7 juin 2025 6 07 /06 /juin /2025 13:15

N° III | ÉTÉ 2025 / NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES » | 1er Volet | Dossier | Articles & Témoignages | Revue Matrimoine

 

 

 

 

 

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Mary Cassatt

 

 

(1844-1926)

 

 

 

 

 

 

Notice biographique par

 

Sarah Mostrel

 

Site : https://sarahmostrel.wordpress.com

Facebook https://www.facebook.com/sarah.mostrel

Chaîne You Tube : https://www.youtube.com/user/SarahMostrel

 

 

 

Crédit photo : Mary Cassatt (1844-1926), « Autoportrait », peinture tombée dans la domaine public, capture d'écran par LPpdm d’une photographie libre de droits trouvée sur le web.

 

 

    Elle a su s’imposer dans un milieu d’hommes et est parvenue à vivre de son art. Avec Berthe Morisot, Marie Bracquemond (1840-1916) et Eva Gonzalès (1847-1883), l’impressionniste se détache du regard masculin stéréotypé, où les femmes ne pouvaient pas faire de portraits d’hommes hors de leur famille, ni de grandes fresques historiques. Les femmes chez Cassatt sont différentes. Elles sont peintes non en objets passifs mais s’instruisant, ou instruisant leurs enfants. L’aquafortiste aimait dépeindre la maternité des femmes. Étonnamment, car elle ne fut pas mariée, et n’eut pas d’enfant. Passionnée d’estampes japonaises, l’Américaine née dans une famille fortunée de Pennsylvanie en 1844 se plaisait à mettre en valeurs les corps féminins, la chair, l’intimité féminine. 

 

      Devenue aveugle vers la fin de sa vie, la peintre « psychologique » (elle était très attentive à la figure humaine dont elle parvenait à dégager la personnalité) s’inscrit dans le féminisme essentialiste, où les femmes doivent s’exprimer dans leur singularité. Elle subira cependant les critiques d’hommes qu’elle côtoie et même de ses amis. « Je ne peux pas croire qu’une femme dessine aussi bien », lui lance ainsi Degas en 1892, décontenancé par sa toile Jeunes femmes cueillant des fruits


 

    Mary Cassatt a participé au changement qui s’opère au XIXe siècle, où des femmes sont soudain représentées en vêtements de travail avec des chevalets. La portraitiste aimait représenter la vie dans sa sphère intime, et a mis en valeur les femmes dans leur identité. 


 

 

© Sarah Mostrel, extrait de « Femmes inspirantes » (éd. Non Nobis) reproduit avec l’aimable autorisation de l’artiste-autrice et sa maison d’édition.

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Pour citer cet extrait inédit

 

Sarah Mostrel, « Mary Cassatt (1844-1926) », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : ÉTÉ 2025 | NO III NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES », 1er Volet, mis en ligne le 7 juin 2025. URL :

https://www.pandesmuses.fr/2025noiii/sm-marycassatt

 

 

 

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7 juin 2025 6 07 /06 /juin /2025 13:13

N° III | ÉTÉ 2025 / NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES » | 1er Volet | Dossier | Articles & Témoignages | Revue Matrimoine

 

 

 

 

 

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Suzanne Valadon

 

 

(1865-1938)

 

 

 

 

 

 

 

Notice biographique par

 

Sarah Mostrel

 

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Chaîne You Tube : https://www.youtube.com/user/SarahMostrel

 

 

 

Crédit photo : Suzanne Valadon (1865-1938), « Autoportrait », peinture tombée dans la domaine public, capture d'écran par LPpdm d’une photographie libre de droits trouvée sur le web.

 

Peintre avant-gardiste, Suzanne Valadon ne fut pas seulement la « Muse de Montmartre » mais bien une peintre à part entière. Née le 23 septembre 1865 à Bessines-sur-Gartempe, en Haute-Vienne, d’une mère blanchisseuse Madeleine Valade et d’un père inconnu, Marie Clémentine dite Maria est issue de la classe ouvrière et quitte à cinq ans les environs de Limoges pour Paris où sa mère l’envoie au monastère Saint-Jean-de-Montmartre. Mais elle n’est pas faite pour ce cadre très strict. Elle ne tient pas en place et déjà, dessine à la craie et au charbon sur les trottoirs et sur les murs. À l’adolescence, elle s’enfuit et tente de survivre comme elle peut. Elle devient couturière puis trapéziste au cirque Molier, mais l’acrobate se blesse en plein exercice et c’en est fini de sa carrière circassienne. Que faire alors ? 

 

Marie a un physique très particulier, est une jolie femme et attire les peintres. Elle s’intéresse à l’art, les observe, elle s’initie au dessin, pratique le fusain, la sanguine tandis qu’ils la prennent comme modèle, à commencer par Puvis de Chavanne, puis Renoir, dont elle est un temps la maîtresse, Van Gogh, Toulouse-Lautrec (qui est son amant pendant deux ans et à cause de qui elle faillit se suicider lors de leur rupture alors qu’il refuse de l’épouser). Auprès d’eux, elle apprend les techniques des maîtres, se fascine pour le trait, la couleur, les portraits. Sur injonction de Lautrec qui lui lance : « Toi qui poses nue pour des vieillards, tu devrais t’appeler Suzanne ! », elle décide de changer de prénom… 

 

« Suzanne » baigne dans un milieu montmartrois alors très actif. Ce sont les temps qui précèdent la bohème montmartroise. Picasso, van Dongen ne vont pas tarder à arriver au Bateau Lavoir, au Lapin agile. Dans les cabarets, on s’amuse, les chansonniers poussent de la voix, les rues Lepic, Caulaincourt, Tourlaque sont on ne peut plus animées. Le sculpteur Bartholomé présente Suzanne à Degas qui la surnomme « Mariala terrible » et l’encourage à tenir le crayon, la mine de plomb, à se lancer dans la peinture. Il lui achète quelques œuvres.

 

En 1883, à 18 ans, elle accouche d’un fils, mais son mode de vie ne permet pas d’identifier le père. Elle a en effet une vie très libre, elle fréquente des chansonniers comme Maurice Boissy, des hommes de lettres comme l’Espagnol Miquel Utrillo y Molins, un aristocrate, ingénieur, critique d’art et peintre décorateur. Maurice naît un 26 décembre, au 8 rue du Poteau et est reconnu à huit ans par le peintre catalan Miquel Utrillo. Elle ne s’occupe pas beaucoup du gamin, laissé souvent à sa grand-mère à Pierrefitte-sur-Seine. Le petit va grandir de façon très instable et développera plus tard des troubles psychiatriques, des problèmes l’alcool, non sans que sa mère ne détecte en lui un talent exceptionnel en matière d’art. À 27 ans, Maurice Utrillo commencera à vivre de sa peinture et deviendra célèbre. 

 

En attendant, Suzanne, qui laisse éperdument amoureux Erik Satie après une nuit d’amour endiablée, progresse et expose ses premières toiles. En 1894, elle est la première femme à entrer à la Société nationale des beaux- arts avec cinq dessins. (Élisabeth Vigée-Lebrun, Rosa Bonheur, Camille Claudel forceront aussi les portes de l’art et de la SNBA en vue de reconnaissance.)

 

En 1896, à 31 ans, Valadon épouse Paul Mousis, ami d’Erik Satie. Le riche agent de change lui permet enfin de se consacrer entièrement à son art, mais elle vend peu, on n’achète pas à une femme ! Le couple s’installe au 12 rue Cortot, là où Renoir a fait en 1876 son atelier, depuis lequel il transporte chaque jour sa toile pour aller peindre sur le motif Le Bal du moulin de la Galette… Là où le fauve Charles Camoin et le postimpressioniste Émile Bernard, ami de Gauguin, ont séjourné. 

 

Suzanne s’adonne à sa passion et accroît sa notoriété. Elle peint des natures mortes, des paysages, continue ses fameux portraits, croquis et nus qui la distinguent… et choquent. « Il faut avoir le courage de regarder le modèle en face si l’on veut atteindre l’âme. Ne m’amenez jamais pour peindre une femme qui cherche l’aimable ou le joli, je la décevrais tout de suite », explique l’artiste. Le marchand Ambroise Vollard édite ses gravures.

 

La marchande d’art Berthe Weill l’aide à participer à dix-neuf expositions mais il reste très difficile pour Suzanne de s’imposer dans ce monde d’hommes. Après 13 ans d’union, son mariage casse. 

L’autodidacte expose au Salon d’automne à Paris (dont elle deviendra sociétaire en 1920 jusqu’en 1933) et s’éprend d’un jeune électricien, peintre amateur d’origine alsacienne, André Utter, ami de son fils. Il a 28 ans, soit 21 ans de moins qu’elle, il est « d’une grande beauté avec sa tignasse blonde, ses yeux bleus et son teint vif », comme le décrit son ami peintre et écrivain Edmond Heuzé. Le coup de foudre a lieu, elle l’épouse en 1914.  Maurice Utrillo, André Utter et Suzanne Valadon ont des relations très agitées. On évoque le trio en termes de « Trinité maudite » car ils sont excentriques, Suzanne est connue pour ses frasques, Maurice, pour ses excès en alcool. André, fils d’un ferblantier et d’une femme de chambre est le second mari de Suzanne Valadon, pour qui il pose, et le beau-père de Maurice Utrillo. Pas simple !

 

En 1923, ils achètent le château de Saint-Bernard, qui surplombe la Saône. Chacun possède alors un atelier face aux monts du Beaujolais. Peintres, photographes, sculpteurs, personnalités littéraires, politiques et artistiques lyonnaises s’y pressent. En 1924, Suzanne signe un contrat avec la galerie Bernheim-Jeune. Le groupe éclate, mais donne naissance au Salon du Sud-Est à Lyon. On y verra André Derain, Raoul Dufy, Claude Monet, Auguste Renoir, Albert André, Paul Signac, Pierre Bonnard, des impressionnistes et néo-impressionnistes, de l’art nègre. 


 

En 1935, Maurice Utrillo (51 ans), peintre du Sacré-Cœur, rencontre Lucie Valore. Elle a cinq ans de plus que lui, a déjà été mariée deux fois, à Joseph Bernaud, sculpteur qui lui a donné une fille Alice Fernande Bernaud ; et à Robert Pauwels, un riche banquier belge, avec qui elle va connaître Valadon et Utrillo à qui ils achètent des toiles. L’ancienne comédienne devient veuve et propose à Suzanne qui s’inquiète pour son fils, d’épouser Maurice. En 1940, initiée par son mari, elle commence à peindre, à graver et à prendre soin de sa notoriété. (Elle fondera neuf ans après la mort de Maurice en 1963 l’Association Maurice-Utrillo qui gère un centre de documentation sur Utrillo, Suzanne Valadon, André Utter et Lucie Valore…).

 

Suzanne Valadon s’éteindra le 7 avril 1938 à Paris, entourée de ses amis peintres André Derain, Pablo Picasso et Georges Braque. Figure mythique de Montmartre, elle est enterrée au cimetière parisien de Saint-Ouen, tandis qu’Utrillo, décédé en 1955, à Dax où il était en cure, repose au cimetière de Montmartre.

 

 

© Sarah Mostrel, extrait de « Femmes inspirantes » (éd. Non Nobis) reproduit avec l’aimable autorisation de l’artiste-autrice et sa maison d’édition.

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Pour citer cet extrait inédit

Sarah Mostrel, « Suzanne Valadon (1865-1938) », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : ÉTÉ 2025 | NO III NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES », 1er Volet, mis en ligne le 7 juin 2025. URL :

https://www.pandesmuses.fr/2025noiii/sm-suzannevaladon

 

 

 

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4 juin 2025 3 04 /06 /juin /2025 17:11

N° III | ÉTÉ 2025 / NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES » | 1er Volet | Dossier | Articles & Témoignages | Revue Matrimoine

 

 

 

 

 

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Berthe Morisot

 

 

 

(1841-1895), l’indépendante

 

 

 

 

 

 

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Sarah Mostrel

 

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Crédit photo : Edouard Manet (1832-1883), portrait de Berthe Morizot, peinture tombée dans la domaine public, capture d'écran par LPpdm d’une photographie libre de droits trouvée sur le web.

 

Berthe Morisot (1841-1895), l’indépendante

 

   Les femmes peintres des générations précédentes devaient généralement leur succès à leurs clients, mais Berthe Morisot a réussi, grâce à son environnement riche et bourgeois, à utiliser son éducation artistique pour se forger une carrière, choisir ses sujets et exposer ses peintures aux côtés de peintres hommes. Ses sujets sont un hymne à la maternité, alors qu’à l’époque, dans les familles bourgeoises, les enfants étaient élevés par des nourrices et pas par leur mère. Si elle a été exclue à l’Académie des beaux-Arts parce qu’elle était femme, « je n’obtiendrai mon indépendance qu’à force de persévérance et en manifestant très ouvertement l’intention de m’émanciper », écrira-t-elle en 1871, bien décidée à aller au bout de sa passion. Muse d’Édouard Manet, elle ne posera plus quand elle se mariera avec son frère Eugène. Dès lors, elle se consacrera à son art, peignant les femmes dont sa sœur Edma mais aussi son mari et son fils, prouvant que les hommes aussi peuvent s’occuper des enfants. 

 

Crédit photo : Edouard Manet (1832-1883), portrait de « Berthe Morizot avec un bouquet de violettes », peinture tombée dans la domaine public, capture d'écran par LPpdm d’une photographie libre de droits trouvée sur le web.

 

 

    Malgré l’énorme production de l’artiste (environ 420 tableaux) qui fut la première femme impressionniste et la seule femme à faire de la peinture sa profession. — considérée à l’époque comme agrément — sur son certificat de décès, est écrit : « métier : sans profession ».

 

© Sarah Mostrel, extrait de « Femmes inspirantes » (éd. Non Nobis) reproduit avec l’aimable autorisation de l’artiste-autrice et sa maison d’édition.

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Pour citer cet extrait inédit

Sarah Mostrel, « Berthe Morisot (1841-1895), l’indépendante », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : ÉTÉ 2025 | NO III NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES », 1er Volet, mis en ligne le 4 juin 2025. URL :

https://www.pandesmuses.fr/2025noiii/sm-berthemorisot

 

 

 

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3 juin 2025 2 03 /06 /juin /2025 17:32

N° III | ÉTÉ 2025 / NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES » | 1er Volet | Dossier | Articles & Témoignages | Revue Matrimoine

 

 

 

 

 

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Rosa Bonheur

 

 

 

(1822-1899)

 

 

 

 

 

 

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Crédit photo : Anna (Elizabeth) Klumpke (1856-1942), « Portrait de Rosa Bonheur » dans son atelier, 1898, peinture tombée dans la domaine public, capture d'écran par LPpdm d’une photographie libre de droits trouvée sur le web.

 

 

 

   Avec un nom pareil, elle était sans nul doute prédestinée au bonheur. Née le 16 mars 1822 à Bordeaux, Marie-Rosalie baigne dans le domaine artistique dès son plus jeune âge. Son père Raymond Bonheur, issu d’une famille de cuisiniers toulousains, est peintre. Sa mère, Sophie Marquis, musicienne, fait la connaissance de l’ami de Goya quand il lui donne des cours de dessin. À l’époque, les filles n’ont pas accès aux écoles d’art. Une chance donc pour Sophie qui tombe amoureuse très vite de son prof. Le couple se marie en 1821. Rosa naît un an plus tard. L’enfance est une période relativement heureuse pour la petite. Partageant sa vie entre la ville et le château de Grimont, à Quinsac (Gironde), elle se souvient qu’entre elle et ses deux frères Isidore (né en 1924) et Auguste (né en 1927) : « J’étais le plus garçon de tous. ». « Je vois encore l’empressement avec lequel je courais au pré où l’on menait paître les bœufs. Ils ont failli me corner bien des fois, ne se doutant pas que la petite fille qu’ils poursuivaient devait passer sa vie à faire admirer la beauté de leur pelage ». Un jour, les choses changent. Adepte de Saint-Simon, Raymond part pour Paris. Un abandon difficile pour l’enfant de 5 ans qui le rejoindra un an plus tard avec sa mère, son frère Auguste et sa sœur Juliette bébé. Autant l’enfance de Rosa, à la campagne, a été faste, autant sa jeunesse va être miséreuse. En attendant, elle rêve. Sophie n’ayant pas connu son père (elle a été adoptée par Jean-Baptiste Dublan de Lahet, un commerçant bordelais), Rosalie imagine que du côté maternel, elle est issue d’une famille royale, et fantasme sur ce grand-père qu’elle ne connaît pas. Elle sait aussi que sa mère n’a pu s’émanciper que grâce à son tuteur qui lui a alloué un professeur de danse, de chant, de musique, puis de dessin — discipline qui lui a permis de rencontrer son mari. La mort de M. Dublan de Lahet va l’éclairer sur ses origines. Le riche commerçant qu’elle croyait étranger est en fait son grand-père ! Une révélation ! Rosa grandit dans la pauvreté. Elle a du mal avec sa scolarité. Sa maman trime dur. Prof de musique, elle donne des cours de piano le jour, prend des ouvrages de couture la nuit, et a du mal à tenir le coup. Très attentive à sa fille aînée, elle se met à lui enseigner la lecture et l’écriture en associant un animal à chaque lettre de l’alphabet. Ce qui va être déterminant pour la suite. Hélas, Sophie meurt alors que Rosalie n’a que 11 ans. Un crève-cœur pour elle qui doit désormais se débrouiller pour vivre. Elle rentre en apprentissage en tant que couturière, est placée en pension, mais c’est dans l’atelier de son père que vont se révéler ses talents. Elle veut venger sa mère, qui n’a pu vivre de son art. C’est décidé, elle s’y consacrera toute sa vie !

 

     À 17 ans, Rosalie Bonheur se fait déjà remarquer artistiquement. A 19 ans, elle expose ses animaux peints et sculptés au Salon de peinture et de sculpture de Paris. Raymond épouse en secondes noces, en 1842, Marguerite Peyrol, qui lui donne un fils, Germain (lequel deviendra aussi peintre, comme tous ses frères et sœurs…), tandis qu’on continue de s’émerveiller des réalisations de celle qui prend le nom de Rosa au Salon de 1844. 

Dès lors, elle va être récompensée de plusieurs prix, dont la médaille de 3e classe (bronze) au Salon de 1845 et une médaille de 1re classe (or) au Salon de 1848. L’État lui commande une œuvre, Le Labourage nivernais, qui va trouver sa place au musée du Louvre. Sa renommée est faite. A 27 ans, elle est nommée directrice de l’École 

Impériale gratuite de dessin pour demoiselles. Elle y restera jusqu’en 1860. « Je vais faire de vous des Léonard de Vinci en jupons ! » assène-t-elle à ses élèves.

 

     Son œuvre continue de subjuguer. On y perçoit souvent une peinture d’homme tant son tracé est fort, nerveux, solide. Un de ses grands formats Le Marché aux chevaux est acheté par le marchand et collectionneur d’art britannique Ernest Gambart, ce qui lui vaut une notoriété internationale. Elle part en Angleterre, rencontre Géricault, voyage en Écosse, en Belgique, on la présente à la reine Victoria, qui s’émeut de ses créations. A 38 ans, elle part vivre à By, près du village de Thomery en Seine-et-Marne. Là, elle installe son atelier avec, à disposition, les animaux qui lui servent de modèles : un lion, une lionne, un cerf, un mouton sauvage, une gazelle, des chevaux, en tout, près de 200 ! En 1865, l’impératrice Eugénie la décore de l’insigne de Chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur. Rosa est définitivement reconnue pour son talent, mais aussi pour sa personnalité affirmée. 

 

    Garçon manqué, elle n’a aucune intention de se marier, au vu des mauvais souvenirs des relations de son père avec sa mère. Elle fume le cigare, chasse, porte des pantalons (pour cela, elle doit avoir une permission de travestissement, renouvelable tous les six mois auprès de la préfecture de Paris. « Quel ennui d’être limitée dans ses gestes quand on est une fille ! », soutient-elle alors que cette demande de travestissement ne sera abrogée qu’en… 2013). Elle a des cheveux courts, monte à cheval et surtout, entend rester indépendante, affligée que sa mère n’ait pu développer une carrière artistique car trop écrasée par Raymond. 

Le décollage artistique de la peintre va heureusement perdurer, et la hisser au sommet. Rosa gagne de l’argent grâce à son art et s’aperçoit qu’elle peut se débrouiller seule. Elle aide financièrement sa famille, est une femme, mais accomplit des choses jusque-là réservées aux hommes ! 

 

   Alors que Raymond avait dans son adolescence réalisé le portrait de la jeune Nathalie Micas (1824-1889), Rosa s’était liée d’amitié avec cette jeune fille de deux ans plus jeune qu’elle. Elle la rejoint et s’établit avec elle (et vivra avec elle plus de 40 ans, jusqu’à sa mort en mai 1889). Nathalie est aussi devenue peintre. Passionnée par les questions mécaniques et scientifiques, elle vient aussi d’inventer un système de freins pour arrêter les trains. La relation fait jaser, Rosa n’en a que faire. « Nathalie [Micas] était la compagne de mon enfance, elle avait été témoin de mes luttes et de mes misères, elle avait partagé mes joies et mes douleurs », écrira Rosa amoureusement. 

 

    En 1889, la peintre animalière fait une étonnante rencontre. « Le colonel Cody » alias Buffalo Bill de passage en France avec son spectacle de cirque, le Wild West Show. Elle est subjuguée. Ils se lient d’amitié, elle veut étudier les buffles, les bisons, il est curieux de ses peintures, lui offre une panoplie de Sioux. Elle réalisera pour lui un portrait. À cette occasion, elle rencontre Anna Klumpke, jeune peintre américaine qui partagera sa vie jusqu’à sa mort et à qui elle léguera son héritage, ainsi que le soin d’achever sa biographie. A 77 ans, l’artiste est emportée par une congestion pulmonaire fulgurante. Elle sera inhumée au Père-Lachaise, à Paris, près de Nathalie.

 

 

© Sarah Mostrel, extrait de « Femmes inspirantes » (éd. Non Nobis) reproduit avec l’aimable autorisation de l’artiste-autrice et sa maison d’édition.

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Pour citer cet extrait inédit

 

Sarah Mostrel, « Rosa Bonheur (1822-1899) », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : ÉTÉ 2025 | NO III NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES », 1er Volet, mis en ligne le 3 juin 2025. URL :

https://www.pandesmuses.fr/2025noiii/sm-rosabonheur

 

 

 

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3 juin 2025 2 03 /06 /juin /2025 16:21

 

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Marie-Guillemine Benoist

 

 

(1768-1826)

 

 

 

 

 

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Sarah Mostrel

 

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Crédit photo : Marie-Guillemine Benoist (1768-1826), autoportrait de la peintresse dans son atelier en train de créer, 1786, peinture tombée dans la domaine public, capture d'écran par LPpdm d’une photographie libre de droits trouvée sur le web.

 

 

 

 Marie-Guillemine Benoist, née Marie-Guillemine de Laville-Leroux par son père René, fonctionnaire royal (il fut ministre des Contributions en 1792) a une mère originaire de Toulouse Marguerite-Marie Lombard et une sœur d’un an plus jeune Marie-Élisabeth (qui sera peintre comme elle). Les deux filles ont sensiblement le même parcours. Marie-Guillemine étudie avec Élisabeth Vigée-Lebrun, grande portraitiste, dès ses 13 ans et très vite expose au Salon de la jeunesse un portrait de son père. Deux ans plus tard, elle et sa sœur deviennent élèves du peintre Jacques-Louis David (alias David, nommé « Premier peintre » par Napoléon Ier). Tandis que la cadette expose Une dame en satin blanc, garnie de marte, en 1788, Artémise serre sur son cœur l’urne contenant les cendres de Mausole, en 1789, Une Vestale infidèle et Artémise, au Salon de l’Académie, en 1791, Marie-Guillemine s’affirme avec L’Innocence entre la Vertu et le Vice, peint en 1790 où pour la première fois, le vice n’est pas incarné par une femme, mais par un homme. En 1791, elle présente Psyché faisant ses adieux à sa famille puis se marie, en 1792, avec Pierre-Vincent Benoist alias Benoist d’Angers, banquier, diplomate et ministre d’État dont elle aura trois enfants : Prosper Désiré, en 1794, Denys Aimé René Emmanuel, en 1796 et Augustine, en 1801. Dès lors, continuer de peindre et d’exposer n’est pas chose facile, et son mari royaliste étant suspecté de conspiration, elle survit sous la Terreur en vendant de petits portraits au pastel et des scènes de genre moralisantes. L’artiste a déjà acquis une réputation avec ses portraits, notamment du député Bellay, et décide de se remettre aux pinceaux avant d’exposer au Salon de 1800 le Portrait d’une négresse, six ans après l’abolition de l’esclavage (1794). Le tableau marque les esprits. La femme noire représentée a une posture de femme blanche, et non de domestique ou d’esclave. La démarche est audacieuse. Marie-Guillemine ose ici figurer une femme indépendamment de sa race et de la classe sociale à laquelle elle appartient. Un manifeste féministe déjà, quand le sujet est inspiré probablement de l’épouse guadeloupéenne de son beau-frère, officier de marine.

 

   L’artiste, qui se fait appeler Émilie devient célèbre, et se produit au Musée spécial de l’École française à Versailles, avant de recevoir de la ville de Gand sa première commande : un portrait de Napoléon. L’empereur, ravi de la réalisation, la récompense d’une médaille d’or pour ses œuvres et n’aura dès lors de cesse de lui passer de nouvelles commandes. Portrait en pied de la duchesse Napoleone Elisa (successivement princesse de Piombino et de Lucques, puis grande-duchesse de Toscane), portrait de la poétesse grecque Sapho, les enfants aussi apparaissent dans ses réalisations. En 1804, elle remporte une pension du gouvernement. Elle expose ainsi en 1806 Deux jeunes Enfants, avec un nid d’oiseau, et Le Sommeil de l’Enfance, et celui de la Vieillesse. Inédites représentations ! Lorsque la période la Restauration (1814) arrive, Guillemine est cependant obligée de se mettre en retrait pour protéger son époux : « La pensée que je serais un obstacle à votre avancement dans votre carrière serait pour moi un coup bien acéré », lance-t-elle. Au sommet de sa carrière, elle doit donc s’éclipser pour ne pas nuire à son mari, royaliste convaincu. 

 

   Tandis que sa sœur s’est mariée en 1793 avec le chirurgien Dominique Larrey, nom sous lequel Marie-Élisabeth va désormais signer ses toiles, Marie-Guillemine ne reprendra presque pas ses pinceaux après 1812. Après sa Lecture de la Bible, elle se distinguera encore avec sa Vierge à l’Enfant pour la cathédrale d’Angers en 1821. Elle s’éteindra à Paris le 8 octobre 1826.

 

© Sarah Mostrel, extrait de « Femmes inspirantes » (éd. Non Nobis) reproduit avec l’aimable autorisation de l’artiste-autrice et sa maison d’édition.

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Pour citer cet extrait inédit

 

Sarah Mostrel, « Marie-Guillemine Benoist (1768-1826) », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : ÉTÉ 2025 | NO III NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES », 1er Volet, mis en ligne le 3 juin 2025. URL :

https://www.pandesmuses.fr/2025noiii/sm-marieguilleminebenoist

 

 

 

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