30 août 2021 1 30 /08 /août /2021 12:15

​​​​N°9 | Femmes, poésie & peinture | Poésie érotique

 

 

 

 

 

 

 

Féminin extrême 

 

 

 

 

 

 

Poème & peinture de

 

Sarah Mostrel

 

Site : https://sarahmostrel.wordpress.com 

Facebook www.facebook.com/sarah.mostrel

 

 

 

© Crédit photo :  Sarah Mostrel, "Sensuelle", peinture. 

 

 

 

 

 

Paroxysme

Ambiant

Insolent

Chaleur

Artistique

Enfin

Paroxystique

Entrain

Refrain

Au sein de

Immobile

Haut, bas

En profondeur

Pourquoi

L’envie ne passe pas

 

 

 

Espoir

Tremblant

Action

Véridique

Idée 

Bienvenue

Féminin extrême

Rassurant ?

Énigme jamais résolue

Énigme combien de fois établie

Énigme sans réponse

Énigme du féminin extrême

Féminin incomplet

Sans toi

Féminin « incomplète »

Sans sourire

Sans sexe

Sans tendresse

Pénétration

Ultime

 

 

 

Sourire encore

Malgré

Chanter encore 

parce que

Décrire encore

Écrire 

Peigner la toile

Adoucir le contour

Les atours

Le paysage

 

 

 

Effets tremblés 

Tremblants

Irrésolus

Flou dit artistique

Beauté du trait indéfini

Inconnu encore

Brûlure

de l’entrejambe

Feu consumant le vert

Espérance

Rêve de toi

Encore

En moi

Durablement

Laps prolongé

Résistance

Cherchant la courbe

La vague

La constance

L’imminence

Viens !

 

 

 

Espacer 

Le ciel

Immuable

Se rassurer encore

avec des repères fixes

Les couleurs de la vie

Les couleurs de l’arc

toujours présentes

Pas comme toi !

Injure

Fuyant

Parti

L’arc en terre

S’est enfoui

Déformé

 

 

 

En quête de 

L’arc-en-ciel

L’horizon de soleil

La vérité aidante

Invisible

Érotisme parfait

Comblant l'injustifiable

L’absence

L’égarement

Reconduction amputante

Éreintante

Éternellement 

vide de sens

Narguante

Inconsciente

Inopérante

Impossible à contrer

Hélas

Hélas…

 


 

Être 

femme

Avoir

À voir ?

Muse

Gracieuse

Inspirante

Tragique

Fatale

Enivrante

Femme

Indispensable

À l’homme de paix 

À l’homme de guerre aussi

Confortant son ego

Destructrice

Ou désarmante…

 

 

 

Femme

en noir 

en blanc

En négatif

Positive

Solidaire

Femme de paix

Femme épuisée

Rompue

Recluse

Enfermée

Femme qui crie

Au silence

Des masses 

Dans la peur 

Des manipulateurs

Odieux escamoteurs 

détracteurs 

de la cause féminine

Affichant dames et oies

Femmes objets

Femmes à vendre 

Femmes en Une

Femmes à consommer

Femmes maltraitées

Malheur des solitudes…

 

 

 

 

Femme victime 

Malmenée

Galvaudée

Cédée à tout vent

Battue

bafouée 

conditionnée

empêchée 

Enfant

Qui peine à grandir

Petite fille 

Incapable de dire

qui luttera 

pour devenir 

Soi, Moi, elles,

Adulte

Elle

Femme 

Valeur inestimable

 

 

 

Être femme

Un destin

Une responsabilité 

Une raison

Un ventre porteur

ou déchiré

Fée ou sorcière

Déséquilibre, instable

Femme discriminée

Femme preuve par dix

Femme singulière

Femme de paix

Femme qui jouit

Femme bonheur

Femme heureuse, enfin ?

 

 

 

 

 

Lutter

Exister

Vivre

Entière

Dévoilée

Trouver sa place

Émerger 

hors de la voie tracée

Femme homme

Femme agile

Femme solide

Femme pilote

Femme flic

Femme roc

Femme tronc

Femme ce qu’elle veut

Femme volontaire

Décisionnaire

Maîtresse de sa vie

Femme enfant

Enfante

Monde vivant

Monde fertile

Fécond

Créateur

Productif

Égalitaire

Monde rêvé

Proche

En zigzag

Selon

Ou loin, 

encore

Selon

Toi

Ta décision

Que veux-tu ?

La vérité

L’amour du réel

Le réel amour 

d’une femme ?

 

 

 

Renaître, exister 

Un long combat

L’aboutissement de l’Histoire 

Femme, enfin femme

Femme, égale

Fame, renommée

Femme

Erotique

Sensuelle

Épanouie

Respectée

Adulée

Bien-aimée

Femme attendue

Femme chérie 

à l’extrême…

 

 

©S. Mostrel

 

 

***

 

Pour citer ce poème féministe

 

Sarah Mostrel (poème & peinture inédits), « Féminin extrême  », poème féministe & érotique inédit, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 9| Fin d'Été 2021 « Femmes, Poésie & Peinture », 2ème Volet sous la direction de Maggy de Coster, mis en ligne le 30 août 2021Url :

http://www.pandesmuses.fr/no9/sm-femininextreme 

 

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26 août 2021 4 26 /08 /août /2021 14:44

​​​N°9 | Dossier majeur | Articles & Témoignages 

 

 

 

 

 

 

 

La peinture, une passion

 

 

 

 

 

 

 

Sarah Mostrel

 

Site : https://sarahmostrel.wordpress.com 

Facebook www.facebook.com/sarah.mostrel

 

 

 

Artiste peintre, photographe, poète et journaliste, passionnée par l’art contemporain, Sarah Mostrel est amoureuse des couleurs et de la forme. La peinture à l’huile lui offre un accès à la beauté, à une esthétique qu’elle cherche à retranscrire. Peindre est une grâce, une émotion à partager. C’est pour elle un acte qui engage, enrichit et participe au meilleur être du monde. « La création est un miracle à renouveler éternellement, dit-elle. Elle est source de vie. Cet espace sensible auquel j’aspire. »

Sarah Mostrel a commis plusieurs livres d’artiste et a exposé à Paris. Cinq de ses ouvrages sont illustrés de ses peintures et photos. Son style s’est forgé par les influences successives des impressionnistes, mais aussi de ses peintres préférés, Nicolas de Staël, Mark Rothko.

https://sarahmostrel.wordpress.com/peintures/huile

 

 

« La peinture est ma grande passion. Étaler de la matière sur la toile est pour moi un acte. Lorsqu’on arrive à une certaine harmonie, c’est une véritable jouissance, un plaisir sensuel, un accomplissement. On peut comparer cet acte à celui de à l’écriture.  Quand on écrit un livre, il n’est pas toujours facile de savoir quand s’arrêter. L’équilibre est précaire. Un rien peut tout faire basculer. Il faut définir la juste dose, ne pas en faire trop, ni trop peu. Là, il s’agit de trouver la juste pose, cela n’est pas sans risque. L’artiste vise le définitif. Il faut l’anticiper.

Comme la plume noircit la page blanche, après maintes pensées et tergiversations, la couleur ne se pose pas sur la toile instantanément. L’acte est crucial, dangereux. Il est important, certainement pas anodin. Le risque de l’échec effraie. 

Il y a le signe, le trait, la couleur, la perspective, la profondeur, le cadre, le rendu, un simple ajout peut tout déséquilibrer, une touche tout salir. Certes, la peinture à l’huile permet d’y retourner mais ce sera un autre jour, autre temps, autre pensée. Tout le long, le mystère reste présent. »

 

La peinture est une histoire d’amour avec la toile, le peintre trace, l’œuvre se dessine, parfois apparaît une vie, vite effacée, retrouvée, tout reste toujours très fragile, et sensible : la dose, l’intensité, l’intention, l’objet, la figure, même dans l’abstrait. Les teintes se mélangent, se parlent, se courtisent, se battent, jusqu’à ce qu’une image arrête le peintre. Celle qu’il a imaginée, voulu créer, ou celle qui est venue subrepticement, sans prévenir, mais celle recherchée. Dans le meilleur des cas, il est satisfait de son œuvre, l’osmose a eu lieu. Le désir est assouvi, l’acte d’amour s’est opéré, le peintre savoure la trêve d’un horizon plus beau. Un soir de blues, comme il y en a tant d’autres, les bleus à l’âme se sont étalés pour se transformer en vie meilleure. Ce soir-là, le cygne, ce magnifique oiseau volant au plumage blanc immaculé et aux ailes splendides s’est transformé sous le pinceau de l’artiste, prenant d’autres couleurs, se fondant dans une autre, avant de… disparaître.

Ainsi fut ce soir de blues : https://youtu.be/89EUNkVjoUQ (extrait de son nouvel album « Ce qui nous lie »).

Son rapport à la peinture (lecture) : https://youtu.be/82yf3T2VTIk


 

 

***

 

Pour citer ce témoignage 

 

Sarah Mostrel, «  La peinture, une passion », texte inédit, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 9| Fin d'Été 2021 « Femmes, Poésie & Peinture », 2ème Volet sous la direction de Maggy de Coster, mis en ligne le 26 août 2021Url :

http://www.pandesmuses.fr/no9/sm-lapeinturepassion

 

 

 

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LE PAN POÉTIQUE DES MUSES - dans Numéro 9 Amour en poésie Muses et féminins en poésie
19 août 2021 4 19 /08 /août /2021 11:15

 

​​​​REVUE ORIENTALES (O) | N°1 | Dossier & N°9 | Femmes, poésie & peinture | Dossier mineur | Articles & Témoignages​​

 

 

 

 

 

 

 

 

 ​​​​

Les « Orientales » de Marguerite

 

 

 

 

 

 

 

 

Catherine Dubuis

 

 

 

​​​​​Crédit photo : Maurice Bompard, "Odalisques dans le Harem", image Commons. 

 

 

« Quand vers toi mes désirs partent en caravane »

Baudelaire, « Sed non satiata », Les Fleurs du mal.

« O Soif, éternité ! Dans cette chair d’une heure, tu conduis mes désirs en longue caravane

vers cette fontaine sacrée qui s’épanche au-delà du terrestre horizon. »

Marguerite Burnat-Provins, Poèmes de la Soif.



 

 

« Avec des mots usés pareils à des cailloux, repris et rejetés constamment sur la route, comment dire le matin neuf, le perpétuel rajeunissement et la virginité ardente de ces terres, dans leur vieillesse ?»

 

Peintre et poétesse née en 1872 à Arras et morte à Grasse en 1952, cette artiste s’est très tôt sentie intimement liée au Sud, à sa chaleur, sa sécheresse, sa solitude dominée par le soleil éblouissant des déserts. Elle séjourne d’abord en Égypte, dans les années 1910-1912. Plus tard, elle voyage en Algérie, ce dont témoignent les recueils Poèmes de la Soif et Poèmes du Scorpion, publiés en 1921. On le voit, l’Orient ici désigne presque uniquement le Maghreb, d’où les guillemets qui entourent le terme « Orientales » dans mon titre. On sait que l’artiste a connu le Liban et la Syrie, mais nous n’en avons pas de témoignages dans son œuvre littéraire. On sait aussi qu’entre 1930 et 1935, elle passe ses hivers au Maroc, fuyant le froid et l’humidité de la mauvaise saison européenne.

 

Si l’artiste développe une louange passionnée au désert, son silence, son immensité, à l’oasis et son miracle vert, au marabout, sentinelle immobile près de l’oued, au mendiant assis à l’ombre d’un mur, si elle évoque la musique arabe, la derbouka et ses rythmes entêtants, la guesba, la raïta, elle porte une attention particulière aux femmes qu’elle a pu rencontrer lors de ses séjours. Comment cette Européenne approche-t-elle les femmes maghrébines, que voit-elle quand elle les regarde, parfois avec son œil de peintre, mais le plus souvent avec l’inquiétude d’une âme à la recherche de la paix qui la fuit ?

 

  1. La princesse oisive et l’Ouled-Naïl : un regard très orienté

 

« Assise dans leur ombre [des palmiers], je cherche les princesses, ma curiosité attend les contes émaillés des mille et un secrets du pays de l’éblouissement.2 »

 

Le ton est donné : le « je » poétique est à la recherche de Shéhérazade. L’esprit des Mille et une nuits va planer sur cette évocation des femmes africaines. Colliers, bracelets, anneaux de cheville, bagues : c’est d’abord par ses bijoux que la femme algérienne se présente à l’observatrice, bijoux modestes, bracelets qui font chanter ses bras, bague qu’elle tend à l’étrangère, bague d’argent usée, gage de bienvenue et d’hospitalité. Les douceurs offertes semblent elles aussi sous le charme d’un chant, café « miellé », « oranges confites », « pâtisseries qui offrent l’attrait exotique d’avoir été pétries au rythme des bijoux.3 »

 

Le don du bijou est l’occasion pour la poétesse de faire éclater son œil de peintre, et d’une manière très originale : « La bague que tu m’as tendue, Fatma au turban vert, c’est le cercle d’argent où viendra s’isoler ton ferme et beau visage.4 » Par un mouvement de grossissement, (sorte de zoom), la bague se fait mandorle, où vient se lover le visage féminin. Les mots « cadre », « figure peinte » sont assez explicites, tandis que le poème se referme sur la bague revenue à ses proportions ordinaires, sans avoir livré le secret de celle qui l’a offerte.

 

Le gynécée inspire à l’artiste un autre tableau, architecturé, ornementé, où les femmes sont transformées en statues vivantes : « Et celle qui s’accoude est venue s’incruster en bas-relief de bronze rare, dans la pâleur laiteuse de la chaux. » Les tapis, les dalles de marbre, les servantes, « un essor blanc gonflant leurs voiles », la maîtresse « au profil de reine », « aux doigts enluminés », la nouvelle mariée, « princesse au front idéalement pur, oisive sous ses pierreries5 », nous sommes en pleine peinture orientaliste. Burnat-Provins se souvient là qu’elle a été l’élève de Jean-Joseph Benjamin-Constant !

 

Fidèle à la démarche contrastive qui se déploie dans la plupart de ses œuvres, Burnat-Provins s’empare du thème du bijou pour dessiner sa face sombre. En effet, face aux « princesses » se dressent les ouled-naïls, prostituées par métier. Celles-ci arborent leurs bijoux comme les stigmates de leur condition : « Avec sa tête en chapiteau et son impudique fortune, et tous les carcans dont le vice enrichit ses poignets, avec les plaques de sa ceinture, l’Ouled Naïl orfévrée, cupide et chargée de métal, porte le poids brillant de sa luxure et, dans ses veines, la turpitude de son mal.6 »

 

Ces prostituées, censément appartenir à la tribu arabe des Ouled-Naïls enracinée en Algérie, ont leur rue, lieu assidûment visité par les touristes en mal d’érotisme exotique. L’artiste assume cette représentation orientaliste, littéraire et iconographique de la sexualité vénale des Ouleds-Naïls. Elle lui permet de structurer sa construction binaire des deux mondes féminins qu’elle croit percevoir.

 

La danse, après les bijoux, permet aussi la confrontation. Elle est la marque de l’innocence de la folle : « Droite sous ses lambeaux et d’allure hautaine, elle danse à petits pas, la tête levée, les pieds sûrs, dans le frisson contenu d’un corps mince.7 » ; de la pureté de l’enfant : « Elle palpite sous les lampes, étrange papillon de nuit, ses pieds sont si petits qu’ils semblent deux souris joueuses, au bord de la robe enfantine8 » ; de la beauté des femmes du harem dans leur cadre de marbres et de parfums : « L’orchestre aveugle joue et les sultanes dansent dans la galerie de faïence qui fleurit le long du jardin […] Les sultanes ont souri et repris leurs poses coutumières sur les ramages des tapis.9 »

 

En revanche, la danse souligne l’impudicité de la prostituée : « Dos oblique et ventre jeté comme une pastèque enfermée dans un sac vert cerclé d’argent, l’ouled danse pudiquement une danse lubrique.10 »

 

Si l’artiste entrevoit que ces femmes sont les esclaves du désir de l’homme11, et qu’avec elles, c’est aussi la mort qui danse (« Leur corps battu est pareil à la route où chacun passe, elles ressemblent à des servantes carnavalesques de la mort12 »), cette intuition ne l’amène qu’à une nouvelle opposition : la vie, elle, est du côté des « princesses du désert ». Leurs nombreuses maternités en sont la preuve, face à la stérilité des courtisanes. Et, alors que les prostituées n’ont que la désignation de leur appartenance à un groupe ethnique, les « princesses » possèdent un nom, qui fait d’elles des individus à part entière : « Alia, Turkia, qui paraissez esclaves, vous êtes de vraies femmes, des mères, inconscientes prêtresses du rite universel et vous servez la vie, sur l’humble autel que sont les pierres noires de votre âtre rustique.13 »

 

  1. Les vraies valeurs

 

Ignorance, humilité, rusticité, sont des mots clés dans l’œuvre de Burnat-Provins. Dans les Petits tableaux valaisans, son premier livre (1903), elle chante le mode de vie des paysans du plateau saviésan, proche de ce qu’elle considère comme les vraies valeurs, primitivité,  simplicité, longue fidélité au legs des ancêtres, fusion avec la nature, qu’elle oppose à l’existence faisandée des habitants des villes, coupés de leur passé : « Autour de l’entassement noir des villes, la Nature consternée lutte, trop grande pour entrer, trop fière pour venir se souiller, et recule jusqu’au jour où elle s’enfuit découragée.14 » Ce balancement est caractéristique de la pensée de Burnat-Provins ; il est aussi présent ici, avec des modulations propres au cadre orientaliste.

 

C’est ainsi qu’en offrant ses anneaux, Messaouda exprime l’ardent désir d’apprendre de l’étrangère « ce qu’[elle a] vu dans les villes, de l’autre côté de la mer. » À quoi la visiteuse répond : « Tu ne connais pas ton bonheur de ne pouvoir aller là-bas où les hommes sont noirs, les femmes découvertes, le ciel saturé de laideur ». Face à l’authenticité de « ce visage brun doré » qu’encadre (encore un terme de peinture) le voile, qualifié d’« antique ouvrage », voici la facticité du monde d’au-delà des mers, qui a perdu ses liens avec les ancêtres et cultive les fausses valeurs : la science qui masque les vrais problèmes, la stérilité d’une civilisation « où l’on cherche à côté le bonheur », la trompeuse liberté des cités. Qu’Alia ou Turkia n’envient pas celles qui marchent dans la rue à visage découvert : leur vie n’est que mensonge, prison dont elles ne peuvent s’échapper. Dans sa fureur à dénigrer l’Europe, Burnat-Provins va jusqu’à parler de « névrose » face à la belle santé mentale des femmes orientales : « Vous êtes les plus grandes et le sourire européen vient s’émousser contre l’airain de vos statues, maternité candide, sainte ignorance prolongée.15 »

 

  1. Fusion et altérité : le voyage d’une âme

 

« O Soif, faite de sable et d’azur et de vent, Soif, mère des mirages et des fièvres divines, ô  Soif d’eau sans mélange et d’amour sans douleur, ô Soif de nuit et de néant, où tout se rafraîchisse enfin dans la mort calme, je t’adore et te chante en face du désert.16 »

Cette très belle invocation qui inaugure les Poèmes de la Soif dessine le difficile cheminement d’une âme en quête d’apaisement, qu’elle n’espérera finalement trouver que dans la mort. Burnat-Provins a été toute sa vie en lutte avec la face sombre, violente et chaotique de sa nature inquiète. Pour gagner cette paix dont elle a soif, elle va essayer de s’approcher du mode de vie des femmes algériennes, tenter une fusion avec ces créatures qu’elle imagine baignant dans l’état auquel elle aspire.

 

Curieusement, l’une des qualités dont elle pare les « orientales » est leur oisiveté. Même quand elles tissent la laine ou broient le couscous, ce sont des « souveraines de paresse17 », qui renvoient l’agitation frénétique des cités à leur inutilité. Leur beauté est aussi garante de l’état bienheureux où elles baignent : mouvements rapides, corps flexible, rythme, grâce native, mains aux doigts fins, bouches et talons peints, yeux approfondis par le kohl. Elles jouissent de la liberté des êtres simples et ignorants, et ni les anneaux de leurs chaînes d’argent qui rythment leurs gestes, ni le haïk qui enserre leur tête ne sont des signes de servilité : « Vous ignorez ce qui entraîne loin du devoir, loin du foyer et votre race vit de la force des chaînes qui gardent votre honneur avec votre raison.18 »

 

La poétesse tente de se fondre dans ces êtres privilégiés, qui tiennent entre leurs mains « enflammées de henné, sans le savoir, […] un pur trésor.19 » Un repas partagé lui offre l’occasion de se mêler à celles qui l’invitent autour d’une table « entourée d’yeux de femmes, qui parlent cette langue d’âme comprise partout ». Sans paroles, la communion se fait et le « je » poétique atteint, pour un instant béni, la paix recherchée : « O paisible tentation ! ô Soif de joie intime, tapie au creux d’un silence odorant ! Dans la galerie fraîche, allonger sa paresse, entendre sans rien écouter ; sans dormir, rêver et sans remuer, vivre, tandis que, sourdement, la derbouka bat comme un cœur, dans la ville assoupie.20 »

 

Le thème de la folie parcourt l’œuvre poétique de Burnat-Provins. La folle est une créature bénie, car elle est l’exemple même de la totale ignorance, de la pure inconscience du monde. Dans sa soif de paix, la poétesse est saisie de l’illusion d’une fraternité avec cet être vêtu de lambeaux, qui se roule dans la poussière puis claudique sur sa jambe unique… « et nous sommes deux dépouillées à marcher sur la grand-route de Touggourt, où mon âme effrangée vient mendier du soleil.21 »

 

Mais la tentative se solde par un échec : « on n’enlève pas sa chair et ses années comme un vêtement déchiré. Avec mon privilège d’errer, je m’en retourne sous le séculaire fardeau, plus esclave d’avoir connu l’immensité. » Impossible de « briser [la] gangue occidentale, où sont pétrifiés tant de rêves déçus22 ». La fusion désirée n’est pas possible, l’autre restera à tout jamais « autre » et le voyage entrepris ne s’achèvera qu’« entre les murs [du] tombeau.23 »

 

L’aveu brûlant de cet échec s’exprime alors dans un cri d’incrédulité douloureuse et passionnée : « Je t’envie, Alima ! Ma chaude jalousie est dans le soir comme une panthère aux aguets. As-tu vraiment sur moi, ô sombre créature, ce droit énorme de posséder la paix ?24 »

 

 

Notes

 

1. Marguerite Burnat-Provins, Poèmes de la Soif, Paris, Sansot, 1921, p. 56.

2. Ibid, p. 28.

3. Ibid, p. 44.

4. Ibid, p. 38.

5. Ibid., p. 110-111.

6. Ibid., p. 101.

7. Ibid., p. 100.

8. Ibid., p. 98.

9. Ibid., pp.119-120.

10. Ibid., p. 105.

11. Mais les femmes du harem le sont aussi, et la poétesse le sait bien : « C’est un jeu séducteur de pieds et de mains […] dans le dessein jaloux de retenir un cœur. » Ibid., p.119. Ce qui change tout ici, c’est le cadre : somptuosité du palais contre abjection de la rue des ouleds, « rut des mâles noirs, autour des femelles brillantes » contre contemplation rêveuse du maître du harem : « Hadji Ahmed, sur son divan bas les regarde, et ne voit rien que des couleurs. ».

12. Ibid., p. 103.

13. Ibid. p. 65.

14. Petits tableaux valaisans, « L’homme qui chantait », Vevey, äuberlin & Pfeiffer, 1903 ; reprint Genève, Slatkine, 1985, p. 121. 

15. Poèmes de la Soif, op.cit., pp. 33-34 ; pp. 64-65.

16. Ibid., p. 9.

17. Ibid., p. 75.

18. Ibid., p. 64.

19. Ibid., p. 64-65.

20. Ibid., p. 44-45.

21. Poèmes du Scorpion, Paris, Sansot, 1921, p. 70.

22. Voir Catherine Dubuis, Les Forges du paradis, Histoire d’une vie : Marguerite Burnat-Provins, Vevey, l’Aire bleue, 2010.

23. Poèmes de la Soif, op.cit., p. 35.

24. Poèmes du Scorpion, op. cit., p. 47.

 

 

 

***

 

Pour citer cet article 

 

Catherine Dubuis, « Les "Orientales" de Marguerite », texte inédit, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°9 | Fin d'Été 2021 « Femmes, Poésie & Peinture », 2ème Volet sous la direction de Maggy de Coster & Revue Orientales, « Les figures des orientales en arts et poésie », n°1, mis en ligne le 19 août 2021. Url : 

http://www.pandesmuses.fr/periodiques/orientales/no1/cd-orientalesdemarguerite

 

 

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LE PAN POÉTIQUE DES MUSES - dans REVUE ORIENTALES Numéro 9 Muses et féminins en poésie
17 août 2021 2 17 /08 /août /2021 14:58

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​​​N°9 | Femmes, poésie & peinture | Dossier majeur Florilège

 

 

 

 

 

 

 

 

Portrait

 

 

 

 

 

 

Michel Orban

 

 

 

Crédit photo : "Autoportrait présumé d'une peintresse portant sa palette de couleurs,​​​ image Commons. 

 

 

 

Portrait

 

Des larmes coulent de ton pinceau.

Un déluge noir

S’effondre sur la toile.

Soudain, 

Le jaune et le bleu

Se déhanchent

Dans une insouciante légèreté.

Ils décollent tes pensées

Des murs de la colère.

Ils offrent à ton cœur

Son plus beau portrait…

 

 

 

©M. Orban

 

 

***

 

Pour citer ce poème

 

Michel Orban, « Portrait », poème inédit, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 9| Fin d'Été 2021 « Femmes, Poésie & Peinture », 2ème Volet sous la direction de Maggy de Coster, mis en ligne le 17 août 2021Url :

http://www.pandesmuses.fr/no9/mo-portrait

 

 

 

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LE PAN POÉTIQUE DES MUSES - dans Numéro 9 Muses et féminins en poésie
15 août 2021 7 15 /08 /août /2021 14:31

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​​​N°9 | Femmes, poésie & peinture | Réflexions féministes sur l'actualité 

 

 

 

 

 

 

 

 

Instagram & le téton 

 

 

qu'on ne saurait voir !

 

 

 

 

 

Françoise Urban-Menninger

 

Blog officiel : L'heure du poème

 

 

 

 

 

 

La censure abusive du corps féminin par Instagram a été mise en lumière par la féministe Barbara Butch en 2020 et le réseau social avait alors décidé de changer la donne.

 

C'est ainsi que les responsables de la plate-forme avaient décrété que « les images de poitrines destinées à promouvoir l'acceptation de soi » ne seraient plus systématiquement censurées. Autrement dit, il sera toujours quasiment impossible pour une femme de montrer ses tétons contrairement à un homme qui sera en droit de les exhiber !

 

La récente polémique concernant l'affiche du dernier film de Pedro Almodovar illustrant un mamelon féminin d'où perle une goutte de lait a été purement et simplement censurée…

 

En quoi cette évocation explicite de l'allaitement est-elle pornographique ?

Quels sont les esprits malades ou pervers chez Instagram qui décident de ce qu'il est bien ou mal de montrer du corps féminin ?

 

Ce pouvoir que certains exercent sur l'image et par l'image qui donne à voir ou pas le corps des femmes, n'est-il pas une autre façon de se l'approprier ?

 

 

 

Poir plus d'informations sur cette affaire de censure :

 

***

 

Pour citer ce poème 

 

Françoise Urban-Menninger, « Instagram et le téton qu'on ne saurait voir ! », poème inédit, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 9| Fin d'Été 2021 « Femmes, Poésie & Peinture », 2ème Volet sous la direction de Maggy de Coster, mis en ligne le 15 août 2021Url :

http://www.pandesmuses.fr/no9/fum-instagram-teton

 

 

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LE PAN POÉTIQUE DES MUSES - dans Numéro 9 Maternité en poésie Féminismes

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