Argumentaire
L'automne champêtre arrive à grands pas. L'automne aux paysages bucoliques, aux couleurs d'ocre et de feuilles jaunies, brunes et rousses est enfin là. Sa magie, sa sorcellerie et sa mélancolie sont là aussi…
L'automne est l'une est saisons les plus expressivement poétiques et l'une des plus puissantes et cela provient entre autres de la dimension mythique et binaire du symbolique de l'automne connue depuis l'antiquité et qui se perpétue de nos jours à travers des fêtes religieuses comme la Toussaint et pop-païennes comme halloween et trouve ses origines dans des liens étroits, complexes et similaires entre la vie humaine (plus particulièrement la psyché humaine) et la nature. Des mythes comme celui de Proserpine, celui de Perséphone (ou Coré qui est la fille de la déesse Déméter), celui de Fortuna représentée avec la Corne d'abondance (cornucopia ; ses récits mythiques et représentations artistiques, poétiques...) ou encore celui de Dionysos, donnent un aperçu de la richesse et l'ambivalence symboliques de cette saison.
L'automne charrie ainsi dans ses sillages des mythes, légendes, beautés, laideurs et nostalgies automnales. En d'autres termes, tout un univers ambivalent et poétique propice aux expressions poétiques, musicales et artistiques. Par ailleurs, des poètes et artistes ont exprimé à travers les siècles et les continents leur attachement esthétique, passionnel et poétique à la nature et spécifiquement à la saison automnale à travers des œuvres colorées et très variées allant de l'antiquité à nos jours.
Cet automne de 2023 est bien chargé de beautés et des laideurs, il suffit de consulter l'actualité brûlante et mélodramatique pour s'en rendre compte.
L'importance de la nature en tant que source d'inspiration primordiale n'est plus vraiment à démontrer dans les créations artistiques et poétiques. Une « Naturopoétique » (voire « Éconaturopoétique » cf. DS.) est à l'œuvre dans le processus créatif, dans l'œuvre elle-même et en découle. Ainsi, nous pouvons parler de ce que l'on peut appeler les Poétiques automnales qui sont diverses en poésie et arts. Les explorer dans les œuvres poétiques et artistiques des créatrices, et par extension féministes et/ou d'un point de vue féministe chez les personnes créatrices dites LGBT+, en cette fin année bien difficile constitue un pan poétique nécessaire pour extérioriser et sublimer sainement nos sensations et affects surtout les négatifs tels amours perdus, craintes, fatigues, peurs, angoisses, colères, rages, désespoirs, déceptions, etc.
Pour ce faire, le médiapoétique féministe Le Pan poétique des Muses qui a modifié son agenda de cette fin d'année après la catastrophe terroriste du 7 octobre 2023, vous propose de participer à son dernier numéro de 2023 autour des poétiques automnales telles qu'elles s'expriment dans les œuvres des créatrices et personnes LGBT+.
On cite quelques pistes pour vous aider à esquisser avec nous une cartographie foncièrement partielle et non exhaustive d'une ou plusieurs poétiques automnales :
Naturopoétique automnale
poétique des muses automnales (symboliques, féminines, masculines, etc.)
zoopoétique automnale
écopoétique automnale
poétique des beautés automnales
poétique des laideurs automnales
poétique des nostalgies automnales
poétique du lyrisme automnal
poétique du romantisme automnal
poétique du genre automnal
poétique du corps automnal
poétique du mythe automnal
géopoétique automnale
poétique de la culture POP de l'antiquité automnale
poétique du (éco)féminisme automnal
écopoétique de l'écocritique automnale
écopoéticocritique automnale
Vous avez carte blanche pour y participer dans la langue et sur le siècle de votre choix dans le dossier majeur thématique évoqué ci-haut ou dans le dossier mineur fixe et à travers une ou plusieurs de nos rubriques habituelles par des genres poétiques, artistiques, audiovisuels et des documents théoriques (articles, critiques, traductions, chroniques, biographies, etc.)
La date butoir pour adresser vos contributions à la rédaction de ce numéro a été fixée au 19 décembre 2023.
La mise en ligne se fait au fil de la sélection des contributions par la rédaction jusqu'au 21 décembre 2023 compris.
Une personne externe à notre équipe peut nous soumettre de 1 à 3 documents différents pour chaque rubrique (originaux, traduits, transcrits des siècles passés, extraits, etc. et dans la langue et sur le siècle de son choix) et de 1 à 6 écrits poétiques ou oeuvres artistiques (originaux, traduits, transcrits des siècles passés, extraits, etc. et dans la langue et sur le siècle de son choix). Les contributions audiovisuelles sélectionnées bénéficient uniquement d'une parution numérique. Voir également la page Contribuer.
Nous mettons également à votre disposition trois exemples de poèmes transcrits et corrigés sur l'automne de Amélie Gex pour tout usage utile.
« GEX, Amélie (1835-1883), Poésies : le poème de l'année, cris dans l'ombre, échos épars, nouvelles paroles sur de vieux airs, en fermant le livre, 1875-1877 [Amélie Gex], Chambéry, Imprimerie Ménard (rue Juiverie, Hôtel d'Allinges), 1880/(1879), trois poèmes sélectionnés, transcrits et corrigés du volet « Le poème de l'année », respectivement pp. 27-30, 31 et 32-34. Ce recueil de poésies d'où proviennent les poèmes transcrits ci-dessous appartient au domaine public :
L'automne
« Dès que l'arbre a fini, le sillon recommence. »
Victor Hugo
Jeanne, voici venir l'automne
Frileux et richement paré
Du pampre jaune qui festonne
Son large manteau bigarré ;
Voici venir les froides bises,
Les matins pâles et brumeux,
Les ombres sur les plaines grises,
Le givre aux buissons épineux.
Le brouillard couvre la colline,
Ses bois et ses ravins profonds,
Comme la blanche mousseline
Dont tu voiles tes cheveux blonds...
Il court sur l'horizon bleuâtre...
Et des rochers gravit les flancs,
Comme fuit, sous le fouet du pâtre,
Un grand troupeau de moutons blancs ;
Des sapins verts les hautes cimes
Planent sur lui, sombres îlots,
Ainsi qu'on voit sur les abîmes,
Un rocher noir surgir des flots...
Un rayon sur leur front morose
Glisse et semble se balancer
Comme une longue écharpe rose
Qu'un filet d'or vient nuancer.
Sous les frissons de la froidure
La forêt change de décor ;
Les arbres pleurent leur parure,
Leurs larmes sont des feuilles d'or !
Sur les vallons et sur les plaines
Le soleil passe en souriant
Et va changeant ses verts domaines
En un beau tapis d'Orient... –
Jeanne, voici venir l'automne,
Voici les longs jours pluvieux ;
Des vents la plainte monotone
Est l'écho des tristes adieux...
– Adieu, chantent les pâles roses,
Au printemps, sur les églantiers,
D'autres que nous seront écloses
Et parfumeront vos sentiers !...
– Adieu, dit le pigeon rapide,
Je vais passer les grandes mers
Pour trouver un ciel plus limpide,
Des fruits dorés, des arbres verts !
– Adieu, répète l'hirondelle,
Là-bas j'aurai de plus beaux jours ;
Il faut du soleil à mon aile,
De chauds abris pour mes amours !... –
Ainsi le vent murmure et pleure,
Sous nos pauvres toits désolés,
Les adieux qu'envoient à chaque heure
Nos joyeux hôtes envolés !... –
Seul, le laboureur, la main pleine,
Dans le sillon, sitôt comblé,
Fait germer l'espérance humaine
En semant le grain de son blé !
Il semble sur ce point rustique,
Mouillé de pluie et de sueur,
Que Dieu fait d'une aube mystique
Planer la sereine lueur !
Grave et pensif, il va sans crainte,
Pontife humble et laborieux,
Recommander cette œuvre sainte
De l'avenir mystérieux ! … –
Jeanne, voici venir l'automne,
L'horizon va se rembrunir...
La terre où tout tremble et frissonne
Semble ne plus se souvenir
De ces jours joyeux qui s'égrènent
Comme les perles d'un collier,
Que tous les étés nous ramènent
Que les hivers font oublier !
…...............................................................
…... Mais de la campagne déserte,
Comme un gage de renouveau,
Dieu fait croître la robe verte
Sous les plis de son froid manteau !
Fleur d'automne
Sous les frileux rayons d'un soleil automnal,
Dans les gazons flétris, une fleur vient d'éclore,
Humble et frêle, enfermant sous sa robe incolore
Le trésor ignoré d'un parfum virginal.
De novembre, bientôt, le souffle boréal,
Dans les bois, va chanter sa fanfare sonore...
Pauvre fleur ! tu voudrais pour quelques jours encore
Sentir de l'astre aimé le baiser matinal !
Et pourtant, dès demain, sous l'étreinte du givre,
Peut-être, il te faudra te pencher et mourir
Sans que de tes senteurs nul être ne s'enivre !...
Aux regards de l'amour n'osant point s'entrouvrir,
Que d'âmes, comme toi, fleurette, ont vu tarir
Leur sève printanière, et n'ont pu lui survivre ! ...
L'adieu aux hirondelles
« Tu vedrai lontane arene,
Nuovi monti, nuovi mari
Salutando in tua favella,
Pellegrina rondinella. »
Tommaso Grossi
Demain vous partirez, gentilles hirondelles,
Cherchant le ciel lointain des rivages dorés ;
Et sous les toits amis où grandirent vos ailes,
Ô chères infidèles,
Combien de pauvres cœurs vivront désespérés !
Demain vous partirez, toujours vives et folles,
Sans soucis, sans regrets, rêvant d'autres amours,
Songeant aux nids laissés, là-bas, sous les coupoles,
Aux douces brises molles,
Qui murmurent le soir sous les créneaux des tours.
Vers l'orient fleuri vous irez, oublieuses,
En fuyant, à plein vol, notre ciel embrumé,
Sur les minarets d'or, aux cimes lumineuses,
Pour vos ailes frileuses,
Chercher des matins clairs le rayon bien-aimé !
Là vous retrouverez le souffle qui caresse,
Comme un baiser d'amant, les fleurs du Saraï,
La mer bleue où la vague, en sa douce paresse,
Chante et roule sans cesse
Un rayon de soleil en son fantasque pli.
Vous aurez, pour dormir, la chanson des tsiganes
Et, pour vous éveiller, le cri des muezzins ;
Pour abri, le kiosque où rêvent les sultanes
Et l'ombre des platanes
Où se couchent, lassés, les chameaux abyssins...
… Et nous n'entendrons plus votre voix si sonore,
Lorsque l'aube sourit au travers de l'auvent...
Les jours gris de l'hiver, qu'un lent ennui dévore,
Seront plus lourds encore
Sans les bavards propos que vous jetiez au vent !
Mais le givre a blanchi le bord de la fenêtre ;
La bise a défeuillé les rameaux des tilleuls ;
Au bois, où l'aquilon s'en va gronder en maître,
Combien de nids, peut-être,
Où s'abritait l'amour, demain vont rester seuls !...
Partez, oiseaux, partez ! voici venir la neige ;
Notre azur est, hélas ! assombri pour longtemps ;
L'arbre chauve se tord sous le vent qui l'assiège,
Et chaque jour abrège
D'un soleil attiédi les retours inconstants.
Partez ! Il ne faut pas mêler à nos tristesses
L'insouciant bonheur des amours rajeunis...
Partez ! mais du foyer, passagères hôtesses,
Emportez les tendresses
Pour les verser, là-bas, sur le front des bannis ! …
© Argumentaire rédigé par Dina Sahyouni pour Le Pan Poétique des Muses.