Françoise Urban-Menninger (poème & photographie inédits), « le jardin des ombres », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°8 | Été 2021 « Penser la maladie & la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 9 août 2021. Url :
Originaire de Lyon, Isabelle Poncet-Rimaud a vécu en Belgique et dans diverses régions de France, notamment à Strasbourg où elle a obtenu le Prix de la Société des écrivains d'Alsace ou encore celui de la Ville de Marlenheim.
C'est dire un parcours littéraire riche, nourri par la collaboration avec des musiciens, des artistes-peintres, des écrivains ou des compositeurs tel Damien Charron. Son œuvre traduite et publiée en Roumanie, Portugal, Espagne, Albanie, Islande, Grèce, Inde, USA compte aujourd'hui un nouveau recueil « Dialogues avec le jour » qui nous renvoie à nos interrogations et à notre rapport avec cette mort qui nous accompagne depuis notre naissance, plus présente que jamais dans notre quotidien en ces temps de pandémie…
Confinée, Isabelle Poncet-Rimaud scrute le monde depuis son balcon, elle en prend le pouls et écrit « Le temps jardine / avant que de faucher. »
L'on songe à la phrase si juste et si percutante prononcée par le philosophe Heidegger « Dès qu'un homme naît, il est assez vieux pour mourir ».
Car bien évidemment, la mort habite les poèmes de l'auteure, le recueil tout entier en est le linceul et Isabelle Poncet-Rimaud de dédier un texte bouleversant à l'une de ses amies disparues « Ô Colette, ton enterrement / en temps de confinement... » Tout est dit dans ces deux vers : la mort, la solitude, l'isolement et l'incommensurable douleur….
Au bord de l'indicible et du silence, l'auteure s'exprime en vers brefs qui tels des soupirs renvoient à une forme de désespérance et d'impuissance « Jour muet. / Les mots, / Lamentablement, / s'entassent.
Face à « l'impensable », les mots ne font plus le poids et pourtant des « dialogues » se nouent, perceptibles du bout de l'âme par la poétesse qui les transcrit comme autant d'offrandes lumineuses à la vie et d'évoquer presque heureuse « une partition / pour les notes de la vie. »
« Dans la cour, / l'oiseau libre / avertit / de sa soif d'aimer », écrit-elle avant de replonger dans des interrogations sans réponses « Bilboquet désaxé, / le monde d'entre nos mains, a brusquement chuté. »
Mais le 10 mai 2020, veille du premier déconfinement, Isabelle Poncet-Rimaud s'écrie « Le monde n'est plus mon balcon. » et de clore son livret sur le mot « confiance » qui éclaire son cheminement intérieur qui devient aussi le nôtre lors de cette lecture qui tour à tour nous interpelle, nous apaise, toujours en nous plongeant dans la pleine lumière de cette quête de nous-mêmes où notre origine et notre finitude confinent.
Françoise Urban-Menninger, « Dialogues avec le jour d'Isabelle Poncet-Rimaud. Recueil de poèmes paru chez Unicité » texte inédit, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°8 | Été 2021 « Penser la maladie & la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 8 août 2021. Url :
Crédit photo : Photographie d'une actrice en "Bacchante Profil de femme avec couronne. Commons.
Poèmes de faim de vie (extraits)
Brume citadine mêlée de l'écume de mon souffle
aux boulevards continus où ma vision s'engouffre
labyrinthe de destinées où l'issu est passage
et profiter de ses errants sans l'devenir j'envisage
et soufflant dans le froid qui s'acharne bruine et pluie
l'orage bientôt en neige ; faire suivi
de ses mots, de ses sacres
de ses moissons de prières
des lueurs de longues nuits
du désespoir le massacre
de vins chauds, d'ambrées bières
engouffre-le chéri,
le passage des fêtes
et encore faire suivi
continu du pavé c'est tout droit
éternelle marche aveuglée la vaguelette de buée
le temps qu'il faudra pour ne pa(nne)s essoufflé
qui s'engouffre dans les recoins de creux et de grottes
creusées où construites en parois nos maisons
et la neige en orage s'évanouissent flocons
inonde-nous courant, de lieux
chez eux, nuages plancton et flocons, chez eux
ressenti que nous-mêmes l'on retombe en gouttelettes
heurtant à l'air la plage s'érode
s'emporte.
*
Santé à tous et vous-mêmes,
ceux pour qui vous buvez.
À qui les pas mènent titubants
sombres dans l'obscurité
à la coque fragile coquille
d'œuf en crâne
folie à la routine voit au voyage
l'organisme fonctionner tout seul ;
les courants bougent et décident
les vagues rongent les côtes
les mains palpent les seins de l'amour malhabile
sautent de nos bras et hors de nous les vins
années qui ne nous tiennent plus debout
marionnette de circonstance,
mais les rois en habits robustes
de qui l'on peint portraits et gravent bustes
savent se défendre mieux que quiconque
et mirent sans zieuter et trinquant
aspirent confiance pour dérouter
et dans les voiles prédire les vents
et craquent coquilles faisons brouiller
sur une assiette voulez-vous votre petit déjeuner?
Il est aussi disponible dans la poêle, dans une feuille
dans du papier journal.
*
Quand c'qui a eu des beaux massacres
tout le monde a bien mangé
tu t'assois dans ton fauteuil
un cigare à fumer.
Des bains de sang qui coulent à flots
qui forment rivières dans l'caniveau
qu'on draine par aqueduc avec l'eau de nos toilettes
avec quoi on arrose nos plantes.
*
Image rendue d'une huile parfumée
qui ne reste seule au mur accrochée
qui m'entoure de ses traces, ses mouvements si charmants
elle existe et donc fou elle me rend
la réalité si belle de faveur des lumières
dans la cour de sa f'nêtre je chante air sur air
et en air flotte l'appel tiède de sa chair
aux joues rosées, à la fine figure
toutefois indicible dans son cadre quand est vue
et tableau restera, peinture d'idéaux
qui enjoue autant qu'interne est torture
une autre dose de telle dope; l'on court dans la rue
recherchant une idée vive et douce peau.
*
La seule drogue qui puisse une emprise sur moi
je ne peux chasser ta présence de mon envie
Quelle est la meilleure façon d'incendier?
Par des mots ou par des gestes ?
D'un aveu ou d'un baiser?
Je n'ai jamais tant voulu tant essayer
la défonce à ne plus voir rien d'autre
mes veines n'ont jamais tant appelé
que mon cœur batte !
Aucune piqûre ne frétille, plus
fumée n'a d'odeur telle
portant à perdre tout sens
et déraison,
à réfléchir d'une autre façon
à qu'est c'qu'a quelle importance.
*
pourquoi je me drogue alors que je suis
induit en erreur
la paranoïa la plus sincère guide mes actes.
Je remets en cause ce dont je croirais n'être jamais capable
et pour une raison ou une autre j'aimerais me faire mal.
Je bois, je me drogue
il est tard et je suis fatigué, mais je continue
me force à danser, essaie de m'approcher
de ce qui me fait étrangement du bien
induit en erreur alors que je sais
ce dont je ne serais jamais capable remis en doute.
*
se connaître soi-même
et masque, ce que l'on ne veut montrer aux autres
les défauts qui nous tourmentent
qui nous transforment en un si faible pour cent de notre capable être.
Je ne boirai pas, je ne prendrai pas de drogue
je refuse de perdre contrôle
et risquer d'extérioriser mes démons...
À moins que ces vices ne soient la solution ?
douze chants hérétiques, chant II
On buvait des bières en écoutant d'la country
le Québec c'est du beau pays, même s'ils sont arrogant des fois
par endroit y'avait des restes de neige
les premières, les dernières,
il faut faire de la route pour que tout d'un coup
les contrées aient l'air aussi désertes qu'on les voudrait
il sont arrogants des fois ; c'est parce qu'ils s'aiment beaucoup aussi
mais au Québec tout se fait tranquillement, pas vite
la terre a une révolution plus lente
toutes les Maries de l'église catholique
Montréal c'est pas trop mal
mais l'Amérique
c'est pas un continent de villes
décalages
rêves d'où l'on ne se réveil pas
lents
passants
impressionnés par la forme
impressionnés par le désir de l'être
allant du centre-ville au plein air
pour une poignée de billets
ne daignerait pas
pionniers,
aller au lieu de naissance
d'aspirations dépassées
éclatera un jour
bientôt ? Lointain ?
J'espère pour bientôt
la désillusion
mais je suis optimiste
fusillé
j'ai ri un grand coup
je suis allé voir ailleurs, et j'y étais
j'ai parcouru le Québec par tous les bouts
toutes les boutes
sauf Anticosti
Ant-
-i-
-(que)-
-(c)-
-(h)osti(e)
qui fut presque vendu aux nazis en 1937
et qui fut vendu au pétrole en 2014.
Tout ça pour un misérable 60% de profits.
À ce prix là,
pas besoin de condoms !
C'était un soir au Québec que je m'étais fait traiter de radin car je ne donnais pas l'argent que je n'avais pas moi-même !
Quelque part, le Québec me rappelle beaucoup l'Afrique.
Comment généraliser un si grand continent !
Tant-pis, je m'y lance –
c'est vrais qu'en générale partout dans le sud,
les gens vivent plus les uns sur les autres.
Il fait chaud
on est dehors,
on se rencontre dehors
on passe nos journées ensemble
on voit tout ce qu'on fait
on va se voir
globalement, y'a moins d'espace personnel
on s'attend toujours à avoir des points communs
on se veut des points communs
on en trouve
on en crée
on en cherche
on en demande !
On s'attend à aimer les même choses
vouloir les même choses ;
le Québec, pour moi, est trop conformiste
je n'déteste pas la mode, mais je n'suis pas commerciale
La mode au grand M
la mode dans les arts
les coutures vivantes, formes, broderies...
c'est joli, c'est tout.
Au Québec le regard se projette sur notre apparence pour en déterminer le groupe sociale
« T'es tu un... »,
et on tend facilement la main
Dans Mandabi d'Ousman Sembéné
où les gens cherchent leur partie, cherchent à recevoir
où l'on se concerne de ce que pensent les autres
*
Santé à tous et vous-mêmes,
ceux pour qui vous buvez.
À qui les pas mènent titubants
sombres dans l'obscurité
à la coque fragile coquille
d'œuf en crâne
folie à la routine voit au voyage
l'organisme fonctionner tout seul;
les courants bougent et décident
les vagues rongent les côtes
les mains palpent les seins de l'amour malhabile
sautent de nos bras et hors de nous les vins
années qui ne nous tiennent plus debout
marionnette de circonstance,
mais les rois en habits robustes
de qui l'on peint portraits et gravent bustes
savent se défendre mieux que quiconque
et mirent sans zieuter et trinquant
aspirent confiance pour dérouter
et dans les voiles prédire les vents
et craquent coquilles faisons brouiller
sur une assiette voulez-vous votre petit déjeuner?
Il est aussi disponible dans la poêle, dans une feuille
dans du papier journal.
*
Quand c'qui a eu des beaux massacres
tout le monde a bien mangé
tu t'assois dans ton fauteuil
un cigare à fumer.
Des bains de sang qui coulent à flots
qui forment rivières dans l'caniveau
qu'on draine par aqueduc avec l'eau de nos toilettes
avec quoi on arrose nos plantes.
*
Image rendue d'une huile parfumée
qui ne reste seule au mur accrochée
qui m'entoure de ses traces, ses mouvements si charmants
elle existe et donc fou elle me rend
la réalité si belle de faveur des lumières
dans la cour de sa f'nêtre je chante air sur air
et en air flotte l'appel tiède de sa chair
aux joues rosées, à la fine figure
toutefois indicible dans son cadre quand est vue
et tableau restera, peinture d'idéaux
qui enjoue autant qu'interne est torture
une autre dose de telle dope; l'on court dans la rue
recherchant une idée vive et douce peau.
*
La seule drogue qui puisse une emprise sur moi
je ne peux chasser ta présence de mon envie
Quelle est la meilleure façon d'incendier?
Par des mots ou par des gestes?
D'un aveu ou d'un baiser?
Je n'ai jamais tant voulu tant essayer
la défonce à ne plus voir rien d'autre
mes veines n'ont jamais tant appelé
que mon cœur batte!
Aucune piqûre ne frétille, plus
fumée n'a d'odeur telle
portant à perdre tout sens
et déraison,
à réfléchir d'une autre façon
à qu'est c'qu'a quelle importance.
*
pourquoi je me drogue alors que je suis
induit en erreur
la paranoïa la plus sincère guide mes actes.
Je remets en cause ce dont je croirais n'être jamais capable
et pour une raison ou une autre j'aimerais me faire mal.
Je bois, je me drogue
il est tard et je suis fatigué, mais je continue
me force à danser, essaie de m'approcher
de ce qui me fait étrangement du bien
induit en erreur alors que je sais
ce dont je ne serais jamais capable remis en doute.
*
se connaître soi-même
et masque, ce que l'on ne veut montrer aux autres
les défauts qui nous tourmentent
qui nous transforment en un si faible pour cent de notre capable être.
Je ne boirai pas, je ne prendrai pas de drogue
je refuse de perdre contrôle
et risquer d'extérioriser mes démons...
À moins que ces vices ne soient la solution?
Douze chants hérétiques, chant second
On buvait des bières en écoutant d'la country
le Québec c'est du beau pays, même s'ils sont arrogant des fois
par endroit y'avait des restes de neige
les premières, les dernières,
il faut faire de la route pour que tout d'un coup
les contrées aient l'air aussi désertes qu'on les voudrait
il sont arrogants des fois ; c'est parce qu'ils s'aiment beaucoup aussi
mais au Québec tout se fait tranquillement, pas vite
la terre a une révolution plus lente
toutes les Maries de l'église catholique
Montréal c'est pas trop mal
mais l'Amérique
c'est pas un continent de villes
décalages
rêves d'où l'on ne se réveil pas
lents
passants
impressionnés par la forme
impressionnés par le désir de l'être
allant du centre-ville au plein air
pour une poignée de billets
ne daignerait pas
pionniers,
aller au lieu de naissance
d'aspirations dépassées
éclatera un jour
bientôt ? Lointain ?
J'espère pour bientôt
la désillusion
mais je suis optimiste
fusillé
j'ai ri un grand coup
je suis allé voir ailleurs, et j'y étais
j'ai parcouru le Québec par tous les bouts
toutes les boutes
sauf Anticosti
Ant-
-i-
-(que)-
-(c)-
-(h)osti(e)
qui fut presque vendu aux nazis en 1937
et qui fut vendu au pétrole en 2014.
Tout ça pour un misérable 60% de profits.
À ce prix là,
pas besoin de condoms !
C'était un soir au Québec que je m'étais fait traiter de radin car je ne donnais pas l'argent que je n'avais pas moi-même !
Quelque part, le Québec me rappelle beaucoup l'Afrique.
Comment généraliser un si grand continent !
Tant-pis, je m'y lance –
c'est vrais qu'en générale partout dans le sud,
les gens vivent plus les uns sur les autres.
Il fait chaud
on est dehors,
on se rencontre dehors
on passe nos journées ensemble
on voit tout ce qu'on fait
on va se voir
globalement, y'a moins d'espace personnel
on s'attend toujours à avoir des points communs
on se veut des points communs
on en trouve
on en crée
on en cherche
on en demande !
On s'attend à aimer les même choses
vouloir les même choses ;
le Québec, pour moi, est trop conformiste
je n'déteste pas la mode, mais je n'suis pas commerciale
La mode au grand M
la mode dans les arts
les coutures vivantes, formes, broderies...
c'est joli, c'est tout.
Au Québec le regard se projette sur notre apparence pour en déterminer le groupe sociale
« T'es tu un... »,
et on tend facilement la main
Dans Mandabi d'Ousman Sembéné
où les gens cherchent leur partie, cherchent à recevoir
où l'on se concerne de ce que pensent les autres
Sembéné, il s'en préoccupait aussi
ça le préoccupait
en fumant sa pipe
l'individualisme, on le lie souvent à l'égocentrisme,
à la méchanceté, au manque de sympathie,
en bref, au capitalisme.
Mais les risques liés au manque de soi-même
de différences,
Pff ! Je souhaiterais qu'on en parle plus
comme je souhaiterais que tout le monde discute
ensemble
on a construit des tours
des barrages
des civilisations
on a rempli des musées
(que l'on visitera plus en criant « last call »)
mais quelqu'un les a conçu !
Moi personnellement, je ne mélangerai pas Égo et identité
Idée
entité.
J'ai parcouru le Québec de plein de façons
en pouce, à pieds, en voyages payés,
mais comme toujours pour voir l'Amérique du nord,
faut y aller en voiture
mais comme peuvent en témoigner bien des gens
au Québec de nos jours, on trouve parmi les meilleures bières au monde
entre l'Éphémère, la Maudite, l'Eau Bénite
Trois Pistoles, à Chambly
celles de la Nouvelle-France
comme la Claire Fontaine
et pourtant on y trouve tout de même de la Bush, de la Cinquante et de la Blue Label
va savoir !
De toutes façons, je préfère le cidre.
***
Pour citer ces extraits
Thibault Jacquot-Paratte, « Poèmes de faim de vie (extraits) » & « Douze chants hérétiques, chant second », poèmes inédits, Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°16, mis en ligne le 8 août 2021. Url :
Crédit photo : Pluie sur une toile d'araignée Commons, domaine public.
Devant une toile d’araignée
À méditer et à l’observer
Je me suis laissé
À elle bien tendue,
Je m’imagine suspendu,
M’en libérer est peine perdue.
Ce que mes yeux voient
Éveille mon émoi
Et me pousse à réfléchir.
Profondément angoissé
Occupé par ma pensée
Comment m’en sortir ?
Une mouche vient tournoyer
Autour de la toile, tout près
De l’araignée aux aguets.
Fatiguée, elle s’y est posée
Aussitôt elle est happée
En une minute sucée
Que de mouches ont ainsi péri
Et moi je réfléchis
Au pourquoi de ceci.
Enfin je comprends
Que l’araignée les attend
Pour en vivre s’entend
Arrive un grand taon
Tout en bourdonnant
Fort et bien portant
La toile est secouée
D’un seul coup transpercée
L’hyménoptère est passé
La toile n’est que silhouette
Elle ne gêne ni n’inquiète
Il le fait de belle lurette
C’est pour cela qu’il s’en passe
Car le plus fort passe
Et le plus faible trépasse
Ainsi sont les lois
Telles des toiles je les vois
Le faible s’y débat
C’est un perdu combat
Le plus fort ne s’y fait pas
Il n’en fait pas cas
À une toile d’araignée
Je compare les lois
Elle prend la mouche facilement
Mais pas le bourdon
Par sa force, il la perfore
À ce propos nous sommes d’accord
Les lois profitent tout le temps
À ceux qui sont nantis
Ceux qui les subissent souvent
Sont les plus démunis
Médite ! Toi le sage, toi le savant
Pour qui sont-elles tissées ?
***
Pour citer ce poème
Ahcène Mariche, « La toile d'araignée »,Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°16, mis en ligne le 5 août 2021. Url :
La France a fait partie des quatorze pays présents à la 4ème Foire latino-américaine du Livre de Carthagène des Indes en Colombie, dirigée par Walter Caicedo qui m’a demandé de mettre à l’honneur les poètes français et c’est avec plaisir que j’ai présenté les neuf auteurs des Éditions du Cygne dirigées par Patrice Kanozsai, qui se donne à fond pour la poésie d’ici et d’ailleurs. Le Festival qui s’est tenu en virtuel du 21 au 25 juillet 2021 a été suivi le 23 juillet, jour de notre intervention, par 2065 spectateurs.
Les auteurs en présence virtuelle étaient dans l’ordre suivant :
Pascal BOULANGER, Sophie BRASSART, Irène DUBOEUF, Francis GONNET, Ingrid CALDERÓN-COLLINS, Juan CÀRDENAS, Flavia COSMAS, Berta Lucía ESTRADA ESTRADA, María de los Ángeles PRIETO MARÍN et votre servante Maggy DE COSTER, l’animatrice qui a animé en français et en espagnol.
Si la proximité n’existe que dans l’écart
Chaque ici séjourne
Dans le lointain.
Seul et jamais seul
Dans le trait que laisse le retrait ;
Amour comme
Surprise de l’événement.
Le surcroît qui ne peut être demandé
Répond pourtant à un désir.
Science des couleurs & des sons
Qu’est l’absence quand le cœur au secret
Acquiesce à la beauté ;
Bouche belle d’un baiser
Sous l’œil peint d’eau pure.
Pascal Boulanger
(Poème issu de « L’intime dense », Éditions du Cygne, 2021)
**
Lo íntimo profundo
Si la cercanía existe sólo en la brecha
Cada una aquí permanece
En la lejanía
Solo y nunca solo
En el trazo que deja la retirada;
Amor como
Sorpresa del acontecimiento.
El excedente que no se puede pedir
Sin embargo, responde a un deseo.
Ciencia de colores y sonidos
¿Qué es la ausencia cuando el corazón en secreto
Asiente a la belleza?;
Hermosa boca con un beso
Bajo del ojo pintado con agua pura.
Pascal Boulanger
(Poema traducido por francés por Maggy De Coster).
Couture de l'eau, longtemps.
Corps parchemin
Lac noir que caressent des repos
que dénouent les parfums
Femme relative
qui exore ou bien fume
Tâches quotidiennes, rideau sonore des noms
dans la profusion du malheur
qui tenait l'équilibre
Ensuite vient l'empreinte des fleurs
celle de l'eau dans l'eau
de mes lèvres très sanguines
Sophie Brassart
(Poème issu de : « Je vais à la mesure du ciel », Éditions du Cygne, 2021)
**
Voy al compás del cielo
Costuras de agua, largo tiempo.
Cuerpo pergamino
Lago negro acariciado por descansos
Desatados por los perfumes
Mujer relativa
quien implora o fuma
Tareas diarias, cortina sonora de los nombres
en la profusión de la desgracia
que mantuvo el equilibrio
Luego viene la huella de las flores
la del agua en el agua
de mis labios muy ensangrentados
Sophie Brassart
(Poema traducido por francés por Maggy De Coster)
IMPROMPTUS
V
Invisible et présente la mort
attend derrière la porte
j’ouvre la fenêtre
la vie explose
la bouche offerte
aux baisers des nuages
j’embrasse le vent
le long des rues désertes
le temps poursuit son cours
dans un silence de fleurs et d’oiseaux.
VI
Exilée dans mon corps
la pensée égarée par le toucher de l’ange
je vis le prodige de l’instant qui scintille.
Pourquoi tant de couleurs
et l’horizon muet ?
Fossoyeur, l’air ne dit mot.
Irène Duboeuf
(Poème issu de « Un rivage qui embrase le jour », Les Editions du Cygne 2021)
IMPROMPTO
V
Invisible y presente la muerte
espera detrás de la puerta
Abro la ventana
la vida explota
boca ofrecida
a los besos de las nubes
beso el viento
por las calles desiertas
el tiempo sigue su curso
en un silencio de flores y pájaros.
VI
Exiliada en mi cuerpo
el pensamiento extraviado por el toque del ángel
Vi el prodigio del instante que centellea.
¿Por qué tantos colores?
y el horizonte mudo?
Sepulturero, el aire no dice nada.
Irène Duboeuf
(Poema, traducido por francés por Maggy De Coster)
Laisse-moi prononcer les silences qui m’unissent à la nuit,
que suinte l’encre de ma mémoire.
Bord à bord, se cousent les aplats de la route,
jaune soufre de nos rires,
gris perlé de nos larmes.
Les rides racontent chaque pierre que le regard dépasse.
J’aime tes pas pour ton empreinte,
tes paroles pour ton souffle,
le noir,
pour y saisir ta flamme.
Francis Gonnet
(Poème issu de : « Clarté naissante », Éditions du Cygne, 2020)
**
Déjame pronunciar los silencios que me unen con la noche,
que rezuma la tinta de mi memoria.
Borde a borde, se cosen las áreas planas de la carretera,
amarillo azufre de nuestras risas,
gris perlado de nuestras lágrimas.
Las arrugas cuentan cada piedra que la mirada trasciende.
Extrait de : Raconte-moi les pluies, Éditions du Cygne - 2016
La cloche de l’église venait de sonner deux heures. Elle tintait, se mélangeait au murmure constant des passants qui se dispersaient vers les ruelles grimpant dans les collines.
Comment avait-elle su ? Comment avait-elle deviné que c’était lui, cette silhouette au loin, assise à une des terrasses ? Peut-être parce qu’il était plus grand que les hommes du pays, et parce qu’il avait la peau blanche. Il y avait aussi le rythme de ses pas, lorsqu’il avait quitté le café. Des enjambées rapides, alors que personne ne se pressait à Dolores. Il détonnait dans la cohue des démarches tranquilles. Il dépassait les marchands aux lourds fardeaux, les femmes qui s’arrêtaient pour parler à une connaissance ou à un vendeur ambulant.
Était-ce la foule qui l’avait poussée vers cet homme ? Peu importe : elle le suivit et c’est à ce moment-là que cette histoire a commencé. Il emprunta une rue, à côté d’un restaurant. Elle marchait derrière lui dans le dédale des rues qui devenaient souvent venelles, parfois voies apparemment sans issue. Elle adoptait son rythme, courait par moments, le perdait parfois à un tournant. Aveuglée par le soleil, elle ne le voyait plus, alors que la silhouette était toujours là, même si elle s’estompait pour épouser le décor lassant à force d’être beau. La beauté pure finit par fatiguer, c’est connu. Les ruelles montaient raides, et Charlotte dut ralentir alors que l’homme continuait sa marche.
{...}
L’homme que Charlotte suivait avait l’allure des félins qui se cachaient des humains, dans les collines. Il jeta un regard à droite, à gauche, puis sur elle. Prise par surprise, elle s’est arrêtée, baissa les yeux. »
Traducción de Luis E. Prieto y Ana María Rueda
*
Cuéntame las lluvias
La campana de la iglesia sonó dos veces. Vibraba con un timbre desafinado que se mezcló con el murmullo de los transeúntes dispersos en los callejones que subían hacia los cerros.
¿Cómo lo supo? ¿Cómo adivinó que la silueta sentada en una de las terrazas era él? Tal vez porque era más alto que los lugareños y porque tenía la piel blanca. También por el ritmo de sus pasos al salir del café. Pasos rápidos, cuando en Dolores nadie se apuraba. Llamaba la atención en medio de la multitud tranquila. Se distinguía entre los comerciantes con pesadas cargas y las mujeres que se detenían a hablar con algún conocido o con un vendedor ambulante.
¿Fue acaso la multitud quien la empujó hacia ese hombre? Poco importa: ella lo siguió y fue entonces cuando todo comenzó. Tomó una calle al lado de un restaurante. Caminaba detrás de él a través del laberinto de calles que a menudo se convertían en callejones, a veces sin salida. Adoptó su ritmo, corrió por momentos, lo perdió en alguna esquina. Cegada por el sol, lo llegó a perder de vista, pues la figura se desvanecía para fundirse en el paisaje que de tan hermoso llegaba a cansar. Todos saben que la belleza pura acaba por aburrir. Las callejuelas se volvieron abruptas y Charlotte tuvo que ir más despacio mientras el hombre continuaba caminando.
[...]
El hombre al que Charlotte seguía se asemejaba a los grandes felinos que se escondían de los humanos en las colinas. Él lanzó una mirada a la derecha, a la izquierda y luego sobre ella. Viéndose sorprendida, ella se detuvo y bajó la mirada.
María de los Ángeles Prieto Marín
(« Raconte-moi les pluies », Les Éditions du Cygne, 2016).
INÉQUATION
Une phrase inachevée
Sur un papier plié en quatre
Á la croisée des chemins
C’est la sentence de l’être égaré
Fissuré de part en part
*
Les jours entachés
De l’impact d’un fléau mondial
Étirent les distances physiques
Accaparent les tissus effilochés de l’être
Déchirent les pans d’un soi fragile
De râles enrobé jusqu’à l’embouchure du Styx
*
Quand les ténèbres étreignent les rêves
Insérés dans les viscères du matin
L’espoir s’évanouit dans les couloirs de l’incertitude
Les portes du reposoir sont fermées aux pèlerins harassés
Et l’abîme s’ouvre devant eux comme un dernier refuge
*
Dans les plis de l’univers
Se cachent tant d’énigmes
Que le vent n’a pas su dissiper
Il nous reste encore à démêler
Les écheveaux de nos inconséquences
Maggy De Coster, « À fleur de Mots » , Les Éditions du Cygne, 2021.
Inecuación
Una oración inacabada
En un papel doblado en cuatro
A las encrucijadas de los caminos
Es la sentencia del ser extraviado. Agrietado de lado a lado
*
Los días manchados
Del impacto de una plaga mundial
Estiran las distancias físicas
Acaparan los tejidos deshilachados del ser
Rasgan los paños de “un yo” frágil
De estertores envuelto hasta la desembocadura de la laguna Estigia
*
Cuando la oscuridad abraza los sueños
Insertados en las vísceras de la mañana.
La esperanza se desvanece en los pasillos de la incertidumbre
Las puertas del reposadero están cerradas a los peregrinos agobiados
Y el abismo se abre delante de ellos como un último refugio
*
En los pliegues del universo
Se esconden tantos enigmas
Que el viento no ha sabido disipar
Todavía tenemos que desenredar
Las madejas de nuestras inconsecuencias
Maggy De Coster, « À fleur de Mots », Les Éditions du Cygne, 2021, (autotraducción).
Maggy de Coster (extraits traduits par), « La poésie française contemporaine à Carthagène des Indes en Colombie», Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 10| Automne 2021 « Célébrations », mis en ligne le 4 août 2021. Url :
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