30 avril 2023 7 30 /04 /avril /2023 18:58

​PÉRIODIQUES | REVUE ORIENTALES (O) | N°2 | LES VOYAGEUSES ET LEURS VOYAGES...VOL. 1 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LES VOYAGEUSES ET LEURS

 

 

VOYAGES RÉELS ET FICTIFS

 

 

VOLUME 1, 2022-2023

 

 

 

 

 

© ​​​​Crédit photo : Élodie Barthélémy, "Entre deux ciels", Photographie par Anja Beutler, 2021.

 

L'ÉDITION COMPLÈTE DE CETTE PAGE SE DÉROULE DU 29 MARS JUSQU'AU 30 AVRIL 2023 COMPRIS.

 

 

 

 

SOMMAIRE VOL. 1

 

 

 

 

ÉDITORIAL

 

Dina SAHYOUNI, « Les voyageuses et leurs voyages en poésie » 

 

DOSSIER

 

[peut contenir des articles, biographies, enquêtes, entretiens-témoignages, chroniques, critiques, introductions, portraits, postfaces, préfaces, témoignages, etc.]

 

IMAGES, « "Œil pour Œil" (Contes Arabes) », extrait du périodique égyptien Images (No 40, 1930)

​Hanen MAROUANI, Hanen MAROUANI, « Les vertiges du mystérieux et du merveilleux : l’art poétique de Fatma Gadhoumi ​​​​​​» avec des œuvres de Fatma GADHOUMI et deux photos de Luca TIOZZO PEZZOLI & « Rencontre avec l’artiste et l’intellectuelle Hanen Allouch » illustrations par l'artiste Hanen ALLOUCH, ​​​​​​«​ Mona AZZAM : De l’Orient à l’Occident, force ou errance ? » Hanen Marouani, « Fatma Bouvet de la Maisonneuve : “Le féminisme est pour moi un élément inséparable du combat pour les droits humains.” »

 

[Textes réédités]

Maggy de Coster (textes & photographies), « Carnet de voyage I », « Carnet de voyage II : le MUPANAH (Musée du Panthéon National Haïtien) », « Carnet de voyage. Sous le soleil Marocain, Été 2014 », ​​​​​​« Carnet de voyage, Août 2021. La Croatie : En passant par Zagreb, Zadar, Split, Trogir, Komin & Dubrovnik » ​​​​​​

 

 

CRÉATIONS POÉTIQUES

[pour la thématique principale]

 

Maggy DE COSTER, « Les bijoux d'Amanishakéto » & « Flaubert et Nerval : le cœur à l’égyptienne »

Hanen MAROUANI, « La nouvelle collection printemps-été 2022 de la styliste Tuniso-canadienne Sarah Manai ; Femme-Fleur : des poèmes visuels et olfactifs », photographies de Majdi Agrebi de Ichrak Cofflard (Mannequin) 

Nour CANDOUR, « Extraits poétiques de mes trois recueils »

Dina SAHYOUNI, « Mes voyages olfactifs », « Partir » & « Des femmes phénix sont nées »

Mariem GARAALI HADOUSSA, « Les cheveux au vent »

Françoise URBAN-MENNINGER, « la chevelure du vent »

Hanen ALLOUCH, « Sfax, unique et plurielle », peinture de l'artiste Imen ALOULOU 

Nicole BARRIÈRE,*  ,« Courage »

Chahla CHAFIQ/شهلا شفيق,  « Ici », poème bilingue Français-Persan

[Poèmes réédités]

Mariem Garali Hadoussa (texte & peinture), « Voyage d’espérance »

Pep Pepió Pepió, « viaje por abril / voyage d’avril » poème traduit de l’espagnol par Maggy De Coster

 

 

CARTE BLANCHE À UNE ARTISTE

 

Hanen MAROUANI, « La nouvelle collection printemps-été 2022 de la styliste Tuniso-canadienne Sarah Manai ; Femme-Fleur : des poèmes visuels et olfactifs », photographies de Majdi Agrebi de Ichrak Cofflard (Mannequin) ​​​​​​

 

 

MATRIMOINE ORIENTAL & ORIENTALISTE 

 

Dina SAHYOUNI, « Les voyageuses et leurs voyages en poésie »

 

DICTIONNAIRE

 

[Cette nouvelle rubrique contient des entrées poétiques & artistiques relevant de l'univers de la revue Orientales ]

 

[Deux textes uniquement disponibles en version imprimée]

 

 

ENTRETIENS

 

Maggy DE COSTER, « Rencontre avec Asuka Kazama : une artiste peintre, plasticienne et photographe japonaise » dessins & photographies par Asuka KAZAMA & « Interview avec l'artiste-peintre franco-haïtienne Élodie Barthélémy », dessins & photographies par Élodie BARTHÉLÉMY & autres artistes 

​Hanen MAROUANI, « Entretien avec Asma Bayar », « Portrait de Sélima Atallah », « Entretien avec la jeune poétesse, romancière et peintre franco-syrienne Nour Cadour » avec des œuvres de l'artiste et deux photos de Natalie REZELMANN Ulysse AGASSIN« Mise en lumière sur la poésie de la franco-tunisienne Arwa BEN DHIA » & « Fatma Bouvet de la Maisonneuve : “Le féminisme est pour moi un élément inséparable du combat pour les droits humains.” »

 

 

CRITIQUES POÉTIQUES & ARTISTIQUES 

 

Françoise URBAN-MENNINGER, « Maryam Firuzi expose "À un cheveu près" », texte illustré par Claude MENNINGER 

 

Maggy DE COSTER « Hanen Marouani, « Tout ira bien », Le Lys bleu, 2021, 116 pages, 12€ », « Imèn Moussa, Il fallait bien une racine ailleurs, Éditions l’Harmattan, 2020, 144 pages, 15€ », « L'exposition "Sur les routes de Samarcande. Merveilles de soie et d'or" à l'Institut du Monde Arabe » avec un reportage photographique, ...

 

 

LECTURES & LECTRICES

[Cette nouvelle rubrique permet de vous proposer des lectures des lectrices de la revue Orientales]

 

Arwa BEN DHIA (texte & images), « "Phronésis" de Rachida Belkacem, un livre de méditation »

 

 

VARIA & ACTUALITÉ  

[Créations libres poétique, théorique, historique, etc. ]

 

Rana ALAM, « Chevelure dorée, prix de la liberté »

رنا علم / Rana ALAM, « زواج القاصرات في بلاد الجهل » ​​​​​​​​​

/ Rana ALAM, « الطفلة »

 

Édouard GEMAYEL, « Les Cèdres », extrait du périodique égyptien Images (N°19, 1930) 

 ​​​​​​​​

Françoise URBAN-MENNINGER, « Déchirons le voile de l’obscurantisme », « Les voix des femmes afghanes à Strasbourg »

Lisa FOURNEL, « Dévoilons-nous »

Pierre ZEHNACKER, « Douleur de Manfred »

Dina SAHYOUNI, « Hommage à Fatma Ben Fdhila » 

 

 

 

 

L'édition électronique de ce deuxième numéro se termine le 30 avril  2023. La rédaction remercie infiniment les personnes – publiées ou non – qui ont pris répondu à l'appel à contributions du numéro.

ORIENTALES

© Revue Poéfeministe, poéféminologique, internationale & multilingue

 

ISSN électronique : .... en cours

 

 

PÉRIODIQUE ANNUEL 

PROPOSÉ EN PARUTION 

NUMÉRIQUE DANS LA REVUE 

LE PAN POÉTIQUE DES MUSES

& IMPRIMÉE EN AUTOMNE 2023

 

 

Numéro organisé par :

ORIENTALES 

Réalisation technique :

Aude SIMON

Comité de lecture composé de l'Équipe de la revue 

Contacts via LE PAN POÉTIQUE DES MUSES :

contactlppdm@pandesmuses.fr & contact.revue@pandesmuses.fr

 

Rappel utile : comme vous le savez bien, cette revue (dans ses versions électronique et imprimée) décline toute responsabilité juridique concernant le contenu publié par elle parce qu'elle considère que chaque auteur/auteure est libre dans le respect de sa charte déontologique, par conséquent, l'auteure/auteur est l'unique responsable du contenu de son texte, de son image, sa vidéo, etc.

 

 

POUR CITER CET AVIS DE PARUTION

 

REVUE ORIENTALES, « LES VOYAGEUSES ET LEURS VOYAGES RÉELS ET FICTIFS | SOMMAIRE DU VOLUME 1 »Revue Orientalesn°2, volume 1, mis en ligne le 29 mars 2023. URL.

http://www.pandesmuses.fr/periodiques/orientales/no2

 

 

Page en construction créée

le 29 mars 2023 par Aude

Dernière mise à jour : 30 avril 2023

Parution prévue du numéro papier en fin du mois de juin 2023

 

 

ISSN NUMÉRIQUE DU SITE 2116-1046

© www.pandesmuses.fr

 

Lettre n° 9 (Avant-première de nos dernières publications de 2016)

© Tous droits réservés

30 avril 2023 7 30 /04 /avril /2023 18:58

Événements poétiques | Festival International Megalesia 2023 | Entretiens poétiques, artistiques & féministes & REVUE ORIENTALES (O) | N° 2-1 | Editorial | Matrimoine

 

 

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Les voyageuses & leurs voyages en poésie

 

 

 

 


 

 

 

Dina Sahyouni

Fondatrice & directrice de publication de plusieurs revues dont Orientales

 

 

 

 

Crédit photo : Delphin Enjolras, "A Favourite Book", image libre de droits, capture d'écran par LPpdm.

 

 

 

Ce premier volet sur les voyageuses et leurs voyages réels et fictifs met en lumière les nombreuses façons de voyager lorsqu'on est une artiste, une journaliste, une poète... ou une lectrice, une historienne... en prenant des chemins de traverse par l'intermédiaire de l'écriture, des musées, des arts, des livres, des rêves, des travestissemens ou en se déplaçant physiquement d'un endroit à un autre sur cette planète. Tous ces voyages artistiques, poétiques réels ou imaginaires ainsi que les œuvres (artistiques, poétiques, mystiques, éditoriaux, etc.) qu'ils génèrent s'inscrivent dans une géographie poétique, artistique et esthétique. D'emblée, ce volet comme les autres qui viendront sur ce genre de thématiques font partie de ce qui est connu sous les appellations de « Géopoétique » et « Sociopoétique », nous y ajoutons les trois nouvelles notions suivantes : la géoartistique, la géoesthétique et la Socioesthétique puisqu'une géographie esthétique et une sociologie esthétique se déploient sous nos yeux avec ses propres caractéristiques et étendues. De même, nous formons la notion de géoartistique pour qualifier, entre autres, une manière de penser l'art, le monde, l'univers ou tout simplement la géographie esthétique du vivant ou celle des univers. Or, parler des voyageuses et de leurs voyages renvoie aux rêveries et aux rêves parce que voyager est souvent synonyme de dépassement onirique ou non et c'est souvent consentir à traverser un périple c'est surtout faire un geste en se déplaçant ou en ouvrant les fenêtres et les portes invisibles de son esprit. Et ce n'est pas n'importe quel geste, c'est un geste altruiste, un pas vers l'altérité en soi et hors le soi.

 

 

Longtemps, une histoire hégémonique du voyage et de ses principales figures comme celle de leurs représentations dans tous les domaines ou presque était essentiellement faite au masculin et pour glorifier des exploits d'hommes. Ce premier volume vient ainsi témoigner d'une autre manière d'examiner les faits des siècles passés en ouvrant une brèche à celles mises à côté, minorées ou censées avoir des parcours peu marquants. Ce premier volume rétablit une partie de ce que l'on (re)découvre à travers les parutions récentes et les recherches dans les archives sur la capacité des femmes à être des exploratrices comme les hommes, la capacité des femmes d'être des voyageuses comme les hommes voyageurs et, de parler et de représenter leurs voyages et leurs univers dans leurs créations comme les hommes. D'emblée, elles peuvent comme les hommes voyager à travers les personnages qu'elles créent. Les voyageuses sont donc bien nombreuses, leurs voyages sont aussi bien nombreux. Les voyageuses font découvrir aux personnes qui acceptent de suivre leurs traces l'immensité de leurs talents.

 

Voilà pourquoi une critique et une réceptions féministes ne suffisent guère à comprendre et à lire les traces laissées par ces créatrices, il nous faut aussi installer une nouvelle manière de réceptionner et critiquer les ouvrages et traces des femmes, pour cela nous faisons appel au néologisme suivant Poécritique féministe qui permet de critiquer et de réceptionner poétiquement et féministement ces traces et ouvrages et d'en parler en incitant le lectorat (lectrices et lecteurs...) à défier les préjugés sur les femmes et sur leurs œuvres pour s'en emparer et découvrir leurs richesses et intérêts. La poécritique féministe permet entre autres d'analyser les discours et les ouvrages avec les outils d'une poétique féministe, sa méthodologie et ses modèles interprétatifs.

 

L'équipe féministe de cette jeune revue vous remercie chaleureusement d'avoir participer à ces aventure et prise de risque de sortir des habitudes pour être en partance avec nous pour arpenter ensemble de nouveaux sentiers intellectuels et défaire les frontières des idées reçues, des malentendus, des conflits et des préjugés vifs entre deux mondes très anciens mais toujours vivants et combatifs que sont l'Orient et l'Occident.

Il ne me reste que de vous souhaiter un agréable voyage à travers ces pages !*

 

 

© Dina Sahyouni

 

* Les nouveaux néologismes cités dans ce texte ont été créés par Dina Sahyouni et apparaissent définis dans ses Dictionnaires... en cours de réalisation.

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Pour citer cet éditorial inédit

 

Dina Sahyouni, « Les voyageuses et leurs voyages en poésie » Revue Orientales, « Les voyageuses & leurs voyages réels ou fictifs », n°2, volume 1, mis en ligne le 30 avril 2023. URL : 

http://www.pandesmuses.fr/periodiques/orientales/no2/ds-edito-voyageuses

 

 

 

Mise en page par Aude

 

© Tous droits réservés  

 

Retour au sommaire du N°2

30 avril 2023 7 30 /04 /avril /2023 18:43

Événements poétiques | Festival International Megalesia 2023 | Entretiens poétiques, artistiques & féministes |Revue culturelle d'Orient & d'Afrique & REVUE ORIENTALES (O) | N° 2-1 | Dossier

 

 

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Fatma Bouvet de la Maisonneuve : 

 

“Le féminisme est pour moi un élément

 

inséparable du combat pour

 

les droits humains.”

 


 

 

 

 

 

Propos recueillis par

 

Hanen Marouani

 

 

 

Entrevue avec

 

 

Fatma Bouvet de la Maisonneuve

 

Psychiatre, psychothérapeute & écrivaine franco-tunisienne

 

Site officiel :

fatmabouvet.com

 

 

 

 

 

© Crédit photo :  Portrait photographique de Dr. Fatma Bouvet de la Maisonneuve.

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Profession : Médecin psychiatre psychothérapeute

Site Internet, Blog :

fatmabouvet.com fbdlm, Paroles_Magh_Fr  

 

 

BIOGRAPHIE 

 

Elle est psychiatre, psychothérapeute et écrivaine franco-tunisienne. Elle exerce à Paris. 

 

Mandats :

– Elue municipale  de 2008 à 2014, à Montrouge (92)
– Ancien membre CESE jusqu’en 2019 (2 mandats) 

– Membre du conseil scientifique du 1er congrès de psychiatrie francophone : l’Encéphale qui se tient chaque année en Janvier  à Paris.  

– Ancienne administratrice du Club XXIe siècle 

– Membre du Parlement des Écrivaines Francophones 

 
Distinctions :

 

Prix de la Réussite au Féminin par l'association France-Euro-méditerranée en partenariat avec le Quai d’Orsay en 2011 ;

Trophée 2019  1e Médecin Tunisien dans le monde (Association Tounsi du Monde) ;

Chevalier de la Légion d’honneur (2016).

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Publications personnelles : 

L’odeur d’un homme, roman, Éditions Au Pont 9 ;

L’île aux mères, roman,  Éditions Au Pont 9 ;

Les femmes face à l’alcool, Résister et s’en sortir, essai, Éditions Odile Jacob ;

Le Choix des femmes, essai, Éditions Odile Jacob ;

Enfants et parents en souffrance. Dyslexie, anxiété scolaire, maladies somatiques…, essai, Éditions Odile Jacob ;

Une Arabe en France. Une vie au delà des préjugés, essai, Éditions Odile Jacob.

 

Publications collectives :

 

Secrets de psy (Éditions Odile Jacob) ;

Pouvoir(e)s (Éditions Eyrolles) ;

Alcool et troubles mentaux (Éditions Masson) ;

D’ailleurs et d’Ici (Philippe Rey) ;

Les psy se confient : Pour vous aider à trouver l’équilbre intérieur (Éditions Odile Jacob) ;

Les apparences dépouillées (Hervé Chopin).

 

Chroniques : 

Ex chroniqueuse : Psychologie Magazine et La Croix.

 

 

ENTRETIEN

 

 

© Crédit photo :  Première de ouverture illustrée du roman « L’odeur d’un homme »  de la romancière Fatma Bouvet de la Maisonneuve aux Éditions Au Pont 9.

 

 

 

H.M – « L’odeur d’un homme » offre un panorama de réactions et de positions vis-à-vis de la révolution tunisienne à partir de la littérature romanesque. Peut-on dire que les écarts entre les deux périodes pré-révolutionnaire et post-révolutionnaire et qui se ressentent visiblement dans votre œuvre sont à l’origine de l’écriture de votre nouveau livre ? 

 

F.B.D.L.M – La révolution a permis au monde entier mais avant tout aux Tunisiens de mieux réfléchir sur eux-mêmes : leurs choix de vie, leurs identités, leurs contradictions, leurs forces, leurs fragilités. Alors, oui, il y a incontestablement un avant et un après la Révolution de la Dignité. D’une certaine façon, tout ce qui allait de soi ou dont nous négligions la complexité et qui, comme je l’ai ressenti s’est exprimé après la révolution, m’a intéressée pour écrire ce roman. 


 

H.M – Vous consacrez des passages très pertinents pour donner une représentation de « l’étrangère chez soi » affirmant ainsi le dépassement du premier sens de l’expression en soulignant que la présence de l’autre pourrait être infernale comme disait Jean Paul Sartre et en faisant même un clin d’œil à « Une chambre à soi » de Virginia Woolf. Pourriez-vous nous analyser encore plus ce point ? 

 

F.B.D.L.M – Je suis honorée par ces références. L’enfer ce sont les autres à travers ce qu’était Inès, ou ce qu’elle est et qu’elle refuse de reconnaître. Autrement dit, l’enfer ici, c’est elle-même puisqu’elle est face à elle-même. Cet homme, Youssef  et les autres personnages sont la Tunisie moderne, la terre de ses parents et de ses ancêtres. Leur rencontre lui a permis de retrouver ses sens qu’elle a camouflés en s’anesthésiant. D’ailleurs, nous ne savons pas trop pourquoi Inès est devenue à ce point insensible. Il s’agit là d’écrire la rencontre la plus complexe que l’on puisse vivre dans une vie. C’est la rencontre avec son authenticité. Je ne voudrais pas dévoiler certains éléments très métaphoriques dans le livre qui font mention à cette notion. 


 

H.M – Serait-il possible voire logique de tisser un lien entre le voyage gustatif de Marcel Proust et le voyage olfactif de Fatma Bouvet de la Maisonneuve ?


 

F.B.D.L.M – Effectivement, il existe toujours quelque chose qui nous rappelle les temps insouciants (pour les chanceux) de notre enfance. Dans mon premier roman L’île aux mères, j’ai voulu travailler sur la sensualité du visible : les couleurs et les formes. Dans L’odeur d’un homme, j’ai voulu développer la sensualité olfactive que j’ai trouvée bien difficile à écrire, et pourtant elle est très développée chez moi.  J’ai souhaité également faire découvrir une odeur que tous les méditerranéens connaissent sans savoir ce qu’elle est vraiment : celle du myrte dont la signification mythologique développée dans le roman correspond à une quête. Dès le début du roman, en sentant cette odeur que l’héroïne reconnait, elle retourne en enfance, jusqu’à la revivre d’une certaine manière. 


 

H.M – Mettons l’accent sur votre méthode d’analyse. Nous relevons plusieurs motifs d’analyse sociologiques et psychologiques. Il y a également les traces d’un vécu autobiographique et des témoignages ; ce qui transforme les textes en documents grâce à une technique d’énonciation qui varie les discours, les personnages, les voix et les plans d’énonciation. Cette méthode permettra-t-elle d’avoir une série d’images, de concepts, de révélations authentiques et objectifs des femmes et des sociétés pour pouvoir les traiter par la suite comme problématiques majeures liées aux relations et modes de pouvoir dans la société en question ? 

 

F.B.D.L.M – Il est vrai que j’observe beaucoup les autres, est-ce cette nature qui m’a poussée à être psychiatre ou est-ce parce que je suis psychiatre que j’observe beaucoup les autres ? J’ai donc retenu depuis toutes ces années des scènes que j’ai reproduites mais que je propose dans le roman dans des décors différents tout en préservant le message que j’en ai retenu. Il existe toujours des lieux intéressants, outre le cabinet de psychothérapeute, pour observer les évolutions de la société, les rapports de forces entre les individus ou les clans, ainsi que les contradictions et le déchirement intérieur. J’ai surtout souhaité avec cet ouvrage et à travers ces observations sortir des clichés que les occidentaux ont l’habitude de lire au sujet des pays du Maghreb, décentrer le regard, fuir l’orientalisme et le misérabilisme. Ceux qui s’attendent à lire une histoire de mariage forcé ou de violences faites aux femmes, etc, ne trouveront rien de cela dans mon roman. J’aime montrer une Tunisie moderne, instruite, qui a réalisé l’impensable, qui a probablement été à l’origine d’un changement de repères total dans le paysage politique de la région et peut-être même du monde. Je considère que cette révolution est sous-estimée dans les bouleversements qu’elle a provoqués dans le monde.  Je tente de raconter dans L’odeur d’un homme, ce qu’elle a remué chez les Tunisiens-mêmes.  J’y évoque les questions du régionalisme, des transfuges de classe, de l’amour, des traditions, du rapport à l’occident etc. 


 

 

 

 

 

 

 

© Crédit photo :  Première de ouverture de l'essai « Une Arabe en France. Une vie au delà des préjugés » par l'essayiste Fatma Bouvet de la Maisonneuve aux Éditions Odile Jacob.

 

 

 

H.M – Fatma Bouvet de la Maisonneuve, comment êtes-vous arrivée à l’écriture à partir de la médecine et plus précisément de la psychiatrie ? Quel a été l’élément déclencheur voire le déclic qui vous a mis sur les bancs de la littérature comme façon d’agir ?

 

F.B.D.L.M – Avant d’écrire des fictions, j’ai écrit quatre essais autour de mon travail de médecin psychiatre et psychothérapeute, édités aux éditions Odile Jacob. Beaucoup, en lisant le dernier, Une Arabe en France, qui traite des conséquences psychiques du vécu en minorité de part et d’autre de la méditerranée, m’ont encouragée à écrire de la fiction, et cela a rejoint un rêve (j’ai toujours beaucoup lu et admiré les romanciers) et cette incitation m’a permis de raconter des histoires. J’entends tellement d’histoires dans mon cabinet qui font appel à tant de situations universellement partagées que j’ai toujours eu envie de les raconter. J’ai dans ma besace encore beaucoup de choses à écrire, mais je les radoucirai car la réalité est toujours pire que la fiction et je ne souhaite pas effrayer mes lecteurs mais les pousser à réfléchir autour des sujets qui me préoccupent. 


 

 

H.M – Au niveau des titres des chapitres, vous avez choisi l’anglais et l'arabe et vous faites allusion dès le premier chapitre à la chanson « Yes we can » = « Oui, nous pouvons » qui avait inspiré le discours de Barack Obama et avait marqué la campagne présidentielle américaine en 2008, en affirmant qu’il s’agit d’un simple credo très condensé qui résume l’esprit d’un peuple et la vision optimiste de l’avenir d’un pays. En quelques mots courts et simples, parvenez-vous à toucher du doigt une projection d’une réalité tunisienne optimiste et prometteuse en ces temps de crise sociale et économique après plus de dix ans de la « Révolution du Jasmin » ?

 

F.B.D.L.M – Je dois avouer que je suis pour la première fois très très préoccupée par la période que la Tunisie vit actuellement. Elle est critique à la fois sur le plan politique social et économique, mais aussi sur le plan intellectuel : quelle société pour le pays, comment et avec qui comme leader (homme ou femme) ?  Tout le monde n’a que cette question en tête. Il s’agit d’une question profonde puisqu’elle fait appel à des aspirations individuelles comme aux collectives. Jusque-là, je ne doutais absolument pas de la capacité de ce pays à se relever car il s’agit d’un peuple qui a toujours traversé les crises grâce aux consensus (il n’y a jamais eu de guerres civiles en Tunisie) et malgré la rudesse de la situation, je ne pense pas qu’il y en aura une. La jeunesse y est extrêmement active et créative, tout du moins celle qui reste. Mais la faim et la précarité augmentent bel et bien dans le pays et cela m’attriste mais atteint quelque peu mon optimisme. J’aurais vraiment souhaité répondre autrement…


 

 

H.M – You say you want a revolution est le slogan de votre deuxième chapitre. On sent la présence d’une cicatrice…mais très parlante sur le plan intellectuel, culturel, psychique, émotif. Est-ce bien tout cela qui participe à la construction de l’identité de l’écriture de Fatma Bouvet de la Maisonneuve ? 

 

F.B.D.L.M – J’aime beaucoup votre question. Je pense que lorsque l’on a les possibilités de changer les choses afin de les rendre plus justes, chacun à son niveau doit agir. Personnellement, je ne conçois pas mon passage sur cette terre comme un passage passif. Non pas que je me sente dotée d’une mission, mais j’exerce un métier où ma matière est celle de l’humain au sens le plus brut du terme et je sais que les dysfonctionnements font souffrir des êtres humains, nos semblables. Alors, j’essaie de ne manquer aucune occasion de souligner ce qui fait mal et ce qui est mal fait, à mon sens. Cette révolution en Tunisie, nous la voulions, mais nous étions à mille lieux de penser qu’elle ait lieu, seulement impossible n’est pas tunisien. Nous l’avons faite. J’ai connu les dictatures de Bourguiba et de Ben Ali, et je sais l’oppression que l’on ressent sous une dictature. Un souffle de liberté était bien présent en 2011, mais s’en sont est suivies des séquences tragiques, comme les assassinats de figures politiques de gauche qui participaient au débat collectif, puis des successions de dirigeants qui n’ont pas su redresser le pays. Tous s’attendaient à de la politique autrement, mais nous avons singé les autres démocraties qui vivent elles aussi une défiance de la part de leurs administrés. Bref, nous apprenons qu’une révolution met du temps à aboutir, il faut donc être patients, même si l’on est très déçus.  


 

H.M – Vous vous êtes engagée dans le combat féministe depuis des années. Quelle fut votre rencontre avec le féminisme ? 

 

F.B.D.L.M – J’ai grandi dans une famille très politisée et très gauche et le féminisme faisait partie du logiciel de notre éducation. Le féminisme est pour moi un élément inséparable du combat pour les droits humains. À mon sens, il n’est efficace que s’il est porté par les femmes et nos compagnons hommes. Nous ne pourrons jamais arriver à la parité sans impliquer les hommes dans la réflexion. 



 

H.M – Pensez-vous que le changement d’un régime politique est une action féministe et encore plus féminine dans la fiction que dans la réalité ? 

 

F.B.D.L.M – Je pense, et je ne suis pas la seule, que le pouls d’un pays se mesure à l’accès de ses femmes à l’éducation et à la santé. Je pense également que de par leur statut d’individus ayant constamment à franchir des obstacles et ayant pour habitudes d’être multitâches, les femmes sont plus visionnaires que les hommes. Dans un contexte de changement politique, ce sont toujours les femmes qui risquent de perdre plus que les hommes. S’il n’y avait eu la mobilisation de la société civile féministe lors de la rédaction de la constitution d’après la constituante, les femmes seraient défavorisées, d’ailleurs elles se sont penchées sur tous les autres problèmes de discriminations. L’espérance de vie des femmes étant plus importante que celle des hommes, les électrices sont plus nombreuses que les électeurs mais les dirigeants n’en prennent pas encore conscience. Donc je crois que les responsables politiques actuels ont tort de si peu considérer les femmes dans leurs programmes. Un jour très prochain, cela changera. En attendant, les nombreuses séries télévisées qui représentent des femmes au pouvoir vont donner l’habitude de voir des figures féminines aux commandes c’est certain. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui, même si dans la réalité, des femmes très courageuses dans le monde se jettent dans l’arène du machisme politique bien cruel, je l’ai expérimenté !   


 

H.M – Comment portez-vous la voix de la Tunisie d’aujourd'hui avec toute la complexité de son actualité et avec votre posture binationale ? 

 

F.B.D.L.M – Tout ce qui se passe en Tunisie me touche et me concerne au plus haut point. J’essaye d’en parler comme d’un pays en pleine ébullition, à l’image de l’Afrique entière. Une de mes préoccupations est de défaire les idées reçues, quelles qu’elles soient. Je profite donc de ce confort de connaître deux cultures pour défaire les clichés de part et d’autre de la méditerranée. Ma proximité avec l’imaginaire Français et celui du sud de la méditerranée me montre à quel point sans dialogue, les uns et les autres construisent des idées fausses au sujet les uns des autres. Je détricote sans cesse les préjugés. 


 

H.M– Vos références les plus fréquentes sont des personnalités politiques comme Barack Obama, Jacques Chirac… et même issues de la culture américaine sans oublier de signaler que le registre politique domine votre roman. Pourquoi ces choix énonciatifs et quel message avez-vous voulu transmettre ? 

 

F.B.D.L.M – La référence à Chirac se fait dans un contexte cynique, à l’image d’Inès, l’héroïne, au début du livre.  Celle faite à Obama, moins. Le point de départ du roman est la révolution tunisienne, mais en réalité il s’agit d’une révolution intérieure. Je dirais que la révolution a été un prétexte pour moi de parler du lien que l’on a avec son pays d’origine : l’enfance, de parler des désirs d’une femme, de l’authenticité et de montrer la sensualité de ce pays. Je trouve que la Tunisie est un pays sensuel. 


 

H.M – Le personnage féminin principal s’appelle « Inès ». Inès et Fatma sont-elles superposables et quelles sont leur référence majeure ?

 

F.B.D.L.M – Ce qui est le plus difficile et parfois même douloureux dans la fiction c’est de créer des personnages. Autant dans L’île aux mères, dont l’héroïne est Ève, que dans L’odeur d’un homme, où un des personnages principaux est Inès, j’ai choisi de rentrer dans la peau de personnes qui étaient à l’opposé de ce que je suis. C’est formidable comme voyage imaginaire, mais très difficile à transcrire et pourtant je passe ma vie à rentrer dans la tête des autres. Nous ne sommes donc absolument pas superposables, mais nous nous sommes retrouvées dans les mêmes situations sociales.


 

H.M – Êtes-vous comme Inès qui trouve « les Tunisiens hypocrites, faux jetons et roublards (…) en affirmant même qu’il s’agit bel et bien des « qualificatifs qui les unissent où qu’ils soient » ? 

 

F.B.D.L.M – Oh non, pas du tout ! Et je m’érige constamment contre ces qualificatifs et ces généralisations à l’emporte-pièce. Absolument pas ! Je vois pas mal d’hypocrites et de roublards de toutes les nationalités. Mais je voulais mettre en scène là, la détestation de soi des gens du sud, qui est un sujet important dans ma réflexion. 


 

 

© Crédit photo :  Première de ouverture illustrée du roman « L'île aux mères » par la romancière Fatma Bouvet de la Maisonneuve aux Éditions Au Pont 9.
 

 

 

 

H.M – Il y a aussi le mélange de plusieurs registres et langues. L’emploi des mots arabes minutieusement relevés du dialecte tunisien comme « jeddi », « Hamdoullah », « burnous », « l’ben » « L’Azouza » « couscous » est remarquablement marquant dans tous les chapitres. S’agit-il d’un travail recherché ou d’une écriture spontanée et naturelle ? 

 

F.B.D.L.M – J’y tenais absolument car je constate qu’il y a un problème chez un certain nombre d’européens avec l’acceptation de la langue arabe. J’ai donc voulu l’imposer. Mon modèle d’écriture est Chimamanda Ngosi Adichi, qui, elle a su imposer les différents dialects nigérians dans ses livres. Il s’agit d’une volonté spontanée, disons spontanément recherchée. 


 

H.M – Quelle a été l’importance de la coexistence de plusieurs cultures au sein d’une même société et quel est le rôle du métissage culturel et de la polyvalence dans votre carrière d’écrivaine ?


 

F.B.D.L.M. – Un rôle majeur à la fois confortable et difficile. Car il n’est pas aisé dans l’intimité d’une relation amicale de trouver des personnes sensibles aux deux humours, connaissant les classiques des deux cultures etc. Il est difficile de convaincre de sa bonne foi de ne pas vouloir faire le choix d’une culture par rapport à une autre, sans compter d’autres cultures encore que j’ai eu la chance de découvrir par mes voyages et qui m’inspirent.  D’autre part, je me sens très forte de ces deux sensibilités et cela me permet de m’affranchir des codes. L’écriture m’a permis une liberté que je ne connaissais pas auparavant, la liberté étant une de mes quêtes de vie. J’ai déjà ressenti quelques formes de liberté, mais jamais celle de créer un monde. Alors s’il s’agit de créer un monde à deux voire à plusieurs voix, imaginez un peu ma jubilation ! 

 

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Pour citer cette entrevue illustrée & inédite

 

Hanen Marouani, « Fatma Bouvet de la Maisonneuve : “Le féminisme est pour moi un élément inséparable du combat pour les droits humains.” », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événements poétiques | Festival International Megalesia 2023 « Étrangères », « Frontières du vivant », « Lyres printanières » & Revue Orientales, « Les voyageuses & leurs voyages réels ou fictifs », n°2, volume 1, mis en ligne le 30 avril 2023. URL : 

http://www.pandesmuses.fr/megalesia23/marouani-fatmabouvetdelamaisonneuve

 

 

 

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24 mars 2023 5 24 /03 /mars /2023 08:35

Ici

Événements poétiques | Festival International Megalesia 2023 | III. Anthologie « Lyres printanières » & REVUE ORIENTALES (O) | N° 2-1 |  Créations​​​​​ poétiques 

 

 

 

 

 

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Ici

 

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Chahla Chafiq

 

Écrivaine & sociologue

Site officiel : www.chahlachafiq.com

Facebook & Twitter

 

 

 

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© ​​​​​Crédit photo : Une nuit printanière, capture d'écran de la photographie utilisée par l'autrice pour illustrer son poème sur Twitter.

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Ici

Les arbres en fleurs 

Appellent la lune

Depuis les sombres nuages 

Au lointain

L’Iran 

Du cœur de Nowrouz 

Crie la liberté 

Au nom de Mahsa

 

© Chahla Chafiq, Mars 2023

این سوی دنیا

شکوفه های بهاری

صدا می زنند

از دل ابرهای سیاه 

ماه را 

و آن دورها

ایران ما 

فریاد  می زند 

در دل نوروز 

آزادی را 

با نام مهسا

 

شهلا شفيق ©

 

Biographie

 

Chahla CHAFIQ est écrivaine et sociologue d’origine iranienne.  Exilée en France depuis 1983 où elle publie différents ouvrages pour analyser la dimension totalitaire de l’islamisme en tant qu’idéologisation de l’islam. Son dernier essai Islam politique, sexe et genre a reçu le Prix Le Monde de la recherche universitaire.

Elle était directrice de l’ADRIC, l’Association pour le Développement des Relations Interculturelles et pour la Citoyenneté, de 2004 à 2014. Chahla Chafiq écrit également des textes littéraires. Un recueil de ses nouvelles, traduit du persan en français, a été publié en 2005 chez Métropolis : Chemins et brouillard. En septembre 2015, son premier roman, Demande au miroir, paraît aux éditions L’Âge d’Homme. Site internet :

www.chahlachafiq.com

 

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Pour citer ce poème bilingue & féministe inédit

 

Chahla Chafiq/شهلا شفيق, « Ici », poème bilingue Français-Persan, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événements poétiques | Festival International Megalesia 2023 « Étrangères », « Frontières du vivant » & « Lyres printanières » & Revue Orientales, « Les voyageuses & leurs voyages réels ou fictifs », n°2, volume 1, mis en ligne le 24 mars 2023. URL :

http://www.pandesmuses.fr/periodiques/orientales/no2/chahlachafiq-ici

 

 

 

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13 mars 2023 1 13 /03 /mars /2023 19:04

N°13 | (Auto)Portraits poétiques & artistiques des créatrices | Entretiens poétiques, artistiques & féministes & REVUE ORIENTALES (O) | N° 2-1 | Entretiens

 

 

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Mise en lumière sur la poésie de

 

 

la franco-tunisienne Arwa BEN DHIA

 

 

 

 

 

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Propos recueillis

en mars 2023 par

 

Hanen Marouani

 

 

 

Entrevue avec

& extraits poétiques de

 

 

Arwa Ben Dhia

 

Page Linkedin :

https://www.linkedin.com/in/arwa-ben-dhia-phd-0538b011/

 

 

 

© Crédit photo :  Portrait photographique de Arwa BEN DHIA

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Biographie

 

Arwa BEN DHIA est une poétesse franco-tunisienne née en 1986. Polyglotte, férue de littérature et de langues étrangères, elle lit, écrit et traduit à ses heures perdues. Elle est autrice de deux recueils de poésie multilingues « L’amour aux temps du web » et « Voyage de senteurs », publiés respectivement en 2014 et 2015 aux éditions Tsémah, et plus récemment d’un recueil poétique paru en mars 2023 aux éditions Mindset. Elle est aussi passionnée par la philosophie, les arts et la découverte de nouvelles cultures, surtout à travers les voyages et l’apprentissage des langues.  

De formation ingénieure en télécommunications et docteure en électronique, Arwa BEN DHIA exerce le métier d’ingénieure brevets au sein de NONY & associés, un cabinet français de Conseils en Propriété Industrielle. Elle est mandataire agréée près l’Office Européen des Brevets et Conseil en Propriété Industrielle, mention brevets d’invention.

 

 

Bibliographie

 

Outre les différents articles scientifiques publiés durant sa thèse de doctorat, son mémoire de thèse a fait l’objet d’un livre intitulé ​​​​​​« Designing a Robust Mesh of Clusters FPGA : Hardening basic blocks » publié aux éditions LAMBERT en 2015.

Publications littéraires :

– L’amour aux temps du web, Tsémah, Paris, 2014

Voyage de senteurs, Tsémah, Paris, 2015

Parfum d’amour, Tsémah, Paris, 2015 édition luxueuse rassemblant les deux premiers ouvrages

Silence Orange, Mindset, Paris, 2023

 

Site Internet, Blog, liens sites de ventes : 

CV complet sur LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/arwa-ben-dhia-phd-0538b011/

Tous ses livres sont disponibles à la vente en ligne, aussi bien sur les sites de leurs maisons d’édition que sur toutes les plateformes dont Amazon.

 

 

Entretien réalisé à l'occasion de la récente parution du troisième recueil « Silence Orange » chez Mindset de la poétesse franco-tunisienne Arwa Ben Dhia :

 

​​​​​​© Crédit photo :  Première de couverture illustrée de l'œuvre d'Arwa Ben Dhia le "Silence orange" paru aux Éditions Mindset, 2023.

 

 

Entrevue

 

 

H.M — D’après votre biographie, le lecteur comprend directement que votre profil est scientifique mais vous tenez au fait qu’il y ait toujours cette empreinte artistique et poétique dans votre vie. Vous cherchez à atteindre la polyvalence ou l’inconnu ? 

 

 

A.B.D Depuis que j’étais au lycée et que je devais faire mon choix d’orientation, j’étais tiraillée entre les mathématiques et les lettres. Sans fausse modestie, j’étais très bonne en mathématiques, mais j’étais excellente dans les matières littéraires, surtout dans les langues étrangères. J’aimais les mathématiques qui m’intéressaient, mais j’adorais l’apprentissage des langues qui me passionnait. Pendant mon temps libre, je lisais de la littérature, je ne résolvais pas de problèmes mathématiques.

Cependant, en Tunisie, il était impensable que la première de la classe ayant les meilleures notes en mathématiques aille faire des lettres. On considérait qu’avec des études scientifiques, on pouvait mieux “réussir sa vie”. J’étais donc obligée de renoncer à ma passion des lettres, et devais me contenter de l’entretenir comme simple loisir, en tant que dilettante. Ainsi, ai-je fait une carrière d’ingénieure, mais j’ai toujours eu à cœur de cultiver le côté artistique en moi. Une phrase qui pourrait résumer mon parcours est celle d’une professeure de français que j’ai eue au lycée et qui disait de moi que j’avais l’esprit scientifique et le cœur littéraire.    

L’art, en particulier la littérature, me permet de me soustraire de la rigueur des sciences dures. J’exprime cette idée à travers une allégorie dans ma nouvelle “Le vieil homme, la jeune femme et la mer” extraite de mon premier recueil “L’amour aux temps du web” et qui a été originellement écrite en anglais. Voici le passage en question, traduit en français par mes soins :

La jeune femme était en réalité une créature terrestre, un lapin mignon qui se plaisait à côtoyer une foule céleste. Avant dans sa vie, elle devait faire le choix de rester sur terre ou de devenir céleste. Comme elle savait qu’elle était une folle passionnée, elle craignait de voler trop haut dans le ciel et de se faire brûler par le soleil de toutes les passions. Elle préféra donc rester sur terre et apprendre davantage sur la cruauté du monde réel. Pourtant, elle réussit à garder ses ailes et à les cacher dans un endroit sûr. Et comme tout poète, la nuit, elle déploie secrètement ses lourdes et douloureuses ailes et s’envole vers la lune.

Cela dit, je ne sais pas si j’aurais été plus épanouie en faisant de la littérature ma profession. En tout cas, je ne regrette pas d’avoir choisi une carrière scientifique et exerce aujourd’hui un métier qui me plaît. 

Aux jeunes ayant des prédispositions pour les sciences, j’aimerais conseiller de ne pas se cantonner dans les sciences dures et de toucher aux arts et aux sciences humaines. En effet, un ingénieur ou un médecin sensible aux arts et à la littérature, qui lit de la philosophie et se documente sur l’histoire, devrait être à l’abri de tout endoctrinement.

J’ai l’impression qu’auparavant il y avait moins cette séparation qu’on établit aujourd’hui entre science et art. Plusieurs personnalités éminentes en sont l’exemple, comme Léonard De Vinci et Omar Khayyâm.

La polyvalence et la multidisciplinarité sont un atout et une richesse. Il faut essayer de tendre vers la complétude et de stimuler son cerveau dans tous les sens.

 

 

H.M — Félicitations pour la sortie de Silence Orange. Comment est-elle née l’idée d’utiliser les mots pour rendre hommage au silence ?

 

A.B.D — Merci. En fait, le silence est le leitmotiv de l’ouvrage, et il était plus que naturel pour moi de rendre hommage au silence, car c’est du silence que naissent mes mots. Je suis une personne plutôt réservée, timide et introvertie, qui n’est pas très douée pour l’expression orale. Alors, les mots mal exprimés, les mots tus et refoulés jaillissent du silence et se transforment en poèmes. Je me sers de l’écriture comme un défoulement et un exutoire. 

Ensuite, je considère que le monde moderne est trop agité et manque de silence. D’ailleurs, il y a une critique claire en ce sens dans le poème en prose « Homo Sapiens contra Gaïa » dont je cite le passage suivant :

« Taisez-vous ! Pourquoi devez-vous parler quand vous n’avez rien à dire ? Pourquoi tenez-vous à discuter de sujets qui vous sont étrangers ?

Votre vacarme désoblige le silence.

Calmez-vous ! Pourquoi vous embarquez-vous dans une course effrénée sans répit ? Pourquoi ne contemplez-vous pas les choses simples et ne vous promenez-vous pas tranquillement avec vos rêveries ? 

Pourquoi ne prenez-vous pas le temps de mûrir vos fruits ? 

Votre agitation exaspère le monde et irrite le temps qui s’est juré d’être votre pire ennemi ! »

Je pense que l’on a tant besoin de silence, notamment dans notre ère où l’on court sans cesse. On a besoin d’un silence propice à la méditation et à la sagesse. On a besoin de douceur et de quiétude, pour fuir la médiocrité et le vacarme ambiant.

 

 

H.M Lors de nos échanges, vous avez toujours insisté sur la notion de l’amour comme stimulateur de votre écriture poétique ou comme votre principale source d’inspiration. Vous liez aussi l’amour à la notion de la distance et du silence que ce soit dans vos deux premiers recueils ou dans Silence Orange votre dernier recueil récemment publié chez Mindset en France dont certains poèmes prennent une forme épistolaire ou de dialogue. La distance et le silence sont-ils des preuves d’un amour vrai ou d’un amour impossible ? 

 

A.B.D — J’ai toujours été fascinée par les histoires d’amour épistolaire. Les correspondances entre Gibran Khalil Gibran et May Ziadeh, témoignant de leur amitié profonde qui s’est vite transformée en un amour chaste, m’impressionnent et m’inspirent. Ils ne se sont jamais rencontrés sauf par la pensée. 

« Elle », le personnage féminin à qui je ne donne pas de nom dans mes deux premiers recueils et que je nomme Ariane dans « Silence Orange », croit que la distance et le silence favorisent l’amour vrai, car elle aime son amant de tout son être en dépit de ces deux obstacles. Je cite deux extraits qui illustrent cette idée :

Premier extrait de « Voyage de senteurs » : « Son absence n’était que présence lancinante. Son esprit hantait constamment ses pensées, son ombre habitait incessamment son corps, et son odeur se dégageait perpétuellement à travers ses pores. »

 

Deuxième extrait de « Silence Orange » : « Elle éprouvait pour lui un amour pur, romanesque et indéfectible qui coulait dans ses veines tel un fleuve de mélancolie lui tenant compagnie dans sa solitude. Parfois, ses torrents déferlaient en elle tellement fort qu’elle en pleurait.

Comme elle eût souhaité pouvoir partager avec lui ces moments précieux que l’on dérobait au temps ! Oh comme elle maudissait cette distance qui les séparait et ce virus qui compliquait les déplacements ! Mais elle se consola quelque part en se répétant que, quand on aimait, l’absence était paradoxalement la plus sûre et la plus certaine des présences. Absent, ne résidait-il pas pourtant en elle, partout où elle allait ? Ne le respirait-elle pas à chaque instant ? Julie Charles ne vivait-elle pas perpétuellement dans le cœur du poète ? Et ne continuait-elle pas à vivre à travers chaque lecture des « Méditations poétiques » ? »

Toutefois, avec le temps, elle apprend qu’un tel amour à distance est intenable, voire impossible, à cause de l’absence perpétuelle du corps. En effet, le corps est bien un élément essentiel dans la construction d’une relation de couple et un moyen de communication à part entière. Le nier serait se tromper lourdement. Je cite par exemple cet extrait du poème « Et le corps… Alors ? » dans « Silence Orange » :

 

« Tes traits confus se perdent

Dans le profond labyrinthe

De mes pensées hallucinantes.

Où est la sortie de ce songe

Épuisant de couleur orange ?

Tiens, attrape ce fil

Et sors de mon esprit !

Ton absence-présence

M’a dépensée et tarie !

Dépêche-toi de lever l’ancre

Et va-t’en vers d’autres mers

Où un autre amour t’est promis. »

 

 

 

H.M — La couleur orange, me paraît-il, un porteur de paradigmes sémantiques spécifiques dans votre vision poétique. Pourquoi un Silence Orange et pas rose, rouge, noir… ?  

 

A.B.D — À vrai dire, la couleur orange m’est venue spontanément à l’esprit, sans trop réfléchir. D’ailleurs, à plusieurs reprises dans l’ouvrage, je parle de « songe de couleur orange » pour qualifier l’amour épistolaire que vit Ariane avec son bien-aimé Nawfal. Ce n’est que quand on m’a demandé pourquoi j’ai choisi ce titre que je me suis mise à faire une sorte d’auto-psychanalyse pour essayer de comprendre ce qui m’a amenée inconsciemment à cette couleur-là, et pas une autre.

L’orange est une couleur chaude que l’on obtient en mélangeant le rouge et le jaune. Dans « Silence Orange », le rouge de l’Amour se mélange à la lumière du Silence.

Et lorsque l’on cherche le symbolisme de la couleur orange, on trouve que l'orange représente la positivité et l’optimisme dans la théorie des couleurs. Ariane espère ne pas se réveiller de son « songe orange » et les flammes de son amour sont bien de couleur orange. 

Dans son ensemble, « Silence Orange » est porteur d’espoir, car chaque poème, aussi triste soit-il, finit sur une note positive. 

La couleur orange est aussi associée au dynamisme et au mouvement. Le silence dans « Silence Orange » n’est donc pas un silence passif ou statique, mais au contraire c’est un silence actif, iconoclaste, et prométhéen, ayant foi en l’homme, qui refuse de subir, et qui s’exprime à travers une plume sincère et introspective, souvent audacieuse et incisive.

 

 

H.M — Parlez-nous un peu plus de la couverture qui rime avec le titre et avec votre sourire ?  

 

A.B.D — La couverture est très représentative de la thématique du recueil, comme je m’apprête à l’expliquer, et je précise qu’elle a été réalisée par l’artiste talentueuse Hana Oueslati que je remercie chaleureusement.

Sur la couverture, on la voit « Elle », Ariane, plongée, baignée dans son « songe orange ». J’ai presque envie d’emprunter l’expression de Shakespeare pour dire qu’elle est même faite de l’étoffe dont est tissé son songe.

Elle vit ce songe pleinement et exprime cela par une posture gracieuse dans laquelle elle relève le buste vers l’avant, affirmant et assumant ainsi sa féminité, et tendant les bras vers l’arrière. Elle s’ouvre vers « Lui », son Nawfal, et vers le monde. C’est une posture symbolisant non seulement la félicité, mais aussi et surtout la liberté. D’ailleurs, on la voit qui se désagrège partiellement de derrière, et ses fragments se muent en oiseaux qui s’envolent. La liberté est un thème abordé à moult reprises dans le recueil, notamment dans les poèmes « Insurge-toi », « Pour une déception » et « Olivier numide ». En effet, elle invite les hommes à se libérer de tout ce qui peut les asservir, surtout des idéologies. En se désagrégeant, son corps se fond avec la nature qu’elle vénère. Elle le dit clairement dans le poème en prose « Homo sapiens contra Gaïa » :

« Credo in unam : Gaïa, divinité mère !

En silence, l’on mourra, et en silence, la vie se renouvellera.

Comment ? Seul l’amour nous sauvera.

Aimez-vous ! Tout le reste viendra. »

En outre, elle a ses pieds immergés dans la mer. On peut voir son reflet sur la surface de l’eau. C’est certainement la mer Méditerranée qui la sépare de Nawfal. Au fait, la mer constitue pour moi une grande source d’inspiration poétique. Elle est d’ailleurs très récurrente dans ce recueil. Deux poèmes lui sont dédiés : « Les errances turquoise » et « Face à la mer ». J’aimerais enfin citer cet extrait du poème « La quête du beau » :

« Le péripatéticien que tu es n’est pas sans savoir

Qu’Aristote a dit : il y a les vivants, les morts,

Et ceux qui vont à la mer.

L’immensité de la mer te guidera infailliblement

Et éternellement vers la Beauté tant recherchée ».

 

 

 

H.M — Pouvez-vous partager avec nous votre aventure éditoriale pour enfin réussir à publier ce troisième recueil que vous avez déjà qualifié par « osé » ? 

 

A.B.D — Trouver une bonne maison d’édition pour publier mon recueil n’était nullement une tâche aisée, surtout pour une jeune poétesse comme moi qui n’est pas connue. La poésie est un genre qui n’est malheureusement pas très lu, contrairement aux romans. Il y a des maisons d’édition qui refusent délibérément de publier de la poésie, notamment provenant d’auteurs méconnus, car elle est considérée non rentable. J’ai donc dû m’armer de patience, de foi et de persévérance pour continuer à chercher un éditeur qui reconnaisse la valeur de mon manuscrit, malgré les attentes sans réponse et le nombre de refus non motivés. À chaque fois, au lieu de me décourager, j’essayais d’améliorer davantage le manuscrit et de l’enrichir. J’ai eu aussi la chance d’avoir une amie bienveillante, plus expérimentée que moi dans le domaine de l’édition, qui m’a conseillée et a eu la gentillesse de relire mon manuscrit en me proposant de modifier certains titres et de changer l’ordre de certains poèmes, afin de mieux mettre en valeur ma création artistique. Je l’ai déjà remerciée dans mon recueil et je réitère ici l’expression de ma gratitude envers elle. 

Si je devais conseiller les jeunes écrivains voulant se faire éditer, je leur dirais de frapper à toutes les portes et de ne jamais désespérer. Cependant, il faut se méfier des maisons d’édition à compte d’auteur qui vous demandent de financer vous-mêmes tout ou partie de l’édition. Il serait aussi opportun de se faire relire par une personne de confiance, avant de soumettre son manuscrit, car un regard extérieur est très important et est toujours constructif.  

Enfin, j’ai eu la chance de tomber sur Mindset éditions. Mon manuscrit a été lu par leur comité de lecture dans le délai de réponse annoncé sur leur site, et avant de m’accepter en m’envoyant un contrat type avec un mail générique comme l’ont fait certaines maisons, on m’a contactée pour un entretien téléphonique afin que je puisse parler de mon manuscrit et répondre aux questions du comité de lecture. J’ai beaucoup apprécié cette démarche et ai tout de suite été conquise par Mindset.  

Mindset une formidable maison d'édition qui porte parfaitement son nom (« état d'esprit »). C’est une jeune maison d’édition très dynamique, créée par une femme merveilleuse du nom de Julie Dénès, qui encourage les talents et les écrits atypiques (les « Livres Volants Non Identifiés » pour reprendre l'expression employée par Julie Dénès elle-même), racontant des histoires inspirantes et transmettant de beaux messages à l'humanité. Mindset se distingue des autres maisons d'édition par un fonctionnement très original et des valeurs admirables. Soucieuse de l'écologie, traitant les livres comme des bijoux et des messagers, et non comme de simples produits commerciaux, Mindset participe non seulement aux salons littéraires, mais aussi aux salons de bien-être, étant convaincue du caractère curatif des livres (bibliothérapie), ce à quoi j'adhère complètement.

Aussi suis-je fière que mon recueil ait intéressé Mindset et qu'il s’inscrive dans sa ligne éditoriale.

Je remercie mon éditrice d’avoir cru en « Silence Orange » qui est si cher à mon cœur, et de l'avoir porté à bon port. Je lui suis reconnaissante pour l'accompagnement, la qualité des échanges et le sérieux dans toutes les étapes de l'édition.

 

 

H.M — Ces derniers temps, on entend beaucoup : “Ensemble, portons l’espoir” dans tous les domaines y compris le domaine de la culture et de l’écriture. Quant à vous, l’espoir est une condamnation ou un bagne pour les jeunes plumes au sein des scénarios noirs à l’heure où le conflit s’enlise partout dans le monde ? 

 

A.B.D — Je crois que la vie nous condamne à l’espoir. Tant que nous sommes vivants, nous n’avons d’autre choix que l’espérance. Cela me fait penser à cette citation d’Aimé Césaire : « Je refuse de désespérer parce que désespérer, c'est refuser la vie. ». 

Je pense que les écrivains, et les poètes en particulier, ont pour mission de propager l’espoir à travers leurs écrits. 

Dans « Silence Orange », chaque poème est porteur d’un message de paix, d’amour, de tolérance, d’espoir. Comme je le soulignais plus avant dans cet entretien, l’orange symbolise l’espérance.

 

 

H.M Les scènes érotiques parcourent souvent vos poèmes. Seraient-elles la seule raison d’avoir insisté de publier ce recueil en France pas en Tunisie ?

 

A.B.D Pas vraiment. Je pense qu’en Tunisie, quoique la société soit prude et conservatrice dans sa majorité, l’érotisme reste toléré dans l’art. Je rappelle que l’ouvrage de littérature érotique arabe « La Prairie parfumée où s'ébattent les plaisirs » était écrit par le Tunisien Cheikh Nefzaoui au XVème siècle.

Pour ma part, j’aime marquer mes poèmes d’une empreinte sensuelle qui peut sembler parfois très osée, mais sans jamais tomber dans la vulgarité ou l’obscénité, car ce n’est pas dans ma nature. En effet, j’emploie beaucoup de métaphores en décrivant l’acte d’amour, comptant sur l’intelligence et l’imagination de mon lecteur pour déchiffrer les images que j’ai voulu peindre.

Cependant, certains textes, comme « Insurge-toi » ou « Ma nouvelle religion », pourraient paraître blasphématoires en Tunisie, car j’y critique les dogmes religieux. Hélas, dans mon pays natal, les libertés d’expression et de conscience sont souvent bafouées. On n’est jamais à l’abri d’une censure ou d’une garde à vue à cause d’un écrit jugé hérétique ou dissident. Dans « Silence Orange », j’invite les hommes à s’affranchir de toute doctrine aliénante et à changer d’état d’esprit (changer de Mindset ;)  en remplaçant un système de valeurs religieuses, qui divise et qui me semble très limité et limitatif, par un système de valeurs universelles plus large, plus humain et qui unit. Je partage avec vous les premiers vers du poème « Olivier numide » où je défends l’idée d’adopter une identité plurielle :

 

« J’étale et étends mes racines

Dans l’humus humide

De la terre de mes ancêtres.

Je suis un olivier numide

Fier de mes diverses origines.

Pourquoi voulez-vous que je sois

Arabe plutôt qu’africain ou berbère ?

Musulman plutôt que juif ou chrétien ?

Je suis tout cela à la fois ! Je suis Humain.

Je tends mes mains vers la canopée,

Pour traverser la Méditerranée, 

Enrichir mon identité,

Affirmer ma liberté,

Et sentir un air d'automne 

Charriant des filandres

Nées d’une farandole

De cultures et de couleurs

Venues d’ici et d’ailleurs. »

 

H.M — Que peut apporter la plume d’Arwa Ben Dhia qu’aucune autre plume ne peut apporter au genre de la poésie francophone ou d’expression française ?

 

A.B.D — J’espère avoir au moins contribué à l’exploration du thème de l’amour à distance à travers mes différents recueils poétiques. Mais je ne prétends pas être la seule plume à l’avoir fait. 

Pour ma part, et notamment dans « Silence Orange », je projette la lumière sur les inconvénients, risques et dangers d’une relation à distance. D’abord, il y a le problème de l’absence de contact physique que j’ai évoqué plus avant, véritable obstacle à l’établissement d’une relation saine et solide. Ensuite, dans ce genre de relations, on a tendance à idéaliser l’autre. On s’invente un personnage et on lui attribue des qualités qu’il n’a pas. Et là je cite Frédéric Schiffter : « Qu’on aime une personne pour les qualités imaginaires qu’on lui prête ou qu’on crédite les phénomènes de l’univers d’obéir à un ordre providentiel ou nécessaire au sein duquel s’inscrirait l’existence humaine, on prend chaque fois son désir pour la réalité. ». Enfin, étant donné cet écart entre l’imagination et la réalité, il est fort probable qu’au passage au monde réel, l’on soit déçu par ce bien-aimé virtuel. 

Par ailleurs, outre ma modeste contribution à l’étude du thème de l’amour à distance, je pense aussi que ma connaissance de plusieurs langues, mon ouverture à diverses cultures, mon intérêt pour la philosophie et les mythologies influent sur ma poésie et l’enrichissent en lui conférant une touche multiculturelle.

 

 

H.M — Après la publication de ce recueil, qu’est-ce qui a changé en vous ? 

 

A.B.D — Je me sens plus sûre de moi, plus affirmée et plus reconnue en tant que poétesse. Je suis heureuse d’avoir à mon actif trois recueils de poésie publiés chez deux maisons d’édition différentes. J’espère que mon nouveau-né « Silence Orange » plaira à ses lecteurs, qu’il les inspirera et, si j’ose dire, qu’il les illuminera. C’est un ouvrage que j'affectionne tout particulièrement. Il est le fruit d’années de création poétique, que j’ai réalisée surtout pendant la pandémie.

 

H.M — Arwa Ben Dhia, quels sont les profils qui vous inspirent le plus dans la poésie et dans la vie quotidienne ? 

 

A.B.D. — D’une manière générale, tout penseur libre m’inspire.

En ce qui concerne la poésie, plusieurs poètes me touchent. Je cite en premier lieu le poète palestinien Mahmoud Darwich. J’ai traduit nombre de ses poèmes en français. On voit son influence sur mon style d’écriture, notamment à travers les dialogues entre « Lui » et « Elle » qu’on trouve dans tous mes recueils, ainsi que dans le poème « Lettre à travers la Méditerranée » figurant dans « Silence Orange » et traduit de mon poème arabe qui est clairement inspiré de « Rita et le fusil » de Darwich. 

Je cite aussi Lamartine, Baudelaire, Borges, Lorca, Machado, Rumi, Khayyâm, Frost et Lord Byron. Mais il y en a sûrement d’autres.

Dans la vie en général, je suis inspirée par des philosophes dont je cite en tête de liste Nietzsche et Spinoza. D’ailleurs, dans « Silence Orange », on remarque l’influence de la pensée nietzschéenne et du panthéisme spinoziste sur mes poèmes. Il y a de nombreux clins d’œil à Nietzsche (l’éternel retour, Amor fati, l’oubli comme condition du bonheur, etc.). Je prétends même être une prophétesse d’une nouvelle religion, comme Zarathoustra. ☺

 

 

H.M — Merci pour tous ces beaux clins d’œil, Arwa. Que pouvez-vous nous ajouter à la fin de ce bel échange ?

 

A.B.D J’aimerais transmettre un beau message à l’humanité en finissant par ces vers extraits de mon poème « Namasté » (originellement écrit en anglais, intitulé « Fallen Gods ») qui prouvent que « Silence Orange » se veut aussi un silence prométhéen, ayant foi en l’homme et le considérant divin :

 

« Peu importe ce qu'ils vous disent,

Vous êtes capables de toujours faire mieux

Qu’ils ne veuillent vous faire croire.

Vous êtes des Dieux déchus de la voûte céleste.

Il y a infiniment plus de magie en vous, 

Vous, avec vos faiblesses, vos tares et votre volatilité,

Que des Dieux demeurés dans leur sublime Panthéon.

Ces derniers, avec leur fadeur, leur perfection et leur éternité,

Envient vraiment votre fragilité et votre mortalité.

Dites-vous-en davantage sur votre nature divine.

Répétez-le, encore et encore, jusqu'à persuasion,

Car il n’y a pas de mots plus puissants     

Que ceux employés pour parler à soi-même.

[...]

Et où que vous allez,

Essaimez la Beauté !

Car le Beau est le reflet de la divinité.

Namasté ! »

 

 

© Propos recueillis par Hanen MAROUANI

 

_______

 

 

Pour citer ces entrevue, photographies & extraits poétiques inédit​​​​​​s

​​​​

​Hanen Marouani, « Mise en lumière sur la poésie de la franco-tunisienne Arwa BEN DHIA », Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°13 | PRINTEMPS 2023 « (Auto)Portraits poétiques & artistiques des créatrices » Revue Orientales, « Les voyageuses & leurs voyages réels ou fictifs », n°2, volume 1, mis en ligne le 13 mars 2023. URL :

http://www.pandesmuses.fr/periodiques/orientales/no2/no13/hmarouani-poesie-arwabendhia

 

 

 

 

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