26 août 2021 4 26 /08 /août /2021 13:56

 

N°8 | Dossier majeur | Florilège de poétextes

 

 

 

 

 

 

 

Chagrin

 

 

 

 

 

Sarah Mostrel

 

Site : https://sarahmostrel.wordpress.com 

Facebook www.facebook.com/sarah.mostrel

 

 

 

© Crédit photo : Sarah Mostrel, portrait illustrant le poème "Chagrin", peinture inédite.

 

 

 

La vieillesse est un naufrage

Le retour à un autre âge

Et ce changement de page

Est terrible pour qui le vit

 

 

Pour les aidants aux alentours

Ceux qui n’ont que de l’amour

À donner, à partager

C’est bien souvent l’impuissance 

 

 

Tenant à la vie d’avant

Ils tentent d’atténuer

La déchéance du corps 

Quand ce n’est celle de l’esprit

 

 

Mais on ne peut soulager

La décote, les empêchements

Le regard sur soi soudain

Quand les organes se délitent

 

 

Les maladies s'amoncellent

Elles s’ajoutent, se font la guerre

Traitements incompatibles

Médications inutiles

 

 

La liste est interminable

La nuit et puis en journée

Que de pilules à avaler

On se fie au semainier

 

 

Ce pourrait être bien pire

Alors on ne sait que dire

On aimerait apaiser

Adoucir les maux immondes, mais comment ?

 

 

Quelle tristesse, la sénescence 

C’est une laide décadence

Qui nous amène au passage

Vers une autre réalité

 

 

La fatale parabole

La courbe à l’allure folle

Emporte sans ciller

Ceux qu’on voudrait éternels…

 

 

©S. Mostrel

 

 

***

 

Pour citer ce poème 

 

Sarah Mostrel (peinture & poème inédits), « Chagrin », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques :  N°8 | Été 2021 « Penser la maladie & la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, ​​​​mis en ligne le 26 août 2021. Url :

http://www.pandesmuses.fr/no8/sm-chagrin

 

 

 

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LE PAN POÉTIQUE DES MUSES - dans Numéro 8 Muses et féminins en poésie
25 août 2021 3 25 /08 /août /2021 12:20

 

N°8 | Bémols artistiques | Revue culturelle d'Europe 

 

 

 

 

 

 

 

Aphrodite Fur met le paquet

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Critique d'art, écrivain, poète & professeur à l'Université de Chambéry

 

 

 

 

Chez  Aphrodite Fur, sculptures phalliques ou empreintes ovariennes, animées ou non, vidéos faussement (ou franchement) équivoques ont toutes un air de famille. De tels lieux manifestent une communauté d’esprit pour placer le voyeurisme sur d’autres gonds. Histoire de créer – par grincements – d’autres ouvertures. L’absence de couleur (vidéos en noir et blanc), humour, légèreté font flotter les corps.

 

 

Aphrodite Fur travaille toujours par tâtonnements, abandons et surtout trouvailles. Être belle de cas d’X n’est pas donné selon les canons représentatifs officiels. Avec l'artiste, elle évolue en puissance de feu.

 

 

L’œuvre devient un grand jeu de Mikado dans lequel l’artiste pioche tasseaux ou blocs de corps pour le chorégraphier dans l’espace. Non seulement elle dessine dans l’espace mais « de » l’espace. La matière ou le corps aménage un solécisme et une farce dérégulée des normes voire de la convention de nos sens. Aphrodite Fur écarte l’orthonormie, réévalue différents élans. Il n’existe qu’un ordre à adresser au voyeur : gare  à la chute ! Car il lui faut réapprendre à avancer là où l’éros ne marche plus au pas militaire mais militant.

 

 

À sa manière Aphrodite Fur emmène les ogres voyeurs dans son mystère : elle leur fait bander les yeux sans les faire forcément rêver dans un espace érotique qui  ne se veut pas forcément pur. Bien au contraire. Même si le regardeur fantasme l’artiste lui fait boire une potion « magique  qu’il n’attend pas.

 

 

Par ailleurs en dépit de ses dépôts et dépositions, il y a loin de l’artiste à ses voyeurs anonymes. Son corps reste une lointaine terre d’Afrique. Nul  ne connaîtra ses secrets. Juste ses dépôts et dépositions.Désormais elle joue de ses collants pour que leur peuple intérieur chevauche les ogres. Qu’importe si la fusion dans le réel n’est pas au rendez-vous.

 

 

Les filles du futur font partie d’Aphrodite Fur. Certes les ogres voulurent retirer ses collants : mais elle les étire elle-même. Et comme l’escargot sortant les cornes elle débouche de sa coquille – mais juste ce qu’il faut. Et à sa propre mesure. Existe une chaleur accablante selon les experts. Nul ne peut en douter même si l’artiste brouille les cartes. Et surtout garde l’atout.

 

 

Ses collants comme ses menstrues engendrent un recueillement, une attente. Ses photographies s’enchaînent comme des répliques où Aphrodite Fur glisse muette.  Qui attendre ? Qui attend-elle ? lorsqu’elle tire les fils de ses collants comme ceux de rideaux.

 

 

Elle n’a plus besoin de déplier ses raisons. Au maelstrom d'émotions elle préfère l’ironie. Ses mains jointes l’artiste les défait. Elle rappelle qu’elle n’est jamais aussi proche de quelqu’un que de ses collants ou de ses "pertes" pas forcément blanches.

 

 

Et elle sait qu’on est rien, à personne. Qu’aucun ogre ne vole au secours de quelqu’un. Elle laisse sourdre une suite de batailles par déboîtement d’ombres et de lumières. Elle est louve désormais. Plus question à l’ogre de se jucher sur son dos sans qu’il apprenne le morse de la créatrice  lorsque la lampe s’éteint.

 

 

Reste la rutilance des collants noirs sur son corps. La toison se soupçonne. Surgit la limite de  son territoire. Et plus loin les sacs où elle recueille son sang.

 

 

La fine silhouette aux hanches étroites et qui ressemble malgré son âge à une enfant sait que son  fantôme ne change pas. Il se charge. Il dit :  « Viens par là ».  Que faisons-nous alors ?  La rencontre demeure impossible,  le seuil infranchissable.

 

© J.P. Gavard-Perret

 

 

À lire aussi sur l'artiste Aphrodite Fur : 

 

 

***

 

Pour citer ce texte sur l'artiste Aphrodite Fur

 

Jean-Paul Gavard-Perret, « Aphrodite Fur met le paquet », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques :  N°8 | Été 2021 « Penser la maladie & la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, ​​​​mis en ligne le 25 août 2021. Url :

http://www.pandesmuses.fr/no8/jpgp-aphroditefur

 

 

 

 

 

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LE PAN POÉTIQUE DES MUSES - dans Numéro 8
24 août 2021 2 24 /08 /août /2021 12:15

 

N° 10 | Célébrations | Actions en faveur des femmes & LGBT+ | Appels à contributions | Agenda poétique 

​​

 

 

 

 

 

 

Justice pour elles !

 

 

 

Appel féministe ! 

 

 

 

 

 

 

 SIÉFÉGP

 

 

 

Crédit photo : Photographie des Afghanes en 1927, Wikimedia, Commons. 

 

 

L'association SIÉFÉGP vous propose de vous insurger poétiquement contre la situation désastreuse des femmes & filles en 2021 par le biais de son appel à poèmes féministes en vers ou prose, en format audio, vidéo ou visuel pour dénoncer le sort réservé aux afghanes, libanaises, syriennes, réfugiées...

 

Pour faire entendre nos voix luttant contre les catastrophes qui touchent les filles & femmes, on vous remercie de participer à cet événement poétique par l'envoi d'un poème ou deux par poète (femme, homme, autre) et avec une biographie brève à contactlppdm@pandesmuses.fr du 30 août au 20 septembre 20 octobre 2021. La publication numérique de l'événement se fait dans la revue LE PAN POÉTIQUE DES MUSES. Les illustrations des artistes sont souhaitées. À partir de la participation de 25 poètes, la SIÉFÉGP peut envisager une parution livresque de son événement. 

 

Langues acceptées : français, anglais, arabe, italien, espagnol & Persan.

Nombre des illustrations par artiste : 2 (et celle acceptée pour la couverture de l'événement poépolitique si c'est votre cas). 10 pour les artistes membres de la revue LE PAN POÉTIQUE DES MUSES ou qui collaborent très régulièrement avec la presse de l'association SIÉFÉGP.

 

 

***

 

 

Pour citer cet avis

 

SIÉFÉGP, « Justice pour elles ! Appel féministe », texte inédit, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 10 | Automne 2021 « Célébrations », mis en ligne le 24 août 2021. Url :

http://www.pandesmuses.fr/no10/siefegp-justicepourelles

 

 

 

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24 août 2021 2 24 /08 /août /2021 10:05

 

N° 10 | Célébrations | Essai ou manifeste

​​

 

 

 

 

 

 

Manifeste des

 

 

 

littératures francophones ​​​​​​ 

 

 

 

 

 

 

 

Mustapha Saha

Sociologue, poète, artiste peintre

 

 

 

 

© Crédit photo : Portrait de Mustapha Saha à la Baule, image fournie par le poète. 

 

 

 

Les littératures francophones décolonialisent leurs expressions, diversalisent leurs créations et s’affranchissent irrévocablement des validations métropolitaines. Ces littératures se libèrent enfin de leurs ghettoïsations historiques, géographiques, ethniques. L’ère de l’universalisme unilatéral, de la tutelle pyramidale, du contrôle moral, imposés  par l’Occident, est définitivement révolue. La francophonie se déploie désormais dans la pluralité exemplaire, dans la transversalité interculturelle, dans le diversalisme multipolaire. La négritude et les académismes postcoloniaux, perçus comme des concurrences déloyales au monopole civilisationnel européen, se sont fossilisés dans leur posture défensive, victimaire, conflictuelle. La négritude, en profonde connivence œdipienne avec l’esprit colonial, a entretenu,  tant qu’elle a pu, la guerre des mémoires  en oubliant de fertiliser le patrimoine culturel commun, édifié par les génies libres de tous les bords.

 

Les écrivains francophones, délivrés des cadènes paternalistes, ne cherchent plus la reconnaissance dans les prix littéraires, dans les gratifications honorifiques, dans les médailles républicaines. Ils ne sollicitent plus la caution mandarinale pour écrire. Ils existent substantiellement, pleinement, totalement par leurs œuvres, et uniquement par leurs œuvres. Ils créent dans l’effervescence présente, la postérité les indiffère, la nostalgie les désespère. La langue française n’est plus leur butin de guerre, elle est leur matrice nourricière. Ils ne se singularisent plus par leur terre natale, le génie créatif est leur seule boussole. Ils n’ont d’autre étendard que la littérature. Leur palette singulière n’a d’autre fin que l’enrichissement de la mosaïque humaine. Leur écriture subversive transgresse allègrement les normes syntaxiques, culbute les règles rhétoriques, ballote les protocoles sémantiques, explose les codes prescrits, les cadres admis et tous les ordres établis.

 

 

Les littératures francophones sont diversitaires par essence et vitale nécessité. Elles butinent inlassablement les mondes imaginaires, les ressources mythiques, les brassages linguistiques, partout où ils se manifestent, sans se préoccuper des bienséances académiques. Elles s’alimentent de leur complexité organique. Elles s’approprient tous azimuts leurs contradictions, leurs paradoxes, leurs énergies contraires. Elles remontent sans cesse les fleuves de l’intranquillité sans larguer les amarres. Elles ensemencent sur les rivages impossibles les fleurs sauvages de leur perpétuelle régénérescence. Elles pulvérisent dans leur ardeur intempestive les fantômes du passé et les démons du futur. Elles guettent l’imprévisible dans l’indiscernable métaphore, plantent sur terre incertaine leur ténébreux sémaphore et se moquent sans déférence des notoriétés serviles. Elles métamorphosent leurs violences intimes en émotions curatives et bousculent, sans y prendre garde, les plumes vertueuses et les vestales respectueuses.

 

Les littératures francophones n’ont d’autres frontières que leur indéfinissable espace imaginaire. Elles tournent en dérision leurs propres remous contestataires. Elles multiplient leurs éclats sans s’enfermer dans des écoles. Tantôt clairières dans les forêts tropicales, tantôt oasis dans les ergs inaccessibles, tantôt geysers dans les glaces nordiques, elles échappent, aussitôt prises sous les projecteurs, aux doctes publicistes et au marketing culturel. Elles dissolvent leur improbable identité dans  leur altérité diffuse, brouillent les pistes dans leur extériorité intrusive et ne reconnaissent comme miroirs que leurs dépassements critiques. Elles fraient leurs chemins dans les périphéries buissonnières,  s’intemporalisent dans une postmodernité aventurière, et brandissent leurs métissages linguistiques et leurs hybridations stylistiques comme bannières planétaires.

 

 

***

 

 

Pour citer ce texte

 

Mustapha Saha (manifeste & photographie inédits), «  Manifeste des littératures francophones », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 10 | Automne 2021 « Célébrations », mis en ligne le 24 août 2021. Url :

http://www.pandesmuses.fr/no10/ms-manifeste

 

 

 

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LE PAN POÉTIQUE DES MUSES - dans Numéro 10
23 août 2021 1 23 /08 /août /2021 10:48

​​​​

REVUE ORIENTALES (O) | N°1 | Entretien​

 

 

 

 

 

 

 

 

 ​​​​Interview avec la poétesse

 

 

 

Hanen Marouani

 

 

 

 

 

Propos recueillis par

 

 

Amal Latrech

 

Doctorante en littérature française, diplômée en pédagogie du Fle de l'université de Rouen et enseigne le français langue étrangère à l'institut français de Tunisie.

 

 

 

Entrevue avec l'auteure

 

Hanen Marouani

Docteure en langue et littérature françaises de l’université de Sfax et auteure de quatre recueils de poésie(s) et traductrice.

 

 

 

 

​​​​© ​​​​​​​​​​​Crédit photo : Première de couverture illustrée du recueil "Tout ira bien" de Hanen Marouani. 

 

 

Introduction

 

Hanen Marouani est une poétesse tunisienne qui nous plonge dans son monde de tendresse et nous attire par ses mots manipulés avec toute délicatesse. Nul ne peut lire sa poésie sans se retrouver… Expériences, espérances, chance et malchance, douleur et doute, mort et résurrection s’entremêlent pour miroiter notre vie, nous qui sommes à la recherche de nous-mêmes, à la recherche du « temps perdu », à l’invention de l’euphorie, aux aléas de l’inattendu.

Hanen nous dévoile Les profondeurs de l’invisible pour créer l’espoir et voir Le soleil de nuit, elle partage avec nous Le sourire mouillé de pleurs pour passer à l’autre bout du monde, pour sortir du tunnel et nous dire Tout ira bien. Ces recueils sont marqués par une altérité spatiale et temporelle d’où on peut saisir facilement l’héritage de l’Orient.

Nous nous proposons de mettre en lumière un sujet-orient à partir d’un entretien avec la poétesse. L’Orient dans l’écriture de Hanen Marouani crée ainsi un univers infini à la croisée du monde entier où elle chante l’affranchissement d’un espace à la fois spirituel et géographique. Nous allons découvrir ensemble le profil de Hanen Marouani et le rôle que joue l’Orient dans sa poésie.


 

 

 

Entretien 

 

 

1 – Parlez-nous de la femme que vous êtes, de votre engagement et votre écriture ?

 

HM – Comme c’est toujours difficile de parler de moi. Je devrais ouvrir une petite parenthèse autour et sur la définition de l’engagement par l’écriture ou comment j’ai pu réaliser au fil de temps ce qu’est un engagement, car auparavant tout ce qui est considéré comme engagement selon les définitions proposées je pense que je l’ai fait volontiers et volontairement. Et en tenant compte du contexte de notre entretien qui peut être aussi contenir et intéresser d’autres contextes et cadres, il me paraît encore trop tôt pour dire que je suis vraiment engagée par l’écriture pourtant les sujets qui m’inspirent souvent renvoient à cette part essentielle de notre existence. C’est vrai qu’être engagé est souvent pris dans le sens de réaction subite, spontanée ou réfléchie faisant partie du mouvement populaire. Il s’agit d’un caractère qui peut être inné et quotidien contre toute forme d’injustice au sein de la société et au profit de l’humain et de tous les êtres vivants sur terre ou même ailleurs. Une sorte de prise de conscience de la diversité dans toute son ampleur et dans toute sa potentialité. Pour pouvoir mener un combat au sens d’idées, il fallait bien un don quelque part et surtout une croyance et...

Je peux te citer des vers de mon poème Elle a fait un chemin qui peuvent synthétiser l’idée d’une femme engagée dans une société patriarcale et pleine de défis à relever :

 

La fleur incarcérée a fait un long chemin

 

Aux couleurs d’une triste et noire solitude

Au silence des enfants dans la culture de lassitude

Aux ruines des maisons des mères bédouines sans ride

Elle a fait un chemin sans parler à quelqu’un à part la mer

Dans le désert d’une sensualité obstruée et sincère

Un chemin sur une mystérieuse lune sans lumière

Couvert de frayés et d’une vraie désespérée solitaire

Harassée de fatigue à l’entrée qu’à la sortie imaginaire

Arrivée à devenir une engagée douloureusement isolée

Une noble étrangère dans un nid de tyrans effrayants

Aux plaisirs insultés et entièrement démesurés sans regret

"Tout ira bien", Elle a fait un chemin, Le Lys Bleu, Paris, p. 49.


 

 

 

2 – La voix de l’enfance qui s’infiltre dans votre écriture est-elle la source d’inspiration et d’identification ?

 

HM – J’aime bien cette question surtout que tu as pu saisir cette voix d’enfance, car comme les mots de Paul Valéry « j’aime les enfants, car, quand ils s’amusent, ils s’amusent ; et quand ils pleurent ; et cela se succède sans difficulté. Mais ils ne mêlent pas ces visages. Chaque phase est pure l’autre. Mais nous… ».

C’est le reflet d’une voix intérieure qui peut nous habiter depuis notre arrivée à ce monde sans jamais nous quitter et au milieu de chaque être saigne une frontière d’enfance. Je le crois et je le pense aussi.

 

 


 

​​​​© ​​​​​​​​​​​Crédit photo : Première de couverture illustrée du recueil "Les Profondeurs de l'Invisible " de Hanen Marouani. 

 

 

3 – Vous êtes une jeune tunisienne résidente en Italie, votre poésie est-elle la création d’une identité perdue.

 

HM – Je suis plutôt entre l’Italie et la France et je me suis trouvée beaucoup plus en Italie ces deux dernières années vu la situation sanitaire. Cette dernière était pour moi une occasion pour me retrouver autrement, mais pour répondre à ta question concernant ce que j’écris ou je crée par rapport à l’identité perdue, je pense qu’on ne peut jamais perdre une identité et la preuve en est c’est qu’elle est là même au-delà de l’écriture, c’est plutôt un vécu et une sensibilité au quotidien et ceux qui me connaissent de près peuvent mieux comprendre. Mais ce n’est pas le lieu de résidence qui détermine cette présence ou absence d’identité, mais bien au contraire la rencontre avec d’autres gens et cultures permet de mieux manifester l’identité d’après ma propre expérience et le voyage et le départ nourrissent l’identité et moyen pour se reconnaître dans la diversité et la richesse de l’identité.


 

4 – L’Autre par toutes ses facettes est partie prenante dans votre écriture. Peut-on nous retrouver dans l’altérité une façon pour mieux se reconnaître et mieux se définir ?

 

HM Le « je » ne peut pas exister sans l’autre, il est mieux assumé et affirmé quand il rejoint le « nous » et l’ensemble. Il faudrait également comprendre dans certaines phases de notre parcours soit individuel, psychologique ou social que cet autre n’est pas toujours notre reflet ou plutôt notre altérité désirée et voulue me rappelant ici de Sartre « l’autre est l’enfer » et pourtant il fallait savoir prendre distance et apprendre de plus en plus l’objectivité afin de défendre certains inconnus par la distance, mais ils demeurent nos frères et proches par l’humanité. Je voudrais bien mettre l’accent sur l’empathie et l’importance de la solidarité dans l’évolution des peuples et des mentalités. Peut-être, il y a eu beaucoup de gens qui ne comprennent pas convenablement leur hypersensibilité ou ils la voient mal, mais il serait intéressant d’apprendre que c’est le pont ou le chemin vers beaucoup de belles choses dans et de la vie, car d’après ce que j’essaie de transmettre comme idée ou émotion par mes écrits est destiné à l’autre, mais il est fait aussi pour et par l’autre. On fuit cet autre quelques fois, mais on se retrouve à ses travers parfois. C’est comme ça la vie, elle nous cesse pas de nous surprendre de ses contraires et de ses oxymores.


 

 

 

5 – Selon Edward Saïd le souvenir de l’Orient est en conflit avec l’imagination ? Êtes-vous d’accord ?

 

HM – Il faudrait que je sois vraiment plus outillée pour répondre à cette question ou du moins d’avoir un point de vue plus recherchée sur cette position conflictuelle entre l’imagination et le souvenir de l’Orient . Mais je pense que ce qui caractérise l’orient d’après d’Edward Saïd est l’importance du souvenir qui prend un seul sens et qui a tout c’est cette nécessité de dire tel qu’il est le passé sans innovation et sans vouloir se révolter par les arts et les mots. Cette revendication de revenir à ce passé tout étant d’aujourd’hui, je la vois comme une arme de reconstruction identitaire, de remise en question perpétuellement. C’est peut-être que par le souvenir s’enrichit l’imagination et dans ce cas l’orientalisme puisse s’inscrire dans la diversité, l’identité et la continuité sans rester stagné ou figé.  Quant à l’aspect imaginatif, l’Orient est à mon humble avis, une source d’inspiration énorme et unique au niveau artistique et poétique et qui continue à donner des ailes et des élans pour suivre un rythme innovant et une certaine forme plus libre et imagée.

 

 


 

6 – Êtes-vous à la recherche de communiquer une image plus fidèle de l’Orient ?

 

HM – J’apprécie bien cette question, mais avant de rentrer dans les détails, je voudrais insister que l’expression d’ une image fidèle de l’Orient nous met dans la tête une seule image et un seul paysage de l’Orient or qu’il existe plusieurs images, paysages et manières variés pour le représenter et l’exprimer. Cette manière de faire communiquer et de dialoguer ces différences et variantes pour aller au-delà de cette idée à sens unique. Il fallait bien traverser les frontières de tout dans ce cas-là.

 

 

7 – L’Orient, dans les écrits littéraires en général, et poétiques en particulier, est-il encore lié à cet aspect exotique, ou s’est-il transcendé à d’autres choses ?

 

HM – Entre les deux rives, les deux conceptions du monde et entre les genres d’écriture, il existe toujours une fascination réciproque et le terme exotique définit bel et bien cette sensation de fascination qui n’est pas forcément propre à l’orient dans le sens que nous comprenons autrefois ou aujourd’hui. Il y a une évolution et même un élargissement de sens. Plus on voyage, on s’éloigne, on s’évade, plus on comprend mieux les choses et les définitions et plus on est dans notre zone de confort et dans la solitude, plus la définition de l’exotisme reste incomplète et ambiguë.

 

 

​​​​© ​​​​​​​​​​​Crédit photo : Première de couverture illustrée du recueil "Le Soleil de Nuit" de Hanen Marouani. 

 

 

 

8 – Face aux crises sévères dans lesquelles cet Orient se débat politiquement, socialement et économiquement, quelle fonction de la poésie voyez-vous au milieu de tout cela ?


 

HM – Mes recueils publiés mettent en lumière les paysages ensoleillés de mon pays, la Tunisie et de la Méditerranée. Mais ce n’est pas tout et je le dis vraiment avec beaucoup de tristesse, car par exemple dans Le sourire mouillé de pleurs, la majorité des poèmes pointent de doigt un système politique injuste à l’égard de ses jeunes et ce n’est pas qu’en Tunisie, il y a plusieurs textes dédiés spécialement à l’âme de Aylan et à tous les enfants comme Aylan qui en fuyant la guerre mort naufragé e l’intolérance de certains individus qui font la guerre et qui sont responsables de ces vies innocentes qui partent comme ça sans avoir eu le temps de vivre la vie qui devrait normalement les attendre. J’écris donc pour exprimer ma colère.


 

 

9 – Avez-vous été influencé par des poètes orientalistes dont les poèmes ont habité l’Orient, comme Goethe ou Constantine Cavafy ?


 

HM – Franchement je n’ai pas trop cherché à savoir cette signification d’influence et encore plus ce qui caractérisent ces figures que tu viens d’illustrer. Je pense que tout est venu à moi et de moi en toute spontanéité. Et on peut revenir là à ta question précédente sur l’identité perdue, on ne perd pas une identité, elle est là en nous, elle disparaît peut-être, elle s’efface peut-être aussi, mais elle réapparaît et elle a ses traces et ses empreintes qui restent en nous et qui nous rappellent d’où nous venons après avoir abandonné peut-être, l’identité ou l’enfant que nous étions.

Une sorte de renaissance de la petite fille rêveuse en moi que j’avais abandonnée quelque part, un jour sans me retourner. Quant à la couverture, oui elle est de moi, elle traduit cet assemblage de couleurs, d’images, de mots, de choses improbables auxquelles j’aime redonner vie sous une autre forme, une sorte de pied de nez au déterminisme et à la finitude qu’on retrouve également dans ma poésie.


 

 

10 – À votre avis, comment l’Orient écrit-il poétiquement, écrit-il à travers les questions de l’individu en lui, à travers son âme épique ?

 

HM – Je pense que  l’écriture de l’Orient dans la poésie était toujours une occasion pour renouer avec notre sensibilité et avec l’humain qui est en nous. Malgré le temps qui passe et le décalage entre les époques, il est possible de dire que l’Orient a eu une évolution voire une progression dans les écrits poétiques en variant les thèmes et les contextes au fur et à mesure, mais il a toujours gardé sa touche à lui qui d’ailleurs réussit toujours à nous toucher en tant que lecteurs. Et je rappelle ici qu’on ne peut pas séparer l’individu de son âme épique ou glorieuse, car c’est inné et naturel de vouloir chanter cette part d’espoir même dans certaines pages et non pas dans la réalité, mais c’est bien là la magie de l’écriture poétique orientale qui donne des frissons, des émotions et un plaisir intense qui reste même en quittant la page.


 

 

11 – Comme dernier mot, qu’est-ce que vous voulez ajouter ? Et merci pour cet échange !

 

HM – Même quand on écrit en français, l’âme arabe et orientale est présente et criante d’une identité multiple. L’écriture et la poésie nous permettent certainement de se découvrir encore et encore. L’orient demeure alors découverte et conquête.


 

Biographies 

 

​​​​© ​​​​​​​​​​​Crédit photo : Portrait de la poétesse Hanen Marouani montrant son recueil de poèmes "Le sourire mouillé de pleurs".

 

 

Hanen MAROUANI est une tunisienne résidente entre l’Italie et la France. Elle est docteure en langue et littérature françaises de l’université de Sfax et auteure de quatre recueils de poésie(s) publiés entre Tunis et Paris et traductrice. Elle est diplômée aussi de l’université de Sienne (Toscane) en langue italienne et de l’université de Rouen en didactique et pédagogie du FLE. Elle s’intéresse dans ses recheches à la position de la femme dans la littérature et la société à partir de l’analyse des pratiques discursives et énonciatives et à la problématique de l’immigration et des inégalités de genre. Elle a participé à des colloques, des festivals et des évènements culturels nationaux et internationaux. Ses textes ont été publiés dans des revues et anthologies internationales et traduits en d’autres langues comme l’espagnol, l’anglais et l’italien. Elle a reçu également des prix lors de sa participation à des concours de poésie. 

 

 

 

Amal LATRECH est une doctorante en littérature française qui consacre ses recherches à l'écriture de femmes et au discours paratextuel. Elle s'intéresse, également, à l'égalité femme-homme et au militantisme politique et social. Elle est diplômée en pédagogie du Fle de l'université de Rouen et enseigne le français langue étrangère à l'institut français de Tunisie.

 

 

 

Pour citer cet entretien 

 

Amal Latrech, « Interview avec la poétesse Hanen Marouani », entretien inédit, Revue Orientales, « Les figures des orientales en arts et poésie », n°1, mis en ligne le 23 août 2021. Url : 

http://www.pandesmuses.fr/periodiques/orientales/no1/al-hanenmarouani

 

 

 

Mise en page par Aude Simon

Dernière mise à jour le 22 septembre 2021 (ajout de photographies fournies par Amal Latrech & d'informations secondaires par la rédaction) 

 

 

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    LE PAN POÉTIQUE DES MUSES (LPpdm) REVUE FÉMINISTE, INTERNATIONALE ET MULTILINGUE DE POÉSIE ENTRE THÉORIES ET PRATIQUES ÉTÉ 2025 / NUMÉRO SPÉCIAL | NO III CRÉATRICES 1ER VOLET © Crédit photo : Louise Abbéma (1844-1923), « Portrait de Sarah Bernhardt dans...
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    N° III | ÉTÉ 2025 / NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES » | 1er Volet | Critique & Réception | Dossier | Articles & Témoignages Préface de l’anthologie « Les poètes ne meurent pas en exil » Extrait inédit par Arwa Ben Dhia Poète polyglotte, auteure, ingénieure...
  • Berthe Morisot (1841-1895), l’indépendante
    N° III | ÉTÉ 2025 / NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES » | 1er Volet | Dossier | Articles & Témoignages | Revue Matrimoine Berthe Morisot (1841-1895), l’indépendante Notice biographique par Sarah Mostrel Site : https://sarahmostrel.wordpress.com Facebook : https://www.facebook.com/sarah.mostrel...