Pour citer ce poème féministe, inédit & engagé pour l'égalité des sexes & l'élimination des violences faites aux femmes
Nabila Haouche, « Femme, debout », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques :AUTOMNE 2024 NUMÉRO SPÉCIAL | NO IV | « Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) », 1er Volet, & Revue Orientales, « Déesses de l'Orient », n°4, volume 1, mis en ligne le 13 décembre 2024. URL :
آمنة الوزير/Emna Louzyr,«» & « لما يصرخ البط حين يطير؟ »,Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : ÉTÉ 2024 | NO III « Florapoétique », 1er Volet& Revue Orientales, « Déesses de l'Orient », n°4, volume 1, mis en ligne le 19 juillet 2024. URL :
« Quand la main écrit, c’est le cœur qui parle et qui soupire. » Alfred de Musset.
C’est le cri d’un cœur saignant de douleur. C’est le dit d’un être mal aimé par son pays d’adoption, le pays du soleil levant, aux us et coutumes implacables.
Son cœur bat la chamade quand elle pense à appelle « ma grande murée adorée », « ma silencieuse » :
« Mon enfant prisonnière, d’un royaume épais […] Je t’aime plus que tout tant j’écris pour toi sur un balcon étranger aux oiseaux de cuivre et feuilles rondes plus il y a de douleur et plus il y a d’oiseaux. »
S’adapter ou retourner au bercail pour réapprendre à être soi-même car il est impossible d’accepter d’être autre que soi-même. Se fondre dans le décor, s’effacer et devenir la grande muette tel était le sort de Coralie Akiyama, Française d’origine, laissant malgré elle sa fille au Japonais :
« Je suis le je (u) qui s’efface, tu as gagné ». S’effacer au profit du collectif car l’individu n’existe pas.
En dépit de sa grande souffrance, elle sait faire la part des choses :
« Cruauté, tu n’enlèves rien à la beauté des couloirs de portes vermillon dans les montagnes. »
Elle ne peut s’empêcher de s’extasier devant la beauté de ce pays. Aussi évoque-t-elle :
Le « Mirifique vol blanc de papillon dans l’eau »
Le paroxysme de la froideur et le silence gagnent même le sentiment amoureux et les relations conjugales :
« Trois ou treize ans sur une pierre j’ai craqué mes dernières allumettes de paroles et tu ne me tends pas de briquet mon mari est d’or l’amour silence un métal froid. »
« Le silence est grand ; tout le reste est faiblesse ». Alfred de Vigny in « La mort du loup ».
C’est peut-être dans le silence que ce peuple puise sa force. Il y a peut-être aussi une alchimie à découvrir, donc il convient de percer les arcanes de la culture japonaise.
« On parlait saison, on parlait cuisine » dit-elle.
Les saisons rythment la vie et la cuisine utilise les fruits de la terre pour nourrir les êtres humains et les maintenir en vie, donc il y a une harmonie entre les saisons et la cuisine. Manger les fruits de saison est un mot d’ordre salutaire. Cela dit, les êtres humains intègrent les saisons tout comme l’art culinaire dans le maintien de leur vie.
Elle n’oublie pas que dans ce pays, les relations c’est comme « les neiges éternelles » car « elles ne s’éteignent jamais ».
Ses considérations sur la gent masculine portent sur leur discrétion :
Ils sont «de(s) trésors peu photogéniques en éblouissements/ juste comme il faut/ tu passeras à côté si tu passes »
Le Japon, « ce pays qui ne se laissera pas prendre dans les bras » semble vouloir être un parangon de stoïcisme et de perfection ; pas de juste milieu, « le reste du monde […] un lit défait.
C’est pour ne pas « finir sublime anesthésiée d’harmonie molle comme la mort des belles endormies » qu’elle se sauve de ce pays paradoxal qui lui offre à la fois beauté et cruauté mais le cœur serré d’avoir laissé sa fille qui n’est là que pour écouter et rester docile.
Maggy De Coster, « Coralie Akiyama, « Éternelle Yuki », Éditions du Cygne, 2024, 55 p., 12€ », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : ÉTÉ 2024 | NO III « Florapoétique », 1er Volet, & Revue Orientales, « Déesses de l'Orient », n°4, volume 1, mis en ligne le 12 juillet 2024. URL :
EMNA LOUZYR : « En ce qui concerne la poésie, celle-ci a le pouvoir de consolider une identité collective plus ou moins large selon les cas. »
BIOGRAPHIE
Emna LOUZYR est poète, communicatrice et productrice culturelle à RTCI. Elle a collaboré avec plusieurs organismes de presse, et fut pendant plus de cinq ans Ambassadrice ONU Femmes, défendant à travers sa présence en tant que femme de média et écrivain, l’égalité des genres, la parité et le droit à la liberté.
Elle a publié cinq ouvrages, dont quatre recueils de poésie en arabe littéraire : Ranin (2003), Samt El Barakin (2008), Sabra (2009), Khabarratni errih (2017), puis Tout un poème (2022) avec Moëz Majed, un ouvrage inspiré d’une production radiophonique portant le même titre.
Ses poèmes ont été traduits en italien, en anglais et en espagnol. Certains ont été publiés dans des Anthologies (anthologie de l’Université Victoria, Canada : Borders in Globalisation, World Poetry Tree, UAE, etc) d’autres ont figuré dans le programme d’enseignement de Brighton University au Royaume- Uni.
Emna Louzyr a reçu le prix Zoubeida Bchir pour la poésie en 2009.
Elle vient d’être récompensée en tant que communicatrice par la Radio tunisienne.
INTERVIEW
Hanen MAROUANI — Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel, en particulier de votre transition de la télévision et de la radio à votre rôle actuel en tant qu'organisatrice d'événements culturels, notamment du Festival International de la Poésie à Sidi Bou Saïd ?
Emna LOUZYR — J’ai rêvé de faire ce métier très tôt. Il faut dire que je fréquentais les locaux de la Radio et de la Télé tunisienne dès mon jeune âge, puisque mon père est du domaine. À six ans, les speakerines télé prenaient soin de moi, elles me maquillaient et je me souviens qu’à la fin de leurs vacations je récupérais leurs fiches pour faire mon show le lendemain à la maison devant ma première spectatrice : Ma mère. Dieu qu’elle était patiente. L’histoire a commencé tôt. Je n’ai jamais hésité, j’étais déterminée. Je pense que c’est une chance de savoir ce qu’on veut très tôt, cela déjoue les hésitations et les files d’attente existentielles, certaines du moins !
J’ai campé mon premier rôle à la radio à cinq ans. On m’a fait monter sur une chaise pour atteindre le niveau du micro. C’était magique. Puis, j’ai animé mes premières émissions télé à 13 ans. C’était le dimanche, en prime, en direct.
Je suis arrivée à la radio, RTCI (Radio Tunis Chaine Internationale) en tant que productrice à 19 ans. Je me suis présentée à la direction, la première fois, à 17 ans, on m’a dit gentiment d’attendre la majorité, ils ne pensaient pas que j’allais revenir !
Pour pouvoir parler de transition, il faudrait trouver un point de rupture entre un monde et un autre. Il n’y en a pas à mes yeux. J’ai quitté la télé en 2006 car l’ambiance et l’ingérence de forces extérieures à l’institution ont commencé à prendre le pouvoir. Je ne me retrouvais plus. Je suis partie avec un pincement au cœur.
J’ai commencé très jeune à participer à l’organisation d’événements culturels, comme Découvertes Tunisie 21 à El Jem. J’étais encore étudiante en Lettres à la fac. C’est un métier très prenant mais passionnant, fait de rencontres, d’échanges et qui permet de nourrir ma carrière de journaliste et d’écrivain.
J’ai fait quatre ans de théâtre avec mon père, qui est un metteur en scène très exigeant. J’ai suivi des formations au TNT (Théâtre National Tunisien), j’ai joué dans des pièces qui m’ont permis de faire le tour de la Tunisie, de découvrir des régions éloignées, oubliées. C’était une leçon d’humilité qui est arrivée alors que je n’avais que seize ans. Un vrai courant d’air. J’ai tellement appris durant ces années. Le théâtre est une école de vie.
H.M — Quels ont été les défis et les moments les plus gratifiants de votre transition vers le monde de la culture et de la poésie ?
E.L — Comme je l’ai déjà mentionné, il n’y a pas de transition, ces univers se frôlent du moins à mes yeux. Puis je suis née dedans.
La poésie me ramène à moi-même, à mon être essentiel. Elle crée une rupture avec l’extérieur, qui devient intériorisé, rêvé. La poésie réinvente le monde, le journalisme le prend en photos. Ce sont deux approches différentes, deux regards portés sur le monde.
Les défis majeurs viennent de la société elle-même, du milieu littéraire. J’ai écrit jusqu’à récemment en arabe ce qui m’a été reproché, puisque le français est ma langue maternelle (ma mère est française). On m’a mis les bâtons dans les roues. C’était difficile. Je me suis accrochée. J’ai publié quatre recueils de poésie. J’ai reçu le prix Zoubeida B’chir, du CREDIF, (Centre de recherche et de documentation et d’information sur la femme), c’était gratifiant. Puis, mes textes ont volé de leurs propres ailes, loin de la maison de la poésie tunisienne dont je garde un mauvais souvenir, estompé, relativisé, avec le temps.
J’ai participé à certains festivals à l’étranger : Lodève, Bari, Skopje, Montréal. À ce jour, les invitations de lectures viennent de l’étranger ou des ambassades. C’est triste mais la vie continue, la poésie surtout.
H.M — En tant que communicatrice culturelle, quelle est votre vision pour le rôle de la poésie dans la société tunisienne contemporaine, et comment votre travail contribue-t-il à la promotion de cet art ?
E.L —Mon rôle est de faire connaître les artistes, les écrivains et leur travail et ce, en tant que journaliste culturelle.
En ce qui concerne la poésie, celle-ci a le pouvoir de consolider une identité collective plus ou moins large selon les cas.
Dans une société dévorée par la consommation, à tous les points de vue y compris culturel, la poésie est capable sur une formule ou un vers par rassembler des profils pluriels.
Concrètement, on a vu surtout durant les grandes épreuves qu’a vécues la Tunisie, bien souvent, des citoyens lambda citer des vers de poésie d’Ouled Hmed, Ben Jeddou, Mnawer Smedah, pour exprimer leurs émotions dans des formules poétiques emblématiques de l’identité tunisienne.
Il serait injuste de cantonner la poésie à ce seul rôle de consolidation collective, elle en a bien d’autres …Comme le fait de nous faire rêver dans un monde qui ne rêve plus.
H.M — Pouvez-vous nous parler du Festival International de Poésie de Sidi Bou Saïd, qui vient d’avoir lieu et de votre rôle en tant que cofondatrice et responsable de l'événement ?
E.L — Tout d’abord, je ne suis pas cofondatrice du festival. Il a été créé en 2013 par Moez Majed, qui en est le directeur. J’ai intégré l’équipe du festival en 2019 en tant que responsable de la communication.
Le Festival de poésie de Sidi Bou Saïd se veut un point d’ancrage et de rencontre autour de la poésie internationale sur le sol tunisien. Il a fini par s’imposer comme un rendez-vous important de la géographie de la poésie.
H.M — Vous avez écrit de la poésie en arabe, mais vous avez également contribué à des événements et des présentations en français et même en italien ou autres en Tunisie et à l'étranger. Comment ces langues influencent-elles votre relation avec la poésie et votre expression artistique ?
E.L — La question de la langue est complexe. On ne sait jamais pourquoi on écrit dans telle langue, pourquoi on s’éloigne parfois de sa langue maternelle, pourquoi on revient vers elle (c’est mon cas) parfois tardivement. La langue d’écriture est un soldat à la fois discipliné et fougueux. Elle est entourée de mystère, changeante.
J’ai écrit mes premiers poèmes en arabe littéraire, cela me semblait naturel.
Puis une rencontre amoureuse m’a fait revenir vers ma langue maternelle. Tous ces mouvements demeurent ponctués d’interrogations, de questions sans réponses. C’est l’histoire d’une perpétuelle métamorphose qui nous échappe.
Certains de mes textes ont été traduit en italien, en anglais, en espagnol, cela permet à tout poète d’exister en dehors des frontières de ses langues d’écriture. Cela permet à la poésie, aux textes d’avoir une vie plurielle.
H.M — En Tunisie, comment percevez-vous la place de la poésie d'expression française dans le paysage culturel, en particulier dans le contexte de l'édition et de la diffusion ?
E.L —- Je pense que la poésie, tout comme le roman d’expression française ont leur place en Tunisie et leur public.
Le secteur de l’édition est quant à lui souffrant. L’écosystème depuis la publication jusqu’à la distribution et la promotion, est défaillant.
Les maisons d’éditions, en dehors de rares exceptions, ont des problèmes structurels et méthodologiques, ce qui oblige les auteurs et en particulier les poètes à assurer la promotion de leurs ouvrages. Ces mêmes auteurs n’ont quasiment pas de visibilité à l’échelle internationale puisque la diffusion ne suit pas.
Le secteur est à restructurer, son modèle économique à repenser…Quelques jeunes éditeurs audacieux sont en train de faire avancer les choses.
H.M — Votre expérience en tant que poétesse tunisienne ayant contribué à l'international offre une perspective unique. Comment voyez-vous le rôle de la diversité linguistique dans la poésie contemporaine en Tunisie et quel impact voyez-vous dans le partage de cette poésie avec un public mondial ?
E.L — J’ai eu la chance de lire mes textes dans le cadre de festivals en France, Montréal, Bari mais aussi dans des espaces culturels ou publics en Albanie, à Skopie, à Québéc. Ces participations permettent à toute poésie de voyager. Elles ouvrent des portes, permettent des rencontres, les liens se tissent, des amitiés naissent…Le fait de découvrir un univers, une culture différente de la notre permet d’enrichir son imaginaire, de faire évoluer sa démarche d’écriture.
Exister pour les poètes tunisiens en dehors de nos frontières n’est pas uniforme. Il y a toute une panoplie de poètes tunisiens connus à l’échelle panarabe, confirmés, traduits, sollicités et primés comme Mohamed El Ghozi, Moncef Louahaibi, Adam Fathi, Amel Moussa. Cette existence reste tout de même cantonnée à l’intérieur de la langue arabe, ce qui signifie que les œuvres restent peu connues ailleurs dans le monde.
D’autres aussi ont une visibilité à l’échelle internationale, comme Moez Majed, ils ne sont pas nombreux certes, mais ils existent. Cette existence, ce passage de l’œuvre poétique à l’échelle universelle s’articule essentiellement sur le fait de la traduction. La diversité linguistique en elle-même de la poésie tunisienne n’est pas une garantie pour accéder à un public mondial. Il faudrait que cette poésie puisse être publiée dans des maisons d’éditions reconnues dans le monde et que les poètes tunisiens soient régulièrement invités dans des festivals internationaux.
H.M — Vous avez été honorée par le Prix Zoubida B’chir Poésie. Quel est le symbolisme de ce prix pour vous et quel impact a-t-il eu sur votre carrière et votre engagement envers la poésie ?
E.L —- Zoubeida B’chir est la première femme à avoir publié un recueil de poésie en Tunisie (1967). C’était une femme de radio avec une voix en or. Le président Bourguiba l’appréciait, il a demandé à ce qu’elle intègre la radio tunisienne.
Elle était autodidacte, elle s’est formée seule, en lisant, en écrivant. Elle a reçu de nombreux prix à l’échelle internationale. Elle a écrit ses textes en arabe classique et en vers libre.
Ce prix qui porte son nom est une belle reconnaissance. J’y vois une forme de continuité entre deux destins de femmes de radio et poètes. Sa vie ne fut pas facile, elle a dû faire face à une société patriarcale et conservatrice. On dit qu’elle était à la fois vulnérable et forte.
Quand j’ai reçu ce prix, je me suis dit la bataille continue pour moi et pour celles qui vont prendre la relève. J’ai eu la chance de la rencontrer lors de la remise de ce prix. Cela reste un moment fort de ma carrière.
H.M — D’après vous, quel est le rôle des prix littéraires dans la promotion de la poésie et dans la reconnaissance des artistes en Tunisie ou ailleurs ?
E.L — L’écriture se fait dans la solitude et le doute, ces prix permettent de faire connaitre les auteurs ou de confirmer leurs parcours. Après un prix, la vente du livre de l’auteur primé est dopée, cela fait du bien à l’éditeur et à l’écrivain.
H.M — Et pour conclure, quel message ou quelle émotion espérez-vous transmettre à travers votre poésie, et quelle est votre vision pour le futur de la poésie tunisienne féminine ?
E.L — Personnellement, la notion de message me dérange. Je n’écris pas avec des objectifs précis. « Écrire est un acte d’amour ; s’il ne l’est pas, il n’est qu’écriture », disait Jean Cocteau.
Puis, un texte porte plusieurs vies, à partir du moment où il sort du tiroir, il vit au gré de ses lecteurs. Chacun y trouvera l’émotion, le reflet qui lui correspond.
Il y a en Tunisie, de nombreuses poètes femmes, je souhaite de beaux jours à ce secteur et à ces écrivaines. Même si je ne pense pas que l’écriture porte forcément ou systématiquement une identité sexuelle. Les femmes écrivent-elles différemment des hommes ? Leurs textes sont-ils sexués ?
Que dire dans ce cas de l’identité de genre ? Ce sentiment que nous pouvons avoir d’être un homme, une femme, un peu les deux, selon les circonstances ou ni l’un ni l’autre.
La question du genre binaire, XX ou XY est devenue désuète et limitative. L’expression humaine et artistique est plus que jamais plurielle, complexe et décomplexée.
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Pour citer ces images & entretien inédits
Hanen Marouani,« Interview avec Emna LOUZYR », photographies fournies par l'autrice,Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : ÉTÉ 2024 | NO III « Florapoétique », 1er Volet& Revue Orientales, « Déesses de l'Orient », n°4, volume 1, mis en ligne le 5 juillet 2024. URL :
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