attribué en Allemagne. Je synthétise « poétiquement » une page des thèmes de sa conférence au FLP pour vous montrer l’urgence de la lire et d’agir.
PARTIR EN MER pour mettre en avant les organismes vivants !
Ne pas être nihiliste mais pratiquer l’engagement, voire une philosophie du courage.
Nous sommes impuissants, dépassés, par des dangers globaux qui peuvent nous submerger.
Nous sommes en train de perdre de notre connaissance du monde, ce qui nous rend perméables à la folie, à la destruction, ce qu’un philosophe a appelé les « crises orgiaques ». Nous solidifions le possible, nous décentrons l’être humain alors qu’il ne peut exister qu’en se ressourçant dans sa spécificité, grâce à une sensibilité à fleur de peau.
Arrêter l’addiction à la consommation, qui est une déréliction due à l’incertitude du quotidien.
PARTIR EN MER car dans la mer tout est fluide, comme dans notre psychisme, qui a pourtant conscience du morcellement des choses. Une nageoire peut fendre l’océan du sens. Dans sa création littéraire, Marguerite Duras a fortement pensé l’invasion de l’inconscient, un envahissement de l’immémorial qui peut être libérateur. L’ouïe est un sens de l’immersion. Dans la mer, il y a des présences auditives qui, au moment où on les découvre, vont disparaître.
À présent notre Moi ressent une inquiétude énorme avec la possibilité d’un naufrage.
La mer est un abattoir à ciel ouvert. Il s’agit de faire une thalasso politique, car il n’y a que des noyés, des drames invisibilisés. Nous employons le vocabulaire de la guerre, de Moi contre Toi, avec le quadrillage des océans à se partager entre états souverains.
En même temps, c’est l’étranger, ce qui menace, l’inconnu. C’est le lieu de l’Autre, et l’entre dévoration. La mer peut tout prendre.
Ce n’est pas l’homme qui prend la mer mais la mer qui le prend. Nous savons que la mer est la plus forte métaphore du Destin, elle nous fait accepter notre impuissance.
Comment pouvons-nous écrire aujourd’hui ?
Comment puis-je écrire ?
En trouvant un art d’écrire entre les lignes des choses qui viennent de mon fond, et communiquer une énergie saine qui renvoie à mon monde intérieur.
Pour citer cet éco-texte poétique, illustré & inédit
Camillæ ou Camille Aubaude, « La philosophie est un voyage. À propos de L'être et la mer. Pour un existentialisme écologique, Corine Pelluchon, Presses universitaires de France, 2024, 304 p., 21€ », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événements poétiques | NO II Hors-Série | Festival International Megalesia 2025 « Rêveuses » & « Poésie volcanique d'elles », mis en ligne le 29 avril 2025. URL :
Crédit photo : Peinture tombée dans le domaine public : « Allégorie de la Patience » de l'artiste peintre Vasari, Capture d'écran glanée sur Wikipédia.
Il m’arrive de trébucher sur un mot et de chuter de tout le long de mon esprit sur un cadavre exquis.
Car comment émerger de ce fatras où les mots nous enferment ?
Prisonniers de nos pensées, nous nous heurtons aux barreaux des concepts que nous avons nous-mêmes forgés avec la minutie et la circonspection d’un jeu de patience.
Patience, voilà ce mot est lancé comme un os à un chien !
Patience, ce mot a-t-il encore tout son sens dans la furie de ce monde qui a perdu tout repère ?
D’après son étymologie latine, patientia renvoie à la souffrance. A-t-on vraiment envie d’endurer aujourd’hui cette dernière même si selon Tertullien, la patience est une vertu universelle ?
Je me souviens de ce dicton, repris en chœur par une kyrielle de femmes de mon entourage « Il faut souffrir pour être belle »... Être belle pour qui ?
En quoi la patience devrait-elle être souffrance si elle a partie liée avec la réflexion, voire la méditation selon certains philosophes, tel Aristote ?
Sans doute parce qu’elle contient en elle, l’idée intemporelle d’une attente. Une « attente » à la Godot comme celle que l’on pressent dans la pièce de Samuel Beckett. Une attente qui ne mène qu’à la dissolution lente mais inéluctable de soi. Une attente, en forme de parenthèse plus ou moins longue entre notre naissance et notre mort. Voilà en quoi réside cette patience, attendre le mot de la fin qui mettra un point final à notre existence et à ses élucubrations conceptuelles.
Car la mort échappe à tout concept, elle les emporte pour les annihiler dans cet incommensurable chaos du silence où l’esprit le plus avisé en perd jusqu’à son latin.
Patientia n’est autre que cette fausse sœur qui nous tient dans cette attente où jamais rien n’arrive ou se passe, elle hait l’inattendu et a horreur de défier le temps, elle le laisse nous épuiser jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Françoise Urban-Menninger, « Patientia », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : HIVER-PRINTEMPS 2025 | NO I « Inspiratrices réelles & fictives », 1er Volet, mis en ligne le 27 janvier 2025. URL :
RÉCEMMENT, LE SITE « PANDESMUSES.FR » A BASCULÉ EN HTTPS ET LA DEUXIÈME PHASE DE SA MAINTENANCE PRENDRA DES MOIS VOIRE UN AN. NOTRE SITE A GARDÉ SON ANCIEN THÈME GRAPHIQUE MAIS BEAUCOUP DE PAGES DOIVENT RETROUVER LEUR PRÉSENTATION INITIALE. EN OUTRE, UN CLASSEMENT GÉNÉRAL PAR PÉRIODE SE MET PETIT À PETIT EN PLACE AVEC QUELQUES NOUVEAUTÉS POUR FACILITER VOS RECHERCHES SUR NOTRE SITE. TOUT CELA PERTURBE ET RALENTIT LA MISE EN LIGNE DE NOUVEAUX DOCUMENTS, MERCI BIEN DE VOTRE COMPRÉHENSION !
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N° III | ÉTÉ 2025 / NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES » | 1er Volet | Muses & Poètes... | Florilège & REVUE ORIENTALES (O) | N° 4-1 | Créations poétiques De ce nous Poème-lettre en prose par Dina Sahyouni Crédit photo : Barbara Regina Dietzsch (1706-1783),...
N° III | ÉTÉ 2025 / NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES » | 1er Volet | Critique & réception | Revue poépolitique & REVUE ORIENTALES (O) | N° 4-1 | Critiques poétiques & artistiques Salah Oudahar, « Ce pays d'où tu viens – Les galets de l’oubli » : la poésie...
N° III | ÉTÉ 2025 / NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES » | 1er Volet | Actions pour l'égalité des sexes [publication numérique uniquement du texte] & REVUE ORIENTALES (O) | N° 4-1 | Varia & Actualité Prix Littéraire Dina SAHYOUNI (5ème édition pour le 8 mars...