16 mars 2025 7 16 /03 /mars /2025 17:52

Événements poétiques | NO II Hors-Série | Festival International Megalesia 2025 « Rêveuses » & « Poésie volcanique d'elles » | II — « Poésie volcanique d'elles » / Le Printemps des Poètes | Florilège | Astres & animaux / Nature en poésie 

 

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Séisme des consciences

 

 

en terres de certitudes

 

 

 

 

 

 

Poème en prose par

 

Nataneli

 

 

 

Crédit photo : « Torre del Greco distrutta nel », 1794, "vue du Vésuve en éruption", peinture de nature morte tombée dans le domaine public, capture d'écran de la photographie libre de droits du site Common.

 

 

Séisme des consciences en terres de certitudes. 

Étouffé de contraintes le monde tremble, crache, éructe sa lassitude. La secousse est violente, impressionnante et insolente. Les esprits cherchent à se libérer de leurs roches enferrées. Le long de failles étouffées mais déjà présentes s’ouvre alors, une brèche proéminente. Et soudain, partout, des volcans de doutes se réveillent, leurs voix grondent en écho de nos jugements superficiels. Le ventre de l’océan se soulève, un tsunami emporte les monuments d’évidences, une lame de fond écume les lèvres. Une crête de cœurs infirment s’alignent alors, sur des mines en lignes. Soudain, une explosion déchire la chair de nos égocentriques égocentrismes. On vomit nos tripes. Quelques vieux spectres résistent et s’agrippent aux constructions effritées de nos stéréotypes. Les dégâts sont nombreux en terre d’humanité. La bouche pleine de cendres, bourreaux munis de faux mots, victimes de nos maux, nos paroles se déforment. La voix sableuse, suspendue aux vides des verbes qui défaillent, nous cherchons alors, du bout de nos langues, les lettres où accrocher cet infini espoir qui nous assaille. Allons fouiller dans nos obscures subjectivités abyssales pour en extraire la roche de l’authentique sémantique. Peut-être qu’en vérité, l’espoir est fait d’une chaîne de questions ? De cratères d’expériences aux profondes causes ? Peut-être que la naissance d’un lac dans un maar est l’évidence que la déconstruction d’une nature permet faire naître l’improbable. On a déjà vu éclore, dans les plus improbables recoins, des fleurs de coquelicots et même des boutons de roses. Rappelons nous que la beauté de la vie trouve toujours son chemin. 

 

 ©Nataneli 

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Pour citer ce poème en prose engagé & inédit

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Nataneli, « Séisme des consciences en terres de certitudes », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événements poétiques | NO II Hors-Série | Festival International Megalesia 2025 « Rêveuses » & « Poésie volcanique d'elles », mis en ligne le 16 mars 2025. URL : 

https://www.pandesmuses.fr/megalesia25/noii/nataneli-seisme

 

 

 

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17 février 2025 1 17 /02 /février /2025 18:12

N° I | HIVER-PRINTEMPS 2025 | INSPIRATRICES RÉELLES & FICTIVES | 1er Volet | Critique & réception | Dossier mineur | Articles & Témoignages | Astres & animaux | Nature en poésie 

 

 

 

 

 

 

 

Vagabondages lyriques & romantiques

 

du poète Stephen Blanchard

 


 

 

 

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Critique par

 Dina Sahyouni

Poétologue, fondatrice & présidente de la SIEFEGP & de ses périodiques

 

 

 

Crédit photo : Chen Shu, « Wisteria and Rose », peinture tombée dans le domaine public, capture d'écran d’une image libre de droits.  Photographie temporaire en attendant la première de couverture illustrée du recueil de poèmes à paraître en mars 2025.

 

 

 

Ce vingt-septième recueil de poésie classique du poète Stephen Blanchard (à paraître en mars 2025) s'inscrit dans le mouvement lyrique de la poésie romantique française et européenne. Il réactive par ses multiples invocations aux muses et aux figures du poète romantique, bucolique et lyrique le succès de la poésie romantique française, sa puissante charge symbolique auprès du lectorat et sa force créative et émotionnelle. Le poète y versifie ses vagabondages lyriques, bucoliques et romantiques sous la forme d'un périple élégiaque et extra et « métapoétique ». Ce périple méditatif et introspectif par le biais des poèmes, quarante et un précisément, peut avoir lieu grâce aux vagabondages de la plume svelte du poète lyrique, voyageur et navigateur. Or, ce choix de revenir vers la poésie romantique classique pour s'y abreuver et y retrouver sa puissance créative démontre à quel point la poésie romantique classique et lyrique reste indémodable indépendamment de sa valeur poétique sûre, en ce siècle-ci, elle continue d'être le refuge ultime des artistes de la poésie et l'une des sources de leur force créative.

Le poète Stephen Blanchard, ce Chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres, ce messager et mécène infatigable de la poésie, qui n'est plus vraiment à présenter au lectorat, a déjà acquis plusieurs titres prestigieux et a pu faire connaître en France et ailleurs dans le monde sa passion pour la poésie et son fervent engagement à la défendre, toutefois sa poésie, qui regorge de richesses insoupçonnables, demeure à découvrir métamorphosée, ravivée dans les flammes de l'Olympe poétique dans chacun de ses nouveaux recueils. Et ce vingt-septième recueil n'y échappe pas. Il a ainsi habitué, au gré des années, son fidèle lectorat aux nombreux travestissements et métamorphoses poétiques de sa plume.

Ce recueil composé de quarante et un poèmes lyriques composés de quatre quatrains pour chacun d'entre eux, sauf un, oui, un poème échappe à cette éternelle ritournelle poétique pour nous offrir un sonnet traditionnel en deux quatrains suivis de deux tercets dans le poème-clé pour la compréhension de cet ouvrage (ou plutôt sa colonne vertébrale) « Dans mon jardin secret » où le poète confesse son doux plaisir de poétiser en usant de la métrique comme l'alexandrin et des rimes féminines et masculines comme les rimes croisées. En fin poète, il entremêle les saveurs, sens et sonorités des mots dans une synesthésie romantique pour déployer ses ailes du poète lyrique. Il nous avoue avec une infinie délicatesse son amour impondérable de la poésie qui le met à nu, lui procure « le bonheur parfait » et le « désarme » par ses richesses, musiques et beautés.

Le schéma du recueil actuel dessine un carré poétique presque parfait puisque le poème « ce soir, je fais le point » revient en une variante pour former quarante et un poèmes au lieu de quarante et le poème sonnet fait l'exception à la règle de quatre quatrains symbolisant les quatre éléments naturels de l'univers : la Terre, l'Eau, l'Air et le Feu. Le poème sonnet déploie le vœu du poète de trouver dans le sonnet le cinquième élément de l'univers et qui représente la poésie... Ainsi, ce carré poétique presque parfait symbolise – d'après plusieurs poèmes décrivant le processus de la versification classique – la finitude et difficultés du poète lyrique et romantique en quête de la versification rimée parfaite.

 

Ce poète traite de la poésie, en parle en vers, en strophes, en poèmes, en oxymores, en rimes et métriques, c'est ce que des spécialistes de poésie nomment de la « métapoésie » (voir par exemple au sujet de la « métapoésie » les recherches de Pascale Gaulin, tout particulièrement sa thèse intitulée « Métapoésie et poésie française au XXe siècle », Université d'Ottawa, Canada). En fait, comme bien d'autres poètes de tous les genres et cultures, Stephen Blanchard est un métapoète, autrement dit, un poète dont le thème principal est la poésie, ses contrées et rôles en lui et hors de lui. Il est un métapoète parce qu'il se focalise aussi sur les types et portraits des poètes et le processus de la création poétique, ses sources d'inspirations externes et internes On retrouve également ce même sujet de prédilection dans des œuvres poétiques de plusieurs de nos contemporains et contemporaines (je souligne par exemple les ouvrages de Camille Aubaude, Françoise Urban-Menninger et Maggy de Coster).

Le poète s'adonne dans ce recueil à la poésie classique, s'embarquant au fil de la métrique et des rimes vers des contrées lointaines et intimes de son for intérieur. Inlassablement, en découvreur, en voyageur, il tisse tel un navigateur les fils de ses aventures pittoresques. Dans les sillages de ces vagabondages lyriques, on découvre plusieurs facettes du poète et des figures mondaines des poètes. Ses poèmes satiriques par exemple dressent des portraits différenciant les vrais des faux poètes dans entre autres : « Je connais les poètes », « Le destin du poète » et « Le poète n'a plus sa fougue ». Il se confesse aussi individuellement pour mieux nous faire rencontrer les poètes tels qu'ils sont : des messagers, prophètes, visionnaires, maudits, tourmentés, philosophes, enfants terribles, etc. Et il y explore non seulement sa solitude du poète face au monde et l'au-delà mais il nous entraîne peu à peu en alternant les oxymores formés grâce aux adjectifs, adverbes, vers entiers, strophes entières et de poèmes entiers d'affects tristes et joyeux dans un périple lyrique et universel du poète éthique face à lui-même, à son insuffisance, à sa finitude d'humain et d'artiste des mots et des sons éphémères.

C'est en revisitant toutes ou presque toutes les figures du poète qu'il arrive à transformer ce périple individuel en odyssée universelle de n'importe quel artiste authentique de la poésie vivant d'ombres et de lumières, de joies et de peines, de pages blanches et colorées, de pages vides, d'attentes et de pages pleines dues aux déluges des mots et vertiges émotionnels.

Ce recueil de poèmes est assez représentatif du romantisme lyrique grâce aux thèmes et vocabulaires caractéristiques du romantisme et du lyrisme de ses poèmes (voir par exemple « J'ai mal de vivre », « Je me souviens », « Le dernier passage » « Sous  mes vers esseulés » etc. pour une présentation du « Romantisme », je vous renvoie à l'article « Romantisme » par Henri Peyre dans le Dictionnaire des genres et notions littéraires, Nouvelle édition augmentée, préface de François Nourissier, Paris, éditions Encyclopædia Universalis et Albin Michel, collection Encyclopædia Universalis, 2ème édition, 2001, pp. 736-756).Les thèmes récurrents abordés par ce métapoète lyrique et romantique sont le for intérieur, la vie intérieure, les états d'âme du poète (cf. : « Au gré de mes humeurs, ma plume vagabonde » dans le poème intitulé « Au fil du temps », le bonheur, la mélancolie, la poésie, la poétisation, la versification, la quête de la rime heureuse, de la belle métrique, des poèmes courts et élégiaques nous dévoilent la complexité de l'âme romantique, lyrique du poète tourmenté par ses amours, passions, sensations, sentiments et affects comme dans le poème « Dans mon jardin secret » où on le retrouve enivré par la poésie entonnant : « Je sillonne les champs avec la rime en fleur »

C'est une rime printanière, une rime bourgeonnante, enfantine, espiègle pleine de rondeur et d'ingéniosité. « Dans son jardin secret », il se dévoile solitaire, fragile, romantique, engagé et vivant dans l'obstination, en quête de la Muse salvatrice qu'il invoque et s'en enivre tour à tour. Cette énième « Muse », inspiratrice, célébrée en fanfare de rimes, cette aurore du bonheur qu'il aperçoit enfin dans le dernier poème qui clôt le recueil sur une note d'espoir, sur le bonheur d'être un faiseur de poèmes, un aède d'autres temps, un troubadour d'antan et un citharède d'autrefois au chevet de la poésie dans « Quel ravissant bonheur » : le seul soleil qui réchauffe son cœur et lui apporte tout l'amour et le bonheur dont il a besoin dans ce monde. Sa soif de mots s'étanche grâce à l'amour de la poésie et l'amour de versifier. La poésie est l'amour et l'amour n'attend pas, il se vit comme il se savoure, le voici esquissant son autoportrait du poète en citharède :

 

Qu'importe les douleurs quand brûle tant d'amour

Si l'indicible mot me rend trop solitaire,

Car le vers luit en moi comme un vrai troubadour

Captivé par les sons de son luth solitaire.

 

 

Le poète Stephen Blanchard se métamorphose donc dans ce métapoème en citharède romantique du XXIe siècle s'embarquant sur son voilier solitaire de la poésie lyrique et romantique, chantant en métrique et en rimes la beauté et la grâce volcaniques des mondes poétiques externes et internes allant jusqu'à l'exploration géopoétique des confins les plus secrets de son être.

Lisez-le, il vous emporte dans sa belle quête lyrique et authentique de l'amour des Muses. Lisez-le en savourant lentement son doux-amer périple lyrique.

 

 

© Dina Sahyouni, 31 janvier 2025, cet article issu d'un projet de préface du recueil de poèmes devient par une impérieuse nécessité éditoriale une réception brève de l'ouvrage à paraître. Bonne lecture !

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Pour citer ce texte inédit en avant-première autour du lyrisme romantique

 

Dina Sahyouni« Vagabondages lyriques et romantiques du poète Stephen Blanchard », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : HIVER-PRINTEMPS 2025 | NO I « Inspiratrices réelles & fictives », 1er Volet, mis en ligne le 17 février 2025. URL :

https://www.pandesmuses.fr/noi2025/ds-vagabondages
 

 

 

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30 janvier 2025 4 30 /01 /janvier /2025 14:52

N° I | HIVER-PRINTEMPS 2025 | INSPIRATRICES RÉELLES & FICTIVES | 1er Volet | Critique & réception | Dossier mineur | Articles & Témoignages | Astres & animaux / Nature en poésie

 

 

 

 

 

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Méas Pech Métral, « Nuages»,

 

 

préface de Sophie Davant, ​​​​​Éditions

 

du Cygne, 2024, 90 pages, 15€

 


 

 

 

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Texte par

Maggy de Coster

 

Site personnel

Le Manoir Des Poètes

 

 

 

© Crédit photo : Première de couverture illustrée du recueil de poèmes de Méas Pech Métral, « Nuages », Éditions du Cygne, 2024.

 

 

Méas Pech Métral transforme ses maux en parcelles de rêves qu’elle cultive à travers les pages de ce recueil de poèmes. Elle leur donne du sens en les transformant en une source limpide dans laquelle elle invite ses lecteurs à s’abreuver. 

 

Elle habite la langue de Molière comme elle habite La France, son pays d’accueil. Elle est la preuve vivante que l’amour d’une langue d’adoption peut être aussi fort que l’amour de sa langue maternelle. Donc, écrire dans une langue est une question de confort et d’aise. Aussi, le français se révèle-t-il pour elle un idiome dans lequel elle s’épanouit en donnant corps à ses pensées, ses fantasmes, ses lubies, ses manques, ses peines et ses joies. Il lui a sans doute insufflé une seconde vie. 

Elle s’est réconciliée avec elle-même en recouvrant sa part d’humanité sacrifiée, quand, enfant, elle affronta les souffrances imposées par les Kmers Rouges. 

Aussi nous délivre-t-elle ce message, en signe de liberté retrouvée :

 

« Courir le soir dans le noir

Dans l’ombre sous les lumières

Au bord de la Seine en hiver. »

 

L’univers de Méas Pech Métral est un univers coloré, multiforme, hétérogène. Rimbaud et Verlaine ne sont jamais loin, ils ne quittent jamais ses pensées. 

Elle est cette fille attachante au cœur tendre dont les souvenirs résonnent dans la tête comme le son persistant d’une cloche qu’on martèle.

 

«  Tu es venue hier

Magicienne dans un cirque d’hiver

Tu as changé mon univers. »

 

Elle est animée par l’envie, la force de vivre et le dépassement de soi. C’est une âme aguerrie qui vole plus haut que les nuages. 

Dans ce recueil de poèmes sont consignés des amitiés qui se tissent, des liens fugaces, des espoirs avortés et aussi des manques : 

 

« Le manque est partout

Et partout, quelqu’un manque à quelqu’un. »

 

Sur ces manques se greffent des nuages car elle nous rappelle que:

 

« La  vie comme les nuages

Qui passent et repassent

Et les nuages c’est jamais les mêmes. »


 

Son champ onirique est vaste et peuplé d’êtres ailés comme les oiseaux, les papillons, de belles âmes, à part les bardes français comme Rimbaud, Verlaine, Hugo, Apollinaire, il y a aussi des personnes vivantes avec lesquelles elle a des atomes crochus, comme Mélissa qui lui a promis « des rêves et des voyages » et aussi Gabrielle dont les fleurs sont des émules. 

Une poésie habillée de rêves. 

 

© Maggy DE COSTER

 

URL de référence aux éditions du Cygne :

https://www.editionsducygne.com/editions-du-cygne-meas-pech-metral.html


 

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Pour citer ce texte illustré & inédit

 

Maggy De Coster« Méas Pech Métral, « Nuages », préface de Sophie Davant, Éditions du Cygne, 2024, 90 pages, 15€ », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : HIVER-PRINTEMPS 2025 | NO I « Inspiratrices réelles & fictives », 1er Volet, mis en ligne le 30 janvier 2025. URL :

https://www.pandesmuses.fr/noi2025/mdc-mpm-nuages

 

 

 

 

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31 octobre 2024 4 31 /10 /octobre /2024 14:38

N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Critique & réception / Chroniques cinématographiques de Camillæ | Matrimoine poétique | Poésie audiovisuelle & REVUE ORIENTALES (O) | N° 4-1 | Dossier

 

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Maternité éternelle

 

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Critique & images

Camillæ/Camille Aubaude

https://everybodywiki.com/Camille_Aubaude

Blogue officiel :https://camilleaubaude.wordpress.com/ 

 

 

© Crédit photo : Image de l'affiche officielle du film japonais « Maternité éternelle », no 1.

 

 

  • Chibusa yo eien nare
  • 1955
  • Film de Kinuyo Tanaka · 1 h 50 min · 16 février 2022 (France)

Genres : DrameRomance

 

Pays d'origine : Japon

 

Hélène Frappat anime un ciné club au MK2 Beaubourg. Ces films illustrent la réflexion de cette écrivaine contemporaine sur la spécificité féminine dans l’art.

 
Le chef-d’œuvre de Kinuyo Tanaka Ô mes seins devenez éternels est traduit par Maternité éternelle. Il met en scène de façon dramatique la biographie d’une immense poétesse, Fumiko Shimojô. Une copie restaurée est projetée et commentée le 14 octobre. Ce film n’a jamais été montré à la cinémathèque de Chaillot où j’ai vu dans les années 1980 la plupart des chefs-d’œuvre du cinéma japonais, sauf celui-ci, alors qu’il aurait mieux accompagné que tous les autres ma vie de femme. J’ai longtemps eu chez moi une grande affiche de Tanaka (sur mon chauffe eau…). Je la voyais tous les jours, sans savoir que l’actrice fétiche de Mizoguchi a réalisé encore cinq autres films,  jamais montrés dans les rétrospectives du cinéma japonais. Hélène Frappat nous apprend que Mizoguchi téléphonait aux producteurs pour leur demander de ne pas financer les films de Tanaka, une actrice aussi célèbre au Japon que Marlène Dietrich. 


Maternité éternelle exalte la douleur d’une mère de deux enfants, un garçon et une fille, écrasée par un époux au chômage. L’homme exploite à fond sa femme pour élever les enfants, eux aussi tyranniques envers leur mère. Il moque avec vulgarité l’intérêt que manifeste sa femme pour la poésie dès qu’elle a un instant de libre. Au retour de son club de poètes, elle le surprend avec une autre femme. Alors qu’elle est frappée de stupeur, puis s’effondre en larmes, le mari lui signifie qu’une bonne épouse doit valoriser son mari et fermer les yeux sur ses infidélités. Ce type de diktat se lit encore en 2024 sous la plume du romancier japonais Murakami.

 
Ce film a sombré dans l’oubli et aurait dû y rester à cause de la mentalité despotique des hommes sur les femmes qu’il expose avec la somptueuse élégance d’une poésie écrite dans les étoiles. Le ressortir est l’acte de naissance d’un couple magnifique, celui de Kinuyo Tanaka, réalisatrice, et de Fumiko Shimojô, autrice de tankas, une forme brève de poésie japonaise. En conciliant deux choses inconciliables, Maternité éternelle construit des passerelles vers une autre intelligence de l’art. 

Présenté comme le chef d’œuvre de Tanaka, cette vie d’une poétesse de tankas (forme brève) exprime des choses d’une importance considérable qui mériteraient une thèse. Je note que la notion de chef d’œuvre se colore aujourd’hui  des thèmes de la féminité dans l’expression artistique. Un chef-d’œuvre de femme signifie encore « moins bon » qu’un chef d’œuvre dû à un homme. Hélène Frappat nous apprend au cours du débat qu’Alfred Hitchcock a violé une de ses principales actrices, Tippy Heydrey. Cette tension qui ne se lâche jamais entre les violences des censeurs et les œuvres de femmes engendre un mal-être. Les femmes telle Fumiko Shimojô qui doivent écrire en cachette de leur conjugalité, voient leur expression fragilisée, tandis que les censeurs sont injustement honorés — pensons à Stendhal plagiant Claire de Duras. Désigner un « chef d’œuvre de femme » est fait dans l’esprit de protéger des œuvres rendues « vulnérables » et déséquilibrées par la ségrégation sociale mais en fait très fortes. 


La lecture d’Hélène Frappat est nouvelle et invite à d’autres lectures  « amicales ». Il ne s’agit pas de faire preuve d’une quelconque habileté, encore moins de manipuler pour dominer. En revanche, les scènes fortes se succèdent, autant pour s’attacher aux racines de la psyché féminine que pour s’en libérer. Après les scènes de la joie de vivre avec des enfants à la campagne, Tanaka montre les corps morts qui sont conduits hors de l’hôpital où souffre la poétesse aux seins coupés1 ; les lamentations et les soins des morts s’inscrivent dans l’ordre cosmique. Les allusions des commentaires d’Hélène Frappat fabriquent un rapport furtif et assuré, nuancé et profond avec l’œuvre. Elles reconstruisent un corpus filmique dévalorisé au profit de la violence virile2. Les concepts inhérents à nos formations laïques sont temporaires, et à présent, ils ont l’atout de ne plus rejeter les clartés de la mystique. 

 

Souffrir pour venir au monde, souffrir pour écrire. La poétesse est celle qui n’est pas vue, alors que ses poèmes font corps avec sa propre vision. Son corps est politique, les seins sont censés faire d’elle une femme, et Hélène Frappat considère la scène dans la baignoire où Fumiko montre ses seins coupés à une autre femme comme un « moment de subversion totale ».

 

 

© Crédit photo : Image prise du film japonais « Maternité éternelle », no 2.

 

 

Après l’opération, alors qu’elle se meurt, Fumiko vit une passion charnelle avec un journaliste de Tokyo qui a fait l’éloge de sa poésie tout en annonçant la mort certaine de la poétesse. C’est donc par la presse qu’elle apprend que le cancer du sein a atteint les poumons. L’insistance du journaliste pour obtenir des poèmes peut paraître morbide mais Fumiko y consent. La demande de ce bel homme venu de Tokyo profite à Fumiko, lui donne un surcroît d’existence. L’éternel féminin fait résonner dans ses poèmes portés par les sublimes images de Tanaka une langue commune à toutes les femmes. La notion de Goethe, magnifiée par Nerval sous les traits de la déesse Isis, s’allie à un autre grand thème : la maladie. L’engagement dans l’œuvre est acceptation de la mort. De toutes façons, c’est l’omniprésence de la mort qui fait penser l’écriture. 

Par l’amour et l’œuvre poétique, la mort de Fumiko est le témoignage éternel de la poésie. Elle est le contraire de la mort de toutes les femmes qui doivent mourir dans les œuvres des hommes (voir mon Voyage en Orient), car elle ajoute au célèbre « désespère et meurs » de Chatterton, au sujet du poète, la maternité éternelle.


 

​​​​​​​​​© Crédit photo : Image romantique d'un couple japonais amoureux, no 3.

 

 

Chaque génération entretient avec ses moyens la fatale phobie des sexes en croyant tout réinventer. Ce n’est qu’une guerre de plus. À Hokkaido, le mode de vie de Fumiko est rural. La chirurgie paraît primitive. Or c’était il y a soixante-dix ans... Le groupe de poètes semble être le seul espace social l’égalité entre hommes et femmes est encouragée. L’intégration des femmes à une communauté réelle est suspendue à un idéal. 

 

À présent, la génération des « Malcontentes » est prise dans une nébuleuse qui s’élève et s’abaisse en étant surtout happée par les faits dérisoires. Sortie du ghetto, la thématique des femmes retombe dans les clichés, s’enfonce dans des spéculations intellectuelles qui déclinent sous les formes presqu’outrancières la haine de soi. On croit inventer des lois qui n’ont pas la hauteur et l’à propos des lois de Charlemagne dans ses Capitula, qu’il faudrait connaître. 

Et quelles images fabriquons nous ? La mise à nu de quelques rouages de la mécanique sociale du patriarcat fixe des mirages qui contiennent les germes de l’échec, comme le montre d’El Topo (1970). Inversement, au moment où la poétesse Fumiko doit être un cadavre, elle est tout sauf un cadavre. La magie s’accomplit. 

Ce qui renvoie à l’actuel procès Pélicot, ultra médiatisé. La plaignante fut réduite à l’état de « belle endormie », autre grand thème illustré par Blanche Neige, et elle réussit à imposer au monde sa parole, comme une manière de star…

 

 

© Camille Aubaude

 

Notes


1. Du même registre que la langue coupée de la Princesse grecque Philomèle dans les Métamophoses d’Ovide, reconnue par les féministes américaines de la fin du XXè siècle comme l’allégorie de la poétesse privée de langue. Voir au Pan poétique des Muses le numéro hors série dirigé par Camille Aubaude sous le titre Tant de Philomèles en ce monde… voir http://www.pandesmuses.fr/2016/03/philomele.html et http://www.pandesmuses.fr/2016/03/table-des-matieres-du-n-4.html.

 

2. Le MK2 Beaubourg joue en même temps que le chef d’œuvre oublié de Tanaka tous les films d’Alejandro Jodorovsky. Je suis sortie presqu’au milieu d’El Topo (1970), et si j’ai regardé si longtemps ce spectacle d’horreurs, c’était dans l’espoir qu’elles s’arrêtent, puisqu’il s’agit d’un « saint » qui « s’engage dans la libération d’une communauté de parias » ;  le propre fils du cinéaste âgé d’environ sept ans traverse à dos de cheval un village massacré (empalement, éviscération, et tutti quanti). Un colonel a une très belle servante sexuelle qu’il offre comme « des restes » quand il s’en lasse à des mercenaires aux faces cauchemardesques. Des prêtres sont violés et maquillés avec leur sang. Etc., etc. Cette complaisance dans la barbarie est justifiée par une critique sociale colorée de mystique. John Lennon et Yoko Ono ont produit ces imbéciles outrances.

 

Ce film et cet article relèvent de la notion « Matripoétique » (DS.), réf. URL. http://www.pandesmuses.fr/no12/matrimoinepoetique22/ds-matripoetique

© LPPDM

 

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Pour citer cet article féministe & engagé

 

Camille Aubaude (critique & images), « Maternité éternelle », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : AUTOMNE 2024 NUMÉRO SPÉCIAL | NO IV | « Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) », 1er Volet, & Revue Orientales, « Déesses de l'Orient », n°4, volume 1, mis en ligne le 31 octobre 2024. URL :

http://www.pandesmuses.fr/periodiques/orientalesno4/noiv/ca-materniteeternelle

 

 

 

 

 

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26 octobre 2024 6 26 /10 /octobre /2024 17:18

Événements poétiques | Charmille de Poèmes pour Toutes à l'École & La Journée Internationale des Droits des Filles & N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Florilège | Poésie & littérature pour la jeunesse

 

 

 

 

 

 

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Les pieds ont une pointe

 

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Métapoème par

 

Monique Charles-Pichon

 

Agrégée de philosophie, docteur en psychologie,

autrice, romancière & poétesse

 

 

 

 

Crédit photo : Alice Pike Barney, « Ballerine », peinture à l'huile tombée dans le domaine public, capture d'écran de l'image libre de droits du site Commons.

 

 


 

Les pieds ont une pointe

D’ironie

Le petit rat le sait

Qui fait la toupie

Le corps corseté

La grâce amidonnée

Prise au piège

 

 

 

Crédit photo : Alice P Ballerine, Спящая_красавица, capture d'écran de l'image libre de droits du site Commons.

 

© Monique Charles-Pichon.

 

 

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Pour citer poème lyrique & inédit

 

Monique Charles-Pichon, « Les pieds ont une pointe », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Évènement poéféministe 2024 | « Charmille de Poèmes pour Toutes à l'École & La Journée Internationale des Droits des Filles 2024 » & AUTOMNE 2024 NUMÉRO SPÉCIAL | NO IV | « Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) », 1er Volet, mis en ligne le 26 octobre 2024. URL :

http://www.pandesmuses.fr/11octobre24/noiv/mcp-unepointe

 

 


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