31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 07:00

 

 

 

Mises en scène et suggestions érotiques

 

dans les recueils


Los devaneos de Erato et Devocionario  

 

d’Ana Rossetti

 

 

Lucie Lavergne

Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand 

 

 


L’érotisme est une constante de l’écriture d’Ana Rossetti (Cadix, 1950), de sa prose, comme les recueils de nouvelles Prendas íntimas (1989) et Alevosías (1991), à sa poésie, particulièrement les premiers recueils des années 1980. Contemporaine des productions artistiques de la « Movida » madrilène, cette dimension érotique porte la marque de la libération des mœurs et du goût de la provocation qui lui sont associés. Le recueil Los devaneos de Eratoi explore avec légèreté et ironie les thèmes rares – d’autant plus tabous qu'ils sont abordés par une femme – des fantasmes, de l’inceste, du lesbianisme. La même dimension subversive se trouve dans le recueil Devocionarioii qui relate les expériences érotiques des saints, parodiant les lectures catholiques qui marquèrent l’enfance du poète dans une société franquiste et traditionaliste. L’érotisme de la poésie d’Ana Rossetti proviendrait de cette tentation de la transgression et de l’« audace pure » (Paloma Martínez-Carbajo)iii. Mais peut-on le réduire à une attitude vis-à-vis du monde ? Comment situer l’écriture de l’érotisme par rapport à cette « situation communicationnelle » à laquelle Käte Hamburger oppose a prioritoute énonciation lyrique ? Si l’écriture poétique est caractérisée par ce « retrait de l’énonciation par rapport à l’objet »iv, que dit-elle du sujet poétique lorsqu’elle est teintée d’érotisme ? L’érotisme ne dit-il pas l’intériorité d’un corps (sa perception sensorielle) et par là même celle du « je » (son désir) ?

Pour interroger le rapport, dans l’écriture de l’érotisme, entre mise en scène et intériorité du sujet, nous observerons d’abord comment il se tient à distance. Puis nous verrons que, s’il finit par se livrer, c’est par la représentation de cette « chose érotique » (R. Dadounv) qu’est son corps, et du cadre où celui-ci évolue. Ces thématiques imprègnent la syntaxe et les images : elles font de l’écriture « de » l’érotisme une écriture « érotique » où le désir va de pair avec la suggestion. Traduite par le langage, celle-ci trouve dans le lecteur son point de mire. Quel rôle tient-il dans l’élaboration de l’érotisme ?


Le dispositif du discours érotique : le sujet et ses masques

Dans les poèmes érotiques d’Ana Rossetti, le sujet arbore différents masques. Dans Los devaneos de Erato, interviennent plusieurs locuteurs d’âge, de milieu social, de sexe différents, parfois issus de la mythologie (comme Cibèle)viet de l’histoire (tel que Gilles de Raisvii). La dimension intertextuelle et les références culturelles foisonnantes favorisent une atomisation de la voix poétique et des interlocuteurs interpelés : Paris, Saint Sébastien ou l’écrivain espagnol contemporain Javier Maríasviii. Cette mise en scène du sujet entraîne le discours sur le terrain de la dialectique, inhérente à l’érotisme, de la dissimulation et du dévoilement, où, comme dit Georges Bataille, « Le premier mouvement – la proposition [de l’objet du désir] – est suivi de la feinte de sa négation »ix. Chez Ana Rossetti, ce mouvement est intégré à la situation d’énonciation par l’exhibition, dès le titre des poèmes, d’un locuteur qui s’avère factice et constitue, finalement, un obstacle à l’intimité du sujet.

Plus qu’une révélation d’une intériorité, l’adoption de ces différents masques est un outil qui sert d’abord à annoncer l’érotisme des vers qui suivent. Ainsi, la mention des personnages de la mythologie gréco-romaine évoque la sensualité affirmée des dieux de l’Olympe, dans le poème « Triunfo de Artemis sobre Volupta »x(« Triomphe d’Artémis sur Volupté »), où s’exprime la déesse Volupté. Par ailleurs, tout renvoi à la Grèce antique, comme à d’autres lieux et époques lointains, confère au poème un caractère exotique dont Gaëtan Brulotte et John Phillips soulignent qu’il est fréquemment associé à une expression débridée de l’érotismexi. De fait, derrière le « masque » de Gilles de Rais, dans le poème « Inconfesiones de Gilles de Raïs », c’est-à-dire par l’évocation d’un contexte spatio-temporel et d’une condition qui ne sont ni ceux de l’auteur ni ceux de ses premiers lecteurs (a priori espagnols), le locuteur rossettien relate sans remord – d’où le néologisme « inconfesiones » – les actes les plus scabreux et les plus violents :

[…] Es tan adorable pervertir

a un muchacho, extraerle del vientre

virginal esa rugiente ternura

tan parecida al estertor final

de un agonizante, que es imposible

no irlo matando mientras eyaculaxii.

La frontière semble bien poreuse entre la sensualité érotique et la violence abjecte. Ce paradoxe est inhérent à l’érotisme, comme le rappelle G. Bataille dans à un chapitre consacré à Sade, chez qui le plaisir serait « proportionnel à la destruction de la vie »xiii. Or, dans le poème d’Ana Rossetti, seule la reconnaissance du caractère factice de l’identité de Gilles de Rais permet d’empêcher que le poème ne bascule dans l’abjection et que, ce faisant, l’érotisme ne s’annihile lui-même. En effet, G. Bataille s’exclame : « Qui ne voit qu’une affirmation si étrange ne saurait être généralement reçue, même généralement proposée, si elle n’était émoussée, vidée de sens, réduite à un éclat sans conséquence ? Qui ne voit en effet que, prise au sérieux, une société ne pourrait l’admettre un instant ? »xiv. L’écriture de l’érotisme inverse, en quelque sorte, le « pacte autobiographique » défini par P. Lejeune : le nom propre qui précède le texte la déclenche, mais loin d’être l’« affirmation [d’un] critère d’identité »xv, comme dans le cas du pacte autobiographique, le nom de Gilles de Rais invite le lecteur à opter pour une lecture ludique et, notamment, à suspendre tout jugement moral envers les actes décrits.

Dans le recueil Devocionario, cette mise en scène est accentuée par la non-adéquation entre le point de vue, tantôt distant, ironique et voyeur, et le discours proféré, particulièrement dans les poèmes prononcés par des Saintes, comme « Barbara, niña, presiente su martirio » et « Santa Inés en agonía »xvi. S’y expriment des voix féminines traditionnelles, victimes du désir qu’elles inspirent. Cette apparente « annulation tant personnelle que sexuelle de la femme » (Tina Escaja)xvii– dans le cas de « Barbara », il s’agit d’un viol incestueux – est en décalage avec la connotation par ailleurs érotique du poème dont on ne peut faire qu’une lecture double, constatant dans le même temps l’horreur dans les propos de Barbara qui relate son viol (« La peur s’arrache de mes cuisses et une sourde tourmente s’exprime par ma bouche », v. 16-17) et l’érotisme qui en émane pourtant (« son torse si proche sentait le cuivre – j’offrais ma gorge », v. 14-15)xviii.

La perception simultanée de l’érotisme, de la violence et de la culpabilité fomente un discours ambigu, partagé entre le « personnage » de Barbara et le sujet véritable (mais distant) qui serait à l’origine de la perception de l’érotisme et de sa traduction langagière. Leur non-coïncidence est illustrée par le décalage entre texte et paratexte, le titre à la troisième personne (« presiente ») introduisant paradoxalement des vers à la première personne, où « Barbara » prend la parole. Cette instabilité de la voix poétique est constitutive de l’érotisme, défini par G. Bataille comme un « déséquilibre dans lequel l’être se met lui-même en question »xix. Aussi, le sujet ne se révèle pas d’emblée par un dispositif d’énonciation, mais via des stratégies de glissements et de suggestions, où il apparaît par l’intermédiaire de son corps érotisé. Sujet fuyant, il se pose pleinement comme objet du poème.

Dévoilement du corps et élaboration du cadre érotique

La représentation du corps érotique repose sur divers procédés de dévoilement. Le jeu des pronoms introduit discrètement la présence du sujet. Ainsi, le poème « Una enemiga mía sueña con el diablo »xxconsiste en un récit de rêve érotique d’une jeune fille désignée comme l’ennemie de la locutrice. Son corps est d’abord décrit par des expressions à la seconde personne du singulier – « tu pliegue inguinal » (v. 4), « tu vientre » (v. 5), « el lecho donde tú reposas » (v. 10)xxi– avant de fusionner avec celui de l’observateur qui se tenait à distance. Par les expressions à la première personne « mis mendigos ojos » (v. 12) ou « mi vulva » (v. 17)xxii, le sujet semble décrire une expérience érotique propre. La perception et l’évocation retardée de son propre corps – les marques de première personne du singulier n’apparaissent que dans le dernier tiers du poème (vers 12 à 18) – nécessitent la totalité de l’espace poématique.

Le sujet transparaît derrière le corps de l’autre, mais aussi du corps autre. Dans le poème« El jardín de tus delicias »xxiii, alors que la locutrice décrit le corps de son amant, les images employées le féminisent brusquement, lorsque du torse viril de son partenaire sont subitement évoqués les « hauts mamelons de jeune fille » :

Cosería limones a tu torso,

sus durísimas puntas en mis dedos

como altos pezones de muchacha (v. 5-7)

C’est la description d’un acte érotique (une caresse) qui instaure ce passage du corps masculin de l’interlocuteur au corps féminin de la locutrice. Leur évocation successive renvoie à la continuité que G. Bataille associe à l’érotisme : elle résout, l’espace d’un instant, l’initiale dimension discontinue des êtresxxiv. Curieusement, on pourrait dire que si le sujet se confond avec son objet, brouillant la frontière du propre et de l’autre, le langage mime à son tour son contenu ou objet (l’acte érotique) par des procédés syntaxiques et métriques. La continuité rétablie est illustrée par le « como » (v. 7) et l’enjambement qui l’introduit, lequel unit l’évocation des doigts de la locutrice (v. 6) et leur effet sur son interlocuteur (v. 7).

La continuité évoquée par la fusion des corps, au-delà de leur différence, engendre leur spatialisation et la dissolution de l’érotisme dans l’espace référentiel qui entoure ces corps. Chez Ana Rossetti, le corps érotisé prend place dans un cadre, lui-même érotique, et l’on observe une contamination de l’érotisme du corps sur l’érotisme du cadre. Les premiers vers du poème « Martyrum omnium » du recueil Devocionarioxxv, où la locutrice évoque les lectures catholiques qui ont marqué son enfance, plantent le décor en conférant une dimension érotique au thème de la lecture enfantine :

Queridos compañeros de la infancia,

lecturas prohibidísimas,

cuando toda la casa sucumbía

al ardor del verano – detrás de las persianas

la siesta había invadido y deshecho

y ningún albedrío velaba en la penumbra –

rehusando la prudencia yo os buscaba (v. 1-7)xxvi

On peut commenter la structure embrassée (au sens métrique du terme) de cette phrase initiale, où les allusions aux lectures (v. 1-2 et 7) encadrent les descriptions d’un lieu propice à l’érotisme dont l’isolement est illustré par les tirets (v. 4 et 6). De même, dans les vers finaux du poème, l’évocation du plaisir atteint par la locutrice lors de ces lectures s’accompagne d’une nouvelle description de la maison dont les murs semblent soudain disparaître : « un diluvio de luz/del cuarto borraría las paredes » (v. 29-30)xxvii. Cette explosion finale renvoie à la « pléthore sexuelle » commentée par G. Bataille : « l’expérience d’un éclatement, d’une violence au moment de l’explosion » qui, dit-il, accompagnerait l’érotismexxviii. L’expérience érotique se reflète, en quelque sorte, dans le décor où elle prend place. Le sujet transparaît dans l’une comme dans l’autre, car il est « à la fois le théâtre, la fableet l’acteurd’une action qu’il domine et ne domine pas et qui le domine », selon la définition proposée par Henri Meschonnicxxix.

À cette correspondance entre cadre et acte érotiques s’ajoute donc ce troisième terme qu’est l’espace du poème. Son élaboration, ainsi que celle de la temporalité, permet le passage d’une écriture « de » l’érotisme à une écriture « érotique », par le travail sur l’attente qui caractérise cette dernière. Pour Roger Dadoun, l’érotisme se distingue de la pornographie par sa lenteur : « [il] est instance qui dure, durement, intensément […], la pornographie est de l’instantané, vite fuyant, plus ou moins bien fait »xxx. Ainsi, le poème « Diotima a su muy aplicado discípulo » de Los devaneos de Eratoxxxicommence par une sorte de didascalie (« El más encantador instante de la tarde / tras el anaranjado visillo primoroso », v. 1-2xxxii), suivie d’une description des objets qui constituent le décor, retardant la révélation du corps (v. 6) :

Y en la mesita el té

y un ramillete, desmayadas rosas,

y en la otomana de rayada seda,

extendida la falda, asomando mi pie,

provocativo, aguardo a que tú te avecines (v. 3-7)xxxiii

La structure énumérative et progressive traduit l’attente qui suscite le désir, mais celle-ci provient également du choix des mots. Chris Perriam, auteur de l’article « Ana Rossetti » pour l’Encyclopedia of erotic literature, établit un lien entre la préservation du suspense qui, dit-il, « repouss[e] la conclusion narrative, s’attardant sur ce qui serait, sinon, des plaisirs passagers » et ce qu’il appelle « la densité [d’un] langage baroque postmoderne [qui] excite le sens et l’imagination »xxxiv. L’érotisme émane donc de l’esteticismo du style rossettien, c’est-à-dire de l’esthétisation systématique et l’abondance d’objets précieux dont la beauté suggère, par métonymie, celle du corps qui les côtoie. L’écriture érotique constitue donc également un art de nommer ou de suggérer. 

Écriture et lecture de la suggestion érotique

L’importance de l’imagination (soulignée par Chris Perriamxxxv) souligne le lien, caractéristique de l’érotisme, entre la présence du corps et son inaccessibilité ou son mystère. Tout n’est pas dévoilé, afin de préserver le désir : la parole érotique est donc ambigüe. L’écriture nomme le corps par une description minutieuse (presque fétichiste) qui le décompose en « érèmes » (« unité minimale d’Éros », selon le terme de R. Dadounxxxvi) décrits par un double mouvement de réification et de personnification. Chaque partie du corps, perçue isolément, est semblable à un objet qui, pourtant, occupe la fonction de sujet de verbes d’action. Dans le poème « De repente descubro el retrato de Javier Marías »xxxvii, le locuteur se compare à un vase, soulignant cette dépossession de soi et de son corps devenu étranger, comme le souligne la redondance de l’adjectif « raro » : « mis pómulos copiaban los búcaros más blancos /porcelana rarísima de los raros países » (v. 6-7)xxxviii. L’érotisme provient là encore d’un certain exotisme, qui n’émane pas de la situation d’énonciation (comme on a observé plus haut) mais de la représentation elle-même et du regard qui tient ensemble ce qui s’offre à lui et ce qui lui échappe.

Par conséquent, abondent les formes langagières qui traduisent cette dualité par un rapport complexe entre signifiant et signifié, telles que les images : comparaisons et métaphores in praesentia. Ces dernières maintiennent, au sein du « cadre » de la phrase (Paul Ricœurxxxix) la contigüité du propre et du figuré, ce qui renvoie souvent, chez Ana Rossetti, à une oscillation entre l’évocation crue et la représentation imagée des objets ou des actes. Dans le poème « París »xl, les désignations des différentes parties du corps, réparties sur l’ensemble du poèmexli, alternent avec leurs qualifications figurées, qu’elles suivent ou précèdent immédiatement. On passe du propre au métaphorique avec l’expression « tus piernas, esas cintas » (v. 3, « tes jambes, ces rubans ») : la métaphore des « rubans » (et du nœud) suggère une vision des corps entrelacés et renchérit sur la simple désignation des jambes, en évoquant un acte érotique. A l’inverse, l’image du « glaïeul » (« gladiolo », v. 6) pour désigner l’organe sexuel masculin précède les expressions « llave anal » (« clé anale », v. 7) ou « violador perene » (« violeur pérenne ») qui impliquent plus crûment la sexualité. Cette alternance renvoie à celle de la beauté de l’objet du désir et de la souillure, commentée par G. Bataille : « Si la beauté […] est passionnément désirée, c’est qu’en elle la possession introduit la souillure animale. Elle est désirée pour la salir ». Et de conclure : « Plus grande est la beauté, plus profonde est la souillure »xlii. De même, dans le poème « El jardín de tus delicias »xliii, alternent, via des métaphores, les représentations du corps poétisé (« flores, pedazos de tu cuerpo », v. 13) et un érotisme violent (« La lacerante verga del gladiolo », v. 4xliv). La métaphore finale du glaïeul n’est pas nécessaire à l’évocation de l’organe érotique, par ailleurs désigné par « verga », mais elle souligne la polysémie de ce dernier terme (végétal ou organe masculin). L’ambigüité lexicale guide la lecture autour de ce dualisme de la beauté et de la souillure : le passage du propre au figuré renvoie, pour le lecteur, à une double position de récepteur et d’acteur, selon que l’érotisme lui est exposé ou que son imagination est suscitée.

Ainsi, le rôle du lecteur est capital pour la réception d’un langage métaphorique et polysémique qui peut être, mais n’est pas nécessairement, perçu comme érotique. Dans le poème « El jardín de tus delicias »xlv, le verbe « saber » du vers 10 : « Ella sabe a tu leche adolescente », peut signifier « savoir » ou « avoir le gout de ». La première interprétation est encouragée par le verbe « conocer » (v. 8) dont « saber » est un synonyme. La seconde renvoie au même champ sémantique que le verbe « huele » (v. 11). Les deux interprétations se justifient donc par leur cohérence avec le contexte poématique, mais la seconde est davantage suggestive de l’acte érotique : « [ma langue] a le gout de ton lait adolescent ». L’érotisme repose sur cette possibilité, pour le lecteur, d’imaginer la sexualité.

La suggestion érotique l’invite à choisir ou, du moins, à explorer les choix qui s’offrent à lui. Dans le poème « De como resistí las seducciones de mi compañera de cuarto, no sé si para bien o para mal »xlvi, la tournure latine en « De » du titre confère au poème une dimension solennelle qu’on peut difficilement prendre au sérieux vu la légèreté du propos. Cette valeur parodique invite à une remise en cause totale du discours, à lire l’érotisme là où le locuteur s’en défend. De fait, l’innocence proclamée dans le titre contraste avec les descriptions précises, dans les vers, du corps de la jeune fille,  « [s]es lèvres pulpeuses » (v. 2), « la cavité enfouie de [s]on nombril » (v. 5), « l’épaisseur de [s]on aine emmêlée » (v. 10), lesquelles suggèrent que la camarade de chambre n’a peut-être pas été repoussée avec tant de virulence. En fin de compte, rien n’est jamais sûr et le lecteur choisit quel regard porter sur cette attitude de fausse pudeur qu’adopte la locutrice, pour, éventuellement, lire entre les lignes.

L’érotisme demeure un « entre-deux », un processus d’alternance et de mise en relation : de la beauté à la souillure, du raffinement extrême au langage le plus cru, du sens propre à l’image, mais aussi du locuteur au lecteur qui se partagent son élaboration. Il en va ainsi lorsque l’acte érotique est décrit d’un point de vue externe ou « voyeuriste », selon le terme de Tina Escajaxlvii. Dans le poème « Murmullos en la habitación de al lado »xlviii, des indications spatiales évoquant les cheveux d’une femme glissant sur le ventre de la locutrice permettent au lecteur de visualiser – sans qu’il soit nommé – l’acte érotique lesbien. Cette dimension implicite l’oblige à faire sien et à révéler l’érotisme suggéré par les vers.

On pourrait presque dire que l’érotisme se lit autant qu’il s’écrit. Dans le poème « A un joven con abanico »xlix, certaines situations pourraient être perçues comme n’ayant pas de lien avec l’érotisme, comme l’allusion au « va-et-vient pénible du joyeux avant-bras » (v. 4)lqui fait référence au mouvement d’un jeune homme secouant son éventail. L’interprétation érotique du geste est encouragée par l’adjectif « penoso » (pénible) qui évoque, par paronomase, le substantif « pene » (pénis). Mais là encore, si jeu de mot il y a, son activation ne tient qu’à la volonté du lecteur. Roger Dadoun qualifie l’érotisme de « paranoïaque »li. De fait, son abondance dans les poèmes d’Ana Rossetti invite le lecteur à le déceler de toutes parts : il provient d’une écriture en série et se propage d’un poème à l’autre.

L’érotisme repose sur cette indécidabilité qui caractérise l’écriture poétique d’Ana Rossetti. Dans ses recueils, l’énonciation est ambigüe car la voix poétique disparaît pour s’assimiler à un objet, se réduire à un « corps » pour finalement mieux s’imposer. La description de ce corps et des actes contamine celle de l’espace référentiel (le cadre) où l’érotisme a lieu, cette dernière se répercutant, enfin, sur l’espace du poème. S’y développe alors une écriture métaphorique et polysémique, qui suggère (au moins autant qu’elle dénote) l’érotisme. Ces multiples sens, voix, corps et espaces, le lecteur les tient ensemble, comme si l’érotisme provenait d’un pacte passé avec le locuteur, l’écriture érotique trouvant, finalement, dans la lecture, une réponse et une continuation nécessaires.

 

Bibliographie

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ROSSETTI, Ana, Devocionario (1985), Barcelona, Plaza & Janés, 1998.

ROSSETTI, Ana, Los devaneos de Erato (1980), in Indicios vehementes, poesía 1979-1984, Madrid, Hiperión, 1998, p. 17-54.


Notes

i Los devaneos de Erato (1980), in Indicios vehementes, poesía 1979-1984, Madrid, éd. Hiperión, 1998, p. 17-54.

 

ii Devocionario (1985), Barcelona, Plaza & Janés, 1998.

 

iii « Marginalidad canónica: Ana Rossetti y su (re) interpretación de la “Lesbia” de Catulo », Céfiro: enlace hispano cultural y literario, vol. 8, n°1-2, 2008, p. 6. Elle utilise l’expression « mera osadía ».

 

iv Logique des genres littéraires, Paris, éd. Seuil, 1986, p. 225-228.

 

v L’érotisme. De l’obscène au sublime, Paris, éd. PUF, 2010, p. 16.

 

vi « Cibeles ante la ofrenda anual de tulipanes », Los devaneos de Erato, op. cit., p. 27.

 

vii « Inconfesiones de Gilles de Raïs », ibid., p. 32.

 

viii Cf. les poèmes « París » (ibid., p. 19), « A San Sebastián, virgen » (ibid., p. 38) et « De repente descubro el retrato de Javier Marías » (ibid., p. 20).

 

ix Georges Bataille, L’Érotisme, Paris, Éditions de Minuit, 2011, p. 140.

 

x Los devaneos de Erato, op. cit., p. 53.

 

xi Gaëtan Brulotte et John Phillips, Encyclopedia of erotic literature, New York, éd. Routledge, 2006, tome 1, p. 440-442.

 

xii Op. cit., p. 32, v. 12-17 : « Il est adorable de / pervertir un jeune homme, / d’extraire de son ventre / virginal cette tendresse rugissante / si semblable au dernier râle / d’un agonisant qu’il est impossible / de ne pas le tuer alors qu’il éjacule ».

 

xiii Chapitre « Sade et l’homme normal », op. cit., p. 190.

 

xiv Ibid., p. 191.

 

xv Lejeune Philippe, Le pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1975, p. 26 : « Le pacte autobiographique, c’est l’affirmation dans le texte de ce critère d’identité, renvoyant en dernier ressort au nom de l’auteur sur la couverture ».

 

xvi Devocionario, op. cit., p. 22 et 24, respectivement.

 

xvii « Transgresión poética. Transgresión erótica. Sobre los ángeles terrenales en el Devocionario de Ana Rossetti », Anales de la literatura española conteporánea,

n°1-2, vol. 20, 1995, p. 89.

 

xviii « El miedo se desgaja de mis muslos / y acomete a mi boca una sorda tormenta » (v. 16-17); « – olía a cobre su pecho tan cercano – / mi garganta ofrecía » (v.14-15).

 

xix Op. cit., p. 35.

 

xx Los devaneos de Erato, op. cit., p. 26.

 

xxi « ton pli de l’aine » (v. 4), « ton ventre » (v. 5), « le lit où tu reposes » (v. 10).

 

xxii « mes yeux mendiants » (v. 12), « ma vulve » (v. 17).

 

xxiii Los devaneos de Erato, op. cit., p. 22.

 

xxiv L’Érotisme, op. cit., p. 17.

 

xxv Devocionario, op. cit., p. 15.

 

xxvi « Chers compagnons de l’enfance, / lectures très interdites / quand la maison succombait / à l’ardeur de l’été – derrière les persiennes / la sieste avait envahi et dissous / et nul ne veillait dans la pénombre – / refusant la prudence, je vous cherchais ».

 

xxvii « un déluge de lumière / de la chambre effacerait les murs ».

 

xxviii L’Érotisme, op. cit., p. 101.

 

xxix Politique du rythme, politique du sujet, Paris, Verdier, 1995, p. 199.

 

xxx L’érotisme. De l’obscène au sublime, op. cit., p. 30.

 

xxxi Los devaneos de Erato, op. cit., p. 40.

 

xxxii « L’instant le plus enchanteur de l’après-midi, derrière le ravissant rideau orangé ».

 

xxxiii « Et le thé sur la petite table, / et le bouquet de fleurs, des roses fanées, / et sur le sofa de soie rayée, / la jupe étendue, pointant un pied provocateur, / j’attends que tu t’approches ».

 

xxxiv « The density of this postmodern baroque language has its own erotic purposes : it stimulates sense and imagination, but it also teases and diverts, delaying narrative closure, dwelling on what would otherwise be passing pleasures, blurring the definitions of gender, preference, and anatomical form », Encyclopedia of erotic literature, op. cit., tome 2, p. 1136.

 

xxxv Idem.

 

xxxvi Il s’agit d’« un déclic, un tilt érotique, une excitation élémentaire, unité minimale d’Éros qu’on nommerait, adoptant la mode des substantifs en “-ème”, un érème. Dans une telle aperception “moléculaire” du corps, l’érotisme abandonne ses prétentions à la totalité, et n’est plus que grappe d’érèmes pressée en vue d’une sémillante ivresse », op. cit., p. 19.

 

xxxvii Los devaneos de Erato, op. cit., p. 20.

 

xxxviii « Mes pommettes copiaient les vases les plus blancs / porcelaine très rare des pays rares ». L’espagnol « raro » se traduit par « rare » ou « étrange ».

 

xxxix La métaphore vive, Paris, éd. Seuil, 1975, p. 102.

 

xl Los devaneos de Erato, op. cit., p. 19.

 

xli Cf. « pies » (v. 1), « piernas » (v. 3), « pubis » (v. 4), « vientre » (v. 4), « pecho » (v. 10), « rostro » (v. 12) et « mano » (v. 14).

 

xlii L’Érotisme, op. cit., p. 155 et 156.

 

xliii Los devaneos de Erato, op. cit., p. 22.

 

xliv « Fleurs, les morceaux de ton corps » (v. 13), « La déchirante verge du glaïeul » (v. 4).

 

xlv Idem.

 

xlvi « De ma résistance aux séductions de ma camarade de chambre, à tord ou à raison ». Los devaneos de Erato, op. cit., p. 39.

 

xlvii « Transgresión poética. Transgresión erótica », op. cit., p. 85.

 

xlviii Op. cit., p.41.

 

xlix Op. cit., p. 49.

 

l « En el vaivén penoso del alegre antebrazo ».

 

li L’érotisme. De l’obscène au sublime, op. cit., p. 30.

 

 

 

 

 

 

Pour citer ce texte


Lucie Lavergne, « Mises en scène et suggestions érotiques dans les recueils Los devaneos de Erato et Devocionario d’Ana Rossetti », in Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Poésie des femmes romandes », « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°2|Automne 2012 [En ligne], (dir.) Michel R. Doret, réalisé par Dina Sahyouni, mis en ligne le 31 octobre 2012.

Url. http://www.pandesmuses.fr/article-n-2-mises-en-scene-et-suggestions-erotiques-dans-les-recueils-los-devaneos-de-erato-et-devocionario-111729878.html /Url. http://0z.fr/MFTST


Pour visiter les pages/sites de l'auteur(e) ou qui en parlent


http://celis.univ-bpclermont.fr/spip.php?article525

 

Auteur(e)


Lucie Lavergne, ATER d’espagnol à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, est agrégée d’espagnol et titulaire d’un doctorat (soutenu en novembre 2011) ayant pour thèmes principaux le rythme, l’espace et la voix poétique dans plusieurs recueils hispanophones du XXe siècle. Ses travaux et articles portent sur différents aspects de la poésie espagnole moderne et contemporaine, tels que les relations intertextuelles et transesthétiques (« Les arts visuels dans les sonnets de Rafael Alberti : pistes transesthétiques vers une écriture de l’image », in Sonnet et arts visuels : dialogues, interactions, visibilité, sous la coordination de B. Mathios), le langage et la syntaxe (« Formes et valeurs de l’énumération dans Un río, un amor de Luis Cernuda et Espadas como labios de V. Aleixandre », Echos des études romanes, 2011). Elle s’intéresse à la poésie visuelle des années 1970 à nos jours.

 

 

   

Le Pan poétique des muses - dans n°2|Automne 2012
31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 07:00

 

 

Invité de la revue

Textes reproduits 

 

Version traduite 

 

فتاة شرقية

                


نبيل حلمي شاكر

    

Textes reproduits avec l'aimable autorisation de l'auteur et de sa maison d'édition


 

طفولتها حب و دلال.. رغباتها أوامر.. لم تشعر يوما اختلافا في الدين بين والديها.. موضوع نسبي.. كبرت بدأت ببعض التوتر بينهما رغم تعليمها العالي وثقافتهما الواسعة.. تسمع بين الحين و الأخر نقاشا حادا لكنه عقلاني لم يصل إلى حد..


  عد إلى رشدك.. من أجل رولا..و تضحيتي معك سنين.. يجب أن تحترم وجودي.. تحديت أهلي.. المجتمع لأجلك رغم كل محاولات ردعي.. أحبك.. أتمسك بك ،، لكن الكرامة.. تلعب بالنار.. ما عرفتك هكذا.. أكنت تخدعني.. تظهر عكس ما تخفيه.. تلقت رولا علوما مثالية من والدتها المتمسكة بالفضيلة و تعاليم الأديان السماوية.. والدها على النقيض.. مثقف علماني يزرع بفكرها آراءه التي تجدها الأم فاسدة في مجتمع متحفظ متمسك بعاداته وتقاليده..

حصلت على شهادتها الجامعية..درجة جيدة.. تقرر إيفادها لإكمال دراسات عليا فرحت الأم ترتاح من هذا الجو الذي بدأ يزداد توترا.. تتبلور شخصيتها.. رغم عذاب فراقها.. هي الأمل الباقي في الحياة..

رحب الأب.. صفق لها.. في أوربا هناك تتبنى أفكاره تعايشها على الواقع رغم أنه يتغنى بالحب الروحي وقدسية العلاقة الزوجية إلا أنه في الحقيقة وفي قرارة نفسه شهواني عبد للجسد.. تأسره المرأة اللعوب.. تناقض رهيب في شخصيته.. أتعب الزوجة.. تكشفت لها أشياء كثيرة من خبايا نفسه بعد أن سافرت رولا.. تأكدت أن له صديقة بعمر ابنته أو أكبر بقليل.. لعوب لها ماض لا تحسد عليه.. اعترف بكل بساطة.. و قال يجب أن تكوني واقعية بدأ يتصرف بحرية أكثر.. ألغى وجودها.. يأتي بصديقته إلى المنزل يمضي معها معظم النهار تتدلع كالغواني.. مما أثار الزوجة حاولت طردها.. لكنه ثار.. هدد.. بحدة وشراسة..


   يرضيك أن أفعل مثلك.. أتخذ لي صديقا.. آتي به إلى المنزل..

   ببرود افعلي إن شئت..

 تقبل أن تدفع عني حصانتي الزوجية.. ألن تثور لكرامتك.. ألن تتحرك بداخلك نخوة الرجل الشرقي.. تحتمي بالقانون الذي يسقطني و يحميك.. رغم كل شيء تزوج تلك اللعوب.. بعد أن وضعت كل الشروط لحماية وضعها المادي.. أما الاجتماعي لا يهمها.. ورضي بكل شيء..

طلبت الطلاق.. رفض بإصرار .. أم رولا بالنسبة إليه أسم قيمة اجتماعية عالية.. الأخرى فعل لإرضاء جسد و تنفيس عقدة..

من خلال رسائل والدتها علمت كل شيء.. التي تشرح فيها معاناتها.. إحساسها بالإهمال.. طعن كرامتها.. وحدتها المروعة..بانتظار عودتها الأمل الباقي.. والدها كان له أكثر من مبرر شرح لها بتحليل نفسي علمي عن احتياجات النفس البشرية ومتطلبات الروح و الجسد.. الحرية.. الصدق مع الذات..

الواقع الأوروبي الذي تعيشه هناك جعلها تبرر لوالدها فعله.. كتبت لأمها

هي حياته فليعشها كما يريد.. عيشي حياتك.. رتبيها على أن لا يكون فيها.. كادت تصعق.. ماذا فعل بابنته.. غسل دماغها..كسب الجولة.. أحبطت.. كانت الورقة الأخيرة الرابحة بعد فقدان كل شيء..

هناك ارتبطت بصداقة قوية مع أحد الطلاب الأوروبيين سرعان ما تحولت إلى حب و لكن أين مفهومه عندنا منهم.. رغم أدائها الواقعية و التحرر.. إلا أن بداخلها فتاة شرقية.. الحب يجب أن يكلل بالزواج.. استقرار.. عائلة.. اسم و كيان و مجتمع.. صديقها يملك من الوسامة الشيء الكثير.. يصادق.. يجامل.. يذهب مع من تحلو له معتبرا هذا حق طبيعي و تبقى هي المقربة و لكن بلا مواقف عاطفية و لا علاقة جنسية.. يعلم أنها ككل الشرقيات رافضة لمبدأ التعايش الجنسي دون روابط اجتماعية و ضوابط أخلاقية..

مرة حاول الاقتراب منها.. ارتعشت.. ابتعدت رافضة.. نهض صارخا بحدة..أنت لست امرأة..مجرد تمثال بلا مشاعر..صفع أنوثتها.. بكت بحرقة.. لا تريد أن تستسلم.. سينتهي بها المطاف كالأخريات.. كيف ستواجه أمها مثال العفة و الطهارة.. و كيف ستواجه نفسها.. و المجتمع..

 يا إلهي كيف سأكمل مسيرة حياتي في بلد قيمه الأخلاقية منهارة.. قذرة بلا ضوابط ولا روادع ولا قيود..

شعر أنه قسا عليها.. اعتذر بلباقة و دعاها إلى فنجان قهوة في الخارج.. ناقشت معه الموضوع.. شعر بتناقض شخصيتها الصراع بين جذورها و تطبعها..

 فلنتزوج.. ابتسم.. هل الورقة المسجلة هي التي ستربطني بك.. ستبيح لك ممارسة الجنس.. هل أفادت والدتك هذه الورقة المسماة صك زواج.. ألم يهجرها أبوك و ذهب لأخرى.. أي سخافة.. هل استطاعت أن تستبقيه بموجب هذا الصك.. الارتباط الحقيقي ليس على الورق بل بالمشاعر..طالما أحبك سأبقى معك وإلا فلا..!! لننس هذا الأمر.. أنا لا أستطيع أن أكون مسؤولا سوى عن نفسي.. سأنهي دراستي.. تأمين مستقبلي.. أعيش حياتي.. مازال أمامي الكثير.. أرجوك يا رولا لنعيش الحياة كما هي لا تعقدي الأمور..


استعادت صورة والديها بكل تناقضاتها..

الصراع شوه ثقافتها.. أوقعها بالحيرة.. اختلت أحكامها.. لن أستطيع الاستمرار.. هنا كلهم متشابهون.. ومازال هناك سنوات أمامي للدراسة.. هل أعود..!؟.. لمن.. أمي وأخيب آمالها.. أبي وزوجته وجو متوتر.. ثرثرة الناس.. سأخسر شهادتي ومعها كل شيء..

تمشي بعصبية شاردة تتزاحم أفكارها.. ضياع.. تشتت.. المطر ينهمر عليها.. لا تحس بالبلل.. دموع

حارقة.. وصلت أعلى الجسر فوق النهر الذي يشطر المدينة.. ألقت بنفسها.. انسابت مع المياه.. مودعة..

 

 

 

 


 

 

المطلقة

نبيل حلمي شاكر 

 

Texte reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur et de sa maison d'édition 

 

 

 

كل ما فيها يدعو للتأمل .. وجه طفولي بريء.. ابتسامة وديعة.. هدوء..حسن المعشر.. بالإضافة إلى تربية حسنة.

في المرحلة الثانوية تقدم لها رجل يكبرها بأعوام .. يملك كل مواصفات الزوج الناجح بالمفهوم العام.. منزل جميل.. محلات تجارية.. رصيد مالي.. ومن عائلة معروفة..

المال غطى كل العيوب.. طبعا وافق الجميع فهو بالنسبة لهم الاستقرار.. السعادة.. الرفاهية.. وهي ما زالت في ريعان الصبا ومطيعة لا تملك الرفض وليس لها أن....

عماد أحبها بصمت.. كرامته تأبى أن يتصرف كمراهق رغم أنه يصغرها بعامين لكن القلب لا سلطان عليه.. ما اكترثت يوما لنظرته.. وانتظاره انصرافها من مدرستها الثانوية.. تناسى الأمر لكنه لم ينسه.. 

أعوام قبل أن يراها صدفة في أحد الأسواق .. تمشي بيدها طفل في الثالثة من عمره و آخر في عربة أطفال لم يتجاوز العام يبدو على وجهها حزن و تعب واضحان ..

تراها ليست سعيدة بحياتها .. أم هي مسؤوليات العائلة و هموم الأطفال .. أين ابتسامتها .. طفولة وجهها.. لا يبدو عليها سوى ملامح امرأة متعبة.. مستسلمة.. ظل يراقبها حتى ضاعت في الزحام ..

هو اليوم موظف في إحدى الشركات.. كان قد خطب إحدى زميلاته ثم فسخت الخطبة وفشل المشروع لعدم التكافؤ العلمي و الاجتماعي و تسببت له بمشاكل كثيرة.. قرر التريث بعدها حتى يجد الحب الحقيقي..

خلال زيارته لإحدى العائلات المقربة فوجئ بضحى هناك.. انفرجت أساريره.. ارتبك قليلا.. سلم بهدوء.. اتخذ له مكانا.

عماد صديق زوجي والعائلة.. تابعت سيدة المنزل.. السيدة ضحى أعز الصديقات منذ أيام الدراسة.. ابتسمت ضحى بعفوية.. أعرفه ألم تكن شقيقته زميلتنا في الثانوية لكني لم أره منذ زمن بعيد.. لم تتغير كثيرا يا سيد عماد.. بسرور عارم ملأ جوانحه.. تذكرني.. تعرفني.. مر على ذلك أعوام.. مبتسما.. كيف الحال.. والأولاد.. بضحكة لا تخلو من أسى أجابت..


 لقد انفصلنا منذ عام .. والأولاد عنده.. وباستغراب..

 كيف ولماذا.. 

الموضوع طويل ومؤلم.. لا أريد أن أفجر الجرح بعد أن اندمل. نظر إليها بعطف.. وتساؤلات تغلي بداخله..


أكان يجب أن تخوضي هكذا تجربة من أجل جهلهم وأنانيتهم.. تدفعين الثمن من شبابك وأعصابك.. وتعكرين مسيرة حياتك مدى العمر.. أم أن المال حلل كل غير محلل.. ها قد عدت إلهم مطلقة.. حزينة.. أم لطفلين نصفهم هناك ونصفهم هنا.. بلا استقرار سيكبرون شخصيتهم مهزوزة غير متوازنة.. نتيجة التفكك الأسري وفقدان العطف.. وستبقى هذه الأحداث المؤلمة في ذاكرتهم لن تنسى..

صمت قصير لف المكان.. سمع هدير سيارة.. تزمر.. وقفت تستعد للرحيل..

– يجب أن أذهب.. هذا أخي سيعيدني للمنزل..

تصافحنا وهي تغادر يده بيدها لأول مرة.. رعشة لذيذة سرت في جسده..

– يا أم شادي أخبريني كيف !!.. ولماذا ؟؟ !..

المسكينة حظها قليل.. منذ البداية بينا لها سلبياته, مزاجي, مهووس... غير متوازن.. المال أفسده.. لكن عائلتها سامحهم الله.. على كل حال هو النصيب..

صدقني هي زوجة صالحة.. أم رائعة.. لكن كرامتها فوق كل اعتبار وهو جاحد.. ناكر.. سيء بكل ما تحمل هذه الكلمة من معنى.

 

 

 

    

Pour citer ces nouvelles

نبيل حلمي شاكر (Nabil Helmi Chaker), « فتاة شرقية » & « المطلقة », in Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Poésie des femmes romandes », « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°2|Automne 2012 [En ligne] , mis en ligne le 31 octobre 2012.

Url. http://www.pandesmuses.fr/article-n-2-111710820.html/Url.http://0z.fr/oFybM

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Auteur(e)

 

نبيل حلمي شاكر

 

 Nabil Helmi Chaker 

 

 

Le Pan poétique des muses - dans n°2|Automne 2012
31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 07:00

 

 

 

Ma forêt


 

Vojka Milovanovic

 

 

 

 

Quand tu as coupé les ponts,

Je me suis trouvée

Dans cette forêt ensorcelée,

Abandonnée...

J’ai pleuré,

J’ai tremblé,

J’ai eu peur,

Je voudrais échapper

À ce malheur,

Les corbeaux criaient

La forêt bruissait

Les animaux riaient,

Tout le monde se moquait

De moi

Et j’ai couru,

Je cherchais cet arbre

Qui peut me consoler

Qui peut me renouveler

Qui peut m’aider...

Et soudain dans la forêt noire

Une lumière frémit,

Un grand arbre des possibles

Ouvre, devant moi,

Mille ponts et mille chemins

Et je m’en suis sortie.

Pour citer ce poème


Vojka Milovanovic, « Ma forêt », in Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Poésie des femmes romandes », « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°2|Automne 2012 [En ligne], (dir.) Michel R. Doret, réalisé par Dina Sahyouni,  mis en ligne le 31 octobre 2012.

Url. http://www.pandesmuses.fr/article-n-2-ma-foret-111674348.html/Url. http://0z.fr/zAwd9

 

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Auteur(e)


Vojka Milovanovic est née à Belgrade en Serbie. Elle finit ses études de français langue étrangère à Belgrade et elle commence à travailler dans une école primaire à Pozarevac (Serbie). Elle est doctorante à la Faculté filologique de l'Université de Belgrade. En voulant trouver les meilleures façons d’approcher le français aux jeunes dans son pays, elle fait une expérience : elle essaie d’écrire les poèmes en français... En 2007, Vojka Milovanovic participe au concours du CEPAL de Thionville et elle gagne « Le prix européen » de CEPAL et le prix de la ville de Terville. Au concours du Centre d’information sur les droits de femmes et des familles de la Marne, en 2008, elle gagne également le prix d’honneur.

En 2009, son poème  « Tes yeux » est selectionné et publié dans l’Anthologie de l’Académie internationale de « Il Convivio »  en Italie. Ce poème est aussi traduit en italien. Elle publie dans les revues comme les Mille feuilles et Il Convivio. En 2010, au concours de l’association « Zygo »  de la Ciotat, elle gagne le prix francophone.

 

 

Le Pan poétique des muses - dans n°2|Automne 2012
31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 07:00

 

 


 

 De l’originalité de l’(auto)création

 

à la banalité de la réception :   


l’Amazone
Natalie Clifford Barney

 

dans son Temple 

 

Evgenia Grammatikopoulou

Université Aristote de Salonique

    

 

 

 

 

En été 1904, deux jeunes poétesses, l’Américaine Natalie Clifford Barney (1876-1972), 28 ans, et la Britannique Renée Vivien (née Pauline Tarn), 27 ans, entreprennent toutes seules un pèlerinage insolite – du moins pour l’époque. Elles partent de Paris en Orient Express pour arriver à Constantinople, et par la suite elles embarquent sur un cargo à vapeur égyptien à destination d’Alexandrie qui devra faire escale à la Terre Promise.

Au bout d’un trajet de plus de 2.500 kilomètres, elles atteignent l’île mythifiée dont elles rêvent de fouler depuis leur adolescence « la poussière consacrée par les sandales de Saphoi», en inaugurant sans doute à leur insu le tourisme « rose » (ou LGBT) plusieurs décennies avant la lettre.

Le couple s’investit à ce voyage au pays natal de Sapho afin de s’offrir une lune de miel (après plusieurs mois de fiel) ainsi que de ressusciter la tradition pédagogique de la Dixième Muse. Or, au tournant du XXesiècle, Lesbos n’est guère une « île enchantée d’immortellesii » ni le royaume « des jeux latins et des voluptés grecquesiii», comme elles s’illusionnent, mais une province arriérée, encore sous occupation turqueiv. Rien à voir avec l’ère édénique de Sapho telle que l’avaient modelée les phantasmes des amoureuses, les rêveries poétiques ou encore les pinceaux des peintres romantiques, symbolistes et préraphaélitesvau tournant du siècle. À la grande déception des visiteuses, la virginité resplendissante anticipée se limite à la beauté de la nature : « la population [aux] traits abâtardis » (SI, p.79) n’évoque en rien la finesse des figures classiques sur les trésors antiques, la société locale plonge dans une primitivité pénible et donc le projet chimérique d’une communauté féminine vouée à la culture poétique est renvoyée aux calendes grecques.

Pourtant, l’intérêt des adeptes étrangères pour la poétesse et pour sa patrie intime n’est point un caprice frivole ou passager. Complètement bouleversée par cette découverte inattendue à l’âge de 15 ans, déjà consciente de son « inversion sexuelle », Barney s’en sert de bouclier ainsi que de boussole afin de justifier, légitimer et surtout idéaliser son attirance insatiable pour les femmes et graduellement la transformer en raison et façon d’être. Au fil des ans, le paradigme saphique s’avère chez Barney une véritable fixation, une identification surchargée de projections personnelles. Extrêmement fragmentéesvi, pleines de lacunes dues au temps écoulé depuis le 7esiècle av. J.-C., l’œuvre et la personnalité de la poétesse restent obscures et donc propices à toute sorte de ré-création, de réappropriationviilibre sinon arbitraire.

 

L’originalité de Barney ne repose pas au fait qu’elle utilise l’autorité de l’antiquité classique comme prétexte ou alibi pour disculper son homosexualité (il ne va pas de même pour la couverture de sa polygamieviii) ; ceci était d’ailleurs monnaie courante parmi les uranistesix. Intrépide, elle prétend y dénicher ladite « Morale de la Beautéx» et en fait la quintessence non seulement de son esthétique mais surtout de son éthique. Sapho avec tout un cortège de chastes amies sublimes et de divinités féminines lunaires sont retirées de l’ombre afin d’illustrer sa vision d’un monde élitiste, sophistiqué, gynocentrée, « feminéistexi » et frôlant sinon la misandrie du moins le sexisme à l’envers. Encore jeune débutante, Barney jure de tracer son propre chemin : « Autant que je vivrai, l’amour du Beau sera mon guide [...] soyons snobs, mais snobs à rebours de notre monde qui n’admet que les valeurs toute faites : découvrons de vraies valeurs qui seules nous inspirent ou nous interprètentxii». Hormis la souplesse de la poésie lyrique, elle emprunte également des bribes à l’androgynat du Banquet platonicien, à l’oisiveté sybarite (plutôt qu’épicurienne, comme on l’a souvent prétendu, en falsifiant l’essence de la philosophie du Jardin), à la noblesse de l’amour courtois, au libertinage aristocratique, aux standards plastiques préraphaélites qui font tabac à l’époquexiii, à la sensualité chatouillante de la verve littéraire et poétique de Pierre Louÿsxiv.

 

Ce palimpseste biscornu épargne Barney de l’obligation de plaider pour sa cause. Habile, elle contourne la rigidité du féminisme naissant ainsi que les revendications réactionnaires des suffragettes qui suscitent spontanément la polémique et se fie à l’apanage, par excellence, féminin qui a fait ses preuves depuis des millénaires : celui de la séduction qui « n’est jamais de l’ordre de la nature, mais de celui de l’artifice [...]du signe et du rituel [et] veille à détruire l’ordre de Dieuxv». Quatre-vingts ans avant le traité homonyme de Jean Baudrillard, Barney coupe court à l’éternelle tendance compulsionnelle des femmes à se prouver irrépréhensibles et les incite à se montrer irrésistibles : « Allons à l’amour comme ils vont à la guerrexvi ». Jeu des apparences, légèreté, artifice, parure, fard, trait d’esprit, cérémoniel, leurre : dans un début de siècle qui prépare le désenchantement définitif de notre culture, la surnommée Amazone exploite l’arsenal du charme que systématisa ultérieurement Baudrillard dans son étude subversive. Si elle stylise dans un excès de narcissisme l’homoérotisme féminin et en magnifie adroitement ses « délices et joies d’âmexvii », c’est pour outrager les normes sacro-saintes du patriarcat, prêtes à écraser lesdites « vicieuses » (ou « lapidées »)xviii, et en dénoncer l’hypocrisie : « Ever since God made Eve from Adam’s rib everything has been abnormalxix ». Plus elle gagne en visibilité, plus elle rend l’acception de l’homosexualité –encore néologisme à l’époque– une affaire de (bon) goût. Ses pratiques concrétisent les théories libératrices du sexologue progressiste Havelock Ellisxx: « En général chez les individus doués d’un puissant instinct moral, il existe une tendance vers les formes supérieures du sentiment homosexuel […]. Je ne vois pas qu’on puisse critiquer cette attitude esthétique [en tant que] vice honteux et dégoûtant […] un acte n’est pas criminel parce qu’il est dégoûtant ». Avec son inégalable sens de la repartie, Barney clôt le débat : « Moi seule puis me faire rougir » (E, ch. 131).

Tour à tour, Barney conçoit des mises en scène pour réarticuler le présumé obscène : encore enfant, elle pose habillée en page pour un portrait réalisé par Carolus-Duran (au fil des ans, elle reprendra à plusieurs reprises ce déguisement) ; jeune adolescente, elle s’initie aux plaisirs de la vie arcadique et s’adonne aux « ébats de nymphes (modernes) », toujours escortée par d’épatantes suivantes,xxiet fait sensation en galopant comme une furie aux alentours de Bar Harbor où elle estive ;  jeune débutante à Paris elle se travestit en homme afin de glisser au Moulin Rouge, court le jupon (de courtisanes et d’autres sommités du demi-monde) au Bois de Boulogne, se fait professionnellement photographier en divers costumes d’antan, seule ou accompagnée de paires audacieuses. La conquête heureuse des femmes désirées et conséquemment la béatitude de la jouissance charnelle cherchent d’urgence un moyen d’expression et de partage : « Seulement l’art pouvait perpétuer la beauté qu’elles éprouvaient ensemble : “it was thus necessary for me to become a poet of love”xxii ».

C’est ainsi qu’en 1900 elle publie Quelques portraits-sonnets de femmes, un éloge poétique dédié à ses premières amours et n’hésite pas à les illustrer avec cinq portraits respectifs réalisés par sa mère (qui ignore évidemment la vraie nature des relations que sa fille entretenait avec ses amies ainsi que le contenu du recueil). La presse mondaine ne lui pardonne pas l’audace d’avoir levé le voile : sous le choc de sa réputation endommagée, la jeune héritière emprunte à l’Aphrodite de Louÿs un pseudonyme, Tryphé, pour sa prochaine publication Cinq petits dialogues grecs (1901) et envisage un éventuel mariage de convenance avec Lord Alfred Douglas (mais finalement elle cède sa place à une de ses maîtresses, Olive Eleanor Custance, qui en avait également besoin). Les concessions s’arrêtent là. Depuis, elle considère les « opprobres […] comme le meilleur moyen d’éliminer les importuns » (SI, p. 91) et opte pour l’intransigeance : « Those who dare to rebel in every age are those who make life possiblexxiii ». L’émigration volontaire à Paris lui délie, à proprement parler, les mains.

 

Le décès de son père en 1902 et le bien bel héritage qui s’ensuit, lui permettent de mener sans restrictions « la vie la plus belle […] celle que l’on passe à se créer soi-même, non à procréer » (E). Tout d’abord, elle invente un curieux mélange dramatico-mondainxxiv, probablement motivée par le constat que « les pièces grecques ne passent plus, les pièces lesbiennes pas encore » (PA, p. 160). Commencent donc les « folies de Neuilly sur les pelousesxxv » de son pavillon récemment loué : des festins organisés ou improvisés, accompagnés de récitations de poèmes, de représentations de pièces surtout saphiques (souvent écrites de sa propre plume), de danses, de tableaux vivants ainsi que de happenings où l’on peut admirer, par exemple, Mata Hari en Lady Godiva bondissant d’une cachette parmi les arbustes « sur un cheval blanc harnaché de turquoises persanes » ou performant « ses danses guerrières » (NPA, p. 35). Cependant, les voisins barbares n’apprécient point les chorégraphies de Raymond Duncan (frère d’Isadora), sa femme grecque Pénélope jouant des mélodies traditionnelles à la harpe ou à la lyre, les costumes archaïsants et les sandales d’Eva Palmer ni même Colette et Sacha Guitry dansant enveloppés dans une fine brume d’encens qui embaume dans un brasier. Également grossier, le propriétaire de la résidence ne s’émeut guère par l’article paru sur Comœdia (le 23 mai 1909) décrivant « des fêtes de nus très chastes sous les ombrages de son jardin » ; il ne compatit non plus avec le journaliste de La Vie Parisienne (juin 1905) qui regrette qu’Oscar Wilde ne soit plus en vie pour assister aux fêtes (il n’aurait absolument pas manqué).

 

Sous ces circonstances, « l’amie des belles lettres et des belles lettrées » (PA, p. IV) trouve sa place; en 1909, elle emménage à la rive Gauche au pavillon du 20, rue Jacob (6earrondissement), au quartier favori de ses compatriotes et consœurs : Gertrude Stein, Alice B. Toklas, Djuna Barnes, Jannet Flanner, Sylvia Beach, Adrienne Monnierxxvi. Les galas, les bals masqués et les spectacles païens –bien que désormais mieux protégés des mauvaises langues par le haut enclos et le dense feuillage du préau– mûrissent à l’instar de leur hôtesse. Les agapes des initiés perdent en exhibitionnisme mais gagnent en vivacité d’esprit. Pour plus d’un demi-siècle, le pavillon du XVIIIesiècle meublé de style Renaissance avec son unique Temple à l’Amitié dorique abrite les « vendredis hasardeux », pluriculturels et multicollectionnels de Miss Barneyxxvii. Selon les témoignages, l’égérie américaine fidélisait ses convives par la somptuosité de ses dons naturels et non pas de ses biens matériels (dont elle était plutôt regardante)xxviii. Interlocutrice volubile et virtuose, extrovertie et extravagante, Barney s’offre désormais elle-même en spectacle régnant parmi ses hôtes enviables, et finit par déclarer avec sa modestie inimitable : « Je n’ai pas créé un salon ; un salon a été crée autour de moi ».


Avec le temps, naît un cercle encore plus intime, un « groupe éclatant, lettré, fortuné, qui couvrait d’insolence sa gracieuse débilité de coteriexxix » pour reprendre les paroles de Colette. En 1927, Barney riposte à la misogynie intransigeante de l’Académie Française et fonde, toujours sous son toit, l’Académie des Femmes sagement non discriminatoire envers les hommes. Cette institution atypique aspire à faciliter le contact et l’échange entre les femmes-écrivains, à les retirer de l’anonymat et à défaire la méconnaissance masculine. Certes, ce pas coïncide avec le surgissement indécis de remarquables femmes-auteurs sur la sphère médiatique dont le mérite se mesure nettement en fonction de et/ou par rapport à leur sexexxx. Mais les hommages et la renommée rendus par l’intermédiaire de Barney excèdent à peine le milieu de ses amitiés homosociales et/ou homosexuelles. En outre, sa sociabilité et sa sensualité extrêmes prennent souvent majestueusement le dessus sur l’esthétisme gratuit : c’est ainsi que, sous le poids d’un affectif fluctuant, l’adage « art for art’s sake » se métamorphose souvent en « art for love’s sake » ou même en un « love for love’s sake » pur et dur. « Préférer mes amis à leurs livres ? » se demande-t-elle (NPA, p. 53) pour conclure : « Je ne suis pas bibliophile mais humanophile : c’est en fait d’êtres que je cherche les exemplaires rares » (PA, p. 158).

 

Ses publications de la maturité seraient ainsi l’équivalent d’un catalogue détaillé des principales curiosités de la fabuleuse galerie animéexxxique dirigea pendant des décennies cette « femme qui collectionnait les êtres [et] désirait jouir à sa manière plutôt que réussir à celles des autresxxxii ». Ayant vite substitué à la verve lyrique juvénile le « lyrisme des sens » (bref, l’amour, PA, p. 122), Barney a préféré « écrire avec sa vie » (en d’autres termes « être poète dans sa vie », SI, p. 18) selon la devise de son illustre Pygmalion, Remy de Gourmont qui consacra son véritable penchant. Mémoires et maximes dans leur quasi-totalité, ouvragés suivant un style remarquable, ses écrits sont, rien que par leur anachronisme intentionnel, le comble de la subtilité : quelle ironie du sort de voir la « débauchée » jadis montrée du doigt applaudie désormais comme moraliste estimable ! Certes, Barney ne s’est jamais studieusement appliquée à créer une œuvre littéraire ; sa joie de vivre abyssale, voire « l’art de l’amantxxxiii» (PA, p. 99) l’emporta ; d’où son identification mi-sérieuse mi-narquoise avec le vers du poète irlandais : « My only books / Were women’s looksxxxiv ». Si pourtant elle a pris soin de mettre ses pensées et ses souvenirs sur papier, ce n’était ni par mimétisme stérile ni par complexe d’infériorité envers son entourage glorieux, comme l’insinua un de ses biographesxxxv. Son dilettantisme littéraire semble être le complément naturel de son inventivité quotidienne, une trace concrète de son génie wildien : « Parler à quelqu’un c’est écrire à haute voix, c’est s’écouter écrire » (NPA, p. 57). S’il est vrai que « l’Amazone en son Temple jouait la divinexxxvi » il fallait bien un geste pour sauvegarder, alambiquer ou retoucher son rayonnement autrement éphémère. Ses apophtegmes et récits anecdotiques prennent le relais des fidèles qui de son vivant en répercutaient les exploits et en assuraient la renommée : « Sans faux semblant, ma vie est bien la mienne, et par conséquent mon œuvre : mes écrits n’en sont que le résultat, l’accompagnement. Je les offre comme tels » (SI, p. 23).


Or, cette offrande n’a pas su esquiver non plus la marque de l’éclectisme : elle demeure de nos jours réservée à une clique de happy few. Épuisée (souvent jamais rééditée depuis sa première publication), la plupart de ses écrits est pratiquement introuvable en dehors des bibliothèques spécialisées. Quant à son autobiographie, elle repose inédite, bien sécurisée dans les fonds de la bibliothèque Jacques Doucet et réservée aux chercheurs (hommes et femmes). Mais les intéressés n’ont pas à se plaindre : près de 2.000 pages, reparties en sept monographies (dont deux partagées avec ses maîtresses Vivien et Romaine), vous attendent en rayon contenant « tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Natalie (sans jamais oser le demander) ». On finit par tout apprendre sur « le pape de Lesbos » (Mauriac) : sous quelles circonstances « la Tribade Triomphante » (de Montesquiou) découvrit les plaisirs de l’onanisme, où ce « Don Juan féminin » qui faisait « frémir Paris-Lesbos » aborda les futures « sultanes » et « favorites » de son harem, combien de « nouvelles amoureuses » expulsèrent les « nouvelles malheureuses » dans la vie de « Mme Frisson » (Aurel), à quel âge cette « épicurienne aux sens hypertrophiés » (Chalon) fit sa dernière conquête, comment la « Béatrice infernale » (Rouveyre) devint « La Rochefoucault en jupons » ou encore quelles friandises on devrait incriminer pour avoir gâché la ligne de cette « Barbare charmante » (Wickes) à propos, attention à l’abus de poulet à la crème et de vacherin glacé ! 

 

À part l’approche universitaire, plus théorique de Karla Jay (1988) puis celle de Suzanne Rodriguez (2002), qui entreprend une mise en relief exhaustive du cadre historique, la bibliographie disponible réitère un intérêt surtout anecdotique, des scènes pimentées, des détails scabreux, des clichés indignes du raffinement barnéen. Rien qu’en feuilletant ces ouvrages, on en perçoit le voyeurisme sous-jacent : les titres abusent du surnom d’Amazone et en font un euphémisme banal du lesbianisme, les sous-titres prédisposent le lecteur à un bilan de donjuanisme saphique débridé, les tables des matières révèlent des chapitres organisés selon la succession des amoureuses, le riche matériel photographique des maîtresses irrésistibles scandalise les braves gens, l’emploi fréquent du prénom Natalie sous-entend une familiarité qui laisse à désirer, pour ne pas mentionner cette exclusivité mondiale : les mémoires de « cette perfection tombée du cielxxxvii », Berthe, sa femme de chambre. Inévitablement, ces biographies-collages d’archives et de témoignages finissent souvent par s’imbriquer fastidieusement. Elles ruminent des épisodes certes captivants mais forcément mieux récités par la virtuosité de leur protagoniste à leur version originale ou bien elles modifient les mêmes incidents plus ou moins connus afin des les harmoniser avec l’intentionnalité du rédacteur et le style désiré du portrait esquissé (hagiographique, caricatural, vaudevillesque, décoincé ou neutre).

 

« Il ne faut surtout pas confondre le Temple de l’Amitié avec la loge de la conciergexxxviii » : Marguerite Yourcenar a justement voulu avertir les générations futures d’un piège qu’ils non pas su éviter. Or, Natalie Barney, ayant non seulement brillamment préparé de bonne heure sa « sortie du placard » (à une époque où régnait le camouflage ou la réticence – ledit « placard de verre » – autour de la divergence sexuelle) mais aussi fièrement exposé le contenu de sa garde-robe luxueuse, n’avait pas de linge sale à laver en famille ou ailleurs. Sa foi quasi-mystique aux jouissances célestes vénusiennes l’épargnait de toute culpabilitéxxxixet « l’orgueil de donner le plaisir [l’]allége[ait] de toute autre dignitéxl ». Si l’histoire de l’homosexualité féminine – et par extension de l’émancipation du désir féminin – est d’après ses théoriciennes une lutte permanente contre l’invisibilité et l’ostracisme, une révolte continue contre la représentation spectrale de ses partisanesxli, alors Natalie Clifford Barney y fait indiscutablement figure de proue grâce à son refus précoce et soutenu de se laisser intimider ou assimiler par les normes du phallogocentrisme dominant – naguère comme toujours. 

 

 

Notes


i. Natalie Barney, Souvenirs indiscrets, Paris, éd. Flammarion, 1960, p. 78 (désormais SI). La quasi-totalité de l’œuvre de Natalie Clifford Barney étant épuisée et donc difficilement consultable en dehors des bibliothèques et des archives françaises spécialisées, la présente recherche aurait été impossible sans le soutien essentiel de la Fondation Nationale des Bourses de l’État Hellénique (Ι.Κ.Υ.) dans le cadre du Programme de Recherche post-doctorale pendant l’année académique 2010-2011.

ii. « Nous nous retrouverons à Lesbos, et quand le jour s’éteindra, nous irons sous bois pour prendre les chemins conduisant à ce siècle. Je veux nous imaginer dans cette île enchantée d’immortelles. Je la vois si belle. Viens, je te décrirai ces frêles couples d’amoureuses, et nous oublierons, loin des villes et des vacarmes, tout ce qui n’est pas la Morale de la Beauté », Natalie Barney, Autobiographie inédite, in Jean Chalon, Chère Natalie Barney, Paris, Flammarion, 1992 [1976], p. 71. Voir aussi son apologie « Procès de Sapho » appuyée sur un vaste échantillon d’axiomes et de vers laudatifs (Pensées d’une Amazone, Paris, Émile-Paul, 1920, p. IV-VI ; désormais PA).

iii. Charles Baudelaire, « Lesbos », Les Fleurs du Mal, Paris, éd. Larousse 1993 [1857], p. 200.

iv. La guerre d’indépendance grecque (1821-1830) contre le joug ottoman (depuis 1453) ne libéra pas d’un seul coup toutes les régions occupées. Les îles de la mer Egée du Nord furent rattachées à la Grèce en 1912, au cours de la première guerre balkanique, tandis que le pays acquit ses frontières définitives actuelles après la seconde guerre mondiale, en 1947, avec le rattachement du Dodécanèse.

v. Voir respectivement : Sappho et Alcée (1881) du Néerlandais Sir Lawrence Alma Tadema (1836-1912); Sappho (1890) de l’Autrichien Gustav Klimt (1862-1918); In the days of Sappho (1904) et Sappho (1910) du Britannique John William Godward (1861-1922).

vi. « Precisely because so many of her original Greek texts were destroyed, the modern woman poet could write “for” or “as” Sappho’s and thereby invent a classical inheritance of her own », in Susan Gubar, « Sapphistries », Signs, 10, 1984, p. 46-47.

vii. « Cette ré-création et cette ré-appropriation de l’histoire antique est à la fois provocatrice et instructive : elle contredit les détracteurs du lesbianisme et renforce un des rares fondements légendaires de l’amour entre femmes » in Patricia Izquierdo, Devenir poétesse à la Belle Époque, Paris, éd. L’Harmattan, 2009, p. 213.

viii. « Barney seemed never to find women who shared what she considered to be her Sapphic ideal of multiple relationships without jealousy », in Karla Jay, The Amazon and the Page, Bloomington, ed. Indiana University Press, 1988, p.  32.

ix. « Beyond the simple question of identification lies the rather more complex one on whom they were identifying with […] the historical character of Sappho barely exists, except as an idea […] Like any number of male homosexuals of their own and later days, they sought Classical authority as a defense of their sexual preferences. But beyond this “political” interest in Sappho, Barney and Vivien were motivated to find in her life and work some sort of guide to newer and finer forms of relationships among women, forms untainted by what they saw as masculinist notions of what was appropriate to women», in Karla Jay, The Amazon and the Page, op. cit., p. 66-67.

x. Natalie Barney, Autobiographie inédite, Bibliothèque Jean Doucet, in Jean Chalon, Chère Natalie Barney, op.cit., p. 71.

xi. Patricia Izquierdo utilise ce terme pour designer un féminisme plus personnel, plus artistique et qui ne s’est jamais réalisé en militantisme, in Devenir poétesse à la Belle Époque, op. cit., p. 215-217.

xii. Autobiographie inédite, in Jean Chalon, Chère Natalie Barney, op.cit., p. 75-76.

xiii. Voilà comment la décrit Edmond Jaloux « […] a girl thin as a sword, the pre-Raphaelite type so common among the Anglo-Saxons at the time » ; grâce à sa chevelure préraphaélite que ses amoureuses l’appelèrent “Moonbeam”, Suzanne Rodriguez, Wild Heart, New York, Harper Collins, 2002, p.155 et p. 49.

xiv. Notamment du plagiat saphique Chansons de Bilitis, 1984 et d’Aphrodite, 1896, qui ont immédiatement marqué un succès colossal.

xv. Jean Baudrillard, De la séduction, Paris, éd. Galilée, 1979, p. 10.

xvi. In Jean Chalon, Chère Natalie Barney, op.cit., p. 166.

xvii. Lettre inédite à Liane de Pougy, in Jean Chalon, Chère Natalie Barney, op.cit., p.68. Nous soulignons. Cf. aussi : « Ce que nous apprenons de plus surprenant ou de plus mystérieux dans l’amour physique, c’est que l’amour n’est pas physique », NPA, p. 160.

xviii. Suzanne Rodriguez, Wild Heart, op.cit., p. 54 & Diana Souhami, Wild Girls, London, Phoenix, 2004, p. 130.

xix. Diana Souhami, Wild Girls, op.cit., p. 42.

xx. Havelock Ellis (1859-1939) : médecin et psychologue Britannique, un des fondateurs de la sexologie et auteur du premier traité médical objectif sur l’homosexualité (Sexual inversion, 1897). Pour le choix des citations suivantes, voir url. http://www.encyclopedie-anarchiste.org/articles/i/inversionsexuelle.

xxi « […] nous pouvions nous promener des journées entières en mer, en montagne ou sous bois […] nos longues chevelures, rousse et blonde, déployées, étales au soleil ou entremêlées par le vent au large », SI, p.64-5.

xxii Suzanne Rodriguez, Wild Heart, op.cit., p. 75. Nous traduisons.

xxiii Autobiographie inédite, in Suzanne Rodriguez, Wild Heart, op.cit., p. 69.

xxiv « L’Antiquité est dans l’air de ce début de siècle, et des esthètes organisent volontiers des fêtes greco-romaines qui déguisent, mal, d’autres aspirations » in Jean Chalon, Chère Natalie Barney, op.cit., p. 95.

xxv. Natalie Barney, Nouvelles Pensées de l’Amazone, Paris, éd. Ivrea, 1996 [1939], p. 34 (désormais NPA).

xxvi. Janet Flanner : journaliste et écrivaine américaine, correspondante à Paris –sous le pseudonyme Genêt– du magazine The New Yorker de 1925 à 1975. Sylvia Beach & Adrienne Monnier : amantes et partenaires, ces deux libraires pionnières marquèrent la vie intellectuelle parisienne de l’entre-deux-guerres ; elles accueillent dans leurs librairies voisines (« Shakespeare and Co » & « La Maison des Amis des Livres ») l’avant-garde littéraire américaine, anglo-saxonne et française, organisent des séances de lectures publiques et publient Ulysse de Joyce ainsi que sa première traduction française.

xxvii. Cf. Diana Souhami, Wild Girls, op.cit., p. 71. Appellation de Paul Valéry –d’un parmi tant d’illustres habitués du salon : Gabriel d’Annunzio, Apollinaire, Aragon, Blaise Cendrars, Paul Claudel, Jean Cocteau, Colette, Nancy Cunard, Isadora Duncan, T.S.Eliot, Anatole France, F.Scott Fitzgerald, André Gide, Peggy Guggenheim, Max Jacob, James Joyce, Valery Larbaud, Drieu La Rochelle, Pierre Louÿs, Paul Morand, Ezra Pound, Rachilde, Rainer Maria Rilke, Auguste Rodin, Marguerite Yourcenar, etc.

xxviii. « Je n’aime pas les maisons qui ressemblent à des musées. Je peux vivre sans craindre les voleurs. On ne cambriole pas une atmosphère », in Jean Chalon, Chère Natalie Barney, op.cit., p. 128.

xxix. Colette, Le Pur et l’Impur, Œuvres complètes III, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1991, p. 598.

xxx. Voir la réception enthousiaste des premiers romans de Djuna Barnes: « The most amazing book ever written by a woman »; « the most amazing thing to have come from a woman’s hand », in Suzanne Rodriguez, Wild Heart, op.cit., p. 253.

xxxi. Indignée par les projets de restauration des nouveaux propriétaires du pavillon, elle écrivit : « Mon salon est un monument de la littérature contemporaine. Personne n’a le droit de le modifier. J’ai fait le serment de rendre l’âme là où l’esprit a régné », in France-Soir, 12 octobre 1968.

xxxii. Préface de Marguerite Yourcenar in Jean Chalon, Chère Natalie Barney, op.cit., p.13.

xxxiii. Ses jeux d’esprit ne manquent pas d’illustrer sa prédilection: « Étant née ivre, je ne bois que de l’eau », PA, p.84 ; « L’amour heureux se vit / le malheureux s’écrit », PA, p.105 » ; « Faire de la littérature, quel mauvais reproche à la vie », SI, p. 8, etc.

xxxiv. Thomas Moore (1779-1852): « The time I’ve lost in wooing, / In watching and pursuing / The light, that lies / In woman’s eyes, / Has been my heart’s undoing. / Though Wisdom oft has sought me, / I scorn’d the lore she brought me, / My only books / Were woman's looks, / And folly’s all they’ve taught me ».

xxxv. « The company of so many literary people in her salon may have given Natalie the idea of becoming a literary person herself » in George Wickes, The Amazon of Letters, The life and loves of Natalie Barney, London, W.H.Allen, A Howard and Wyndham Company, 1977, p. 112.

xxxvi. Cécile Voisset-Veysseyre, Des Amazones et des femmes, Paris, éd. L’Harmattan, 2010, p. 175.

xxxvii. Jean Chalon, Chère Natalie Barney, op.cit., p. 197.

xxxviii. Ibid., p. 333 ; Cf. aussi : « There is little in these titles or between the covers of any of these books to suggest that Barney and Vivien present anything but a purely anecdotal interest. Both […] deserve to be seen as more than the rather spicy literary footnotes they seem to have become » in Karla Jay, The Amazon and the Page, op.cit., p. XI.

xxxix. « My queerness is not a vice, is not deliberate and harms no one », in Diana Souhami, Wild Girls, op.cit., p. 65.

xl. Colette, Le Pur et l’Impur, op.cit., p. 592.

xli. « An easy historical trajectory would trace a course from invisibility and ostracism to visibility and ostracism », in Martha Vicinus, Intimate Friends: Women who loved women, 1778-1928, University of Chicago Press, 2004, p. XVII; « [...] the lesbian has been “ghosted” or made to seem invisible by culture itself » in Terry Castle, The Apparitional Lesbian, ed. Columbia University Press, 1995.

 

 

 

Pour citer ce texte


 Evgenia Grammatikopoulou, « De l’originalité de l’(auto)création à la banalité de la réception : l’Amazone Natalie Clifford Barney dans son Temple », in Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Poésie des femmes romandes», « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°2|Automne 2012 [En ligne], (dir.) Michel R. Doret, réalisé par Dina Sahyouni, mis en ligne le 31 octobre 2012.

Url. http://www.pandesmuses.fr/article-n-2-de-l-originalite-de-l-auto-creation-a-la-banalite-de-la-reception-l-amazone-natalie-clifford-111673262.html/Url. http://0z.fr/0EseY


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Auteur(e)


Evgenia Grammatikopoulou Docteur ès lettres, maître de conférences à l’Université Aristote de Salonique (spéc. Littérature française du XXes. & Poésie contemporaine) et traductrice.

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Le Pan poétique des muses - dans n°2|Automne 2012
31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 07:00

 

Poème érotique écrit par deux poètes


Abysses du plaisir

 

(écrit en duo Lotus/Damy – Lotus en italique et violet)

 

 

Lotus & Damy Tangage


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Larmes d'ébène sur la joue blanche d'opale

Balayent les chagrins de nos amours éteints

Et le sourire aux lèvres en brume matinale

S'évapore au reflet d'un grand miroir sans tain

 

 

C"est sur la mer houleuse que je m'en fus, chérie

D'autres ports, d'autres rives, plus qu’un chant d'illusion,

M'ont fait le matelot de désirs de folie

J'ai tant bu, tant hurlé dans de sombres visions

 

La mer est si profonde et parfois si cruelle

Que le marin s'éprend d'un vide inexorable

Et l'angoisse d'aimer plonge en son écuelle

Celui qui, sur la vague, ne touche qu'une fable


Plaisirs artificiels et sirènes de lune

Îles sous le levant et brumes de bon vin

Pour oublier, ma belle, à la fin, cette dune

Où mon sommeil gisait au confort de ton sein

 

 

Sanglots des aubes grises sur ton âme ternie 

Retiennent les marées de nos doux souvenirs

Quand ton corps me désire et qu’enfin tu supplies

Que s’offrent mes embruns au vent de nos plaisirs

 

 

Tes drapés de soierie feront ils oublier

Mes crépuscules blêmes aux bras de tristes filles ?

Et ta hanche envoûtante est-elle l'alliée

D'une envie des plus folles où ma volupté brille ? 

 

 

La soie et le satin qui recouvrent ma peau

Soigneront les blessures des jours de tristesse

Et laveront ton cœur de ces gris oripeaux

Qu'on touché tant de fois de funestes déesses

 

Tes reins callipyges m'amie ont la douceur

Des oasis d'onyx quand mon ventre les frôle

Des orages d'hier mon esprit n'a plus peur

Ma bouche se promène au dos de ton épaule

 

Te voilà au chemin qui mène à l'oracle

Où toutes les frayeurs se noient dans l'abandon

Et j'aime tes sourires qui se donnent en spectacle

Lorsque tes yeux se posent plus bas que mon menton

 

 

Lotus, je vois de toi, aux rondeurs de tes hanches,

Une éclipse de lune aux hémisphères d'or

Ma langue gourgandine sur ta belle peau blanche

Fouille des horizons non explorés encor

 

 

Il est des sanctuaires où le péché se goûte

Au calice sacré et velouté des Dieux 

Quand le corps enivré se tend et s'arc-boute

Sous les gestes d'orfèvres d'un amant amoureux

 

 

Cette humide tiédeur a la saveur des mers

De celles que je bois quand ton ventre s’affole

Que tes seins aux abois s’émeuvent aux enfers

De tes soupirs de dunes, oh, mes doigts en raffolent

 

 

C'est là que tu oublies tous tes chagrins passés

Au fond de ces coulisses où se perdent les âmes

Mouillées de ce breuvage onctueux et lacté

Qui attise les feux et fait trembler la flamme

 

 

Que la boisson est douce à l'eau de ta fontaine

Elle enivre mes sens d'un baume d'élixir

Cette toison baignée dans un voile de reine

Caresse mes ennuis. Je deviens Grand Vizir

 

 

Messaline farouche sur l'autel des anges

Je m'offre à tes caresses sans l'ombre d'un refus

En laissant sur ta langue, l'objet de tes louanges

Et voilà que, soudain, tu en deviens confus

 

 

J'ai pour ma soif fermé les palais de Subure

Je jouis sur ton corps d'un mouvant abandon

De toi je veux un cri, princesse de luxure

Et oser nous noyer dans tes yeux si profonds 

 

Un dernier soubresaut et tout mon corps se cambre

L'extase m'envahit à m'en mordre les lèvres

Le temps se fige, alors, au sein de cette chambre

Témoin inaltérable de notre immense fièvre

 

 

Que j'aime ma chérie te voir dans cet orgasme

Tu ne t'appartiens plus et tout t'échappe enfin

Une nuée d'eau verte mouille tes derniers spasmes

Elle inonde extasiée mon ultime coffin 

 

 

Ton tison brûle en moi tel un sabre aiguisé

Laissant mes chairs vives rouges et ardentes

Un ultime regard vers tes yeux embrasés

Et ta semence coule en ma fleur pubescente

Pour citer ce poème


Lotus & Damy Tangage, « Abysses du plaisir » (écrit en duo Lotus/Damy. Lotus en italique et violet), in Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Poésie des femmes romandes », «  Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°2|Automne 2012 [En ligne], mis en ligne le 31 octobre 2012. Url. http://www.pandesmuses.fr/article-n-2-abysses-du-plaisir-111628408.html/Url. http://0z.fr/oc4Dm


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