10 juin 2017 6 10 /06 /juin /2017 11:36

 

 

N°6 | Muses au masculin (/genre en poésie)

 

Article

 

 

Adonis en fraternité poétique

 

 

 

 

Cette rubrique est dédiée aux hommes & au masculin

 

qui inspirent les hommes poètes & artistes

 

 

Mustapha Saha

Sociologue, poète, artiste peintre

 

Adonis en fraternité poétique

© Crédit photo : "Adonis et Mustapha Saha",

photographie  de © Elisabeth et Mustapha Saha.

 

 

 

L’esprit Victor Hugo

 

 

Nous sommes dans l’enclave historique du Marais, aux abords du Musée Picasso, chez notre amie Rabiaâ Menouar, propriétaire de la galerie d’art du même nom. Adonis, après les fraternelles accolades, s’emmitonne dans sa chaleureuse nonchalance. Les projets communs s’élaborent sans formalités pesantes. Élisabeth immortalise les fugacités parlantes. La sphère intimiste s’imprègne de l’urbaine atmosphère. S’évanouissent dans la brume les vautours des beaux jours. L’esprit de Victor Hugo hante les alentours. Quand ciel s’obscurcit, son pas lourd résonne dans les ruelles désertes, déplie détour sur détour, aiguille la quête hésitante. Des portiques impénétrables s’ouvrent par enchantement sur cours miraculeuses. Ne voit-on pas, à travers la vitre, les silhouettes empressées d’Alphonse de Lamartine, Prosper Mérimée, Théophile Gautier… Se rendre aux communions rituelles du salon rouge ? La maison muséale, Place des Vosges, couve jalousement ses portraits lymphatiques et leurs moirures mouvantes, ses gravures énigmatiques et leurs nébulosités captivantes, ses ubiquités fantomatiques et leurs lueurs poursuivantes. Les tableaux et les bustes ponctuent, en balises voyantes, la présence théurgique de l’icône du romantisme.

Secrètement, je recense les correspondances entre les deux enfants d’Apollon, les convergences entre mystiques révolutionnaires, les concordances entre extatiques visionnaires. Picasso s’expose en symbiose avec Giacometti dans son antre mitoyenne. Par quelle magie l’âme poétique réunit les êtres dans lesquels elle se réincarne ? N’est-ce pas ce que magnifie Victor Hugo dans ses tables tournantes, ses télépathies intrigantes, ses stichomythies hallucinantes ? Gare aux simplifications cartésiennes qui n’y voient qu’artifice divinatoire. Les poètes, convulsés d’énergies indomptables, sont translateurs de l’informulable, convertisseurs de l’indiscernable, intercesseurs de l’insoupçonnable. Leurs œuvres germent, bourgeonnent, fleurissent dans une niche cérébrale insoupçonnable.

Adonis irradie tranquillement son mysticisme chamanique, sa débonnaire éthique, sa douce colère envoilée de sérénité bouddhique. Et cette sagesse dubitative préservée des convictions excessives. Et cette disponibilité réceptive sans réserve spéculative. Et cette fraîcheur imaginative, teintée de malice, qui désarçonne les vaines rhétoriques. Et cette vision panoramique, qui décèle instantanément l’essentiel dans la sophistique. Et cette lucidité sans amertume, qui déploie sa liberté réflexive dans l’intensité créative.

 


 

Le poète est rebelle ou n’est pas

 


 

Que dire des mystères de l’intuition créative quand l’écriture et la peinture s’envoûtent d’indicible, quand l’invisible se manifeste dans des métaphores immarcescibles ? Les philosophes Blaise Pascal et Henri Bergson, et combien d’autres penseurs contemplatifs, se sont approchés de cette porte impensable sans la franchir. N’en filtrent qu’éclats d’immortalités incompréhensibles. Comment résoudre l’énigme de l’énigme ? L’éruption poétique et artistique, comme l’intuition scientifique et l’illumination philosophique, échappent à l’intelligible. La littérature peut décrire leur surgissement sans percer leur part intangible. L’introspection elle-même s’avère impuissante face aux vagues énergétiques qui la submergent. La muse fécondatrice s’initialise d’ondes indéfinissables. Une liberté fabuleuse s’épanouit dans ce territoire indéterminable. La fécondation de l’œuvre s’impose à l’auteur comme une visitation cosmique. Les ressorts de l’inspiration relèvent d’une mécanique indescriptible. Le don est une clairvoyance innée. L’imperceptibilité de la vie devient aussitôt manifeste dans la création singulière qui l’a captée. Le poète, l’artiste n’a d’autre raison d’être que sa vocation médiumnique. L’œuvre germe dans les entrailles telle une graine céleste. Quand elle remonte à la conscience, elle requiert son incarnation. Elle plonge son accoucheur dans un état de possession. Elle s’accapare de toutes ses facultés imaginatives comme une idée fixe, obsessionnelle. Elle enfièvre sa veine irrationnelle, exaspère sa fibre émotionnelle, attise sa braise passionnelle. Nulle force ne peut dompter l’élan poétique, la flamme artistique. Comment peut-on plier le poète, qui n’a d’autre ressource expressive que l’embrasement volcanique qui le dévore de l’intérieur, aux canons dogmatiques ? Le poète est rebelle ou n’est pas.

Les ectoplasmes d'Ibn Hazm, de Nazhoun Al Qal'iyya, d'Ibn Zaïdoun, de Wallâda Bint al-Moustakfi, de Hafsa Al-Rakouniyya, d'Ahmad al-Tifachi, et leurs strophes impérissables, agitent à l’horizon leurs torches bigarrées, consolent de leurs odes orgastiques les sagesses désemparées, secouent dans leur chevauchée hors-temps les générations égarées. « Le Collier de la colombe » d’Ibn Hazm m’apparaît sur peinture abstraite. Défile dans ma tête, en rapide rétrospective, l’incroyable destinée de ce poète fidèle à ses convictions, malgré le doute et la désillusion, la malveillance et l’exclusion, l’exil et la réclusion. Et l’apologie de Cupidon en salutaire abandon. Et le « Kitab al-Zahra » d’Ibn Daoud, le mythe de Sphairos d’Enpédocle/Empédocle et Le Banquet de Platon en hermétique référence. Une poésie intemporelle de l’amour et de ses turpitudes. Une tentative désespérée de sacraliser la fusion charnelle. Et l’inconsolable nostalgie de la sphère originelle. Et le remord de l’unisson frappée de finitude. Et la greffe impossible des organes de la plénitude. Et l’envolée brisée dans la béatitude. Et la passion de l’alter ego nécessaire, marquée d’incertitude. Et l’amoureuse épopée de Nazhoun Al Qal’iyya et d’Ibn Zaïdoun. En ces temps d’indigence prosodique, ces éternels jardiniers de la langue ne sont-ils pas les vrais interlocuteurs d’Adonis ?

Le choix de l’hétéronyme « Adonis », personnification des cycles de renaissance et des saisons régénératrices, dessine, dès la jeunesse, la trajectoire programmée, l’aspiration réclamée, l’intention proclamée. La rose et le myrte, attributs d’Adonis, humain d’origine phénicienne parmi les dieux grecs, amant d’Aphrodite et de Perséphone, ne sont-ils pas également les symboles de la muse Érato, patronne de la poésie érotique et lyrique. Aphrodite, découvrant Adonis mortellement blessé par un sanglier, verse une larme une goutte de son sang, qui engendre l’anémone, rouge offrande de la perte irréparable. Avec cet emprunt, Ali Ahmed Saïd Esber, poète des transmutations, se métamorphose en citoyen du monde qui, comme il le formule, « affranchit les mots de l’esclavage des mots ». L’être fraie librement son chemin quand il se renomme.

 


 

L’ère des idéologies mortifères

 

 

Adonise écoute et commente avec bienveillance. Quand la subtilité philosophique s’impose comme sémaphore, le dialogue fait l’économie des gloses subalternes. La société arabe se retrouve, depuis la fin des colonialismes, dans un rapport schizophrénique au monde. Elle est dedans et dehors. Elle accumule, en ses parties cousues d’or, les architectures postmodernes et les intimidantes casernes, les équipements technologiques et les gadgets électroniques. Imagination captive de son rétroviseur, elle se fossilise dans des postures régressives. La planète avance dans le chaos, elle rétrograde et dégénère dans le prophétisme apocalyptique et l'excitation psychotique, le carnage absolutoire et le sacrifice expiatoire. Les légions sévissent sous protection clandestine. L’ignorantisme sanguinaire diabolise ses contradicteurs pour sacraliser une guerre génocidaire dont nul ne connaît clairement les commanditaires. La terreur sans visage, experte en manipulation psychologique et en intoxication médiatique, vise indistinctement les élites réfractaires et les masses populaires. Les frayeurs collectives confortent les desseins maléfiques et les manœuvres machiavéliques des gouvernances arbitraires. L’idéologie sécuritaire creuse son lit dans l’angoisse commune. Les crimes incessants contre l’humanité se glorifient de leur impunité et de l’inaction de leurs dénonciateurs. La presse indépendante et l’intelligentsia critique sont les cibles prioritaires de la vindicte purgative. La culture s’assassine à chaque coin de rue.

Le poème, matrice de l’écriture, imprévisible saillie d’anamnésie somatique, réminiscence occulte de charnelle aventure, est une œuvre qui se scénographie et se visualise, se calligraphie et se théâtralise, se scande et se vocalise. Jusqu’à l’avènement de l’imprimerie, il était inconcevable de lire quelque stance en silence, fusse dans la solitude. Dans son Diwân de la poésie arabe classique, Adonis s’attache essentiellement à l’esthétique, cette combinaison magique qui sublime la voix singulière, cette efflorescence métaphorique qui réverbère l’émotion particulière, cette résonance alchimique qui perpétue la parole perlière. L’esthétique, en cette occurrence, prime l’historique parce que la poésie, comme l’art, s’étincelle d’impondérabilités sapientielles, s’illumine de brumailles existentielles, s’étoile d’assonances providentielles.

 

 

 

Ressusciter Ibn Rochd (Averroès)

 

 

Ibn Rochd s’invite subrepticement dans la conversation. Nous nous promettons spontanément de ressusciter cet éclaireur de la raison, à contre-pied de sa postérité prestigieuse, comme dynamiteur de la torpeur orientale. Le fondamentalisme cloisonne, codifie, rigidifie la culture arabe, une culture qui ne connaît son épanouissement littéraire, artistique, scientifique que dans des oasis historiques bénies d’un vent de liberté. Le combat philosophique le plus épique à cet égard oppose Abou Hamid Al-Ghazali (1058 – 1111), théologien, juriste et mystique dogmatique, et Ibn Rochd (1126 – 1198), médecin et philosophe andalou, maître du rationalisme émancipateur, qui défend, au prix de son bannissement à Marrakech pour hérésie, la théorie péripatéticienne de l’intellection active, défricheuse des ressorts cachés des phénomènes, cependant que l’âme n’est qu’une faculté passive, une substance périssable qui n’accède à l’entendement qu’en captant les éclairs de l’intelligence universelle. N’est-ce pas là l'explication la plus rationnelle de la quête mystique ? L’affrontement se focalise autour de deux traités fondateurs, deux livres incendiaires aux retombées idéologiques incalculables. Les arabes, après avoir été les transmetteurs miraculeux de la philosophie grecque s’en détournent, à l’exception notable d’Ibn Rochd. L’ouvrage ravageur d’Al Ghazali « Tahafout al-falasifa » (le Délire des philosophes, 1095), où le déterminisme théocratique et la réfutation de la causalité ne laissent aucune marge à la raison, exécute en règle la libre pensée. Al Ghazali classe la conscience et l’intelligence dans les outils misérables qui n’ont d’autre utilité que d’appréhender les futilités de la vie matérielle et l’indigence ontologique de la condition humaine. Il dépouille l’être humain de toute volonté propre, ne lui concédant que l’obéissance aveugle aux commandements de l’omniprésent, l’omniscient, l’omnipotent, sans forme et sans substance, comme porte de salut. Il ne voit d’autre alternative à l’être vertueux, pour se rapprocher de la vérité suprême, que la renonciation au monde, la purification du corps et de l’âme de toute imprégnation terrestre. Il recommande le dépouillement renonciataire, la désocialisation volontaire, la claustration solitaire, en un mot, la dépossession de soi. Il instille le sentiment de peur, le réflexe de la soumission, la dévotion moutonnière dans le subconscient des croyants. Il soumet la transgression soufie aux règles compressives de la chariâ. Toute l’œuvre d’Al-Ghazali est un verrouillage méthodique de l'esprit critique. Alors que les thèses d’Ibn Rochd sont rejetées, pendant dix siècles en Orient, dans les géhennes de la prohibition, et qu’elles ne sont redécouvertes qu’à l’occasion de la Nahda avortée du dix-neuvième siècle, le puritanisme ghazalien creuse ses ramifications dans l’enseignement élitaire et le psychisme populaire.

Et pourtant, depuis le Moyen Âge, en passant par la Renaissance, l’averroïsme s’impose en Occident comme une école de pensée fondatrice de la modernité, au point qu' au treizième siècle, les maîtres de la Faculté des Arts l’enseignent comme corpus incontournable. Dans « Le discours décisif » ou « Le Livre du discours décisif sur la connexion entre révélation et philosophie » (1179), Ibn Rochd, Cadi de Courdoue, conclut sur l’exigibilité de la connaissance philosophique dans toutes les disciplines du savoir, y compris la théologie. Il recourt souvent au syllogisme pour contourner l’hégémonisme dogmatique. Il défend cependant, avec une constance remarquable, l’impératif d’une pensée libre, affranchie de l’emprise religieuse, et le statut social du savant désenchaîné du pouvoir théocratique. Il localise l’enjeu de l’autonomisation de l’intellectuel de toute influence profane ou spirituelle. Une pensée d'une actualité brûlante…

 

***

 

Voir aussi le bémol artistique et poétique

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Pour citer cet article

 


Mustapha Saha, « Adonis en fraternité poétique », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Supplément au n°6 sur « Penser la maladie et la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 10 juin 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/adonis-ms.html

 

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Le Pan poétique des muses - dans Numéro 6
10 juin 2017 6 10 /06 /juin /2017 10:47

 

Bémol artistique & poétique

 

 

 

Polychromies lyriques avec

 

 

Adonis, Haider et Mustapha Saha

 

 

Texte & illustration de

 

Mustapha Saha

 

 

© Crédit photo : Portrait d’Adonis par Mustapha Saha

Peinture sur toile. Dimensions : 100 x 81 cm

 

 

 

Adonis est sans doute aujourd’hui le poète le plus nobélisable comme l’a déclaré Bob Dylan. L’exposition « Résonances... peinture poésie » à la Galerie Menouar est en même temps un hommage à ce grand écrivain dont l’immense œuvre poétique rayonne depuis 1950 à nos jours et une correspondance baudelairienne de ses poèmes avec des créations plastiques de Haider et de Mustapha Saha.

Trois voix irrépressibles de la liberté dans leurs trajectoires prospectives des possibles.

 

 

 

ADONIS

 

Le pseudonyme d’Adonis dit amplement l’univers mythique du poète, extensible à l’infini dans sa sagesse transgressive. Un univers chamanique en connexion permanente avec la matérialité sensuelle de la vie et les sources régénératives de l’amour. Son écriture extatique s’incarne autant dans ses nombreux livres que dans ses variations plastiques. L’immense œuvre poétique respire les parfums mêlés de l’orient et de l’occident dans ses illuminations chromatiques.

 

Une poésie intemporelle de l’amour et de ses turpitudes. Une tentative désespérée de sacraliser la fusion charnelle. Et l’inconsolable nostalgie de la sphère originelle. Et le remord de l’unisson frappée de finitude. Et la greffe impossible des organes de la plénitude. Et l’envolée brisée dans la béatitude. Et la passion de l’alter ego nécessaire, marquée d’incertitude. Et l’amoureuse épopée de Nazhoun Al Qal’iyya et d’Ibn Zaïdoun… »

« En ces temps d’indigence prosodique, ces éternels jardiniers de la langue ne sont-ils pas les vrais interlocuteurs d’Adonis ? Le choix de l’hétéronyme « Adonis », personnification des cycles de renaissance et des saisons régénératrices, dessine, dès la jeunesse, la trajectoire programmée, l’aspiration réclamée, l’intention proclamée.

 

La rose et le myrte, attributs d’Adonis, humain d’origine phénicienne parmi les dieux grecs, amant d’Aphrodite et de Perséphone, ne sont-ils pas également les symboles de la muse Érato, patronne de la poésie érotique et lyrique. Aphrodite, découvrant Adonis mortellement blessé par un sanglier, verse une larme une goutte de son sang, qui engendre l’anémone, rouge offrande de la perte irréparable. Avec cet emprunt, Ali Ahmed Saïd Esber, poète des transmutations, se métamorphose en citoyen du monde qui, comme il le formule, « affranchit les mots de l’esclavage des mots ». L’être fraie librement son chemin quand il se renomme. Mustapha Saha

 

 

 

HAIDER

 

Haider écrit avec la matière chromatique comme Adonis peint avec ses vers métaphoriques. Un monde minéral, évocateur de sa Mésopotamie natale, où l’étoffe et la ferraille s’amalgament à la peinture et réincarnent la mémoire ancienne dans les empreintes présentes. La vision cosmique renaît de chaque trace tellurique. »

 

 

 

MUSTAPHA SAHA

 

 

Depuis son enfance, Mustapha Saha explore les plausibilités miraculeuses de la culture, furète les subtilités nébuleuses de l’écriture, piste les fulgurances imprévisibles de la peinture. Il investit sa rationalité dans la recherche pluridisciplinaire, tout en ouvrant grandes les vannes de l’imaginaire aux fugacités visionnaires. Son travail philosophique, poétique, artistique, reflète les paradoxalités complétives de son appétence créative.

 

Mustapha Saha est le cofondateur du Mouvement du 22 mars à la Faculté de Nanterre et figure historique de mai 68 (voir Bruno Barbey, 68, éditions Creaphis). Il réalise, sous la direction d’Henri Lefebvre, ses thèses de sociologie urbaine (Psychopathologie sociale en milieu urbain désintégré) et de psychopathologie sociale (Psychopathologie sociale des populations déracinées), fonde la discipline «Pchypathologie urbaine», et accomplit des études parallèles en beaux-arts. Il produit, en appliquant la méthodologie recherche-action, les premières études sur les grands ensembles.

 

Il est l’ami, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, de grands intellectuels et artistes, français et italiens. Il accompagne régulièrement Jean-Paul Sartre dans ses retraites romaines et collabore avec Jean Lacouture aux éditions du Seuil. Il explore l’histoire du « cinéma africain à l’époque coloniale » auprès de Jean-Rouch au Musée de l’Homme et publie, par ailleurs, sur les conseils de Jacques Berque, «Structures tribales et formation de l’État à l’époque médiévale» aux éditions Anthropos.

 

Artiste-peintre et poète, Mustapha Saha mène actuellement une recherche sur les mutations civilisationnelles induites par la Révolution numérique (Manifeste culturel des temps numériques), sur la société transversale et sur la démocratie interactive. Il travaille à l’élaboration d’une nouvelle pensée et de nouveaux concepts en phase avec la complexification et la diversification du monde en devenir. Il prépare la sortie d’un livre sur « La société diversitaire », un recueil de poèmes, « L’Arpenteur d’infini » et vient d’écrire l’ouvrage Haïm Zafrani, penseur de la diversité marocaine.

 

***

Exposition « Résonances... peinture-poésie »

Hommage à Adonis

Œuvres de Haider et Mustapha Saha

Du 16 Juin au 17 Juillet 2017

Galerie Menouar,

16, rue du Parc Royal, 75003 Paris

 

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Pour citer ce bémol

 


Mustapha Saha (texte & illustration), « Polychromies lyriques avec Adonis, Haider et Mustapha Saha », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°11, mis en ligne le 10 juin 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/polychromies-lyriques.html

 

 

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Le Pan poétique des muses - dans La Lettre de la revue LPpdm
8 juin 2017 4 08 /06 /juin /2017 13:32

 

Dossier majeur | Textes poétiques

Poèmes d'une aïeule

 

 

 

À la dérive

 

&

 

 

Elles s'en vont les joyeuses pensées

 

 

 

Amélie Gex

 


 

À la dérive

 

[P. 182/P. 186 PDF, « En fermant le livre »]

 

 

J'ai vu s'enfuir ma riante jeunesse

Comme un parfum s'envole d'une fleur !...

Rien envers moi n'a tenu sa promesse !

J'ai tant de fois savouré ma tristesse,

Que je n'ai plus un autre amour au cœur !...

 

J'ai vu tomber ma couronne de fête ;

J'ai vu mon ciel pour toujours s'assombrir ;

Sous l'ouragan, j'ai tant courbé la tête,

J'ai tant lutté contre l'âpre tempête,

Que je voudrais ne plus me souvenir !

 

Comme un débris qu'un vent d'orage emporte,

Vers l'inconnu, je vais sans me lasser ;

Joie ou douleur, désormais, que m'importe !...

J'ai tant pleuré mon espérance morte,

Que je n'ai plus une larme à verser !...

 

 

 

 

Elles s'en vont les joyeuses pensées

 

 

Rondeau. [P. 181/P. 185 PDF, « En fermant le livre » ]

 

 

 

Elles s'en vont les joyeuses pensées

Lorsque les ans sur nos âmes lassées

Viennent peser de leur poids rigoureux !

Des songes d'or le réveil douloureux

Las ! tristement, les a toutes chassées.

 

Heures d'amour, doucement caressées,

Fleurs de printemps, par nos lèvres froissées,

Quoi, c'est donc vrai ! dans l'oubli ténébreux

Elles s'en vont ?…

 

Eh bien, partez, ô colombes blessés !

Sur d'autres fronts posez-vous empressées,

Illusions au vol aventureux…

Plus tard, ceux-là que vous rendez heureux

Diront aussi de leurs heures passées,

« Elles s'en vont ! ... »

 

 

 

Référence bibliographique : ces poèmes sont des extraits transcrits par LPpdm de GEX, Amélie (1835-1883), Poésies : le poème de l'année, cris dans l'ombre, échos épars, nouvelles paroles sur de vieux airs, en fermant le livre, Chambéry, Imprimerie de Ménard, 1 vol., 1879/80, 188 p. ; in-12, pp. 181-182, domaine public, Bibliothèque nationale de France, http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30502940f, voir aussi les liens ou (permaliens) des pages transcrites :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6539649b/f183.image,

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6539649b/f184.image.

 

 

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Pour citer ces poèmes

 


Amélie Gex, « À la dérive » & « Elles s'en vont les joyeuses pensées », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°6|Printemps 2017 « Penser la maladie et la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 8 juin 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/ag-derive.html

 

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Le Pan poétique des muses - dans Numéro 6
6 juin 2017 2 06 /06 /juin /2017 12:45

 

Dossier majeur | Textes poétiques

Poème d'une aïeule

 

 

 

 

La vieille

 

 

 

Renée Vivien

 

 

Crédit photo : Renée Vivien image trouvée sur Wikipédia, domaine public

 


 

[P. 63/P. 65 PDF] Il est, au cœur de la vallée, un étang que l'on nomme l’Étang Mystérieux. Sur les eaux noires, jamais un roseau n'a frissonné, jamais un nénuphar n'a fleuri. On le nomme l’Étang Mystérieux, car il est insondable et terrible, et nul n'en avait connu le fond, lorsque l'homme le plus audacieux des villages environnants résolut de découvrir le secret. [P. 64/P. 66 PDF]. Il plongea dans l'onde opaque où le vent même venait s'évanouir sans jamais l'émouvoir d'un tressaillement.

Il plongea dans l'abîme dont nul n'avait jamais connu le fond. Et, pendant trois jours et trois nuits, il tomba vertigineusement dans le vide. Enfin, il perçut une lueur d'aurore. Et il entra dans la lumière. Au-dessus, l'eau noire tournoyait. L'homme était dans un jardin où les fleurs lui révélaient d'étranges dessins et des souffles inconnus. Un lys avait la forme d'une étoile, une rose brûlait comme un soleil.

Parmi l'universelle beauté, une vieille était accroupie. Elle étalait cyniquement la hideur des taupes et des crapauds. Voûtée, elle semblait fléchir sous le poids des siècles. De ses yeux éteints, elle regarda fixement l'intrus. En vérité, elle avait la hideur des taupes et des crapauds. Et elle lui dit : « Je sais tous les secrets de l'amour. » L'homme se détournera, pris de dégoût. [P. 65/P. 67 PDF] Mais elle reprit : « Je sais toutes les voluptés. » L'homme la repoussa avec horreur. Mais elle lui dit : « La beauté pâlit devant ma toute-puissance*, car je sais toutes les voluptés ! » Et le baisa sur la bouche. Elle avait la hideur des taupes et des crapauds, mais l'homme lui rendit son baiser… Le plus audacieux des hommes n'a jamais reparu dans son village. Il demeure à jamais enchaîné par le monstrueux enlacement…

Il est, au creux de la vallée, un étang que l'on appelle l’Étang Mystérieux...

 



 

* Renée Vivien y entend "omnipotence". Ce portrait de la "vieille" est à la fois traditionnel (dans la description de la laideur de la vieillesse représentée par la répétition de la description "la hideur des taupes et des crapauds") et innovant dans sa manière de penser l'importance du vécu amoureux (des savoirs cumulés sur soi et l'autre) en esquissant une allégorie de la vieillesse en un étang mystérieux contenant un jardin lumineux, originel, où se cache la mort qui entraîne les plus courageux des hommes vers une chute funeste : "Il y demeure à jamais enchaîné par le monstrueux enlacement" qui n'est que le baiser de la mort...

 

Référence bibliographique : ce poème en prose est un extrait transcrit, remanié et enrichi d'une note explicative par D. Sahyouni de VIVIEN, Renée (1877-1909), Brumes de fjords, Paris, A. Lemerre, 1 vol., 122 p., in-12, 1902, pp. 63-65, domaine public, Bibliothèque nationale de France, http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31596246j, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k113412k, voir aussi les liens ou (permaliens) des pages transcrites : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k113412k/f60.image, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k113412k/f61.image, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k113412k/f62.image.

 

 

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Pour citer ce poème

 


Renée Vivien, « La vieille », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°6|Printemps 2017 « Penser la maladie et la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 6 juin 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/rv-vieille.html

 

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Le Pan poétique des muses - dans Numéro 6
1 juin 2017 4 01 /06 /juin /2017 15:28

 

 

N°6 | Instant poétique en compagnie de...

 

 

 

Femmes

 

 

 

 

Nicole Hardouin

 

Illustration de

 

Gil Pottier

 

 

© Crédit photo : Gil Pottier, "La voluptueuse".

 

 

Parcourir des galaxies

voyages intersidérants

je veux des lèvres comètes.p

plonger dans les gouffres infernaux

ruissellement d’eau lustrale

je veux des bras racines.

 

Connaître le retournement du septième ciel

paupières recouvertes d’étoiles

je veux des ailes rouges d’anges déchus

des velours, des joyaux, des korrigans, Toi.

je suis la soyeuse, la voluptueuse

      Mélusine, la blanche, la noire.

 

Chasser les ombres glissantes

taire les songes et passer le seuil

chercher un soleil noir, y découper une côte

façonner à homme à ma soif

je veux Adam, Sammaël, Orphée, Merlin et Toi

je suis la vénéneuse, la dévoreuse

      Lilith, la conquérante, la satanique.

 

Trouver le puits et la source

poser, sur la margelle, l’escarboucle frontale

me désaltérer d’eau, d’orage, de vent

parcourir chemins, légendes, temps

je veux les écailles du dragon, le feu

l’émeraude de Lucifer, les dolmens, les cavernes, Toi

je suis la nocturne, l’ailée, la serpente

      la Vouivre, l’énigmatique, la guérisseuse.

 

M’installer dans un jardin qui s’appellerait Parousie

un clos sans pommiers, seulement des arbres en cristal

des oasis, de l’ambre et des mangues

un serpent dressé, triomphant, un homme : Toi.

 

Je veux ton haleine, ta sueur, tes pluies

tes cieux, ta langue et tes désirs

je suis l’amante, la matricielle, le corail de tes songes

      Ève la tentatrice, la hiératique, l’universelle.

     la Femme.

 

 

***

 

 

 

Pour citer ce poème

 

Nicole Hardouin, « Femmes », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°6|Printemps 2017 « Penser la maladie et la vieillesse en poésie », illustration de Gil Pottier sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 1er juin 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/nh-femmes.html

Page mise à jour en juillet 2017 : ajout d'une illustration et des information sur l'artiste.

 

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Le Pan poétique des muses - dans Numéro 6

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