N° IV | AUTOMNE 2025 | LE MAL DE VIVRE... » | Dossiers majeur & mineur | Florilèges | Voix / Voies de la sororité
Francesca Woodman
Extraits engagés & images par
Extraits poétiques reproduits dans cette revue avec l'aimable autorisation de l’auteure.
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© Crédit photo : Carmen Pennarun, photos personnelles issues de son recueil « Dans l'arc d'un regard de Caryatide » (2019). Image no 1.
[Page 35]
Elle connut des heures si creuses
le miroir de l’instant ne renvoyant
qu’un leurre, une apparence
d’où elle n’était qu’absence
Le silence devint son maître :
personne à qui expliquer
les visions qui la hantaient
personne ne pouvait percevoir
les choses de là où elle les observait
Une porte en elle s’était ouverte
et les courants d’air laissaient
s’engouffrer les encombrements
– son ordre contrariait toutes les normes
Elle tenait ferme son objectif
dont rien ne parvenait à la distraire
De ses fantaisies néo-gothiques
feuilles de route d’un esprit juvénile
elle enfanta son Art loin des modèles
parentaux. Elle édifia des piliers
aux ports de caryatides – les effigies
de ses flammes intérieures
Sur un temps de latence
elle régla sa vie, sans jamais parvenir
à embrasser le mystère de sa propre création
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© Crédit photo : Carmen Pennarun, photos personnelles issues de son recueil « Dans l'arc d'un regard de Caryatide » (2019). Image no 2.
[Page 73]
Elle sème la confusion
brouille les pistes
nous (é)conduit
en zones d’ombres
vers des visions
théâtralisées
où le macabre
et le vivant
cohabitent
S’offrent à nous
(la photo est un présent)
des visions de cauchemar
où il ne manque au sujet
que le sourire, car il n’est
en rien passif et semble
nous indiquer la porte
de sortie du rêve
Les personnages
toujours prêts à s’enfuir
dont une partie du corps
échappe à l’enfermement
nous prennent dans leur champ
de vision. Une relation s’établit
entre le modèle et l’observateur
un retournement de situation
une inversion de rôle !
Aucune soumission
Aucune fatalité
Là où paraît l’enfermement
le regard indique une issue -
la voie fuyante vers la sortie
Il rend possible le décryptage
des situations incongrues
Son langage est à décoder
entre l’intrusion de l’objectif
et le vacillement des personnages
dans un espace où le temps
ne parvient pas à les fixer
sur le papier
Leur moi s’échappe
du cliché faisant d’eux des figures
absentes de l’obscurité qui les a vus
naître grâce aux échelles de lumière
que l’artiste a mis à leur disposition
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© Crédit photo : Carmen Pennarun, photos personnelles issues de son recueil « Dans l'arc d'un regard de Caryatide » (2019). Image no 3.
[Page 107]
Elle déchire la cloison
et sort de la chambre
de papier
Elle décline l'illusion
de la photographie
ce mur qui compresse
notre image, la fige
sur un temps mort
L'adolescente s'interroge
devant le cadeau offert :
cet appareil, lui permettra-t-il
de réaliser des clichés flottants
pourra-t-elle l'utiliser comme on
laisse un robinet ouvert autorisant
l'écoulement de la vie, sans rupture
- en constante recherche de prises ?
Sa photographie ne reflétera pas
des formes dépossédées de vie
alors elle accolera la fragilité
de sa nudité à la mort
elle trompera le temps
en jouant avec une stèle
comme si elle était fenêtre
elle la traversera en toute ingénuité
La mort est un gain
que la vie transperce
La mort est une perte
que la photographie pénètre
L’œuvre est ce que l’artiste
parvient à soustraire du néant
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© Crédit photo : Carmen Pennarun, photos personnelles issues de son recueil « Dans l'arc d'un regard de Caryatide » (2019). Image no 4.
[Page 109]
Tes pieds nus sur le vieux plancher
est-ce par peur des échardes
qu’ils s’en vont sautant
comme ceux d’un chimpanzé ?
Mais déjà tu t’accroches à l’embrasure
d’une porte et te voilà suspendue
au col d’une « mère maison »
qui est sur le point de t’effondrer.
Pourquoi tes ailes
plus pratiques que des échelles
les as-tu prêtées aux anges
sans oser les reprendre
au moment du grand saut
habillé d’une robe chemisier ?
La vie est un rythme
qui s’entend dans le studio
il fugue d’un accessoire à l’autre :
croquis, photos, poèmes,
collants, gants, nippes bohèmes
c’est jour de grande lessive
le chambardement en continu
Les gants s’en prennent aux étiquettes
tandis que tu disparais des autoportraits
car tu es en bas, pauvre nature morte
auréolée d’une longue chevelure blonde
Elle gît… verbe dont je haïs l’infinitif
il rompt définitivement avec le flux de la vie
aux yeux de ceux qui aiment il est anéantissement
car qui aime ne peut saisir
ce que l’éternité a conçu,
ce que de tous temps elle contemplait
et qu’elle prolongera en sensibilité
hors du champ de l’artiste*
© Carmen Pennarun,
© Quelques poèmes extraits de mon ouvrage « Dans l’arc d’un regard de caryatide », livre auto-édité en 2019. Tout le recueil est consacré à Francesca Woodman : cette jeune photographe qui s'est donné la mort et dont le travail sur la photographie sortait tant le corps féminin de la vision que les regards masculins renvoyaient, en général (et continuent de renvoyer).
***
Pour citer ces poèmes engagés, féministes, élégiaques & illustrés
Carmen Pennarun (poèmes & photographies), « Francesca Woodman », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : AUTOMNE 2025 | NO IV « LE MAL DE VIVRE DANS LA MORT VOLONTAIRE DES ARTISTES DE SAPHO À NOS JOURS » sous la direction de Francoise Urban-Menninger, mis en ligne le 23 octobre 2025. URL :
https://www.pandesmuses.fr/2025noiv/cpennarun-francescawoodman
Mise en page par David
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