1 juin 2013 6 01 /06 /juin /2013 07:00

 

Poèmes

 

Les arrosoirs, Prendre la clef des champs,

 

 

Sous le griottier, & Une rose gelée au jardin

 

 

Jérôme Aviron

 

 

 

jardin 5

© Crédit photo : Collection Jardins par Claude Menninger

 

 

 

Les arrosoirs

 


 

À Dakar, le 26 mars 2012

Au fond du jardin la vieille serre,

Rouille un peu plus chaque année,

Quand tombent ses carreaux de verre,

Comme une bisaïeule édentée.


 

Entre l’oseille que l’on mâchouille,

Le long des planches tirées au cordeau,

Et les quelques semis de fenouil,

Trainent les fameux arrosoirs d’eau.


 

Lorsque s’annonce la nuit, mamie s’échine,

À les porter en large et en travers,

Pour abreuver les haricots-verts,

Ou la capiteuse glycine.


 

De son coté papi tamise,

Le lopin de terre qu’il vient de bêcher,

Sans chapeau comme il est de mise,

Au grand dam de son épouse fâchée.


 

Mais tous deux savent fort bien,

Que leur nombreuse famille,

Profitera des coings,

Et de la blanche camomille.


 

Dès l’aube jusque tard au soir,

Le potager derrière la maison,

Ne se lasse pas de les recevoir,

Au retour de la belle saison.


 

Théâtre à ciel ouvert,

Des joies simples et de petits drames,

Ce paisible univers,

A bercé mon enfance, plein de charme.


 

Aujourd’hui, il dort dans ma mémoire,

Nourri et logé comme un loir,

À l’abri du temps qui passe,

En ne laissant aucune trace.

 

 

 

 

 

Prendre la clef des champs

  Poème sur le genre (masculin/féminin)

 

 

 

À Lyon, le 28 juin 2012

La clef des champs ouvre bien des portes,

Celle du bureau que l’on supporte,

Ou de notre imagination,

Docile aux pérégrinations.


 

Le beau temps par la fenêtre,

Nous invite à nous estourbir,

Dans l’air embaumé, champêtre,

Qui nous berce avant de dormir.


 

Les fleurs des bois sommeillent,

Dans la pénombre du soir,

Teintée de couleurs vermeilles,

Mortes dans la nuit noire.


 

Fugace, le brouhaha taciturne

Des bêtes sauvages,

Emmaille les courtes heures nocturnes,

Au creux des bocages.


 

Tout le bestiaire enchanté s’anime,

Des grenouilles à la chouette,

Pour accompagner qui badine

Dans les fourrés, drôles de pirouettes.


 

La mousse des taillis,

Est propice aux amoureux,

Loin des aigres baillis,

Blottis le long des chemins creux.


 

Comme l’on se couche, on fait son lit,

Parfois craintif ou sans peur,

On redoute l’hallali,

De tous les petits instants de bonheur.


 

Mais la vraie clef d’une paix profonde,

Se trouve sous la voûte des cieux,

Au chariot d’étoiles vagabondes,

Sages messagères du Bon Dieu.

 

 

 

Sous le griottier

 

 

 

 

À Cormorand, le 1er septembre 2011 

1h00

Depuis quelques années

Elle dort sous le griottier,

Celle qui, le museau altier,

Se plaisait à badiner.


 

Avec le fruit de sa progéniture,

Calinou, ce bon pacha,

Chlorophylle sous les vertes ramées,

S’amusait à chien et chat.


 

Caprice, subtile braque française,

Se laissait souvent prendre au jeu

Des félins de la maison, qui à leur aise

Passaient sous son nez, l’air courageux.


 

Elle savait les esquiver,

Quand d’un brusque bond elle quittait

La terrasse, pour achever

Sa course au pied de la futaie.


 

Ici, elle trouvait quelque fraicheur

Aux longs jours ensoleillés,

Loin du bruit et des marmots rabâcheurs

Qui l’ont souvent effrayée.


 

L’herbe tendre l’invite

À s’allonger de tout son long,

Moments exquis où l’on profite

De ce fort beau vallon.


 

Ce soir, il faudra revenir à la niche

Où son maître l’entraine,

Enfermée la semaine

Dans le chenil dont tout le monde se fiche.


 

Samedi prochain, elle profitera

D’un mince filet de liberté,

À travers les étangs où papa ira

Promener son fusil indompté…

 

 

 

Une rose gelée au jardin

01/94

 


 

Ce matin une rose gelée au jardin,

Pleine d’entrain m’a causé un brin :


 

« Connais-tu mes couleurs, mes senteurs,

Pleines de douceur et de profondeur ?


 

Ne t’en vas pas ami joli,

Ne t’enfuis pas d’ici,

Je te donnerai, foi de rose, toutes ces choses,

Qu’une saison éclose, avec bonheur expose.


 

Je te vouerai ma vie, mes envies et mes folies,

Je chanterai pour toi des airs jolis,

Et toutes nos nuits ne seraient qu’émois ravis.


 

Connais-tu la valeur de mes heures à jamais enfuies ?

Jamais je ne pleure sur des leurs, mauvais amis ».


 

Ce matin une rose fanée au jardin,

Lie de vin s’en est allée au loin…

 

 

 

 

Pour citer ces poèmes

 

Jérôme Aviron , « Les arrosoirs », « Prendre la clef des champs », « Sous le griottier » & « Une rose gelée au jardin »   , Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Jardins d'écritures au féminin », « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°3|Été 2013 [En ligne], (dir.) Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 1er juin 2013.

 

Url.http://www.pandesmuses.fr/article-n-3-les-arrosoirs-prendre-la-clef-des-champs-sous-le-griottier-une-rose-gelee-au-jardin-117752730.html/Url. 

 

Auteur(e)

 

Jérôme Aviron, est âgé de 43 ans et plus toutes mes dents, handicapé depuis la naissance. Juriste de formation, il travaille à Lyon pour une collectivité publique. Poète en herbe, il aime écrire comme l’on peint une toile…

Le Pan poétique des muses - dans n°3|Été 2013
1 juin 2013 6 01 /06 /juin /2013 07:00

 

 

Présentation & traduction



Le mot et l’instant sur

 

 

« Les Jardins de Kew »

 

 

de Virginia Woolf

 

 

François-Ronan Dubois

Université Stendhal — Grenoble 3 ( RARE — LIRE)

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

 

 

 

      À l’âge des immeubles et des villes, n’est-il pas curieux que le jardin soit encore, pour nous, cet espace particulier qui, dans une propriété, accueille les réflexions intimes ? C’est que, comme le soulignait Françoise Urban-Menninger, d’Épicure à George Sand, le jardin est d’abord et essentiellement le jardin privé. Pourtant, n’est-ce pas déjà un jardin pour le groupe que celui dans lequel le philosophe grec réunit ses amis ? Public aussi, chez Goethe, le jardin qu’Edouard et Charlotte exposent à leurs visiteurs dans Les Affinités Électives ; public encore le jardin où la Princesse de Clèves surprend le duc de Nemours à rêver. Il existe ainsi une tension entre le jardin fermé, où l’on se réfugie, et singulièrement les femmes, loin du regard oppressant, normateur et trop vivement concupiscent des hommes, et le jardin ouvert aux passants et aux amis, où les conversations font et refont les connaissances communes.

 

   Ce sont ces jardins publics, singulièrement les jardins botaniques royaux de Kew, qui accueillent l’étrange récit de Virginia Woolf. Sans doute cette nouvelle, écrite d’abord en 1919 et jointe au recueil Monday or Thusday de 1921, pourrait illustrer à merveille la poétique de l’écrivaine telle qu’elle la décrit dans ses essais critiques et théoriques. Dans « Les Jardins de Kew », le récit n’est pas suivi ; plutôt, les mots capturent une collection d’instants et isolent, dans la myriade des impressions diverses qui les composent, pour reprendre une image de Woolf, quelques notes particulières dont la récurrence organise le texte : ce sont les couleurs et les fragments de conversations.

Perdu dans le monde complexe et parfois difficilement compréhensible d’un massif de fleurs, le lecteur voit passer les couples de promeneurs et saisit quelques secondes d’une existence que cet isolement rend étrange.


      On se souvient que dans son célèbre essai intitulé Modern Fiction (Fiction moderne), Woolf imaginait d’observer depuis la rue, un soir, par les fenêtres éclairées, la vie des habitants d’une maison bourgeoise, de capturer ces instants particuliers où la grand-mère tricote et la jeune fille se prépare pour une soirée. Chez Woolf, les instants, dont le fourmillement est rendu nécessaire par « la danse populeuse de la vie moderne », pour reprendre le titre de l’un de ses autres essais, les instants sont toujours à la fois tristes et comiques, étranges et presque maladroits quand ils sont ainsi capturés hors de tout. Le défi de la littérature est alors de parvenir à exprimer la complexité de ces secondes où se cristallisent les impressions et les existences.


    Ici, se joue la supériorité de la plume woolfienne : les conversations sont dépourvues de sens et peut-être la syntaxe elle-même échoue-t-elle parfois à rendre compte du réel. C’est à la littérature, en organisant différemment les sensations qui naissent du monde, en choisissant d’autres mots, et parfois simplement une autre ponctuation, de donner du sens à l’instant, qui est la seule appréhension possible des choses. Ainsi Les Jardins de Kew s’organisent-ils comme une épiphanie, transformant lentement le spectacle quotidien d’un massif de fleurs en une révélation de la vie humaine, habitée de désirs oubliés, contenus et en train de naître — de cette vie du jardin qui résiste dans les rouages de la ville.


 

  


Les Jardins de Kew

 

jardin par Sylvie Lander

©Crédit photo : Jardin par Sylvie Lander

 

 

« Les Jardins de Kew », texte traduit de l'anglais par François-Ronan Dubois

Texte original : Virginia Woolf, Kew Gardens, Monday or Thusday, 1921.

 

   

 

 


Là, de l’ovale du massif de fleurs, jaillissaient une centaine de brins peut-être, dont les feuilles, en s’ouvrant à mi-chemin, prenaient la forme d’un cœur ou d’une langue et qui développaient en leur sommet des pétales rouges, ou bleus, ou jaunes, tâchés encore de la couleur du sol dont ils s’étaient élevés ; et du fond rouge, bleu, jaune, de la corolle émergeait une tige droite, rendue rugueuse par une poussière d’or et dont l’extrémité était légèrement recourbée. Les pétales étaient assez larges pour que la brise d’été les remuât, et quand ils bougeaient, les lueurs rouges, bleues et jaunes se couvraient les unes les autres, teintant un peu de terre brune d’une tâche de la couleur la plus mêlée. La lumière tombait sur un gravier lisse et gris, sur la coquille aux veines brunes et circulaires d’un escargot, tombait dans une goutte de pluie dont elle repoussait les frêles murs d’eau avec une telle intensité rouge, bleue et jaune qu’on les croyait sur le point d’exploser et de disparaître. Au lieu de cela, la goutte retrouvait à nouveau son gris argenté et la lumière glissait alors sur la chair d’une feuille pour révéler le réseau de fibres qui s’étendait sous la surface ; et elle bougeait encore pour répandre son illumination dans les grandes étendues vertes sous le dôme des feuilles en forme de cœur et en forme de langue. Puis la brise en haut soufflait plus brusquement et la couleur était jetée dans les airs, dans les yeux des hommes et des femmes qui marchaient dans les Jardins de Kew, en juillet.


Les silhouettes de ces hommes et femmes passaient lentement devant le massif, avec une démarche un peu irrégulière qui n’était pas sans évoquer les papillons blancs et bleus dont le vol de bourgeon en bourgeon zébrait le parterre. L’homme marchait une dizaine de centimètres en avant de la femme, d’un air désinvolte, alors qu’elle adoptait un port plus altier, ne tournant la tête que de temps à autre, pour s’assurer que les enfants n’étaient pas trop en arrière. L’homme gardait cette avance sur la femme à dessein, quoique sans en avoir conscience peut-être, car il souhaitait continuer à se perdre dans ses pensées.

« Il y a quinze j’étais venu ici avec Lily, songeait-il. Nous nous étions assis quelque part par là, près du lac, il faisait chaud et je l’ai suppliée de m’épouser tout l’après-midi. Comme la libellule s’obstinait à tournoyer autour de nous, comme je la revois clairement, la libellule, et sa chaussure avec la boucle d’argent carrée à l’orteil. Tout le temps que je parlais, je voyais sa chaussure et quand la boucle bougeait impatiemment, je savais sans relever les yeux ce qu’elle s’apprêtait à dire : tout son être semblait se trouver dans cette chaussure. Et mon amour, mon désir, était dans la libellule ; pour une raison obscure, je pensais que si elle se posait là, sur cette feuille, sur la large feuille avec une fleur rouge au milieu, si la libellule se posait sur la feuille, elle dirait « oui » aussitôt. Mais la libellule volait encore et toujours autour de nous : elle ne se posait jamais nulle part — bien sûr que non, heureusement que non, ou je ne serais pas en train de marcher ici avec Eléanore et les enfants — Dis moi, Eléanore. T’arrive-t-il de penser au passé ?

Pourquoi cette question, Simon ?

Parce que j’étais en train de penser au passé. J’étais en train de penser à Lily, la femme que j’aurais pu épouser. Eh bien, pourquoi ce silence ? Cela te déplaît-il que je pense au passé ?

Pourquoi cela me déplairait-il, Simon ? Est-ce qu’on ne pense pas toujours au passé, dans un jardin où les hommes et les femmes s’étendent sous les arbres ? Ne sont-ils pas le passé, tout ce qui reste de lui, ces hommes et ces hommes, ces fantômes étendus sous les arbres, le bonheur, la réalité ?

Pour moi, une boucle d’argent, carrée, sur une chaussure, et une libellule.

Pour moi, un baiser. Imagine six petites filles assises devant leur chevalet, il y a dix ans, en bas, près du lac, en train de peindre les nénuphars, les premiers nénuphars rouges que je verrais de ma vie. Et soudain, un baiser, là sur ma nuque. Et ma main a tremblé tout l’après-midi, et je ne pouvais plus peindre. J’ai sorti ma montre et décidé de l’heure à laquelle j’allais m’autoriser à penser au baiser pendant cinq minutes seulement — c’était si précieux — le baiser d’une vieille femme aux cheveux gris avec une verrue sur le nez, la mère de tous les baisers de toute ma vie. Viens, Caroline, viens, Hubert. »


Ils continuèrent à marcher à côté du passé du massif, les quatre les uns à côté des autres ; bientôt leurs silhouettes diminuèrent parmi les arbres et elles paraissaient à demie transparentes alors que le soleil et l’ombre ondoyaient sur leurs dos en de larges formes tremblantes et irrégulières.


Dans le massif oval, l’escargot, dont la coquille avait été teintée de rouge, de bleu et de jaune l’espace de deux minutes ou presque, paraissait désormais bouger très légèrement à l’intérieur de sa coquille ; puis il commença à s’escrimer sur des mottes de terre qui s’effritaient et s’écroulaient sur son passage. On eût dit qu’il avait un but précis en face de lui, à la différence du singulier insecte vert à pattes longues qui tentait de couper son chemin et qui attendit une seconde, les antennes tremblantes comme en pleine hésitation, avant de s’éloigner d’une manière aussi rapide et étrange dans la direction opposée. Des falaises marron dont les gorges abritaient de profonds lacs verts, des abres plats, semblables à des lames, qui ondulaient des racines à la cime, de grands rocs ronds de pierre grise, de grandes étendues friables faites d’une matière fine et qui crissait sur son chemin : tous ces objets entravaient entre deux étapes la progression de l’escargot vers son but. Avec qu’il n’eût pu décider s’il devait contourner la tente arquée d’une feuille morte ou l’attaquer de front, déjà passaient près du massif les pieds d’autres êtres humains.

Cette fois-ci, il s’agissait de deux hommes. Le plus jeune des deux arborait une expression calme peut-être peu naturelle ; il avait les yeux levés et très solidemment fixés en face de lui tandis que son compagnon parlait. Dès que son compagnon terminait de parler, il regardait à nouveau vers le sol, ouvrait parfois la bouche après un long moment, parfois ne l’ouvrait pas du tout. L’homme le plus âgé avait une démarche curieusement inégale et tremblante, il lançait sa main en avant et secouait la tête abruptement, un peu comme un cheval d’attelage las d’attendre devant une maison ; mais chez l’homme, ces gestes étaient incertains et inutiles. Il parlait presque sans s’arrêter : il souriait puis recommençait à parler, comme si le sourire avait constitué une réponse. Il parlait des esprits, des esprits des morts qui, selon lui, étaient en ce moment précis en train de lui dire toute sorte de choses étranges à propos de leur expérience au Paradis.


« Les Anciens connaissaient le Paradis sous le nom de Thessalie, William, et à présent, avec cette guerre, la matière spirituelle roule entre les collines comme le tonnerre. »

Il marqua une pause, parut écouter, sourit, secoua la tête et poursuivit :

« Tu as une petite pile électrique et un bout de caoutchouc pour esseuler le câble — isoler ? — esseuler ? — bon, passons les détails, rien ne sert d’entrer dans des détails qui ne seraient pas compris — bref, la petite machine peut se poser n’importe où sur la tête de lit, disons, sur un petit promontoire d’acajou. Toutes les finitions ayant été effectuées par des artisans sous ma direction, la veuve applique son oreille et invoque les esprits par des signes, comme convenu. Ah, les femmes ! Les veuves ! Les femmes en noir ! »


À cet instant, il parut apercevoir la robe d’une femme dans le lointain qui, dans l’ombre, paraissait être d’un violet sombre. Il ôta son chapeau, plaça une main sur son cœur et se précipita vers elle, en parlant et en gesticulant avec fièvre. Mais William l’attrapa par la manche et poussa une fleur du bout de sa canne pour détourner l’attention du vieil homme. Après l’avoir regardée un moment d’un air confus, le vieil homme se pencha pour tendre l’oreille et parut répondre à une voix qui en émanait, car il commença à évoquer les forêts d’Uruguay qu’il avait visitées des centaines d’années plus tôt, avec la plus belle des jeunes femmes de l’Europe. On pouvait l’entendre parler dans un murmure des forêts d’Uruguay tapissées des pétales cireux des roses tropicales, des rouge-gorges, des plages de sable fin, des sirènes, des femmes noyées en mer, et pendant ce temps, il se laissait tirer plus loin par William, dont le visage affichait peu à peu un regard de stoïque patience sans cesse plus profond.


Deux vieilles dames arrivèrent, qui suivaient ses pas d’assez près pour être légèrement intriguées par son comportement ; elles étaient d’origine modeste, l’une était grasse et hommasse, l’autre était svelte et avait les joues roses. Comme la plupart des gens de leur extraction, elles étaient ouvertement fascinées par tout signe d’excentricité qui dénotât un cerveau dérangé, singulièrement chez les nantis ; mais elles étaient trop éloignées pour savoir si le comportement n’était celui que d’un excentrique ou effectivement d’un fou. Apès qu’elles eurent observé le dos du vieil homme pendant un moment en silence et qu’elles se furent échangé en biais un regard entendu, elles continuèrent à tricoter ensemble leur dialogue fort compliqué.


« Nell, Berthe, Beaucoup, Arrête, Phil, Papa, il dit, je dis, elle dit, je dis, je dis, je dis…

Ma Berthe, Sœur, Bill, Grand-Père, le vieil homme, du sucre

Du sucre, de la farine, des sardines, des légumes,

Du sucre, du sucre, du sucre. »

La grosse dame regardait, à travers le rideau des mots qui tombaient, les fleurs qui demeuraient immobiles, fermes, dressées dans la terre, avec une curieuse expression. Elle les voyait comme un dormeur qui sort d’un profond sommeil voit un chandelier en bronze réfléchir la lumière d’une manière inédite, et ferme ses yeux, et les ouvre, et voit à nouveau le chandelier de bronze, se réveille enfin soudainement et fixe le chandelier de toutes ses forces. Ainsi la lourde dame s’était-elle finalement arrêtée en face du massif de fleurs oval et avait cessé même de prétendre écouter ce que l’autre femme disait. Elle restait là, laissait les mots tomber sur elle, balançant le haut de son corps d’avant en arrière, regardant les fleurs. Puis elle suggéra de trouver un endroit où s’asseoir pour prendre le thé.


L’escargot avait désormais examiné toutes les méthodes possibles pour atteindre son but sans contourner la feuille morte ni l’escalader. Sans songer même à l’effort nécessaire pour escalader une feuille, il doutait que la fine structure qui vibrait avec des craquements si alarmants quand il ne la touchait que du bout de la corne pût supporter son poids et ce fut ce qui le décida finalement à ramper en dessous, car il y avait un endroit où la feuille se soulevait assez du sol pour le laisser passer. Il venait à peine de glisser sa tête par l’ouverture, de considérer le haut plafond brun et de s’habituer à la froide lumière brune quand deux autres personnes passèrent dehors sur la pelouse. Cette fois-ci, ils étaient tous les deux jeunes : un jeune homme et une jeune femme. Ils étaient tous les deux dans leur première jeunesse, ou même dans la saison qui précède la première jeunesse, dans la saison qui précède le moment où la douce corolle rose de la fleur se libère de son enveloppe gommeuse, quand les ailes du papillon, même pleinement développées, restent immobiles au soleil.


« On a de la chance que ce ne soit pas vendredi, fit-il observer.

Pourquoi ? Tu crois à la chance ?

Ils te font payer six centimes le vendredi.

Qu’est-ce que c’est que six centimes, de toute façon ? Ca vaut bien six centimes.

Quoi, ça ? Qu’est-ce que tu veux dire par « ça » ?

Oh, tout ça… Je veux dire… Tu sais ce que je veux dire. »


De longs moments séparaient chacune de ces remarques ; elles étaient articulées d’une voix impersonnelle et monotone. Le couple se tenait immobile au bord du massif de fleurs et, ensemble, ils enfonçaient profondément le bout de son ombrelle dans la terre meuble. Le geste, et le fait que sa main demeurait sur les siennes, exprimait leurs sentiments d’une étrange manière, comme ces mots brefs et insignifiants exprimaient quelque chose également, des mots aux ailes trop courtes pour leur lourd corps de sens, impropres à les transporter loin, qui s’arrêtaient donc maladroitement sur les objets les plus communs qui les entouraient et qui étaient si grands pour leurs mains inexpérimentées ; mais qui savait (et c’était ce qu’ils pensaient en enfonçant l’ombrelle dans la terre) les précipices cachés en eux ou les étendues de glace qui brillaient au soleil de l’autre côté ? Qui savait ? Qui avait jamais vu cela auparavant ? Même quand elle s’interrogeait sur la sorte de thé que l’on servait à Kew, il sentait que quelque chose planait derrière ses mots, quelque chose de solide et ample derrière eux, et le brouillard très lentement se dissipa — ô, Grands Dieux, qu’était-ce que ces formes ? — de petites tables blanches, des serveuses qui la regardaient d’abord elle et ensuite lui ; et voilà l’addition qu’il allait payer avec une vraie pièce de deux shilling, et c’était réel, tout réel, il s’en assurait en faisant tourner la pièce entre ses doigts dans sa poche, réel pour tous sauf pour lui et pour elle, même à lui cela commençait à sembler réel ; et ensuite — mais c’était trop excitant pour rester immobile à penser, et il retira avec un geste brusque le parasol de la terre, impatient de trouver l’endroit où l’on prenait le thé avec d’autres personnes, comme les autres personnes.

« Viens, Trissie, il est temps d’aller prendre le thé.

Mais où est-ce que les gens prennent le thé, demanda-t-elle avec un frémissement d’excitation fort étrange dans la voix, regardant vaguement autour d’elle et se laissant conduire le long du chemin dans l’herbe ; son parasol trainait derrière elle, elle tournait la tête de ce côté, de celui-là, elle oubliait le thé et rêvait de descendre par ici puis par là, elle se souvenait des orchidées et des grues parmi les fleurs sauvages, de la pagode chinoise et d’un oiseau à crête rouge, mais il continuait à l’entraîner.


Ainsi les couples les uns après les autres, dans la même errance irrégulière et indécise, passaient à côté du massif de fleurs et s’y trouvaient enveloppés par les voiles successifs d’une vapeur bleue et verte, dans laquelle d’abord leurs corps avaient une substance et une certaine couleur, mais où plus tard se dissolvaient et substance, et couleur, dans l’atmosphère verte et bleue. Comme il faisait chaud ! Si chaud que même le passereau préférait sauter, comme un oiseau mécanique, jusqu’à l’ombre des fleurs, en faisant de longues pauses entre un mouvement et le suivant ; au lieu de voleter insouciamment, les papillons dansaient les uns au dessus des autres, dessinant de leurs ailes blanches et vibrantes le contour d’une colonne de marbre brisée en haut des plus hautes fleurs ; le toit en verre de la palmeraie brillait comme si tout un peuple d’ombrelles vertes et brillantes s’était ouvert sous le soleil ; et dans le bourdonnement de l’avion, la voix du ciel d’été murmurait de toute la force de son âme. Jaune et noir, rose et blanc de neige, formes de toutes ces couleurs, hommes, femmes, enfants étaient portés une seconde sur l’horizon puis, en voyant l’étendue jaune sur l’herbe, ils vacillaient à la recherche de l’ombre des arbres, se dissolvaient comme des gouttes d’eau dans l’atmosphère jaune et verte, y mêlaient légèrement le rouge et le bleu. Il semblait que tous les corps lourds et grossiers s’étaient effondrés dans la chaleur et, immobiles, restaient blottis contre le sol, mais leurs voix sortaient d’eux en ondulant, comme si elles avaient été des flammes serpentant hors du corps de cire d’une bougie. Des voix. Oui, des voix. Des voix sans mot, qui brisaient le silence avec de tels secrets contentements, une telle passion et un tel désir, ou des voix d’enfants, si fraîches de surprises ; qui brisaient le silence ? Mais il n’y avait pas de silence : toujours les omnibus à moteur tournaient leurs roues, activaient leurs engrenages ; comme un grand réseau de poupées russes toute d’acier qui tournaient sans cesse les unes dans les autres, la ville murmurait ; et au-dessus les voix criaient fort et les pétales d’une myriade de fleurs jetaient leurs couleurs dans les airs.

 


Pour citer ce texte


François-Ronan Dubois, « Le mot et l’instant sur "Les Jardins de Kew" de Virginia Woolf », traduction et introduction de l'anglais du texte de Virginia Woolf, «  Kew Gardens », Monday or Thusday, 1921, texte illustré par Sylvie Lander, Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Jardins d'écritures au féminin », « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°3|Été 2013 [En ligne], (dir.) Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 1er juin  2013.

Url.http://www.pandesmuses.fr/article-n-3-le-mot-et-l-instant-sur-les-jardins-de-kew-de-virginia-woolf-117752724.html/Url.http://0z.fr/o85k0


Auteur(e)


 

 

François-Ronan Dubois est agrégé de Lettres Modernes, doctorant contractuel en littérature française à l'Université StendhalGrenoble 3 (RARE-LIRE). Spécialiste de la littérature française du dix-septième siècle et singulièrement de l’œuvre de Marie-Madeleine de Lafayette, il est l'auteur de plusieurs articles et communications sur La Princesse de Clèves, sur Marie-Madeleine de Lafayette et sur des questions de théorie littéraire. Il publie régulièrement des comptes rendus dans la revue Acta Fabula et participe aux manifestations internationales (colloques, séminaires, journées d'études, etc.) en lien avec ses recherches. François-Ronan Dubois est également auteur d’une traduction et d’une introduction de l’essai de Virginia Woolf Comment devrait-on lire un livre ?, parue dans L’Atelier de théorie littéraire, sur Fabula.

Blog : url. http://contagions.hypotheses.org/

 

Le Pan poétique des muses - dans n°3|Été 2013
1 juin 2013 6 01 /06 /juin /2013 07:00

 

 

Critique

 


La musique à travers l'écriture poétique

 

 

 

ou La musique inconnue

 

Dina Sahyouni

 

 https://www.fabula.org/actualites/documents/56592.gif

© Crédit photo : Couverture de l'éditeur

 

 

  « À vrai dire, je n’écris pas, je note, furieusement. » 1

« Cette Muse, en effet, que l’on appelle musique (les neuf muses sont toutes musiciennes) grimpe et redescend les pieds nus, durant toute la nuit, des escaliers de verre… Si son pas est aussi lent, c’est afin que chacun prenne le temps d’y compter les grains de sa propre poussière. » 2

« Joue ce soir dans l’église une mince claveciniste qui porte une robe violette profondément décolletée dans le dos. De ce tringle de peau blanche, sous le regard absent de la Vierge, dans la lumière tremblante des cierges, semble sourdre la musique ; cette chair diaphane et douce, irréalisée par la mélodie, […] »3

 

 

 

     La musique inconnue est une étude parue aux éditions José Corti, collection « En lisant en écrivant », en avril 2013 de l'essayiste Jean-Michel Maulpoix4. Le titre de ce livre est emprunté au poète Arthur Rimbaud : « Des châteaux bâtis en os sort la musique inconnue. » comme on peut le constater au début de l‘ouvrage. Le livre regroupe 7 essais brefs et soigneusement présentés. Certains des sous-titres de La musique inconnue sont empruntés aux poètes cités par l'auteur Maulpoix. 

 

    Dans cet ouvrage, Maulpoix étudie les discours théoriques et poétiques tenus par les poètes sur la musique. À travers les écrits des poètes des XIXe et XXe siècles, l'essayiste dévoile les liens entre poésie et musique en révélant l'existence d'un imaginaire de la musique chez les poètes5 : une certaine manière de la concevoir (et de la rendre) dans leurs textes se dessine au fil des pages de l‘œuvre. C’est en quelque sorte, le traité relatant le renouveau esthétique de la poésie dite moderne. Nous soulignons également la présence d’une certaine théorie de la musique propre aux poètes de la période citée témoignant de son importance en tant qu’art indépendant de l’écriture et surtout en tant que constituant fondamental de la poésie.

 

    En fait, Jean-Michel Maulpoix revient sur une période charnière de l’histoire de la poésie moderne (dans l’histoire de la littérature) en examinant la « Crise de vers »6 et la « Poésie pure »7.

Dans « le dernier quart du XIXe siècle »8 s’opère, en effet, la naissance du « système moderne des genres »9. C'est le renouveau du lyrisme après la mort de Victor Hugo. Maulpoix décrypte les discours et certains écrits de Mallarmé, Baudelaire, Valéry, Rimbaud, Proust et d’autres auteurs afin de dévoiler leur vision d’une poésie musicale libérée des contraintes de l’époque classique et du romantisme d’un Lamartine ou d’un Hugo. Les poètes sont obsédés par le métronome interne de chaque corps rendu instrument : un cor ou une lyre résonnant différemment…

 

 

Le vers libre rapproche musique et poésie. L’oreille se voit affranchie du ''compteur factice'' d’un mètre de douze syllabes au ''mécanismes rigide et puéril''. À présent, ''quiconque avec son jeu et son ouïe individuels se peut composer un instrument.'' Il peut donner à entendre la musique de sa propre existence, sa modulation particulière, apporter ''une prosodie neuve, participant de son souffle''. […] à renouer la mélodie de son âme, puisque toute âme, écrit Mallarmé, ''est une mélodie qu’il s’agit de renouer ; et pour cela, sont la flûte ou la viole de chacun.'' L’homme est un instrument à cordes et à souffle, ainsi que s’en souviendra Paul Claudel dans ses ''Réflexions et propositions sur le vers français''[...] »10

 

 

Délaissent la métrique classique, les poètes réinventent la poésie, et l’alexandrin (composé de 12 syllabes ou pieds) devient le symbole d’une ère désuète, lointaine et artificielle…

Le vers libre répond, semble-t-il, aux nouvelles attentes esthétiques en s’éloignant de la métrique artificielle de l’alexandrin pour épouser les métriques de l’âme de chaque poète et pour rappeler l‘origine mythique de la poésie. Jean-Michel Maulpoix nous invite donc dans La musique inconnue à retrouver dans une de ces nombreuses querelles frappant la poésie — nous savons que ces querelles ont fait évoluer ce que l’on en pense ainsi que sa définition — c’est le débat littéraire sur sa musicalité : il ne s’agit pas ici d’une simple question de silences et de sonorités, de rythmes et de rimes, de prosodies et de phonèmes, mais de retrouver puis de s’emparer d’un pouvoir suprême de la poésie rappelant le chant originel celui des sirènes et de Mnémosyne. Certains poètes de l'époque pensent que la poésie est musique... 

 

     

     Les poètes de la fin du XIXe siècle songeaient en accordant une importance primordiale à l’architecture musicale du poème aux effets du pouvoir enchanteur de la musique. Ils voulaient toucher tout cela dans ce retour aux origines et surtout en proposant la notion de la « Poésie pure ».

 

Or, on se rappelle déjà les débats littéraires houleux qui ont animé la « Querelle des Anciens et des Modernes » et surtout ses phases durant la fin du XVIIe siècle et le premier quart du XVIIIe siècle. Avec des acteurs comme Fénélon, l’abbé Dubos et ceux de la fameuse « Querelle d’Homère » avec Houdar de la Motte (chef des Modernes, académicien, traducteur, dramaturge, a vécu entre 1672-1731) et Anne Dacier née Le Fèvre (savante et académicienne connue sous le nom de Mme Dacier, elle était à la tête du parti des Anciens, a vécu entre 1654 et 1720), questionner la versification, examiner les rythmes naturels des langues, leurs qualités et défauts, leurs supériorités et infériorités, leurs aptitudes à rendre la beauté des poèmes traduits, l'origine des rimes et leurs fonctions sont des préoccupations théoriques et esthétiques très importantes aux XVIIe et XVIIIe siècles.

 

 

 

Le retour vers le chant primitif

 

 

        Si les deux mythes fondateurs de la poésie l’attachent à la musique, l’un d’entre eux, met en évidence l’origine commune de la musique et de la musique matérialisée par la divinité Mnémosyne (la mémoire, la mère des neuf Muses) car la musique est avant tout le souvenir : la réminiscence, c’est le « chant primitif »11 émis par l’homme en découvrant la beauté du monde. Ce chant représente la porte d’entrée dans l’immoralité, dans l'intemporel, dans le temps divin, celui des dieux de la mythologie. Et la musique constitue ainsi un élément fondamental de la poésie :

 

Cette origine mythique de la poésie est, dès l’Antiquité, un lieu commun du discours théorique : l’hypothèse d’un chant primitif, antérieur au vers littéraire, légitime par avance le lien supposé entre musique et poésie. Dès l’origine, notre deuxième élément de définition semble avoir valeur de dogme : la poésie est musique, Eustache Deschamps, un des premiers auteurs Français d’art poétique, l’affirmait déjà en 1392 […] Par un étrange renversement, la poésie serait donc la vraie musique, dont l’autre — la musique du chant ou des instruments — constituerait l’imitation artificielle. Sans en proposer une formulation aussi radicale, tous les poètes ont exprimé la même conviction sur la musicalité de la poésie, qu’ils ont tenté de prouver en adaptant aux textes les techniques de la musique. Partant de considérations sur la longueur supposée des syllabes, on a rythmé les vers en blanches, noires ou croches ; d’observations phonétiques, notamment sur la hauteur des phonèmes, on a inféré des règles mélodiques ; ici ou là, on n’hésite pas à parler de polyphonie, d’euphonie, d’harmonie, etc. Stéphane Mallarmé, qu‘on ne soupçonnera pas d‘accueillir sans réflexion les clichés littéraires, s‘inscrit dans la même tradition […] »12

 

Le discours d’Alain Vaillant nous permet de comprendre le choix de Maulpoix de démarrer son étude à partir de la fin du XIXe siècle où un tournant majeur se joue entre poésie et musique. Dans la citation rapportée d’Une histoire de bleuau début de ce texte, Maulpoix dévoile à demi-mot sa pensée de la poésie bien influencée par le lyrisme décrit dans La musique inconnue : une quête inlassable de la musique des mots. Le verbe « noter » mis en italique (en relief) diffère du verbe « écrire » : « noter » est plurivoque, contrairement à « écrire » qui ne permet pas de produire l'écart recherché entre le poète et l’écriture.

 

       Nous soulignons que la « Poésie pure » est une formule déjà employée par Baudelaire et Hugo, mais c'est l'abbé Brémond qui redéclenche l'ancien débat littéraire sur la fameuse musicalité de la poésie. Selon lui, il s'agit de permettre à la poésie de retrouver sa musique (atteindre l'ineffable, le divin) en la débarrassant de ses contraintes classiques (rimes, métriques, etc., à l'instar d'un Fénélon...) ou de l'aider à égaler l’art musical : la musique (devenir un art sans pensées (sans utilité) et arriver à toucher ses origines (sa quintessence)).

 

 

        Dans « La nuit sera blanche et noire », l’essayiste rêve13 d’une écriture qui ne se réfère ni à la poésie, ni à la musique et dit aussi ceci : « Plus que les sonorités de la musique, son silence m’obsède. Qu’elle existe aussi, dans un corps de femme, avec un mutisme obstiné, bouche serrée, langue nouée… Comme n’écoutant plus que le sang qui circule dans ses veines. Ou la sève invisible de l’arbre qui s’est dressé dans son oreille. Et qu’elle « exprime » telle tension d’âme en se passant des mots ! ». Maulpoix offre au lectorat des indices pour dresser un portrait théorique de sa pensée de l'écriture. Une sorte de didascalies parsème l'ouvrage et arrache à l'essayiste sa pensée profonde sur ce qu'il étudie. En suivant les jugements éparpillés dans l'essai, on arrive au septième et dernier volet où sa pensée s'exprime librement. Le chiffre 7 rappelle le mythe de la création du monde en 7 jours ainsi que le nombre des muses (qui sont aussi musiciennes). L'étude est aussi remplie d'autres d'indices et de symboles : ce n'est point de Fatras symbolique mais d'un ensemble de détails constituant le fils rouge de l'imaginaire poétique décrit de la musique.

 

    Et l'on ne peut que souligner la présence de la musique sous le signe féminin de la femme aimée : le premier chapitre s'ouvre sur l’auteur démarrant son étude par l’image d’une musicienne. L'instrument est le piano et elle est à la fois la femme et la musique... Le septième et dernier chapitre intitulé « Musique et bruits de chaises » reprend les représentations des femmes musiciennes et des figures mythiques "muses" pour décrire ce que c'est la poésie chez l'essayiste-poète...

Dans le même état d'esprit et partant de la vision mallarméenne de la poésie, l'essayiste nous explique comment le poète Stéphane Mallarmé se donne à la poésie en songeant au mystère14. Les poètes se voient déjà en compositeurs et musiciens comme les muses, Apollon, Pan, Orphée, rendant ainsi à la musique toute sa noblesse. Quant au poète Paul Valéry, il rêvait « d’un poème où se retrouverait quelque chose des divisions savantes d’un orchestre. [… et de] Moi pur »15.


 

 

      Si c'est Edgar Poe qui avait « ouvert la voie. […] c’est avec Baudelaire que la poésie a commencé de se prétendre pure, de s’isoler définitivement ''de toute autre essence qu’elle-même'', et de se préoccuper seule de sa propre perfection, afin de reprendre à la musique le bien qu’en son âge romantique celle-ci lui avait dérobé »16. Maulpoix relate le virement opéré par Edgar Poe et orchestré par Baudelaire dans la voie de l’épuration de la poésie (censée être un retour vers ''le chant primitif'').Les autres chapitres se succèdent et avec eux, l'imaginaire de plusieurs poètes se proclamant musiciens déploie tous ses attributs. Une idée fixe crée de la musique des mots un espace de réflexion sur la musicalité propre à la poésie qui est présente comme la vraie musique...

 

   
   

     Mais qu'est-ce que c'est la « poésie pure » ? Nous faisons un arrêt bref pour en parler. Dans le Dictionnaire d'Henri Morier, on trouve la définition suivante : « Est poésie pure, dans un poème réalisé, en vers ou en prose poétique, tout ce qui constitue, indépendamment du sens des mots, à recomposer chez le lecteur l’enchantement du poète. L’énoncé des idées, leur enchantement, les comparaisons même, toutes choses qui peuvent être immédiatement et sans effort traduites en prose ordinaire ou dans une langue étrangère quelconque, constituent l’impur.Telle est, en bref, la thèse défendue par Henri Bremond (1865 croix 1933) au cours d’un débat fameux qu’il souleva le 24 octobre 1925 et qui passionna l’opinion des lettrés. On la trouve exposée, avec un bonheur variable, dans ''La Poésie pure", "Prière et Poésie", "Racine et Valéry". Comme l’a judicieusement montré E. Winkler, la notion de la poésie pure présente chez Bremond plusieurs aspects successifs, distinctifs et partiellement contradictoires. »17. La poésie pure semble avoir sa propre valeur qualitative : le mysticisme. Et l'on comprend que cette poésie « vit dans un présent intemporel, où les mouvements tendent, même dans l’épopée, à s’annuler au sein de l’essence. Et cette dernière, étant identité. Espérance poétique ou l’état d’âme du poète, peut être transmis au lecteur. ''Le propre de l’expérience poétique est d’être communicable''. Le poète prophète.Une différence originelle entre le discours et ce qu’il appelle le chant. »18. La poésie pure, c’est l’Anima, l’intimité ou à l’intime de l'entité voire de l’être. Elle vise le retour à la simple harmonie imitative dont parle Aristote dans son art poétique. Il s'agit de débarrasser la musique et la poésie de leurs artéfacts par ce retour au chant primitif, à l'imitation naturelle19. Et « La poésie pure est une réalité psychique indéniable. Mais sa communicabilité est aléatoire. »20. Et l’on songe que la ''vraie'' poésie est l’expression ultime de la musique :

 

 


 

Longtemps, la poésie française s’est imaginée musique grâce à l’emploi du vers syllabique » (vers caractérisé par le nombre déterminé de syllabes qui le composent) et de la rime ; sur les rapports problématiques qu’entretiennent la poésie et la versification, les remarques qui suivent s’efforcent de clarifier des termes du débat.21


 

"Car, ce n’est pas de sonorités élémentaires par les cuivres, les cordes, les bois, indéniablement mais de l’intellectuelle parole à son apogée que doit avec plénitude et évidence, résulter, en tant que l’ensemble des rapports existant dans tout, la Musique" (Mallarmé, Crise de vers, 1896)22

 

 

"À ce degré d’idéalisme", la poésie pure est la musique dans son état d'imitation naturelle et « la perfection poétique qui, si elle était accessible, se dissoudrait dans le silence de la pure contemplation : ''Le silence est la Poésie même pour moi'' (Vigny,Journal d’un poète). « Car l’univers est force et matière, mais aussi ordre et harmonie : le mythe figure un lien consubstantiel entre le réel et la musique »23. Or l'on redécouvre l'ampleur des débats qui agitaient les littéraires de l'époque dans la citation ci-dessous de François Bon :

 

 

Textes fondamentaux de notre modernité : "Les fidèles à l'alexandrin, notre hexamètre, desserrent intérieurement ce mécanisme rigide et puéril de sa mesure ; l'oreille, affranchie d'un compteur factice, connaît une jouissance à discerner, seule, toutes les combinaisons possibles, entre eux, de douze timbres." [...] "Le poète d'un tact aigu qui considère cet alexandrin toujours comme le joyau définitif, mais à ne sortir, épée, fleur, que peu et selon quelque motif prémédité, y touche comme pudiquement ou se joue à l'entour, il en octroie de voisins accords, avant de le donner superbe et nu : laissant son doigté défaillir contre la onzième syllabe ou se propager jusqu'à une treizième maintes fois. M. Henri de Régnier excelle à ces accompagnements, de son invention, je sais, discrète et fière comme le génie qu'il instaura et révélatrice du trouble transitoire chez les exécutants devant l'instrument héréditaire"24

 

 

Les critères esthétiques modifient le sens même de la poésie. C'est la modernité critique de la poésie qui installe ses nouvelles normes.

 

 

 

De la musicalité de la poésie vers la poésie de la musique

 

 

 

        La musique est la belle « inconnue » qui intrigue l'essayiste et le pousse à comprendre les débats sur la musicalité de la poésie. Cette musique émane des mots, des images sonores, des phonèmes, et surtout d'une esthétique sensualité se réclamant toutefois de la rigueur. Chez certains poètes, la musique de la poésie est la porte ouverte vers le Mystère, l'intemporel, l'enchantement, la réminiscence et la voix. La musique est après tout l’âme de la poésie... Or, le lyrisme de la fin du XIXe siècle exige la métamorphose des poètes en musiciens et compositeurs de partitions. Si le rythme de la prose poétique se rapproche de certains tempos bien connus, la mélodie fait défaut. Et l'harmonie se dérobe également. La versification comme la prose souffrent de ne pas atteindre une musique qui s'esquive perpétuellement. Le retour vers le chant primitif est une voie parmi d'autres pour exprimer le besoin des poètes de se réconcilier avec la poésie de la musique (ou ses effets poétiques en eux).La musique de la poésie (ou sa musicalité) n’est pas celle des musiciens mais celle des poètes. La musique de la poésie diffère de la poésie de la musique. Une esthétique sonore, auditive se constitue. Même si le poète est une voix, il demeure un musicien des mots et non pas des notes. Le dernier volet « Musique et bruits de chaises »25 exprime une partie de ce que l’essayiste-poète pense de la musique. Une certaine sérénité s’empare de son esprit et se décrit.

 

 

 

La réminiscence de l'amour

 


    Après avoir étudié le point de vue de Rimbaud de la musique de la poésie, c'est grâce à "La petite phrase de de Vinteuil"dans le roman-fleuve deProust À la recherche du temps perdu (dans le quatrième chapitre « Des airs de musique qui nous reviendraient... » ) que Maulpoix explore le pouvoir mystérieux de la musique de nous rappeler l'amour.  La souvenance de l'être aimé (un agencement) crée chez l'auditeur la réminiscence. Les poètes recherchaient à reproduire dans leurs poèmes cette faculté de la musique qui leur appartient, selon l'origine mythique de la poésie d'après ce que l'on a déjà dit plus haut...

 

 

 

 

    La poésie chez Maulpoix reflète l'amour et elle est aussi la voix : la voix d'un poète, de l'être aimé, de l'instrument. L'amour est aussi le souffle... Dans « Un souffle autour de rien », « Des airs de musique qui nous reviendraient…», « Voix silencieuses » et « Filets de voix », l'essayiste revient sur la notion de l'amour qui fait entendre le chant intérieur, la ''vraie'' poésie selon les poètes de l'époque étudiée.  L’ïambe fondamental (un temps faible et un temps fort) est le métronome interne de l'homme d'après Claudel (dans ses Réflexions et Propositions sur le vers français, NrF, 1925) et qui nous rappelle la vie. C'est le tempo du cœur, du souffle, de la poésie...26 Nous attirons, par ailleurs, l'attention des lectrices et lecteurs de ce texte sur l'importance de la notion de "souvenance" dans l'œuvre poétique et théorique de l'auteur Maulpoix. Le terme lui-même fait partie intégrante de son vocabulaire lyrique et s'allie avec d'autres termes comme ''amour'', ''mémoire'', "bleu", "poésie" et "musique". Cela traduit en partie ce qu'il pense de la poésie et nous renvoie au septième et dernier volet de La musique inconnue. Mais, il n'y a pas que la musique qui intéresse les poètes, la peinture aussi entretient une relation charnelle avec la poésie dans les temps modernes : avec Baudelaire puis Apollinaire, on passe de l'architecture sonore à l'architecture visuelle (comme les calligrammes, le spatialisme, etc.).

 

 

 

Penser l'écart entre poésie et musique

 

 

     Jean-Michel Maulpoix questionne ainsi dans La musique inconnue l’essor même de la modernité de la poésie en dénonçant le processus mythique qui est à l’œuvre et l’attachement des poètes à l’image idyllique d’une poésie enchanteresse capable d’égaler la musique. Une certaine relation charnelle entre la poésie et la musique se fait entendre (nous soulignons aussi que ces arts sont féminin en français). Comment la poésie sourdine la musique ? Comment le corps du poème sourdine les notes non pas uniquement dans le corps du lecteur mais dans celui du poète. À vrai dire, Maulpoix nous fait entendre l'écart entre poésie et musique :  c’est la voix d’une poésie caractérisée par la manie musicale, par les chimères sonores sourdinant céans des signes. Et pour ainsi dire, ce lyrisme naissant miroite une folle envie des poètes d’exprimer leurs timbres de voix poétiques, une profondeur sonore symbolique et une alchimie phonétiques signe les poèmes de cette période. Le poète devient ainsi l’alchimiste des sons : une sémiotique sonore teintée de misère d’un rossignol solitaire se vouant au chant de son propre émoi.

 

   

      De la musique avant tout, nous passons à la musique surtout et l’on ignore ce que la poésie est réellement : une histoire d’harmonie mêlée de dysharmonies et de dissonances, une histoire de consonnes et de voyelles comme chez Rimbaud traquant partout les sinuosités et la callosité des lettres. Écrire avec le métronome de son cœur, avec celui des fées, conduit les poètes à un mutisme sonore, à une sourde noise musicale et la poésie s’éloigne encore de la musique... On produit une poésie subliminale, une voix sans voie musicale. Chanter avec les signes : c’est dire la musique autrement. Dans cet essai, Maulpoix attire notre attention sur les défaillances des visions musicales et poétiques de cette période qui ont produits certes la modernité poétique mais aussi celle de la poésie dite maudite. Les silences, les vides, les pauses, les blancs, les calligrammes, les arrêts, les intervalles dans les textes poétiques ne sont pas ceux de la musique, ils en diffèrent...

 

 


Notes

 

1 Jean-Michel Maulpoix, Une histoire de bleu, éd. Mercure de France, 1992, p. 86

 

2 J.-M. Maulpoix, La musique inconnue, éd. José Corti, 2013, coll. En lisant en écrivant, p. 106

 

3 Ibid., p. 114

 

4 Voir aussi l'annonce de parution de cet ouvrage dans le Hors-série n°1 (mai 2013) de la revue Le Pan poétique des muses : « Invitation à lire : Jean-Michel Maulpoix, La musique inconnue, éd. Corti, coll. En lisant en écrivant, 2013 »

 

5 Voir la présentation de l’éditeur sur la couverture de La musique inconnue : « Ainsi ne lira-t-on pas dans ce livre, à proprement parler, une étude sur la musique, mais une suite d’essais sur certaines idées que l’écriture poétique s’en fait et sur les songeries qu’elle développe à son propos. Puisque depuis toujours « les routes de musique et de poésie se croisent », les pages qui suivent s’attardent un peu sur ce que pensent les mots de la belle inconnue qui s’éloigne… »

 

6 Vous pourriez consulter par exemple l’article de François Bon,  « Stéphane Mallarmé : "Crise de vers"», publié par la revue Remue.net., url. http://www.tierslivre.net/litt/mallarmCDV.html.

 

7 Voir à ce sujet l’article « Poésie pure » dans l’œuvre d’Henri Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, éd. PUF, 1961 et 1989 (pour ce livre : 4ème édition revue et augmentée), livre publié avec l’aide du Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique.

 

8 Ibid. p. 26

 

9 Voir, « Cours de M. Antoine Compagnon. Huitième leçon : ‘’Le système aujourd'hui’’ », dans « Colloques en ligne » du site Fabula, url. http://www.fabula.org/compagnon/genre8.php. Et pour aller plus loin, voir Michèle Finck, Poésie moderne et musique "Vorrei e non vorrei" : essai de poétique du son, Paris, éd. H. Champion, coll. Bibliothèque de littérature générale et comparée, 2004. 

 

10 Voir J.-M. Maulpoix, La musique inconnue, op. cit., p. 25

 

11 Cf. Alain Vaillant, La poésie. Initiation aux méthodes d'analyse des textes poétiques, Paris, éd. Nathan, 1992, p. 17Cf. Alain Vaillant, La poésie. Initiation aux méthodes d'analyse des textes poétiques, Paris, éd. Nathan, 1992, p. 17

 

12 Voir pp.17-18 

 

13 Cf. pp. 12-13

 

14 Cf. p. 13 : « Désireux que la poésie rivalise avec la musique en sa prétention au ''Mystère'', Mallarmé s’y essaie. »

 

15 Voir p. 17

 

16 Ibid.

 

17 Cf. p. 914 de l'article « Poésie pure » dans Henri Morier,      op. cit. art. pp. 914-922.

 

18 Ibid., p. 915

 

19 Ibid., p. 916

 

20 Ibid., p. 920

 

21 Cf. Alain vaillant, op. cit., p. 20

 

22 Ibid. 

 

23 Ibid.    

 

24 Cf. François Bon, « Stéphane Mallarmé : "Crise de vers"», publié par la revue Remue.net. url. http://www.tierslivre.net/litt/mallarmCDV.html

 

25 Voir J.-M. Maulpoix, La musique inconnue, op. cit., pp. 103-115

 

26 Voir Henri Morier,   op. cit.,  p. 1189 : « c’est au grand Aristote qu’est attribuée la théorie selon laquelle le rythme cardiaque serait à l’origine du tempo poétique. Cette théorie a été reprise par les modernes. »

 

 

 

Bibliographie

 

Bon, François, « Stéphane Mallarmé : "Crise de vers"», publié par la revue Remue.net. url. http://www.tierslivre.net/litt/mallarmCDV.html

Finck, Michèle, Poésie moderne et musique "Vorrei e non vorrei" : essai de poétique du son, Paris, éd. H. Champion, coll. Bibliothèque de littérature générale et comparée, 2004. 

« Cours de M. Antoine Compagnon. Huitième leçon  : ‘’Le système aujourd'hui’’ », dans « Colloques en ligne » du site Fabula, url.http://www.fabula.org/compagnon/genre8.php).

Lewinter, Roger (éd. scientifique), Stéphane Mallarmé, La musique et les lettres ; Crise de vers, lecture des textes (C.D.), Paris, Éd. Ivrea, 1999, 1 vol. (34 p.) ; 24 cm + 1 CD Audio

Maulpoix,  Jean-Michel, Une histoire de bleu, éd. Mercure de France, 1992.

Morier, Henri, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, PUF, 1èreédition 1961 ; 4ème édition revue et augmentée, 1989, (livre publié avec l’aide du Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique).

Vaillant, Alain,  La poésie. Initiation aux méthodes d'analyse des textes poétiques, Paris, éd. Nathan, 1992.

 

 

 

Pour citer ce texte 

 

Dina Sahyouni, « La musique à travers l'écriture poétique ou La musique inconnue », Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Jardins d'écritures au féminin », « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°3|Été 2013 [En ligne], (dir.) Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 1er juin 2013.

Url.http://www.pandesmuses.fr/article-n-3-la-musique-a-travers-l-ecriture-poetique-ou-la-musique-inconnue-117752720.html/Url. http://0z.fr/8Ou5D

 

Auteur(e)

 

Dina Sahyouni 
1 juin 2013 6 01 /06 /juin /2013 07:00

 

 

Poèmes érotiques

 

 

Sur les sentiers d'Éros :

 

 

poèmes extraits

   

Marc Bernelas

Textes reproduits avec l'aimable autorisation de l'auteur

 

   http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/73/L'amour_Blesse.jpg?uselang=fr

Crédit photo : L'amour Blessé par Jules Lefebvre (1836–1911)

 

 


 

Quand nos petites fées

Lèvent le voile

Elles ajoutent du mystère

Au mystère

 

De l’habit qu’elles jettent

À la nudité qu’elles offrent

On s’égare sur les chemins

Du désir

Ne sachant

Que dire que faire

Tant nous sommes

Fascinés

Par l’approche

D’une geste hors le temps

D’éternité soupçonnée

 

 

 

 

 

Tant de marches

Tant de sueur

— La sueur du plaisir —

Pour atteindre

Le septième ciel

Mais

Le retour sur terre

— Nous le savons —

Ne se peut faire

Sans grande tristesse

 

Ainsi découvrons-nous

La douleur du bonheur

 

 

 

 

 

 

Que tintent les notes

De son corps de muse

Sous mes doigts joueurs

D’une jam* sucrée

 

Que passe par ses lèvres

Une mélopée venant

Du ventre —plaine—

Où je pose la joue

 

Que s’ouvrent enfin

Les pétales que parfument

Les eaux du désir

Pour ma chair impatiente

 

*confiture

 

 

 

 

 

Horizon dentelles

Pour mes mains

-grands papillons chauds-

Qui se posent

Sur le velouté

De ses cuisses

Et mes doigts

Qui picorent

Le grain de sa chair

 

Horizon dentelles

Jusqu’aux abords

De la source

Où piaffent mes désirs

 

 

 

 

 

 

Si grand

Ce verger d’Elle

Que je n’en puis

Goûter tous les fruits

Et si m’enivre

À n’en plus finir

Odeurs et saveurs

Je fais vœu

De ne jamais

Succomber

À la tentation

De la sobriété

 

Elle en verger :

Mon au-delà d’ici-bas

 

 

 

 

 

Et je pense

À son corps à sa peau

Ses lèvres ses seins ses fesses…

 

Tant de douceur

Au mystère mêlée

Que je ne puis

En explorer tout le possible

 

J’y pense et j’en rêve

J’en rêve…

Sans trêve…

Tant et tant

Qu’Elle me semble parfois

Habiter un songe

 

 


Pour citer ces poèmes


Marc Bernelas,  « Sur les sentiers d'Éros : poèmes extraits  », Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Jardins d'écritures au féminin », « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°3|Été 2013 [En ligne], (dir.) Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 1er juin 2013.
Url.http://www.pandesmuses.fr/article-n-3-sur-les-sentiers-d-eros-poemes-extraits-117752711.html/Url. 

 

Auteur(e)

 

 

Marc Bernelas

   

Le Pan poétique des muses - dans n°3|Été 2013
1 juin 2013 6 01 /06 /juin /2013 07:00

 

Entretien électronique
Invitée

 

Mini entretien avec


 

l'artiste-peintre Sylvie Lander

 

 

Sylvie Lander & LPpdm

 

   jardin par Sylvie Lander

©Crédit photo : Jardin par Sylvie Lander

 

 

LPpdm — Quelle part tient le poétique dans votre œuvre ?

 

SL— Ma poétique se situe en ce certain fléchissement du regard, dans ce plissement de la vision qui me fait capter les signaux faibles et diaprés de l’univers pris en son mystère, afin de les transcrire dans mon langage propre.

 

LPpdm—Les femmes sont-elles une source d'inspiration ?

 

SL—Mon objet n’est pas l’humain. Si convocation du féminin il y a, ce serait dans le sens du matriciel, du ferment fertile et fécond de toute origine.

 

LPpdmQuels sont vos thèmes de prédilection ?

 

SL—Mon regard est tourné vers les cieux sous toutes leurs formes… Dans un monde qui rétrécit comme celui d’Alice, l’échappatoire se trouve au zénith, bien au-delà des espaces terrestres et historiques. Constatant le dépeuplement des ciels, je m’emploie à pallier cette vacuité par un (re)peuplement kaléidoscopique et singulier.

 

LPpdmVos projets, vos travaux en cours ?

 

SL—Création d’une suite de vitraux pour l’église Saint Denis de Gerstheim, en reconstruction après un terrible incendie en 2011.... Préparation d’expositions en 2013, 2014 et 2015…   À suivre !

 

 

 

Quelques liens utiles


 Voir son exposition consacrée aux jardins : url.  http://www.sylvie-lander.fr/expos/tempsjardins/tempsjardin.html  

Visiter le site de l'artiste :   url. http://www.sylvie-lander.fr 


Pour citer ce texte 

Sylvie Lander & LPpdm, « Mini entretien avec l'artiste-peintre Sylvie Lander », texte illustré par S. Lander, Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Jardins d'écritures au féminin », « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°3|Été 2013 [En ligne], (dir.) Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 1er juin 2013. 
Url.http://www.pandesmuses.fr/article-n-3-mini-entretien-avec-l-artiste-peintre-sylvie-lander-117752701.html/Url.http://0z.fr/XQsuM

 

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