REVUE MDV | N°1 Célébration | Ré (Réceptions)
Marceline Desbordes-Valmore
témoin de son temps
Site personnel
© Crédit photo : Capture de l'Image présente dans les œuvres complètes de Marceline Desbordes-Valmore de 1931, image réalisée par DS.
Honorée par Verlaine qui l’a découverte par la grâce de Rimbaud, vénérée par Baudelaire, saluée par Mallarmé, Aragon et bien d’autres pour l’essence de son écriture poétique, Marceline Desbordes-Valmore n’a pas fini d’enchanter les amoureux des Belles Lettres d’hier et d’aujourd’hui.
D’elle on connaît la mère pleurant de douleur la perte de ses trois enfants et noyant son chagrin dans la composition des vers poignants et aussi la femme délaissée qui espère en vain le retour de l’être aimé. Mais on connaît moins bien la femme de cœur qui fut la seule à immortaliser en poésie La Révolte des Canuts à Lyon en 1834.
Elle est bien celle qui a vu « le plomb déchirer et séparer les corps ». Témoin oculaire des atrocités de son temps, elle consigne son témoignage dans ce poème :
Dans la rue par un jour funèbre de Lyon
La femme.
Nous N'avons Plus D'argent Pour Enterrer Nos Morts.
Le prêtre est là, marquant le prix des funérailles ;
Et les corps étendus, troués par les mitrailles,
Attendent un linceul, une croix, un remords.
Le meurtre se fait roi. Le vainqueur siffle et passe.
Où va-t-il ? Au Trésor, toucher le prix du sang.
Il en a bien versé.. mais sa main n'est pas lasse ;
Elle a, sans le combattre, égorgé le passant.
Dieu l'a vu. Dieu cueillait comme des fleurs froissées
Les femmes, les enfants qui s'envolaient aux cieux.
Les hommes.. les voilà dans le sang jusqu'aux yeux.
L'air n'a pu balayer tant d'âmes courroucées.
Elles ne veulent pas quitter leurs membres morts.
Le prêtre est là, marquant le prix des funérailles ;
Et les corps étendus, troués par les mitrailles,
Attendent un linceul, une croix, un remords.
Les vivants n'osent plus se hasarder à vivre.
Sentinelle soldée, au milieu du chemin,
La mort est un soldat qui vise et qui délivre
Le témoin révolté qui parlerait demain..
Des femmes.
Prenons nos rubans noirs, pleurons toutes nos larmes ;
On nous a défendu d'emporter nos meurtris :
Ils n'ont fait qu'un monceau de leurs pâles débris :
Dieu ! bénissez-les tous ; ils étaient tous sans armes !
Marceline Desbordes-Valmore (1786- 1859).
Lyon, 4 avril 1834, (Œuvres poétiques).
Pour citer ce témoignage
Maggy de Coster, « Marceline Desbordes-Valmore témoin de son temps », texte inédit, Marceline Desbordes-Valmore|Revue annuelle, internationale, multilingue & poéféministe (poefeminist), « Célébration », n°1, volet 2, mis en ligne le 19 juin 2021. Url :
http://www.pandesmuses.fr/periodiques/mdv/no1/mdc-temoindesontemps
Mise en page par Aude Simon
© Tous droits réservés
Retour à la Table de Megalesia 2021 ▼
Retour au N°1 ▼