Strasbourg va vivre pendant quelques semaines encore à l’heure d’un événement exceptionnel réalisé en partenariat avec le Domaine&Musée Royal de Mariemont en Belgique et le musée du Louvre qui a prêté plus de 140 objets exposés habituellement dans ses propres salles.
L’occasion unique est offerte au public de découvrir l’un des royaumes les plus puissants du Proche-Orient ancien, celui de Mari et cela dans sa période la plus brillante de son histoire appelée « Sakkanakkus » entre 2250 et 1810 av J.-C.
Bâtie sur les bords de l’Euphrate vers 2900 av J.-C, la cité de Mari a connu des temps de faste et d’opulence durant ses douze siècles d’existence car elle possédait l’art de maîtriser les échanges économiques entre l’Anatolie (la Turquie d’aujourd’hui), le nord de la Syrie d’une part et la Mésopotamie (sud de l’Irak) et le Golfe Persique, d’autre part. Ville située au carrefour des routes par voies de fleuve ou voies de terre avec les caravanes, Mari ne va cesser de s’ embellir et de s’épanouir et va connaître un véritable Âge d’Or que cette exposition nous invite à admirer.
Car ce site fabuleux ne fut redécouvert qu’en 1933 et compte à ce jour de nombreuses missions archéologiques qui ont permis de rassembler d’importantes archives qui nous permettent d’appréhender les merveilles qui appartiennent au patrimoine de l’Humanité et qui sont menacées depuis une dizaine d’années.
Lors de sa conférence à la BNU, Pascal Butterlin, professeur à la Sorbonne, évoqua les trois phases de recherches effectuées lors des 49 campagnes de fouilles à Mari. Une statue découverte sur le site par le lieutenant Cabanne marqua le début de cette vaste aventure. En 1937, les deux lions en cuivre, que mit au jour André Parrot, suspendirent le temps...L’un des lions, choisi pour illustrer l’affiche de cette exposition, observe de ses yeux étonnamment vivants le visiteur du haut de ce 3e millénaire depuis le temple du Seigneur-du-Pays lorsque Mari était à son apogée. Il semble interpeller le chaland de par-delà les siècles…
Les tablettes proto-cunéiformes n’ont pas fini de nous interroger depuis l’invention du pictogramme à celui de l’écriture abstraite, notamment l’écriture iranienne proto-élamite (3300 à 3000 av J.-C) découverte à Suse en 1899, c’est l’un des plus anciens systèmes d’écriture au monde qui n’a pas encore pu être déchiffré.
Le public reste très impressionné également par « les foies divinatoires » qui offraient une lecture de l’avenir dans les entrailles humaines, lecture consignée sur des supports en terre cuite ou des tablettes en argile retrouvées et exposées dans des vitrines.
Chacun de nous ne peut que s’extasier à la vue de statuettes de pierre, de cuivre ou d’argile, de peintures murales en provenance du Grand Palais Royal, d’éléments d’architecture, de colliers de perles de verre ou de terre cuite, d’objets du quotidien, tous porteurs d’âme, qui ont traversé le temps pour nous parler de notre passé. 15000 tablettes d’argile couvertes d’écriture cunéiforme ont permis de connaître et de reconstituer la vie du palais mais aussi de comprendre l’idéologie royale mésopotamienne.
Malheureusement, et Pascal Butterlin, s’est longuement exprimé sur ce sujet que l’on appelle « les antiquités de sang » renvoyant aux pillages qui ont débuté en 2011 avec la guerre civile en Syrie, puis se sont poursuivis avec l’armée libre de Syrie et ont continué avec encore davantage d’intensité en 2014 avec Daech qui délivre des permis de fouilles à l’usage de commanditaires afin de récupérer de l’argent pour financer le terrorisme.
Outre les pillages, l’enclos sacré a été frappé par deux missiles, des photos satellites prises par les Américains permettent aux archéologues de repérer les trous de pillages, environ 3700 ont été dénombrés à ce jour ! Bien évidemment, les chercheurs ne peuvent plus se rendre sur le terrain et des citoyens désarmés, tentent de sauver, au péril de leur vie, ce qui peut encore l’être, on les a baptisés « les hommes-remparts ». Voilà une raison supplémentaire pour visiter cette exposition qui nous donne rendez-vous avec l’Histoire car les derniers vestiges de Mari sont en train de disparaître dans cette nuit des temps d’où on les a extirpés. Or, ne l’oublions pas, la disparition de cette culture est aussi celle de la nôtre car Mari n’est autre que le berceau de l’Humanité et de notre civilisation !
Dans « La prière aux Dieux de la nuit », magnifique texte traduit par l’épigraphiste et assyriologue George Dossin en 1935, on peut lire ces deux vers prémonitoires « ...les dieux et déesses/ sont entrés dans l’enclos des cieux »…
De très nombreuses conférences, visites commentées, ateliers thématiques, animations sont proposés par la BNU, la liste est à retrouver sur le site bnu.fr
Exposition à voir jusqu’au 26 mai 2024 à la BNU (6 Place de la République à Strasbourg).
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Pour citer ce texte illustré & inédit
Françoise Urban-Menninger, « Mari en Syrie, la renaissance d’une cité au 3e millénaire. Une exposition remarquable à la Bibliothèque Universitaire de Strasbourg », illustré par un reportage photographique du photographe Claude Menninger, Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques :Événements poétiques | Festival International Megalesia 2024 « Amies », « Elles » & Revue Orientales, « Conteuses orientales & orientalistes », n°3, volume 1, mis en ligne le 15 avril 2024. URL : http://www.pandesmuses.fr/megalesia24/fum-expo-mariensyrie
Elle s’appelle Angélique Leroy. C’est un personnage atypique, attachant et avenant qu’on peut aimer pour son ouverture d’esprit et son humanisme. Poète, elle nous ouvre son cœur de femme aimante et nous laisse découvrir sa complicité avec Ali Belkahla, poète algérien et également sa chère moitié. Et c’est dans un élan de sororité que la Française s’engage aux côtés des femmes de la diversité pour donner du corps, de l’embonpoint à son combat pour le respect des droits des femmes et la valorisation de ces dernières.
Entrevue
Maggy De Coster :Angélique Leroy parlez-moi de votre parcours de femme dans la vie ?
Angélique Leroy : Être une femme, c’est plus compliqué qu’on ne le ne pense. La construction de son identité permet, quand on fait un travail sur soi, de comprendre à quel point être une femme est tellement illusoire. Je n’ai pas toujours pu affirmer ma féminité pour être pleinement en harmonie avec mon élégance et ma courtoisie. Ni avoir la liberté de me sentir femme, dans un corps de femme. J’ai dû souvent mettre en avant mon côté masculin pour survivre. Aujourd’hui, si je suis devenue la Marianne Joconde, c’est un symbole fort pour affirmer que la féminité est quelque chose de sacré. J’ai intégré deux collectifs de femmes d’Afrique et d’Europe (Collectifs œstrogènes et sororité chérie) avec Carmen Fifamè Toudonou, autrice et éditrice béninoise, pour questionner le statut de la femme dans l’Art. Cela dit, mon recueil « la Marianne Joconde » paru chez BOD, en autoédition, contient des séquences sur mes différentes facettes de femme.
MDC : Selon vous quelle est la place de la poésie dans le monde d'aujourd'hui ?
A.L : La poésie est par définition multidimensionnelle, multiforme. Elle représente l’essence de l’auteur, ses particularités de partager son univers en tant que constellation. Ce qui signifie qu’un poète par définition ne peut pas se sentir plus légitime qu’un autre puisque chacun de nous peut se manifester en tant que tel. Donc il y a autant de styles poétiques que de poètes.
Je souhaite qu’il y ait davantage de salons, d’évènements qui permettent la promotion de la poésie et surtout de la voir en évidence sur les présentoirs des librairies.
MDC : Quels sont vos modèles ? Vos sources d'inspiration en poésie ?
A.L : Michaël Jackson est un de mes modèles. J’ai trouvé mon pseudo LaMarianne Joconde sans me rendre compte que les initiales étaient les mêmes que les siens : MJ. Le courant humaniste multimédia, multiculturel. Un poète qui danse, chante, rythme les rimes en Beat box cinématographique.(NDLR, l'art d'imiter des percussions et des bruits avec sa bouche).
Il y a également Victor Hugo avec un focus sur son roman de Le dernier jour d’uncondamné. Mes valeurs et mes engagements se nourrissent de mon vécu et du croisement des arts. Ma poésie est un patchwork qui rassemble morceau par morceau ce qui a existé et existera. La plaidoirie poétique, c’est le rassemblement de la Marianne et de la Joconde, deux figures féminines mais à la fois androgyne symbolisant l’Humain en allégorie, en référence au poème de Baudelaire du même nom : Allégorie. La Marianne, femme engagée et la Joconde qui rayonne par son sourire à travers l’Art. C’est une invitation à considérer qu’une œuvre s’accompagne d’une personnalité et d’un vécu pour être comprise dans son entièreté.
MDC : Quel genre de satisfaction l'écriture vous apporte-t-il ?
A.L : L’écriture m’a portée vers les voies des arts thérapeutiques. Écrire à moi-même, m’entendre dire tout ce qui a été dissimulé, cela m’a permis de révéler ce que je ne pouvais guère soupçonner. C’est une renaissance, c’est l’émergence d’un nouveau moi, c’est être présente ici et maintenant. Vivre la vie à 100 à l’heure ; mon cœur bat la chamade en cascade.
MDC : Quels sont vos projets à court ou à moyen terme ?
A.L : La sortie et la promotion de mon nouveau recueil « Confessions d’une femme esseulée » chez Nombre 7 avec Ali Belkahla, poète algérien pour permettre aussi d’évoquer de nombreux sujets de discussions comme les mariages mixtes, le droit de s’aimer sur n’importe quel sol, les discriminations de toute sorte. Poursuivre l’écriture de « Confessions sl’âmes » avec Ali sur nos deux passés en résilience et comment la voie de l’art-thérapie nous guide. Ma présence à la troisième édition de « la Tour Poétique », un Festival de poésie organisé, par l’Association Apulivre au mois de juin 2024. Participer autant que possible à des salons, des rencontres et me produire sur scène. J’attends aussi que les occasions se présentent.
Maggy De Coster (présentation & entretien),« Rencontre avec Angélique Leroy, poète, alias "La Marianne Joconde" », Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événements poétiques | Festival International Megalesia 2024 « Amies », « Elles » & Revue Orientales, « Conteuses orientales & orientalistes », n°3, volume 1, mis en ligne le 8 avril 2024. URL :
Paris. Mardi, 2 avril 2024. À peine rentré d’un long périple en Provence avec Élisabeth, un pèlerinage en dix étapes, sur les traces, entre autres, de Jean Lacouture à Roussillon, j’apprends la disparition, à l’âge de quatre-vingt-dix ans, de Maryse Condé, de son nom de naissance Maryse Liliane Appoline Boucolon. Une amie fidèle. La maison de Maryse Condé à Gordes se trouve à quelques kilomètres de Roussillon. Impossible de la voir. Elle est hospitalisée à Apt. Elle est partie dans son sommeil. Rien de plus terrible qu’une nécrologie. Les célébrations médiatiques ne durent qu’une journée. Les écrivains, les poètes, les philosophes, les artistes vivent perpétuellement. Ils s’invitent à tout moment, opportunément, par leurs écrits, leurs œuvres. « Les morts ne meurent que s’ils meurent dans nos cœurs. Ils sont là, partout autour de nous, avides d’attention, assoiffés d’affection. Quelques mots suffisent à les rameuter. Ils pressent leurs corps invisibles contre le nôtre, impatients de se rendre utiles ».
À Gordes, Maryse Condé tombe sous le charme du Village des bories, hameau anciennement dit Les Cabanes, sur les pentes des Monts de Vaucluse. Elle commente cette singularité architecturale avec science et poésie. Une borie, de l’occitan bòria, signifie aujourd’hui une cabane de pierre sèche. Le mot désigne, à l’origine, une ferme, un domaine agricole. Les architectes sont des bergers, des paysans, des maçons, des gens du pays. La voute en encorbellement, sans coffrage, est la phase la plus délicate de l’assemblage. Les pierres son disposées horizontalement, légèrement penchées pour éviter les infiltrations d’eau. Chaque rangée est en surplomb par rapport à la rangée intérieure. Les pierres croisées sont solidaires les unes des autres. Le faitage de grosses dalles assure la stabilité de la voute. Au dix-huitième siècle, pendant la reconversion des terres sauvages, des forêts, des garrigues en champs cultivables, les bories sont des habitations saisonnières, liées aux travaux agricoles, pourvues de dépendances, bergerie, cuve à vin, fouloir, chevrière, four, grange, grenier, magnanerie, soue. Les fouilles ont exhumé des céramiques, des pièces de monnaies anciennes, des silex taillés, utilisés par les paysans comme couteaux, pierres à briquet, pierres à fusil. Les céréales alternent avec des oliviers, des amandiers, des mûriers. Une polyculture typiquement méditerranéenne comprenant également la vigne, le miel, la truffe, l’élevage du ver à soie. C’est Pierre Viala, poète, écrivain, qui redécouvre et sauvegarde les bories dans les années soixante. Aux commencements, avant le verbe, était la pierre.
J’extrais de ma bibliothèque deux livres de Maryse Condé, lus et relus, Ségou, en deux tomes, Les Murailles de terre et La Terre en miettes, la saga d’une famille aristocratique du Mali. Se décrivent le dépérissement des cultures animistes et polythéistes, du culte des ancêtres, des initiations magiques. L’âme africaine en déperdition. Implantation durable de la religion musulmane. Pénétration dévastatrice du colonialisme français. Esclavagisme. Ségou, capitale historique. Mes visites remontent à la mémoire. La mosquée sénégalaise de Ba Sounou Sacko. Le tombeau massif de Biton Mamary Coulibaly, fondateur de la dynastie bambara au dix-septième siècle. Inscription sur la stèle en français. Le monarque transforme un groupe de jeunes chasseurs en armée conquérante des deux rives du Niger, de Tombouctou à Djenné, de Djenné à Bamako. La légende raconte que Mamary Coulibaly, surprenant la fille de Faro, génie du fleuve, en train de voler des aubergines dans son champ, lui laisse la vie sauve. Pour le gratifier, Faro lui instille une goutte de son lait dans chaque oreille. Il peut ainsi entendre les complots qui se trament contre lui. Mamary Coulibaly a régné quarante-quatre ans.
L’ouvrage de Maryse Condé narre l’épopée de Dousika Traoré, de ses quatre fils, Thiékoro, Siga, Naba, Malobalide, de leurs descendants. Le patriarcat est cérémonial. Les femmes occupent une place centrale. S’évoque le retour d’esclaves d’Amérique latine, des Caraïbes, des Antilles sur leur terre ancestrale. Se rappellent les relations endémiques, organiques, avec la terre marocaine. À travers la destinée de la famille Traoré, c’est toute l’histoire du Sahel qui se décline, dans ses splendeurs et ses décadences, ses fatalismes et ses dissidences. La tribalité pratique naturellement la démocratie directe, l’interactivité, la transversalité, la consensualité, la palabre. « La parole est un fruit. Son écorce est le bavardage. Sa chair est l’éloquence. Son noyau est le bon sens ». S’insèrent dans la trame romanesque, des pertinences historiques, sociologiques, philosophiques. Au-delà des tribulations existentielles, demeurent l’énigme de la mort, le secret de la vie. Les pensées africaines ont résolu la question de la mort par un pacte avec les esprits, autorisés à revenir sur terre selon des rituels convenus. Les sorciers, les griots, les psychopompes sont maîtres du jeu. Le mystère n’est pas la mort. Le mystère, c’est la vie. « Qu'est-ce que la vie ? Est-ce une femme folle qui hurle et déchire ses haillons en les jetant au vent ? Est-ce un aveugle qui, dans la nuit de ses jours, culbute à chaque précipice et se rattrape aux ronces ? Dites-moi ce que c'est, la vie ? ». Toute l’histoire de l’humanité ramène à l’Afrique.Malheur aux exclus de ce retour. « Les esclaves croient qu’une fois morts, leur esprit se détache de leur corps et retourne à la source africaine. L’esprit s’élance de la cascade d’Acomat, traverse les mers et les océans jusqu’à ce que l’odeur d‘huile de palme et de poisson séché de la terre africaine le saisisse à la gorge. Mais moi, je ne reviendrai jamais à Ségou. Je ne franchirai jamais ses murailles de terre, rouges, friables, éternelles. Je n’arpenterai jamais le vestibule aux sept portes. Je n’entendrai jamais dire mon nom ». Les jeunes générations d’antillais, transplantés dans la métropole, ignorent leurs origines africaines. Ils se disent français et rien d’autre.
Maryse Condé rêve toute sa vie de l’indépendance de son île natale. Elle se réclame continuellement d’Aimé Césaire et de Frantz Fanon, du poète et de l’analyste de l’oppression, de l’aliénation, de la dépossession. Aimé Césaire mis en exergue par Frantz Fanon dans Peau noire, masques blancs. « Je parle de millions d’êtres infectés de peur, de complexe d’infériorité, de tremblement, d’agenouillement, de désespoir, de larbinisme » (« Discours sur le colonialisme »). Toute l’œuvre de Maryse Condé peut se résumer ainsi : « L’être humain n’est pas seulement possibilité de reprise, de négation. S’il est vrai que la conscience est activité de transcendance, nous devons savoir aussi que cette conscience est hantée par le problème de la compréhension. L’être vivant est un vibrant acquiescement aux harmonies cosmiques. Arraché, dispersé, confondu, condamné à voir se dissoudre, les unes après les autres, les vérités par lui élaborées » (Frantz Fanon).
Maryse Condé est une sorcière de la littérature, comme l’afro-américaine Toni Morrison. La sorcellerie s’entend ici au sens de médecine. Moi,Tituba sorcière noire de Salem, plonge en Amérique du Nord au dix-septième siècle. Tituba est une ancienne guérisseuse devenue esclave, accusée dans l’affaire des sorcières de Salem. La traduction anglaise est préfacée par Angela Davis, qui retient l’éloge de la révolte. En 1692, vingt-cinq personnes sont exécutées pour sorcelleries sur témoignages de fillettes prétendument possédées. Quelques années plus tard, l’erreur judiciaire est officiellement reconnue. L’épisode historique met en lumière un phénomène de panique collective toujours actuel, la quête obsessionnelle de sécurité, les dévastations de la rumeur, la perversité délationniste, la paranoïa persécutrice, la mentalité inquisitoire. Le fascisme prospère sur ce terreau-là. La magie est une arme de résistance. « Qu’est-ce qu’une sorcière ? La faculté de communiquer avec les invisibles, de garder un lien constant avec les disparus, de soigner, de guérir n’est-elle pas une grâce supérieure ? La sorcière ne doit-elle pas être révérée au lieu d’être crainte ? ». Tituba est en connexion permanente avec sa mère génétique et sa mère adoptive. Elle se nourrit des énergies insufflées par les présences invisibles. « Man Yaya m’a appris à écouter le vent, à mesurer ses forces au-dessus des cases qu’il s’apprête à broyer. Elle m’a appris la mer et la montagne. Tout vit. Tout est doué d’une âme, d’un souffle ».
Se réactivent les spiritualités animistes, chamaniques, magnétiques, initiatiques.Maryse Condé s’immerge dans les interrogations essentielles. Elle traite par la dérision le féminisme occidental, l’héroïsation du féminin. L’histoire peut se lire comme un conte fantastique, mais aussi comme une parodie. Un amant de Tituba l’appelle « ma sorcière bien-aimé ». La fille adoptive choisie depuis l’au-delà se nomme Samantha, comme le personnage de la série télévisée. Se critique le féminisme manichéiste français et sa revue Sorcières. La sorcellerie est incompatible avec le militantisme et le spectacle médiatique. « Un livre, on ne sait pas comment il va tourner. Au départ, on a une idée précise. Mais, au fur et mesure, l’histoire se charge d’une série de hantises. Quand on arrive à la fin de la rédaction, on est étonné par le résultat. Des obsessions, des hantises, des idées fixes, c’est ça la littérature finalement. Les questionnements reviennent sans cesse parce que l’écrivain ne trouve pas de réponse ». L’écriture tente de se défaire du pesant bagage, elle le reprend encore plus lourd.*
* Toutes les citations renvoient à Maryse Condé sauf mentions contraires.
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Pour citer cet hommage illustré & inédit
Mustapha Saha (texte & peinture), « Maryse CONDÉ, la sorcière bien aimée », Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événements poétiques | Festival International Megalesia 2024 « Amies », « Elles » & Revue Orientales, « Conteuses orientales & orientalistes », n°3, volume 1,mis en ligne le 5 avril 2024. URL :
Docteure en littératures française et comparée, est une figure éminente de la scène littéraire contemporaine. Cofondatrice des Rencontres Sauvages de la Poésie en Île-de-France et membre active de l'association Atlas pour la promotion de la traduction au Collège International des Traducteurs Littéraires à Arles, elle s'investit pleinement dans la diffusion et la valorisation de la littérature.
En tant que directrice de la rédaction pour Trait-d'Union Magazine Algérie, elle explore avec passion l'écriture des femmes dans le Maghreb contemporain, offrant ainsi une voix aux narratrices souvent marginalisées. Ses textes et ses voyages autour du monde témoignent de son engagement pour une Humanité sans frontières, une vision qu'elle exprime également à travers ses collaborations en tant qu'autrice et photographe dans plusieurs revues artistiques et ouvrages collectifs à travers l'Afrique, l'Europe, l'Amérique du Nord et l'Amérique latine.
Sur scène, Imèn Moussa se révèle comme une interprète de poésie talentueuse au sein de la troupe VIVANTS, soutenue par le Bureau International Jeunesse de Bruxelles, avec des performances remarquées lors du Sommet de la Francophonie à Djerba, à la Maison Poème et au Grand Hospice à Bruxelles. Aux côtés du musicien Yasser Jradi, elle assure la tournée de « Florilège de la poésie tunisienne francophone » en novembre 2022 pour le Sommet de la Francophonie, un projet porté par l’Institut Français de Tunis, l’Alliance Française de Bizerte, l’Alliance Française de Djerba et la Maison de France à Sfax.
En septembre 2023, Imèn Moussa est honorée en tant que lauréate de la première bourse de création sonore décernée par l’association La Plume de Paon pour son projet de livre audio intitulé « Raconte à Baya », une contribution précieuse à la littérature jeunesse. Ce projet, soutenu par la Région Grand Est, la DRAC Grand Est et la Ville de Strasbourg, illustre son engagement en faveur de l'accessibilité et de la diversité dans la création littéraire.
Reconnue pour son œuvre poétique remarquable, Imèn Moussa se voit décerner le 8 mars 2023, à Grenoble, le prix littéraire Dina Sahyouni de la Société Internationale d'Études des Femmes & d'Études de Genre en Poésie (SIÉFÉGP).
2023
— Essai, Genre et émancipation des femmes dans le Maghreb contemporain, Le Manuscrit, Mars, Paris.
— Livre audio, Raconte à Baya, (projet en cours, soutenu par la Région Grand Est, la DRAC Grand Est et la Ville de Strasbourg).
— Publication de textes « Par-delà les frontières, Croire au monde », dans la revue poétique Lettres d’Hivernage N°2, Éditions La Kainfristanaise
— Publication de photographies « De la Havane à Ajaccio », dans La comédie des Phares, ouvrage collectif, Editions des Embruns, Septembre, Saint-Thégonnec (Finistère).
2022
— Article « C’est à cause du sexe votre honneur : des corps mis à l’écart et des peaux sous silence dans la fiction maghrébine contemporaine des femmes », collection IMPRÉVUE publication du Centre d'études sociocritiques, Université Paul-Valéry, Montpellier3.
— Article « Parlons d’aujourd’hui : portraits d’auteures du Maghreb », revue Souffles sahariens : cultures et identités en mouvements, Nouaukchott, Mauritanie.
— Publication de textes « Des poètes et des lieux », dans la revue poétique Lettres d’Hivernage N°1, Editions La Kainfristanaise
— Publication dossier photographique « Une fenêtre sur toi », Revue L’Imagineur, N°7, France, Mars.
— Publication de poésie dans l’anthologie poétique, Cri de femme, Grito De Mujer, avec Le Mouvement International des Femmes Poètes, République Dominicaine, Février.
— Publication de poésie, Revue Cavale : Arts et littératures en mouvement, N°15, Silence, Sher-brook, Canada.
— Publication dans le recueil collectif, Vivants, édition Graphius avec Le Bureau International Jeunesse, Bruxelles.
— Article « Sont-elles dangereuses ? » dans Trait-d’Union magazine N°3, Algérie, juillet 2021.
— Article « Du Harem au bar : renouvellement des espaces romanesques et intranquillité des femmes dans le roman de Sonia Chamkhi » dans Trait-d’Union magazine, Algérie, Mars.
— Publication de photographies « De Bizerte à Negombo », dans Histoire de pêche, ouvrage collectif, Editions des Embruns, Saint-Thégonnec (Finistère).
— Publication dans le N°1 Revue Orientales pour Le Pan poétique des muses (dossier photographie-poésie).
2020
— Recueil de poésies, Il fallait bien une racine ailleurs, éditions l’Harmattan, Paris, Juin 2020.
— Contribution textes de poésie, revue « Débridé », juin 2021, Paris, France.
— Contribution poésie, revue « WORLD & WORDS Magazine for migration literature », Spring issue 2020, Vienne, Autriche.
— Contribution textes de poésie, magazine « World Poetry Movment : Poets of the World Against Injustice ». En collaboration avec Atol Behramogue-Pelin Batu and Tekin publishing house, Istanbul/Medellin, 2020.
2019
— Essai, Les représentations du féminin dans les œuvres de Maïssa BEY, Éditions Universitaires Européennes, 2019.
Entrevue
« Genre et émancipation des femmes dans la fiction maghrébine contemporaine » est un ouvrage qui nous plonge au cœur de l'histoire passée et présente des expériences littéraires des femmes marocaines, algériennes et tunisiennes, mettant en lumière leur rôle crucial dans l'évolution de leurs sociétés à travers leur écriture. En déconstruisant le stéréotype de la « femme arabe soumise », il offre une exploration profonde des grandes étapes historiques des mouvements féministes du Maghreb. De plus, il soulève les questionnements actuels liés à l'émergence de l'Islam rigoriste dans le corps politique et la menace qui pèse sur les droits des femmes, en particulier après le Printemps Arabe, le voilement généralisé, et l'essor croissant des actrices et autrices. Cette analyse éclairante contribue à l'originalité de cet ouvrage. Il est donc avec grand honneur que nous annonçons la réception du Prix Littéraire Dina Sahyouni 2024 pour la deuxième fois par Imèn Moussa, cette fois-ci pour son essai intitulé « Genre et émancipation des femmes dans la fiction maghrébine contemporaine » , une reconnaissance bien méritée de son engagement et de son travail exceptionnel.
À l’occasion de l’annonce des résultats de ce prix suite aux votes du jury, et en cette journée si significative qu’est la Journée Internationale des droits des Femmes, Le Pan Poétique des Musesa eu l’initiative d’interviewer la lauréate, Imèn Moussa.
Nous avons voulu lui donner l’opportunité de partager avec nous ses réflexions et ses émotions, tout particulièrement après avoir reçu cette nouvelle honorifique.
Quelles sont les principales conclusions ou observations formulées par Imèn Moussa dans son essai « Genre et émancipation des femmes dans la fiction maghrébine contemporaine » qui lui a valu le Prix Dina Sahyouni en 2024 ?
IM. – Dans « Genre et émancipation des femmes dans la fiction maghrébine contemporaine », je me suis d’abord attachée à offrir un panorama des positionnements des femmes dans trois sociétés du Maghreb à partir de la littérature romanesque francophone en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Ces trois pays sont régis par un système politique et social différent. Pourtant, à travers l’étude comparative des textes littéraires, j’ai constaté que les six autrices ayant fait l’objet de cette étude, parlent, toutes, des pratiques juridiques et culturelles discriminantes car elles puisent leur légitimité dans des traditions fondées sur la différenciation des genres. J’ai pu observer que même si les lois de ces pays évoluent en faveur des droits des femmes, la réalité sociale est bien différente puisque les femmes sont, pour la plupart, maintenues en arrière-plan, tandis que les hommes détiennent le plus souvent des privilèges sociaux, économiques, politiques ou encore sexuels. Des observations ressortent comme des problématiques communes aux six romans étudiés : l’analphabétisme chez les adolescentes mises à l’écart dans les zones rurales, la misère de santé reproductive, le poids du divorce sur les femmes, le contrôle du corps, les violences urbaines contre les femmes, l’exploitation des travailleuses, etc. Ainsi, particulièrement ancrée dans une réalité sociale déterminée, la fiction maghrébine contemporaine met en lien ces problématiques avec la vision inférieure et inégalitaire de la femme qui se voit constamment rattachée à son identité biologique-corporelle décrite comme moins solide que celle de l’homme.
Comment vous abordez la question de l'émancipation des femmes dans la fiction maghrébine contemporaine, et quels sont ses principaux arguments ou théories avancés dans son essai ?
IM. – En observant ce qui se passe dans ma société et dans les pays autour, j’ai d’abord construit mon hypothèse de départ sur l’éventuel « effritement » du pouvoir masculin. Un terme qu’emploie l’historienne Sophie Bessis, qui s’interroge dans son essai Les Arabes, les femmes, la liberté, sur une possible « fin de l’ordre ancien » qui permettrait, en ce XXIème siècle, de penser des rapports plus égalitaires entre le féminin et le masculin. En effet, depuis les soulèvements du Printemps Arabe et les remaniements observés dans certains pays de cette région du monde, le Maghreb redevient un territoire géopolitique animé par des défis et des luttes permanentes. En lien avec ceux-ci, la question féminine refait surface et redevient aujourd’hui plus que jamais, un enjeu politique et social important. C’est dans cette optique que mon travail prend son sens premier littéraire car il me semblait indispensable d’aborder, par la création, la question de la voix/voie des femmes en ce XXIème siècle. À une époque où les violences faites aux femmes sont quotidiennement dénoncées et où la séculaire rivalité entre le féminin et le masculin divise encore les opinions, les oppose voire prophétise un possible retour en arrière. De plus, parce que femme tunisienne francophone, il m’a semblé intéressant d’interroger, par l’étude des textes, le devenir fortement contrasté de cet « être » femme dans des pays où la pensée religieuse demeure encore très forte et souvent autoritaire. Il faut dire que dans un système social à domination masculine, les révolutions arabes en Égypte, Tunisie, Libye et au Yémen, les changements politiques au Maroc et le Hirak en Algérie ont lancé sur les devants de la scène des millions de femmes revendiquant la liberté, l’égalité et la démocratie. Ces mêmes révolutions ont permis de démocratiser le débat sur les droits des femmes, débat qui était jusqu’alors réservé à une élite intellectuelle. Dans ce sens, en pourfendant les clichés véhiculés sur la femme « orientale », j’avais pour ambition de saisir les enjeux majeurs autour de la question féminine dans un Maghreb en transition. Pour cela, parce que paradoxalement elles sont unanimement considérées comme levier et frein de l’évolution, j’ai interrogé les différentes trajectoires des femmes à travers la littérature.
Quelles sont les œuvres littéraires maghrébines contemporaines examinées dans votre essai, et en quoi contribuent-elles à la réflexion sur le genre et l'émancipation des femmes ?
IM. – Quand j’ai décidé d’axer mon essai sur la littérature contemporaine du Maghreb, mon but était d’apporter un regard neuf à la question de l’émancipation des femmes dans cette région du monde. Dans ce sens, j’ai défini un corpus de six romans, tous postérieurs aux années 2000, d’autrices connues et moins connues, mais aussi issues de niveaux sociaux et intellectuels différents. Pour la Tunisie, j’ai opté pour Emna Belhaj Yahia avec Jeux de rubans (Elyzad, 2011) et Sonia Chamkhi avec Leïla ou la femme de l’aube (Elyzad, 2008). Pour l’Algérie, j’ai choisi Maïssa Bey avec son roman Hizya (L’aube, 2015) et Je dois tout à ton oubli (Grasset, 2008) de Malika Mokeddem. Enfin, pour le Maroc, j’ai opté pour le roman de Halima Hamdane Laissez-moi parler (Le Grand Souffle, 2006) et celui de Bahaa Trabelsi, Slim, les femmes, la mort… (EDDIF, 2004). Les textes choisis me semblaient, à mon sens, pertinents pour ouvrir le débat sur la place de la femme maghrébine dans sa société contemporaine en transition. D’ailleurs, ce sont les nouvelles représentations du personnage féminin qui me semblent être une contribution nouvelle à la réflexion sur les questions du genre. En effet, les six autrices mettent en scène de nouveaux modèles de personnage simples, aux itinéraires ordinaires, mais qui sont porteurs de nouvelles aspirations. Ce sont des femmes et des jeunes filles qui appartiennent à des classes moyennes, instruites, engagées politiquement et actives dans leur société. La plupart, présente de nouvelles formes de conduites qui rompent avec la soumission. Elles dépassent les poncifs de la littérature maghrébine d’expression française, dominée par les images stéréotypées des femmes dociles.
Pouvez-vous expliquer en quoi l'approche critique d'Imèn Moussa dans son essai diffère-t-elle des travaux précédents sur le même sujet ?
IM. – Mon travail fait suite à un certain nombre d’articles, de thèse et d’essai dans le domaine littéraire comme ceux de Christiane Chaulet-Achour dont Écritures algériennes : la règle du genre, Noûn, algériennes dans l'écriture, de Marta Segarra, Leur pesant de poudre : romancières francophones du Maghreb, de Charles Bonn Lectures nouvelles du roman algérien : essai d'autobiographie intellectuelle, Jean Déjeux La littérature féminine de langue française au Maghreb, Tahar Bekri De la littérature tunisienne et maghrébine et autres textes : essais, Rabia Redouane Femmes arabes et écritures francophones. Machrek-Maghreb et Christine Detrez Femmes du Maghreb, une écriture à soi, pour n’en citer que ceux-là. J’ai en effet fait appel à plusieurs disciplines de sciences sociales pour illustrer ma grille de lecture par des exemples pris dans les textes qui sont devenus documents. Aussi, à travers une démarche interprétative et comparatiste des textes littéraires approchés comme étant des documents, j’ai tenté de lire la complexité du processus d’évolution dans le contexte du Maghreb actuel. Le but était de voir comment se manifestent la singularité et les limites du processus de l’émancipation féminine pour réfléchir sur la situation de celles qui sont tantôt vulnérables et fatalistes, tantôt rebelles et combattantes. Une position qui alimente incontestablement leur intranquillité.
Quelles méthodologies ou cadres théoriques Imèn Moussa utilise-t-elle pour analyser la représentation des femmes dans la fiction maghrébine contemporaine, et en quoi sont-ils pertinents et innovants ?
IM.– Je ne sais pas si ma démarche est pertinente ou innovante. Je laisse les lecteurs et les chercheurs en décider. J’ai simplement mis au centre de mon travail les questions théoriques suivantes : le roman est-il le témoignage d’un retournement de situation qui décrit-annonce l’affaiblissement des idéologies patriarcales ? En quoi la littérature est révélatrice du changement des mentalités et de l’organisation sociale ? Pour apporter des réponses à mes questions, j’ai interrogé de nouveaux modèles féminins en tant qu’actants dans une histoire en construction et non son objet. J’ai étudié la fabrique de ces personnages décrits comme émancipés afin de voir dans quelle dynamique les autrices construisent un renouvellement des perspectives du genre à travers le choix de protagonistes qui, par leurs discours et leurs manières d’agir, ébranlent les stéréotypes.
Quelles sont les réactions ou les discussions suscitées par l'essai d'Imèn Moussa dans le domaine académique ou littéraire, et quel impact pourrait-il avoir sur les débats futurs concernant le genre et l'émancipation des femmes ?
IM.–- Cette question m’a rappelé plusieurs commentaires étranges que j’ai lu sur les réseaux sociaux quand la sortie de mon livre a été annoncée. Des commentaires comme « Ah encore un livre sur l’émancipation des femmes, ne sont-elles pas assez émancipées ? », « Oui, mais les femmes au Maghreb sont toutes libres, pourquoi encore parler de ce sujet ? » ou encore « Un livre sur le genre, encore une machination de l’Occident ». Evidemment, les auteurs de ces phrases étaient des hommes. Mais, au-delà du monde virtuel, j’ai été agréablement surprise par les débats et les interrogations que mon travail a suscité notamment lors des rencontres avec les étudiants.es de CY Cergy Paris Université, ceux de Sorbonne Nouvelle, les étudiants.es de l’université de Nouakchott mais aussi les lycéens.ennes du Lycée français Théodore Monod de Nouakchott en Mauritanie etc. Auprès d’eux, j’ai beaucoup appris sur mon propre livre. En effet, certaines thématiques abordées dans mon travail telles que les luttes contemporaines des femmes, la place positive de l’homme dans l’émancipation de ces dernières, les violences urbaines, le corps dissident, l’immigration des femmes, la religion imbriquée dans la politique, le droit à la différence… ont amené des échanges houleux autour de l’« être femme ». Tandis que d’autres découvraient les sujets abordés et les autrices que j’ai exposées, d’autres se reconnaissaient dans les univers que j’ai analysés. Plusieurs étaient déstabilisés par mon analyse de la place de la tradition et de la religion dans la société actuelle. Ils ont exprimé leur opposition. Mais, je dis toujours que c’est là l’un des objectifs d’un essai ; pour ou contre, l’essentiel et d’inviter le lecteur à lire encore et à aller chercher des réponses. Enfin, je n’oublierai jamais les larmes de cette étudiante algérienne qui est venue me voir à la fin d’une conférence pour me dire « les sujets de votre livre parlent de mon parcours ». En l’occurrence, ce flottement ou cette cohabitation entre des réactions contraires (colère, incompréhension et identification…) sont l’impact que je cherche pour ouvrir une brèche de réflexion en plus. Construire et déconstruire.
Quelles sont les prochaines étapes ou les projets futurs d'Imèn Moussa, maintenant qu'elle a reçu le Prix Dina Sahyouni pour la deuxième fois, et comment envisage-t-elle de poursuivre son engagement intellectuel et académique dans ce domaine ?
IM.–- Je tiens d’abord à remercier Sylvie Brodziak qui a préfacé cet essai et qui a surtout encadré chaque étape dans le processus de recherche et d’écriture de ce travail. Je remercie aussi mon éditrice Domitille Carlier pour ses relectures et pour sa patience. Recevoir le prix Dina Sahyouni pour la deuxième fois consécutive m’honore beaucoup parce que c’est un livre qui a été porté par tant des femmes. Je tiens à remercier les membres du jury d’avoir lu et apprécié mon essai. Je remercie également la Société Internationale d'Études des Femmes & d'Études de Genre en Poésie (SIÉFÉGP) pour sa confiance et le travail remarquable qu’elle fait autour de la création des femmes de toutes les nationalités. Une telle reconnaissance ouvre encore plus grandes les portes du partage entre les rives et les langues. Ce prix est un souffle qui m’aidera à porter mon livre en étant mieux accompagnée. C’est ce sens du partage qui m’encourage à poursuivre ce désir de recherches et d’écriture en poussant sans cesse l’esprit vers le renouvellement. Pourtant, je dois vous avouer qu’à chaque fois que mes travaux sont récompensés et à chaque fois que je les vois traverser des frontières et être diffusés partout, ça me fait peur parce que je réalise que c’est une grande responsabilité d’écrire ou de dire à haute voix. Mais, c’est une belle peur parce qu’elle me pousse à me réinventer.
Comment Imèn Moussa parvient-elle à naviguer entre la poésie et la critique littéraire, et en quoi ces deux aspects de son travail se nourrissent mutuellement ?
IM.– Disons que j’apprends doucement à, comme vous le dites si bien, naviguer entre ces deux univers. Mon embarcation est la même, les mots. La boussole est la même : la réflexion et la découverte par le biais du mot. Le voyage est une ambition de comprendre la complexité du monde dans son effervescence. Dans cette quête de la compréhension de la vie, la poésie apporte la part du rêve dans un mouvement de création et surtout de jeu. Elle me rassure et me libère. Quant à la recherche littéraire, elle se manifeste forcément dans une certaine technicité dans l’écriture structurée qui nécessite de la rigueur et dans l’analyse pour pouvoir disséquer un sujet déterminé, avec des outils spécifiques, afin de répondre à des questions précises. Elle m’apprend et me renforce. Les deux se réunissent autour de la sensibilité et de l’observation. Les deux me permettent d’écrire avec, pour ou contre quelque chose. Les deux sont pour moi une tentative de changer, à mon échelle, ce qui me semble ne pas aller. C’est pourquoi, l’énergie de ces deux univers se nourrissent et se complètent pour me nourrir et amener cette rencontre avec soi et avec l’autre. En réalité, j’admire la polyvalence dans la création. Je n’aime pas les limites que l’esprit souhaite parfois nous imposer. C’est pourquoi je m’aventure aussi à faire de la scène grâce à la poésie, j’aime me produire en tant que voix off dans ce que j’appelle « la vidéo-poème » et j’aime m’improviser conteuse ou encore directrice de la rédaction pour une revue. C’est ça la création, plusieurs graines qu’on sème et on verra bien ce que ça donne ! C’est là la beauté de la traversée, se découvrir à chaque fois et se réinventer par ce qui nous passionne. Par le goût des mots.
Hanen Marouani (texte & biobibliographie), « Une tunisienne lauréate pour la deuxième fois du prix Dina Sahyouni. Imèn Moussa, chercheuse qui interroge la fiction des femmes au Maghreb », images fournies par l'essayiste, Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques :Événements poétiques | Festival International Megalesia 2024 « Amies », « Elles » & Revue Orientales, « Conteuses orientales & orientalistes », n°3, volume 1, mis en ligne le 28 mars 2024. URL :
LE SITE « PANDESMUSES.FR » DEVRA BASCULER EN HTTPS DÈS LA FIN DE SA MAINTENANCE ET LE COMPTAGE DE SES PAGES À ACTUALISER. CELA PRENDRA DES MOIS VOIRE UN AN. NOTRE SITE AURA AUSSI UN THÈME GRAPHIQUE UN PEU DIFFÉRENT DU THÈME ACTUEL. POUR UNE MAINTENANCE À COMPTER DU 20 OCTOBRE 2023. CETTE OPÉRATION POURRAIT PERTURBER VOIRE RALENTIR LA MISE EN PAGE DE NOUVEAUX DOCUMENTS. MERCI BIEN DE VOTRE COMPRÉHENSION !
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