29 décembre 2023 5 29 /12 /décembre /2023 18:40

REVUE MDV | N°3 | DO & N° 15 | Poétiques automnales | Dossier mineur | Articles & Témoignages ​​​

 

 

 

 

 

 

 

 

Violette de Marceline Desbordes-Valmore :

 

un roman haut en couleurs

 

Marceline Desbordes-Valmore, romancière ?

 

 

 

 

 

 

Maxance Lardjane

 

Doctorant en deuxième année
LARSH - Département DeScripto

 

 

 

 

© Crédits photos : Logos officiels du Département DeScripto & de l'Université Polytechnique. Images fournies par l'auteur.

 

 

 

 

 

Même si Marceline Desbordes-Valmore s’est essayé au roman, à la nouvelle et au conte, la critique littéraire s’intéresse peu à l’œuvre non-poétique de l’auteure des Pauvres fleurs. En effet, lorsqu’il est question de l’œuvre déjà méconnue de cette femme de lettres, rares sont ceux qui mentionnent ses textes en prose. Tantôt vus comme des textes stylistiquement plus faibles que les poèmes de la même auteure, tantôt décriés comme étant mus par la nécessité financière, tout ce pan non-poétique de l’écriture desbordes-valmorienne est négligé par la critique.

 

Ces œuvres demeurent toutefois intéressantes à aborder. Par son volume plus conséquent que le genre poétique, le genre romanesque permet à Marceline Desbordes-Valmore de s’étendre plus longuement sur une thématique précise. L’Atelier d’un peintre, notamment, témoigne longuement de la place des femmes en art.

Moins connu, mais tout aussi intéressant, Violette est le texte qui retiendra notre attention. Dans ce « roman sur le mariage »1 publié en 1839, la poétesse dénonce le caractère intéressé des liens matrimoniaux sous le règne de François Ier. Dans cette dénonciation se devine, en filigranes, la société du XIXe siècle, dans laquelle les unions de raison sont toujours d’actualité.

Ce roman met tout aussi bien en scène l’opposition entre émotion et raison, que l’opposition entre société de cour et individualité. De façon plus étendue, il traite du thème plus vaste de la sincérité et des non-dits.

Cette dénonciation du caractère aliénant des mariages de raison, ainsi que des travers de la société huguenote, s’opère dans ce roman au travers d’une utilisation expressive des couleurs. À l’instar de L’Atelier d’un peintre, autre roman de la poétesse, les couleurs sont omniprésentes dans ce texte, jusqu’à donner leur nom à l’héroïne principale du texte.

Aussi, cet article, qui ne peut se permettre d’être exhaustif, propose de lier les thèmes principaux du roman avec les couleurs qui les dépeignent.

 

 

Un roman méconnu à l’intrigue méconnue

 

 

Il convient, en premier lieu, de résumer à grands traits l’intrigue de ce roman méconnu, dont la très récente réédition témoigne du peu d’intérêt qu’il a suscité dans le champ littéraire. Cela nous semble s’imposer, au vu du côté inédit de l’œuvre que nous abordons, afin de mieux expliciter la manière dont Marceline Desbordes-Valmore y use des couleurs.

Le roman suit l’histoire de Violette de Sauveterre, demoiselle de cour de la sœur de François Ier, Marguerite de Navarre. Dernière représentante d’une illustre famille, régulièrement décrite comme étant une « riche héritière », la demoiselle en question est promise à Almaric d’Argèles, selon la volonté du testament de son père décédé, dans un mariage de raison qui ne convient guère à l’héritière.

Le comte d’Aigues-Vives, écuyer de feu le père de Violette et tuteur de cette dernière, tâche de s’assurer de la juste exécution des volontés du défunt. Pour ce faire, il n’a de cesse d’arranger les détails du mariage avec la mère d’Almaric, désignée dans le texte sous le nom de « douairière d’Argèles ». En outre, un bal est organisé pour fêter le retour de François Ier en France, libéré de son emprisonnement en Espagne, et c’est durant ce bal que Violette rencontre l’héritier d’Argèles. Cette première rencontre déplaît énormément à Violette, qui se dit, dans des mots lourds de sens, « qu’il y a des personnes que l’on regarde avec la conviction qu’elles n’auront jamais rien à [nous] dire »2.

Avec la complicité de Marguerite de Navarre, la riche héritière use de stratagèmes pour délayer une union à laquelle elle ne consent pas, notamment en voyageant dans le Béarn pour, selon la justification que fait Marguerite au tuteur de Violette, éprouver la sincérité de l’amour d’Almaric. Accompagnées de demoiselles de compagnie, de la servante Blondèle, de la nourrice de Marguerite, du comte d’Aigues-Vives et du page Élysée, les deux femmes poursuivent un voyage qui les éloigne un temps de leurs devoirs conjugaux.

 

À cette histoire principale se joint la relation ambiguë qui lie Marguerite de Navarre et Clément Marot. Le poète, qui était son page avant d’accompagner François Ier lors de sa captivité, ressent pour elle un amour réciproque. Cet amour est rendu impossible par le mariage de Marguerite avec Henri d’Albret, roi de Navarre, arrangé par le frère de Marguerite (François Ier) par pur jeu d’alliances politiques.

Un de leurs périples conduira les deux femmes chez Glover Aymond, époux d’Isabelle, amie d’enfance de Violette. Les deux sœurs d’Isabelle, Angèle et Aloïse, habitent dans ce qui semble être un ménage sans amour. En effet Glover, fou amoureux d’Aloïse, délaisse son épouse qui, au cours du roman, meurt des suites de son rejet.

Une autre escale amène les deux femmes dans un cloître où Violette reconnaît Isolier d’Argèles, cadet de la famille d’Almaric d’Argèles. Il était de coutume, dans les familles nobles, de faire de l’aîné l’héritier de la fortune familiale et de destiner le puîné à la religion. C’est le cas d’Isolier d’Argèles, que Violette a croisé sous les traits d’un jeune pèlerin en quête d’amour maternel quand elle avait dix ans, et qui lui a donné une bague en guise de serment. Violette n’avait jamais revu l’enfant en question, mais l’aime depuis cette rencontre.

Après l’avoir reconnu au cloître, Violette est définitivement résolue à ne pas épouser Almaric et plaide la cause d’Isolier auprès de sa mère. Cette dernière refuse avec véhémence de retirer Isolier du monastère, et invite même sa bru à la prise d’habits de celui qu’elle aime.

La cérémonie ne se passe pas comme prévue, et ce qui devait être une prise d’habits somptueuse est interrompue par Isolier. Fermement résolu à ne pas devenir moine, mais à épouser Violette, il menace de se donner la mort s’il est fait moine.

Pendant ce temps, le frère d’Isolier va clandestinement chez Glover Aymond, désireux d’avoir des relations sexuelles avec Aloïse. Glover, qui le surprend, le met à mort par son épée, et ordonne à ses servants de déposer sa dépouille chez les d’Argèles. La douairière, prévenue du drame par son serviteur Placide, s’effondre en larmes.

Cette situation tragique fait d’Isolier l’aîné de la famille d’Argèles, et donc celui par lequel le testament du tuteur peut s’exécuter. Celui-ci vient le chercher chez les trinitaires pour l’amener à sa pupille. Mais alors qu’Isolier, qui a pu renoncer au cloître par la mort de son frère, va voir Violette pour la demander en mariage, celle-ci meurt, submergée par un excès d’émotions contraires. En effet, au vu de la crise de démence à laquelle elle a assistée au cloître, Violette n’arrive littéralement pas à croire qu’Isolier lui est promis. Submergée de bonheur et d’incrédulité, presque hallucinée, elle s’éteint devant lui.

Caractérisation des personnages par touches de couleurs

Au travers de ce roman dense, les couleurs sont nombreuses, et ont toutes un degré de caractérisation plus ou moins important.

Le blanc et le noir, notamment, sont les couleurs qui servent le plus souvent à caractériser et décrire des personnages. Couleurs traditionnellement rattachées aux notions de bien et de mal3, leur recours par Marceline Desbordes-Valmore est empreint d’ambiguïté.

En outre, même si la couleur blanche est parfois utilisée pour connoter la notion de pureté, la poétesse s’en sert plus souvent pour renvoyer à la pâleur. Cela se voit notamment dans un objet omniprésent dans le roman : le voile.

De couleur blanche, le voile désigne aussi bien, dans ce roman, le voile du mariage que le voile qui permet aux femmes d’entrer dans une église. Cet objet est intrinsèquement lié à la religion chrétienne, et est traditionnellement rattaché à la notion de pureté.

Toutefois, dans ce roman, cette notion de pureté, toute relative, se teinte d’une double signification. Le voile, malgré sa blancheur, est un objet qui voile la personne qui le porte. Il dissimule le visage, et de façon plus métaphorique, il le met dans l’ombre, dans le noir.

 

Peu avant sa présence au bal, Violette écrit une lettre à son amie Isabelle qui, mariée avant elle, lui a envoyé son voile blanc. Or dans cette même lettre, l’évocation du voile en question précède de peu l’apparition de la nuit4. À la blancheur du voile répond la pénombre, dans un jeu d’ombre et de lumière qui n’est pas sans rappeler le thème essentiel du roman, qui est la critique des mariages de raison. En outre, Isabelle qui envoie son voile de mariée à Violette, c’est perpétuer « le joug du malheur conjugal [qui] se transmet comme une malédiction, que Marceline Desbordes-Valmore appelle à conjurer »5.

À noter que le motif du voile, régulièrement subverti dans le texte, participe d’une affirmation de la subjectivité féminine. Ainsi, le voile de Violette, dans une scène de confidence intime avec son amie Isabelle, est « écarté » par ses doigts6 : dans le lieu inhospitalier qu’est le manoir de Glover Aymond, ce geste rend d’autant plus saillant le besoin qu’a Isabelle, au bord de la mort, de se sentir plus proche de son amie d’enfance.

Cette subversion du blanc du voile s’opère aussi plus loin, lors de la scène de reconnaissance entre Isolier et Violette. Lorsque cette dernière s’approche de celui qu’elle aime pour le reconnaître, elle « écart[e] son voile pour reconnaître longtemps ce jeune homme à genoux »7. Au sein d’un cloître où les femmes ont pour obligation d’être voilées, le geste de Violette est empreint d’une double sensualité. D’un côté, c’est par l’action de Violette qu’Isolier parvient à observer, d’un œil adulte, la femme qu’il n’a jamais vue qu’enfant. De l’autre, c’est pour Violette l’affirmation de son désir. Dans cette scène de révélation, c’est elle qui écarte son voile. C’est par son action que passe l’observation de son amant, dans un désir sublimé par l’adverbe de temps « longtemps ». Violette prend le temps d’admirer celui qu’elle aime, dans le cadre d’une dilution du temps du récit, dans une fascination que le terme « écarter » renvoie à une intimité amoureuse, voire sexuelle. En outre, par son écartement (sinon par son écartèlement, sa destruction) la blancheur du voile renvoie autant à l’intimité de l’âme qu’à l’intimité des corps, à ce qui n’est montré qu’à peu d’yeux.

 

En opposition à cela, nous pensons au moment où Marguerite de Navarre retourne au cloître pour demander aux trinitaires d’accorder sa liberté à Isolier. Pour s’attirer les bonnes grâces de l’abbé, celle-ci se présente à lui dans une robe de bure blanche8. Ici, la couleur blanche de la tenue, à laquelle s’adjoint un voile, connote l’envie qu’a la reine de négocier avec les religieux en se faisant fi de ses propres convictions. En effet, celle-ci émet des réserves quant aux guerres de religion, ce qui lui vaut d’avoir une posture modérée auprès des franges les plus radicales de l’Église. Sa tentative se solde par un échec, durant laquelle ses demandes de compassion sont repoussées par l’homme « au front jaune », périphrase par laquelle la voix narrative dénigre l’abbé9.

 

Dans ce texte, les couleurs vives sont les plus ambiguës. Nous venons de voir le « jaune » de l’abbé, qui ici connote un teint vitreux. Mais c’est aussi le cas d’autres couleurs vives, notamment le rouge. Marceline Desbordes-Valmore en use pour qualifier la rougeur de ses personnages. C’est le cas du page Élysée qui rougit en observant Angèle10, ainsi que la « couleur animée [du] teint » de Violette lorsqu’elle confie à Marguerite la brève rencontre qu’elle a eue avec Isolier d’Argèles11. Cependant, même si ces usages classiques sont attestés sous la plume de Marceline Desbordes-Valmore, le rouge renvoie plus communément à la tristesse, en particulier celle exprimée physiquement par les pleurs. Marguerite de Navarre et Violette de Sauveterre sont celles dont les yeux se rougissent le plus de rouge, mais leurs amants aussi – respectivement Clément Marot et Isolier d’Argèles – souffrent des mêmes souffrances oculaires.

À noter que le rouge connote également l’inquiétude, lorsque Marguerite de Navarre, croyant parler seule à seul avec son frère François Ier, découvre avec consternation le cardinal Duprat, tout vêtu de rouge, qui apparaît par une entrée secrète. Le rouge, en plus d’être vecteur de pleurs, devient aussi vecteur d’anxiété.

D’apparence, l’usage que fait Marceline Desbordes-Valmore des couleurs dans le roman est anticlassique, et semble s’ancrer dans une dépiction plus concrète des émotions humaines. Du nuancier de couleurs qui s’offre à elle, la poétesse caractérise ses personnages.

 

 

Colorisation des liens entre personnages

 

 

Tout autant que les couleurs servent à caractériser les personnages, elles permettent aussi de rendre apparents les rapports qui les lient.

Nous pensons notamment au moment où François Ier apparaît sous les yeux d’Almaric d’Argèles. Dans cette scène, il est décrit comme revêtant un « pourpoint enrichi de pompons de vermeil et semé de pierreries étincelantes ». Son titre de roi, représentant paroxystique de la société de cour, est rendu apparent par les couleurs de la tenue qu’il porte. Par son excès de couleurs vives, de pompons et de pierreries, l’habit de François Ier renvoie à la notion de démesure. Le roi de France est ici celui qui réfléchit la lumière par les pierreries, mais aussi celui qui la concentre, qui attire les regards de tous. C’est en ce sens qu’il faut comprendre la voix narrative lorsqu’elle fait du maître de céans le « centre mobile de l’illumination du bal »12. De surcroît, la voix narrative s’opère au travers du regard d’Almaric, que le texte présente comme un ambitieux courtisan. C’est le regard jaloux d’un Almaric qui voit dans ce roi un être indépassable qui le met en horreur. Il « s’avoue avec confusion que François Ier était encore plus grand que lui, ce dont il n’avait jamais voulu convenir »13. En outre, par un regard porté sur les couleurs du roi, le texte révèle les jalousies intrinsèques à la société de cour, appuyant d’autant plus sur le thème de l’opposition entre expression individuelle et expression sociétale.

 

Tous les membres de la famille d’Argèles, à l’exception du dernier-né, se caractérisent par une ambition démesurée, qui se ressent au travers d’une suresthétisation de leurs tenues. Par exemple, lorsque Violette se présente à la douairière d’Argèles, celle-ci est décrite comme étant une « femme roide et vêtue de noir, corps de jupe chargé de galons d’or », avec une « aumônière armoriée »14. Ce caractère excessif de la douairière prend sa pleine expression lors de sa venue à la prise d’habits de son fils, où elle apparaît en « brocard d’or » et sertie de diamants15. En outre, cet excès de couleurs et de blasons, typiques des personnages de cour de ce roman, témoigne non seulement de la richesse pécuniaire de la douairière, mais aussi de son manque de bienséance : le décalage ironique entre la riche tenue de la mère et le dépouillement de son fils, redoublé par sa présence dans un monastère, est d’autant plus clair au travers de l’excès de couleurs utilisé pour la représenter.

 

Isolier d’Argèles, quant à lui, est décrit de façon relativement opposée à celle de son frère. À son sujet, deux moments retiennent notre attention. Le premier, où Isolier est dépeint par les souvenirs de Violette, en fait un jeune être aux « longs cheveux bouclés et châtains », vêtu d’un sayon de pèlerin serré par une « ceinture de jonc rafraîchi d’absinthe et de liseron de fontaine »16. Contrairement au faste courtisan dont fait preuve Almaric, dont Violette repère d’emblée la grande taille et la dague brillante17, Isolier est montré comme un être prompt à la simplicité. Seule transparaît de cette première description la blancheur des pieds du pèlerin, qui n’est pas sans sens. Ici, cette blancheur des pieds, étonnamment fréquente dans les romans de Marceline Desbordes-Valmore, connote une pureté d’âme qui n’apparaît que si l’on regarde assez longtemps le jeune homme. Il aura en effet fallu que Violette passe outre la tenue modeste du jeune homme pour observer en lui une indéniable, mais incontestable pureté dont elle tombe amoureuse, connotée par la blancheur des pieds du jeune homme.

 

Le deuxième passage que nous relevons, c’est celui de la reconnaissance entre Isolier et Violette adultes. Dans ce moment clé du roman, Violette observe le corps de son amant qui, promis à la carrière ecclésiastique, a subi les souffrances du cloître. Celle-ci le reconnaît, mais le voit différemment du temps où elle l’a connue. Les cheveux châtains et blonds du passé laissent place à une auréole noire « autour d’un front haut et blanc », à un « ardent azur […] sous des cils longs et tristes »18. Par le recours à des couleurs plus ternes que lors de la première rencontre des amants, la voix narrative met en parallèle les deux rencontres pour insister sur leur douleur : ce qui leur est imposé les mortifie, à un point tel que ne pas changer leur situation les tuerait. Ce sera littéralement le cas pour Violette à la fin du roman, et à moindre mesure pour Isolier qui, lors de sa cérémonie de prise d’habit, menace de se donner la mort. Ce changement drastique de nuances de couleurs connote déjà la pulsion de mort qui meut les destinées des deux amants.

 

À la maison d’Argèles répond la maison de Glover Aymond, où se trouve Isabelle, amie de Violette. Du peu que nous savons d’Isabelle, elle a subi un mariage de raison si pénible qu’il l’a littéralement tuée. En outre, depuis son union avec le châtelain, Isabelle est constamment rattachée à la pâleur et à la blancheur. La lettre que Violette lui destine au début du roman laisse entendre qu’Isabelle était plus rieuse avant son mariage, et la présence de Violette au manoir de Glover fait rougir un temps l’épouse Aymond. Mais ces accès de chaleur et de rougeur apparaissent dans le texte comme des exceptions, bien loin d’infirmer la pâleur générale d’Isabelle19.

 

À l’inverse, son mari est décrit comme un être aussi sombre que son château, qui laisse dépérir sa femme et l’isole de toute vie. Le texte l’associe au rouge de la gêne20, mais aussi au sang rouge d’Almaric, qu’il répand pour laver le déshonneur d’Aloïse, sœur d’Isabelle courtisée par l’aîné d’Argèles.

Aloïse, décrite avec tous les traits d’une jeune femme qui sait profiter de ses charmes, noue avec Glover Aymond une relation teintée d’ambiguïté, notamment à la fin du texte. Avec son « brocard rose et argent », ses « joues rougies », son « col délicat et blanc », des « yeux verts et brûlants comme une belle chatte », de « fins cheveux d’or »21, le texte la représente dans une surabondance de couleurs artificielles, et en fait le prototype parfait de la femme de cour. Dans cette scène où Glover l’étrangle pour la punir de s’être laissée séduire par Almaric, c’est sa sensualité et son espièglerie qui la sauvent d’une mort certaine, ainsi que les sentiments que son agresseur lui voue. La surabondance de couleur successives qui décrivent Aloïse rendent compte du chaos de la scène finale du roman, voire connotent la crise de la société de cour, ici littéralement étranglée par la morale religieuse de son époque.

 

Le baron d’Aigues-Mortes n’appartient pas tant à la société de cour qu’à la société religieuse. Défenseur rigoriste de l’ordre établi, même si le roman tend à le rendre moins manichéen, son entêtement à faire respecter le testament de feu le père de Violette constitue le nœud principal de l’intrigue. Symbole d’un ordre dépassé, vieil homme atteint par la goutte, il est en permanence vêtu de noir, couleur qu’il partage avec son destrier22. Le tuteur de Violette n’est pas en adéquation avec les normes de la cour. Cela se voit, notamment, lors du bal initial, durant lequel il apparaît aux courtisans comme un objet de foire, une curiosité d’un autre temps qui concentre toute l’attention par sa tenue aux couleurs anachroniques. Le baron est celui qui porte « la devise vieillie du porc-épic couronné, devise du feu roi Louis XII »23.

 

Tous les personnages qui renvoient à la société de cour sont régulièrement dépeints avec une surabondance de couleurs qui, à défaut d’apparaître criardes, sont pour le moins bariolées, artificielles dans le sens où elles reposent sur un habit d’apparat et de convention. Élysée, le page de la reine, est régulièrement décrit avec des habits excessivement colorés. Lors d’une scène du roman, il qualifié de « farfadet » par la voix narrative. Cette désignation est ici ironique, puisque le page, qui porte un « haut de chasse moitié blanc, moitié rouge, une jambe blanche et l’autre bleu de ciel »24, se déplace dans les landes de Guyenne, que le texte décrit comme pleines de « terrains incultes, entourés de bruyères noirs »25.

 

Quelques personnages, que nous qualifierons de transfuges, ne se caractérisent pas par un seul type de couleur. Marguerite et Violette, notamment, qui sont régulièrement amenées à porter des tenues de cour, n’ont de cesse, au travers du roman, de changer de type d’habits. Cela se voit particulièrement dans l’exil aux landes de Guyenne, où la reine choisit de cacher ses blasons et ses couleurs pour porter ceux de la famille de Violette26. Par ce choix de raison, certes mu par un besoin d’anonymat nécessaire aux puissants, Marguerite défend la cause de sa dame de compagnie. En effet, porter l’étendard des Sauveterre, c’est pour la reine un moyen de prendre parti pour son amie, dans une logique que nous pourrions qualifier, de façon anachronique, par le terme de sororité.

 

En lien avec les différences marquées entre les personnages du roman, les paysages qu’ils traversent sont eux aussi marqués d’une dualité fondamentale. À la sociabilité de cour, à la force oppressante de rapports humains pleins de non-dits ; s’oppose le calme de l’introspection et l’aspiration à la liberté. Cette opposition de tons se remarque aussi dans les lieux que le roman représente.

 

 

Des paysages aux tonalités diverses

 

 

Le mode de vie courtisan est mis en regard de la compagnie d’un groupe restreint de personnes, d’une façon qui est sublimée par l’usage des couleurs qu’en fait Marceline Desbordes-Valmore.

D’un côté, le milieu courtisan, qui ouvre le texte, se caractérise par un excès de couleurs et de lumière. En outre, lors du bal qui célèbre le retour de François Ier en France, il est question d’une « terrasse [où] s’éclairait déjà mille feux artificiels »27. La notion d’artifice est celle qui caractérise le mieux le milieu courtisan, en tant qu’opposé à la nature. À ce sujet, quelques pages après la description des feux artificiels, Marguerite dit à Clément Marot que « la lune large et rouge », les « mille étoiles dansante dans l’azur qui brunit » et « l’illumination intérieure qui [les] éclaire » sont « les vraies, les seules splendeurs de la fête »28. Ici se joue l’opposition entre le faste artificiel de la cour et la simplicité du paysage naturel, dont la splendeur n’a guère besoin d’être aménagée pour être sublime. Là où la cour se caractérise par un feu artificiel, la nature est dépeinte comme une pluralité éparse de couleurs : le rouge de la lune, le bleu brunissant du crépuscule, et la blancheur des étoiles vont de pair, par analogie, avec la lumière intérieure des deux amants, dans un mouvement qui échappe à toute régulation. La nature, bien que moins organisée et moins rassurante que l’artifice de la société courtisane, est plus intéressante pour la reine, puisqu’elle représente un champ des possibles à l’étendue potentiellement infinie. C’est en effet loin de cette société de cour que le mariage qui la lie à un homme qu’elle n’aime pas prendrait fin, et que son amour pour Clément Marot, « illumination intérieure qui [les] éclaire », pourrait s’exprimer au grand jour.

 

Aux lieux artificiels s’opposent les paysages naturels, particulièrement présents pendant l’exil de la reine. Dès le début du deuxième tome du roman, Marceline Desbordes-Valmore s’attarde sur la liberté que connote un tel éloignement en se concentrant sur les « papillons d’une foule d’arbustes éclatants de rosée ». La scène est vue par Marguerite, en ce qu’elle « promène un regard plus serein autour d’elle », serein puisque libre de pouvoir contempler, loin des conventions de cour, le « tableau vivant » qui s’offre à elle. Tableau illusoire, puisque derrière cette liberté illusoire, son statut de reine n’est jamais loin, comme le pressent la phrase qu’elle s’écrie : « On se croirait libre »29. Se croire libre, ce n’est pas être libre : le voyage qu’elle effectue a pour but premier la satisfaction de devoirs de cour, mais aussi l’objectif d’éprouver la patience de l’amant de Violette. Notons au passage que le baron d’Aigues-Mortes fait partie du voyage, et rappelle par sa présence seule l’absence de liberté individuelle inhérente à la société de cour.

 

La parole de la reine se concrétise quelques instants plus tard, lorsque les Palois la reconnaissent. Lapparition des villageois se caractérise par une abondance de couleurs qui, par opposition au milieu de cour, se révèle « le caractère distinctif du peuple le plus loyal et le plus gai ». Les capulets rouges des femmes, les jarres de terre, le lait doré et fleuri, tout jusqu’à la rougeur des fraises connote un locus amoenus où la sincérité prime sur l’opulence. Cependant, cette beauté naturelle se « corrompt » immédiatement lorsque la reine comprend qu’elle ne peut pas partager ce bonheur avec celui qu’elle aime, à savoir Clément Marot. Le locus amoenus, subverti, n’a plus lieu d’être, de sorte que Marguerite finit par s’en séparer. En effet la course soudaine de l’animal qu’elle chevauche la déporte loin de la liesse villageoise, au devant d’une église caractérisée par son « bel ombrage ». Le cheval, qui s’arrête comme par instinct, rajoute de la fatuité à la scène. En outre, Marguerite, qui a commencé par glorifier la liberté des paysages palois, mais qui a aussi souffert de la proximité d’un peuple qui lui rappelle l’absence de son amant, retrouve sa liberté dans un lieu isolé de toute sociabilité. L’emphase est mise sur le dépouillement du lieu de culte, qui, sans posséder « ni les vitraux colorés, ni les statues » de la basilique de Saint-Germain-des-Prés, la « frappe de sa ressemblance »30. Et pour cause : l’église en question, par son « eau vive » et la « mousse verte » qu’elle contient, est rattachée à la notion de nature évoquée plus haut, aussi éloignée que possible de l’artificeLa reine de Navarre se trouve, par le truchement de son cheval, dans une église de village qui cause sa rêverie et son épanouissement, dans un état d’esprit qui n’est pas sans rappeler le vers desbordes-valmorien : « on est moins seul au fond d'une église déserte »31.

 

À la jonction de la cour et de la nature se trouve le cloître qui, même s’il se trouve non loin d’un village, a sa propre sociabilité. Dès la présentation de cet endroit, cette dichotomie est connoté par les couleurs. En effet, au Jurançon verdoyant qui rappelle les rêveries de l’amour, s’oppose l’ombre sur les chemins qui mènent au cloître32. Le monastère se caractérise par son caractère dépouillé, mais peu naturel ; habité, mais sans vie, par opposition au lieu de culte solitaire de Marguerite. C’est aussi un lieu qui tutoie le ciel, avec ses prêtres qui baissent leurs yeux « sous les arceaux obscurs », comme des « ombres soumises », sous des encens comparés à des « nuages » . Dans le cloître, noir et blanc s’allient pour connoter la monotonie et la rigueur de l’ordre religieux qui enferme Isolier, si bien qu’un rare rayon de lumière entrevu par une fenêtre suffit à satisfaire « des yeux habitués [à un] trajet sombre »33. Mentionnons aussi la salle des fous et le cimetière, dont le texte fait des lieux ternes et obscurs.

 

Les seules couleurs vives de ce lieu se trouvent dans un jardin d’une trentaine de parcelles, où chaque trinitaire est libre de planter ce qu’il désire. En outre, dans ce lieu obscur, c’est par la couleur de leurs plantations mutuelles que les novices expriment leur individualité propre, qu’Élysée réduit ironiquement à l’action d’« égayer leurs tombes »34. Cette seule liberté accordée aux moines constitue leur seul lien avec le monde séculier, ainsi qu’un moyen pour canaliser leurs envies de monde extérieur.

C’est dans ce lieu, d’ailleurs, que le roman utilisera les couleurs de la façon la plus métatextuelle qui soit, en contribuant à la reconnaissance des amants.

 

 
 

Couleur et métatextualité

 

 

Nous avons déjà ébauché les contours de la nature métatextuelle des couleurs dans Violette. Mais il convient ici de nous pencher sur le pinacle du roman, à savoir la reconnaissance des amants.

Lors de sa visite au cloître, Violette, qui jusque-là suivait le groupe de demoiselles, entrevoit la souffrance d’un novice torturé dans la salle obscure du lieu de culte. Cette vue lui fait comprendre, par analogie, qu’Isolier a dû vivre les mêmes tortures, si bien qu’elle implore Dieu de faire cesser les souffrances de ce novice35. Lors de cette invocation, qui n’a d’abord pas de réponse, elle sort de la salle sombre et se dirige, sans s’en rendre compte, jusqu’au parterre de violettes cultivées par Isolier. Ici, par un premier déplacement de couleurs, l’obscurité est remplacée par la couleur vive qu’est le violet. Au vu du prénom de l’héroïne principale, nous pouvons y voir une réponse positive à la prière qu’elle a adressée à Dieu : Violette, en se retrouvant face au champ de violettes, se retrouve elle-même.

 

À noter que le champ en question n’est pas inconnu de Violette, puisque Marguerite, un peu plus tôt dans le texte, l’a attirée vers ce parterre de fleurs en lui affirmant que c’était « le sien ». Sous-entendant par-là que c’est le champ d’Isolier, le parterre de fleurs est aussi décrit comme ombragé par « deux peupliers blancs liés de chèvrefeuille »36. Aux fleurs qui évoquent le personnage éponyme du roman, s’adjoint l’incarnation physique de l’union, représentée par des arbres dont la blancheur renvoie tant à la pureté de l’amour, qu’à l’union physique de deux corps à la peau blanche. En parallèle, la présence du chèvrefeuille achève d’ancrer ce roman dans les brisées de la légende de Tristan et Iseult. Cette plante renvoie au lai du Chèvrefeuille, poème de Marie de France, dans lequel les amants, comme le chèvrefeuille qui s’enroule autour d’un coudrier, ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre. Dans ce poème, par ailleurs, s’opère une reconnaissance amoureuse au travers de l’interprétation de ce signe végétal par la reine Iseult, dont le nom n’est pas sans rappeler celui d’Isolier, et qui n’est pas sans rappeler l’interprétation des violettes par l’héritière des Sauveterre.

 

Dirigée sans y penser vers le champ de fleurs qui porte son nom, Violette y trouve Isolier dans une scène caractérisée par son silence et son immobilité. Les deux amants s’observent, se comprennent en s’échangeant peu de paroles. Tous deux se devinent, sans pleinement se reconnaître, jusqu’à ce qu’Élysée favorise, malgré lui, la reconnaissance des amants.

 

D’une part, pendant que les amants se contemplent sans savoir quoi se dire, le page de la reine apostrophe Violette pour la ramener auprès du groupe37, d’une façon qui révèle au novice le nom de celle qu’il aime. C’est par ce premier accès au nom de Violette qu’il comprend sa présence près de son champ de fleurs.

D’autre part, Élysée favorise l’union des amants en évoquant à Isolier la nature du nom de Violette. Alors que la jeune femme retourne auprès du groupe, le novice, qui veut s’assurer de l’identité de celle qui vient de lui parler, demande à Élysée s’il s’agit de la reine. Ce à quoi il lui répond en arrachant les fleurs du parterre de violettes, pour les lui jeter au visage, tout en lui disant : « son nom est écrit sur ces fleurs, lisez »38. Le verbe « lire » ancre cette saillie d’Élysée dans un rapport métatextuel, dans un besoin de déchiffrer les signes qui se trouvent pourtant de façon évidente devant les yeux d’Isolier. La violence de cette révélation vient contrebalancer le déni d’Isolier qui, alors même que Violette avait été nommée devant lui par Élysée, se refusait encore à croire pleinement en sa présence. À cette lecture, le moine en devenir tombe en extase sur le sol, le jet de la couleur violette lui ayant fait atteindre une pâleur exaltée. Jet qui couvre le visage et les cheveux d’Isolier, comme si c’était Violette, en ce moment, qui prodiguait à son visage des caresses. La femme, incarnée dans la fleur, s’est révélée à Isolier par son contact et sa couleur, dans une saturation des sens extatique.

 

Par ailleurs, Marceline Desbordes-Valmore appuie la nature métatextuelle de ce moment du roman, en y faisant référence plus loin. Dans un passage où le groupe visite une femme ermite, qui n’a pour seule possession matérielle qu’un morceau de miroir, le page Élysée désire le lui voler. Ce à quoi Violette lui répond, pour incriminer sa conduire : « je frémirais d’arracher une fleur à l’infortuné qui aime les fleurs »39. Derrière cette phrase anodine d’apparence, se devine le souvenir d’Isolier qui, à ce moment du récit, est contraint d’embrasser une carrière d’ascète, n’ayant pour seul plaisir que la contemplation de ses violettes. La lecture métatextuelle que Violette a fait du parterre de fleurs, reprise par Isoler de façon extatique, devient ici un moyen d’accéder, par empathie, à la subjectivité de l’ermite. Aussi vrai qu’Isolier souffrirait de se voir privé de ses fleurs, la femme ermite souffrirait de se voir privée de son miroir. Cette lecture du réel va plus loin, et s’ancre dans une compréhension de la complexité des rapports sociaux. Déposséder de son seul bien « l’infortuné qui aime les fleurs » alors que l’on peut ne pas le faire, c’est agir contre le bien. Or celui qui agit de la sorte, c’est Élysée, dépeint tout le long du texte comme un espiègle courtisan qui, même s’il prend parti pour Marguerite, demeure parfaitement au fait de la vie de cour. En outre, par la lecture métatextuelle du signe de reconnaissance amoureuse – ici, le parterre de violettes – s’opère une saisie plus large des inégalités sociales, chère à la poétesse qui disait que le superflu était, « pour l’être sensible / tout ce que les pauvres n’ont pas »40.

 

 

La couleur dans Violette : une unité de sens

 

 

Le rapport aux couleurs déployé dans ce roman témoigne d’un plus large soin que Marceline Desbordes-Valmore apporte à la couleur dans ses textes. Le thème principal du roman, à savoir la remise en cause du mariage, en plus d’être explicitement développé dans le corps du texte, est rendu apparent par une dichotomie dans les couleurs.

 

Dans Violette se déploie un nuancier de couleurs qui participe tant à la beauté esthétique des nombreuses descriptions du roman, qu’à rendre d’autant plus apparents les contrastes qui émaillent le texte. Entre le faste de la cour et le dépouillement des landes béarnaises, entre la pâleur des conventions et la rougeur sincère des larmes émues, la couleur agit comme un liant qui, sur la toile blanche des pages du roman, associe les contraires dans un ensemble cohérent.

 

 

© Maxance Lardjane

 

 

Bibliographie

 

DESBORDES-VALMORE Marceline, Œuvre poétique, Lyon, Jacques André Éditeur, 2007 [édition scientifique établie par Marc Bertrand] – Violette [1839], Vincennes, Éditions Talents Hauts, tome I – Le métier de reine ; tome II – La grâce de l’exil, 2020.

DÉRIBÉRÉ Maurice, La Couleur, Paris, PUF coll. « Que Sais-je ? », 2014.

HANIN Lætitia, « Violette (1839) de Marceline Desbordes-Valmore : un roman sur le mariage », J’écris pourtant. Cahiers de Marceline Desbordes-Valmore, n°3, Douai, SEMDV (Société des Études Marceline Desbordes-Valmore), 2019.

 

 

Notes

 

1 Lætitia Hanin, « Violette (1839) de Marceline Desbordes-Valmore : un roman sur le mariage », J’écris pourtant n°3, Douai, SEMDV, 2019, p. 85-94.

2 Marceline Desbordes-Valmore, Violette [1839], Vincennes, Éditions Talents Hauts, 2020, t. I, p. 50. Référence désormais réduite à la tomaison, suivie du numéro de page correspondant (ici, « I 50 »).

3 Pour la symbolique des couleurs, voir Maurice Déribéré, La Couleur, Paris, PUF coll. « Que Sais-je ? », 2014, p. 87-95 ; C.A.U.E., « Symbolisme des 11 couleurs universelles », Fort-de-France (Martinique), 2020. Sauf précision contraire, les couleurs utilisées dans ce roman gardent leur signification classique.

4 I 41-42.

5 I 10 [citation extraite de la préface de Lætitia Hanin].

6 II 26.

7 II 94.

8 II 205.

9 II 206.

10 I 65.

11 I 129.

12 I 168.

13 Idem.

14 II 161.

15 II 228.

16 I 99.

17 I 64.

18 II 93.

19 I 230.

20 I 229.

21 II 240-247.

22 I 95.

23 I 52.

24 I 225.

25 I 209.

26 I 200.

27 I 30.

28 I 33.

29 II 4.

30 II 7-8.

31 Marceline Desbordes-Valmore, « L’église d’Arona », Œuvre poétique, Lyon, Jacques André Éditeur, 2007, p. 365.

32 II 67-70.

33 II 82.

34 II 83-85.

35 II 90-91.

36 II 85.

37 II 94.

38 II 97.

39 II 120.

40 Marceline Desbordes-Valmore, « L’enfant et le pauvre », op. cit., p. 320.

 

 

***

 

 

Pour citer cet article inédit

​​​​

© Maxance Lardjane (texte & images), « Violette de Marceline Desbordes-Valmore : un roman haut en couleurs. Marceline Desbordes-Valmore, romancière ? », Marceline Desbordes-Valmore | Revue annuelle, internationale, multilingue & poéféministe (poefeminist), « Les couleurs dans les œuvres des autrices Desbordes-Valmore », n°3, 2023-2024 & Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 15 | AUTOMNE 2023 « Poétiques automnales » & N° 15 | AUTOMNE 2023 « Poétiques automnales », volume 1, mis en ligne le 29 décembre 2023. URL :

http://www.pandesmuses.fr/periodiques/mdvno3/no15/mlardjane-violette

 

 

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Heures d'Isolier

 

 

 

 

 

 

Maxance Lardjane

 

Doctorant en deuxième année
LARSH - Département DeScripto

 

 

 

 

 

Crédit photo : Une fleur violette sous la pluie, image libre de droits, capture d'écran par LPpdm de la photographie libre de droits du site Commons.

 

 

 

 

C'est par ton nom écrit dans ces fleurs

Que je t'ai reconnue, ô mon âme

Femme au-dessus de toutes les femmes

Jamais oubliée... à contrecœur

 

 

C'est dans ce cloître où je t'ai louée

Que j'ai compris que vivre sans toi

C'était avant tout vivre sans moi :

Du cloître je me suis séparé !

 

 

C'est en courant vers ta belle couche

Que j'ai souri aux fruits de la vie !

Tout le chemin durant, ô ma mie,

J'ai rêvé du bonheur sur ta bouche

 

 

C'est en voyant ta beauté de morte

Gisant d'avoir souri de ma vue

Que j'ai pleuré contre tes bras nus,

Contre nos cœurs jamais aussi proches

 

 

C'est pendant ce grave enterrement

Où sont noircis les corps et les têtes,

Que je tiens ce panier de violettes

Arrachées par ma main de mon champ

 

 

C'est par un bond dans ta tombe ouverte

Que je vais vers ton corps qui se pâme

Et dans ma mort, embaumer nos âmes

Du parfum qui te nomme Violette

 

 

© Maxance Lardjane, le 31 octobre 2023 à 4h42, ce poème est inspiré du roman Violette de Marceline Desbordes-Valmore.

 

 

 

***

 

 

Pour citer ce poème lyrique d'amour, inédit & inspiré du roman Violette

​​​​

Maxance Lardjane, « Heures d'Isolier », Marceline Desbordes-Valmore | Revue annuelle, internationale, multilingue & poéféministe (poefeminist), « Les couleurs dans les œuvres des autrices Desbordes-Valmore », n°3, 2023-2024 & Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 15 | AUTOMNE 2023 « Poétiques automnales » & N° 15 | AUTOMNE 2023 « Poétiques automnales », volume 1, mis en ligne le 24 décembre 2023. URL :

http://www.pandesmuses.fr/periodiques/mdvno3/no15/mlardjane-heuresdisolier

 

 

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La couleur des lieux chez Marceline

 

Desbordes-Valmore : indice du lien entre

 

le paysage & les sensations ?

 

 

 

 

 

 

 

Owen Arderiu

 

Étudiant en 1ère année de

Master Recherche & Création Littéraire,

à l'Université Paris-Saclay

 

 

 

 

© Crédit photo : Portrait de Marceline Desbordes-Valmore par Michel-Martin Drolling, peinture tombée dans le domaine public, image fournie par l'auteur de l'article. 

 

 

Notice biographique sur la poétesse 

 

 

Marceline Desbordes-Valmore, née Desbordes, en 1786 à Douai est une poétesse française. Autrice de plusieurs recueils, tels que Élégies, Marie et Romances (1819), Élégies et Poésies nouvelles (1824), Les Pleurs (1833), Pauvres Fleurs (1839) ou encore Bouquets et prières (1843), elle publia également des recueils de contes.

 

Mère de nombreux enfants qui connaîtront une mort prématurée, et notamment d'Ondine Valmore, qui écrira aussi des poèmes, suivant les pas de sa mère. Seul Hippolyte Valmore (1820-1892) lui survivra. Des critiques expliqueront, d'ailleurs, la prépondérant de l'élégie dans son œuvre par le décès de ses proches : surnommée la « Notre-Dame-des-Pleurs » par Descaves, ou encore la « Mater dolorosa de la poésie » par Sainte-Beuve, sa poésie est, notamment – et à tort – considérée comme une poétique de la douleur.

 

Reconnue et acclamée de ses contemporains (comme notamment Baudelaire, Mallarmé, Descaves ou encore Sainte-Beuve), elle est couronnée par l'Académie Française, en 1857, pour la « moralité de ses écrits ». Une « explosion lyrique » pour les uns, « le plus grand esprit féminin de [leur] temps » pour les autres, ou encore une poétesse « protestataire » pour Aragon : la poésie de Desbordes-Valmore se décline en de nombreuses gammes, qui s'inspirent à la fois de l'intériorité et du monde. Marceline Desbordes-Valmore décède en 1859, à la suite d'un cancer. Plusieurs recueils seront publiés à titre posthume.

 

 

Article 

 

 

 

Le romantisme, dont Marceline Desbordes-Valmore pose les premiers jalons dès le début du XIXe siècle, ne met pas le paysage au second plan, mais lui attribue une réelle fonction poétique, sensible et sentimentale. Chateaubriand explique, dans le Génie du Christianisme1, que « [Les Grecs et les Latins] n'ont jamais représenté nuement, comme [les romantiques], les fleuves, les montagnes et les forêts ». Ainsi, le romantisme, et plus particulièrement la poésie romantique, a ramené le paysage au premier plan. Celui-ci se définit, selon le dictionnaire Larousse, comme « une étendue de pays que l’œil peut embrasser dans son entier ». Issu de païs (paesepais) par suffixation, le paysage comporte en lui-même une dualité notable. Michel Collot précise : « Il n'y a pas d'un côté le paysage ''réel'' et de l'autre sa ''figuration'' : le propre du paysage est de se présenter toujours-déjà comme une configuration du ''pays'' ».2 Autrement dit, il n'est pas le « pays lui-même », mais une « façon de le voir », et « ne réside jamais seulement in situ, mais toujours-déjà aussi in visu et/ou in arte ».3 Cette définition du paysage permet, dès lors, de le rapporter aux sensations et aux sentiments. Puisqu'il est toujours perçu et même conçu par l'artiste, et a fortiori, par le poète, le paysage est subjectif. Collot poursuit :

Le paysage ne saurait se réduire à un pur spectacle. Il s'offre également aux autres sens [que la vue], et concerne le sujet tout entier. Il ne se donne pas seulement à voir, mais à sentir et ressentir.4

Ainsi, la multiplicité des sensations suscite des émotions, et éveille des sentiments. En effet, le romantisme évoque notamment, et toujours selon Collot :


 

Les impressions, les émotions, les rêveries suscitées par des paysages aptes à frapper fortement la sensibilité et l'imagination […] [et peint des] sites sauvages dont l'attrait mêlé d'horreur, est contemporain de la montée en puissance d'une esthétique du sublime.5


 

Des poètes majeurs, tels que Du Bouchet, Bonnefoy ou Jacottet, et avant eux les poètes romantiques du XIXe siècle, ont fait du paysage un motif privilégié de la poésie. Marceline Desbordes-Valmore, poétesse à laquelle s'attachera notre réflexion, ne déroge pas à la mise au centre – bien plus qu'une remise au centre – du paysage, et lui donne une importance toute particulière. Pionnière du romantisme, par la force d'une poésie de l'intime, faisant résonner l'intériorité et son environnement, elle utilise la nature, et partant le paysage, pour dépeindre une réalité intérieure et subjective.

 

Ainsi, la nature et le paysage sont vecteurs de sentiments. Cette observation, quoique justifiée, pose néanmoins une question sous-jacente : par quels moyens les sentiments sont-ils transmis ? En effet, dans la poétique de Marceline Desbordes-Valmore – comme chez nombre de poètes et poétesses romantiques – lieux et paysages jouent un rôle prépondérant dans cette mécanique de transmission. Ne se limitant pas aux motifs constituants des lieux et paysages poétiques, la diffusion des sentiments et sensations semble pouvoir passer par les couleurs de ces mêmes espaces. Certes, les paysages offrent une multitudes de possibilités perceptives via les sens, mais la vue, et partant les couleurs, en sont, souvent, les principaux vecteurs6. Certains théoriciens des arts voyaient dans les couleurs le moyen de susciter des sentiments et des pensées, et a fortiori, de les exprimer. Charles Blanc écrivait :

 

Les couleurs et les formes sont, pour ainsi dire, les voyelles et les consonnes du silencieux langage que nous parle la création, et ces deux termes se réunissent dans la lumière, qui nous fait comprendre les formes et qui nous fait voir les couleurs, en donnant aux unes leur relief, aux autres leurs qualités et leurs nuances. […] Avant que le disque du soleil soit visible à l'horizon, l'aurore ouvre un écrin de couleurs […] de telle sorte que […] notre œil peut aller de la blancheur de l'aube au noir de la nuit, en passant par le jaune d'or, l'orangé, le vermillon, le pourpre, le violet et ce bleu sombre qui confine aux ténèbres. […] Ce n'est pas arbitrairement que nous trouvons de la gaieté dans la lumière, du mystère et de la mélancolie dans l'incertitude des ombres, de la tristesse dans la nuit.7


 

Les couleurs sont, alors, un langage à part entière, permettant de transmettre un message qui n'est pas véhiculé par d'autres moyens sémantiques, et linguistiques. De la même manière que nous pouvons parler d'un « langage des fleurs », nous pouvons parler d'un « langage des couleurs ». Et Michel Pastoureau d'expliquer :

 

La couleur se définit et s'étudie d'abord comme un fait de société. […] C'est la société qui « fait » la couleur, qui lui donne ses définitions et ses significations, […] qui la décline en de multiples codes et systèmes de valeurs.8


 

Leur perception est, de fait, régie par un imaginaire collectif, partagé entre chaque individu d'une société et d'une époque donnée : la langue. Celle-ci implique une manière de percevoir la réalité par un filtre collectif, social, un habitus pour reprendre la formulation bourdieusienne : autrement dit, il s'agit d'une « matrice de perception »9. Les couleurs, dont le champ interprétatif est contenu dans le langage, concourent alors à la perception du monde, et par extension, de la nature, du paysage. Nous trouvons ainsi un premier lien entre le lieu poétique et les couleurs. De la définition du paysage proposée par Collot découle une logique interprétative et subjective, qui donne « à sentir et ressentir » et, des définitions des couleurs énoncées par Blanc et Pastoureau, une dimension significative, profondément sociale, car partagée au sein d'un système de valeurs, de codes, qui pousse également à ressentir.

 

Dans son recueil Les Pleurs, paru en 1833, Marceline Desbordes-Valmore propose justement une relation entre sentiment et paysage. Ainsi, il est possible que les paysages soient décrits d'une manière spécifique, offrant une palette de couleurs, une gamme chromatique dont le choix permet, à son tour, une gamme de sensations et d'émotions dans l'imaginaire du lecteur. Pour rendre plus saillante notre analyse des couleurs permettant, par le concours des lieux, le développement d'émotions et de sensations, nous limiterons notre analyse à deux motifs topiques de la poésie, à savoir le locus amoenus, et le locus horribilis, dont le propre est l'évocation et la sensation : les sentiments y jouent un rôle central. En effet, la nature, et le paysage, au sein de ce recueil, sont souvent traités au moyen de ces deux topoï littéraires éprouvés. Il s'agira de considérer, d'identifier et d'expliquer la manière dont les couleurs, les paysages et les sensations sont liés, au sein de la poétique valmorienne.

 

Notre réflexion consistera en une analyse des loci poétiques traditionnels10 au sein des Pleurs de Desbordes-Valmore, prenant en compte le « paysage naturel », en considérant le rôle des couleurs dans son développement, et partant les sentiments, émotions et sensations que ces mêmes couleurs évoquent, mettant ainsi en relief un rapport « lieu-couleur-sensation ».

 

Dans le cadre de cette analyse, nous travaillerons les notions du locus amoenus et du locus horribilis, et utiliserons celle de couleur. Il convient de définir ces concepts plus précisément, cependant, afin d'éclaircir notre développement. La nature formant un facteur important et récurrent de notre argumentation, nous en donneront également une définition plus précise.

Ainsi, le locus amoenus, renvoie à un lieu naturel, mis en relation de sentiments positifs, de sécurité, de sérénité, de plénitude, voire d'amour. Lieu charmant, agréable, autrement dit amène, il est le plus souvent apparenté aux récits de la Genèse et au Jardin d'Eden. Cette description de la nature dérive du « discours judiciaire ([avec] l'argumentum a loco, qui vise à fonder ses preuves sur la nature-même du lieu où s'est déroulée l'action), et du discours épidictique ([en vantant] des lieux pour leur beauté) »11. Il s'agit de porter une attention particulière au lieu, et dès lors, le locus amoenus met en avant un paysage avec des caractéristiques précises, telles que des sources, la flore, des brises légères, des fleurs, ou encore le chant des oiseaux ; autant d'éléments qui ravissent l'âme du sujet qui s'y trouve.

Par ailleurs, la notion de locus horribilis (ou locus terribilis), qui forme son exact opposé, est définie par Marie-Anne Le Lannou, comme :

 

[Un] lieu isolé du monde, où un personnage se trouve seul en proie à une terreur profonde liée aux éléments qui l'entourent. Cet espace est généralement caractérisé par l'obscurité, un froid glacial ou au contraire une chaleur extrême, une végétation aride, et parfois par la présence d'une faune hostile.12


 

Rapporté aux enfers, c'est donc un lieu hostile qui traduit des sentiments négatifs, des sensations désagréables, et qui peut mener à la mort du sujet.

Ensuite, la notion de couleur, si simple puisse-t-elle paraître, nécessite d'être définie. En effet, Wittgenstein écrivait :

 

Si l'on nous demande : que signifient les mots rouge, jaune, bleu ou vert ? nous pouvons bien entendu montrer immédiatement des choses qui ont de telles couleursMais notre capacité à expliquer la signification de ces mots ne va pas plus loin.13

 

La couleur doit être effectivement considérée comme un motif difficile à définir, et dépendant du milieu intellectuel dans lequel on l'étudie. La définition du physicien ne sera pas la même que celle de l'historien. Ainsi, la couleur n'est pas seulement une matière ou une fraction de la lumière visible, mais peut-être surtout un phénomène perceptif :

Elle naît de la conjonction de trois éléments : une source de lumière, un objet sur lequel tombe cette lumière et un organe récepteur […] à la fois anatomique, physiologique et culturel, que forme le couple œil-cerveau.14

Nous considérerons, alors, la couleur comme un phénomène perceptif culturel au premier ordre, et de fait à la fois objectif, car ancré dans un système codifié de valeurs – l'imaginaire de la langue - et subjectif, du fait des messages transmis, et notamment sensationnels, émotifs, propres au lecteur.

 

Enfin, au sein de notre réflexion, la nature renverra à la fois à la flore dans sa plus vaste définition, qu'à la faune, ainsi qu'aux phénomènes météorologiques (en termes de précipitations), mais également aux phénomènes temporels (tels que la nuit et le jour), et nous y inclurons, en outre, les corps célestes et les astres. Autrement dit, il s'agira de l'« ensemble de la réalité matérielle considérée comme indépendante de l'activité et de l'histoire humaines »15.

 

 

I — « Présence effective » et « suggestion chromatique » : la place de la couleur chez Marceline Desbordes-Valmore


 

 

Le XIXe siècle apparaît comme un tournant dans le rapport au monde, et notamment en littérature. Les formes brèves de la littérature deviennent des fragments : il ne s'agit plus de livrer une totalité ou un ensemble unifié, mais bien plutôt de répondre à un sentiment d'éphémère. Ces fragments comprennent une notion de manque, omniprésente chez les romantiques, que nous retrouvons plus tard chez Baudelaire ou Mallarmé. Les mots deviennent des symboles d'un monde qu'on ne sait plus déchiffrer ; ils ne sont que les signes d'un silence impénétrable : ce vide invite à rêver. La suggestion, et l'imagination sont chez les romantiques, des dynamiques importantes, que nous trouvons, déjà dans une certaine mesure, chez Desbordes-Valmore. La notion de « suggestion chromatique » provient de ce manque de signifiant : évoquant plus qu'elle ne donne à voir, elle pousse à imaginer plus qu'elle ne représente. Jean-Louis Curtis, dans son introduction aux poèmes d'Edgar Allan Poe, écrivait :

 

[La poésie de Poe] vise à produire certains effets […]. Elle ne s'adresse pas à la part consciente du lecteur ou de l'auditeur, à son entendement ; elle veut d'abord impressionner ses sens, frapper son imagination et les zones obscures de sa sensibilité. Aussi éloignée que possible de la formulation rationnelle […] elle se veut, non point discursive, mais incantatoire.16

 

La notion de suggestion, chez Desbordes-Valmore, correspond, à plusieurs égards, à cette définition : elle évoque et fait imaginer les couleurs, en frappant la sensibilité, sans pour autant les désigner.

De là, il semble nécessaire de distinguer deux aspects de la couleur en littérature et, a fortiori, en poésie. En effet, la couleur peut être convoquée de plusieurs manières, et nous en retiendrons principalement deux : premièrement, la présence effective de la couleur, soit la couleur désignée précisément, nominativement. Nous trouvons notamment, dans « Les mots tristes » des vers tels que :

 

Le chemin lumineux qui ramène au soleil,

Pour partir en aveugle, en joie ! à tire-d'aile,

Et ne voir devant soi que l'horizon vermeil

 

La couleur est ici convoquée explicitement, de manière directe par le qualificatif épithète « vermeil ». L'horizon est, de fait, coloré dans des teintes orangées à rouges. La couleur subit alors un phénomène que nous désignerons comme « présence effective ».

 

Secondement, nous observons un phénomène plus subtil dans l'évocation de la couleur, à savoir une suggestion discrète, implicite, faisant appel à l'imagination du lecteur, fondée sur l'ensemble des codes de la langue, qui comprennent, dans les mots-mêmes, une couleur spécifique et communément admise. Ainsi, dans « Trois nocturnes » prenant place dans les Imitations de Moore, nous retrouvons une dynamique d'évocation, que nous désignerons comme « suggestion chromatique » :

 

Quand le soleil couchant sur les flots se balance

[…]

S'endorment sur les fleurs du gazon parfumé

 

Dans ces deux vers se déclinent trois gammes chromatiques distinctes qui, pourtant, ne sont pas désignées explicitement : une gamme de rouge-orangé, convoquée par le « soleil couchant », une gamme de bleu, implicitement contenue dans le substantif « les flots », et une gamme de vert, par le « gazon ». Ces termes disposent d'une qualité chromatique alors intrinsèque à leur signification.

 

Ainsi, la couleur répond à deux évocations distinctes : la présence effective et la suggestion chromatique. De là, il n'est pas nécessaire, pour faire poindre la couleur, de la désigner proprement, l'imaginaire de la langue pouvant, dans de nombreux cas, la sous-entendre. Cela renvoie, en fait, à la perception étymologique de la couleur. Du latin celare, qui signifie « cacher », « dissimuler » ou « envelopper », ou encore déjà en grec khrôma, dérivant du terme khrôs, la peau : la couleur est, de fait, une partie constituante des objets, des éléments et phénomènes du monde qui nous entoure, et désigner de tels phénomène signifie aussi, volontairement ou non, désigner les couleurs de ceux-ci. La couleur n'a, alors, pas besoin d'être désignée pour être présente, puisqu'elle est intrinsèque à nombre d'éléments. Cette observation est d'autant plus vérifiable lorsque nous considérons les éléments naturels : les blés feront poindre le jaune, la forêt du vert, la colombe du blanc, la nuit du noir, et ainsi pour presque chaque élément naturel. Cette suggestion chromatique provenant du système de codes induit par la langue, nous pouvons même avancer qu'il s'agit d'une intuition chromatique des locuteurs : l'imaginaire de la langue prend le relais lorsque les informations manquent. En conséquence, nous pourrons considérer les lieux comme étant, par cette évocation discrète, intégralement décrits chromatiquement, par les couleurs sous-entendues dans les substantifs, adjectifs et tout autre terme renvoyant, dans l'imaginaire collectif, à une couleur ou gamme de couleurs. La poésie de Marceline Desbordes-Valmore en regorge alors, puisqu'elle convoque, par le biais des lieux décrits et évoqués, les éléments naturels qui impliquent en eux-mêmes des motifs chromatiques admis par la langue.

 

 

II — Éléments topographiques et gammes chromatiques : une description intégrale des loci en faveur de l'évocation du sentiment

 

 

Partant de cette observation, les loci sont toujours intégralement décrits, y compris par des couleurs évoquées discrètement ou nominativement. Le paysage naturel a une place importante au sein de l'œuvre de Desbordes-Valmore ; elle met en relation le paysage et plus largement la nature, avec les sentiments, et use par ailleurs du topos du locus amoenus dans plusieurs pièces. Elle met donc en relation un paysage accueillant, agréable, et des sentiments qui s'y accordent, et plus précisément l'amour et la plénitude, tout en prenant soin d'évoquer des couleurs correspondant à la fois au lieu et aux sensations provoquées : ainsi ces lieux amènes proposent un rapport « lieu-couleur-sensation ». Tout d'abord, nous pouvons noter que les éléments topographiques du locus amoenus sont présents, par exemple dans le poème « La vie et la mort du ramier ». Le motif de la source apparaît dans un cadre champêtre propice à la formation de ce topos :

 

De la colombe au bois c'est le ramier fidèle ;

S'il vole sans repos, c'est qu'il vole auprès d'elle ;

Il ne peut s'appuyer qu'au nid de ses amours,

Car des ailes de feu l'y réchauffent toujours !

[…]

Ils ne veulent à deux qu'un peu d'air, un peu d'ombre ;

Une place au ruisseau qui rafraîchit le cœur ;

Seuls, entre ciel et terre, un nid suave et sombre,

Pour s'entre-aider à vivre, ou cacher leur bonheur !

 

D'abord, nous voyons que le « ruisseau » et l'« ombre » suggèrent un cadre champêtre ; renforcé par la mention du « nid », qui se retrouve alors dans les arbres. Par ailleurs, et comme le montre le vers 1, le poème met en scène deux oiseaux, la « colombe » et le « ramier » (qui désigne la palombe), ce qui correspond à un motif supplémentaire du locus amoenus. Par ailleurs, ces mêmes oiseaux permettent de développer le sentiment amoureux au sein du poème, et de fait, de compléter le traitement du locus amoenus. En effet, le ramier tout comme la colombe sont des animaux monogames et partant fidèles. Le choix de ces oiseaux est donc volontaire. Nous citons : « N'allez pas croire au moins que l'un des deux soit volage ; / Bien qu'ils aiment toujours, ils n'aiment qu'une fois ! » (v. 15 et 16). La double mention du verbe « aimer », ainsi que la négation de l'attribut « volage », rend explicite la référence à l'amour, suggérée dès le début du poème. Par ailleurs, non seulement le sentiment amoureux est mis en scène dans une nature bucolique, mais il est aussi porté par la nature elle-même, par les oiseaux. Bien qu'il n'y ait pas de sujet humain pour illustrer pleinement le locus amoenus, nous retrouvons ici toutes ses caractéristiques ou presque : Marceline Desbordes-Valmore use donc de ce topos, pour mettre en relation la nature et les sentiments. Par ces différents éléments, Desbordes-Valmore propose une poétique du lieu traditionnelle, et mettant en perspective les sentiments et le paysage. Baudelaire écrivait justement à ce sujet :

 

Je me suis toujours plu à chercher dans la nature extérieure et visible des exemples et des métaphores qui servissent à caractériser les jouissances et les impressions d'un ordre spirituel. Je rêve à ce que me faisait éprouver la poésie de Mme Valmore […]. Cette poésie m'apparaît comme un jardin […]. C'est un simple jardin anglais, romantique et romanesque. Des massifs de fleurs y représentent les abondantes expressions du sentiment.17

 

Ainsi, il apparaît que la nature valmorienne est liée profondément aux sentiments, et en l'occurrence, au sentiment amoureux, et ce lien est également perçu par ses contemporains. La notion de locus amoenus vient alors corroborer ce rapprochement. La couleur y joue, également, un rôle important. La colombe, nous l'avons dit, renvoie dans l'imaginaire collectif, au blanc ; or le blanc renvoie à la pureté, à la paix, et de fait, est propice à l'harmonie et à l'amour qui sont ici convoqués par le locus amoenus. Michel Pastoureau écrit18 :

 

Dans notre imaginaire, nous associons spontanément le blanc à […] la pureté et [l'innocence]. […] Sans doute parce qu'il est relativement plus facile de faire quelque chose d'uniforme, d'homogène, de pur avec du blanc

 

De fait, le blanc est à rapprocher de cette idée de pureté, d'harmonie, et la colombe, par allégorie, renvoie précisément à cela, par l'intuition chromatique dont nous disposons en tant que locuteurs, et lecteurs. De la même manière, le « bois », à comprendre dans le sens de forêt, renvoie, quant à lui, au vert, qui était considéré, par Goethe, comme une couleur apaisante. Bien qu'il soit historiquement associé à l'instabilité, le vert semble, dans certains cas, être positif. Baudelaire écrira, dans « Moesta et Errabunda »19 :

 

Mais le vert paradis des amours enfantines,

L'innocent paradis, plein de plaisirs furtifs

 

Le vert est associé, de manière historique, à la fortune, la chance, et de fait, à l'espoir, et les vers de Baudelaire vont dans ce sens : le vert semble convoquer l'espoir de l'éternité des amours enfantines – idée d'ailleurs renforcée par la notion de paradis. Nous pouvons trouver une connotation positive dans cette couleur, justifiant son usage dans le locus amoenus, et son évocation chez Marceline Desbordes-Valmore. S'il peut signifier l'espoir, le vert renforce d'autant les sensations positives du lieu.

Le locus amoenus apparaît donc, chez Desbordes-Valmore, de manière traditionnelle, liant la nature et des sentiments positifs, tout en évoquant des couleurs spécifiques et a dès lors une place importante dans le traitement valmorien des paysages et des lieux. La poétesse met donc en perspective ces trois éléments au sein de sa poésie, qui deviennent parties prenantes de son esthétique. Nous trouvons un rapport « lieu-couleur-sensation » qui semble s'auto-renforcer. La nature, par l'absence de trouble, permet des sensations positives, et les couleurs rendent davantage palpable le lieu décrit, par leur évocation explicite ou implicite. Celles-ci deviennent, en fait, un indice important du lien entre paysage et sensation : la présence des couleurs complète la description du lieu, et ce dernier se voit renforcé, plus vivant, et de fait plus propre à évoquer des sensations, ici positives.

Par ailleurs, le locus amoenus n'est pas la seule forme topique du lieu que Desbordes-Valmore convoque : le locus horribilis apparaît aussi à plusieurs reprises dans son recueil. Elle propose plusieurs pièces au sein desquelles la nature évoque des sentiments négatifs, en devenant presque hostile. Nous pouvons trouver, dans « Détachement », un lieu chargé de descriptions tendant vers l'hostilité. D'abord, la temporalité nocturne plonge le sujet lyrique au sein de l'obscurité. Nous trouvons, dès le second vers : « change en affreuses nuits », un cadre qui se précise, avec l'épithète « affreuses », traduisant immédiatement le rapport néfaste entre la nuit et le sujet lyrique. L'obscurité est redoublée, au vers 8 avec l'« ombre ». Par suggestion chromatique, la couleur dominante est alors le noir, couleur associée à la mort, au deuil, ou au malheur en général. Renvoyant au néant dans la majeure partie des cultures occidentales, dès la Grèce antique, avec Erèbe, personnification de l'obscurité et des ténèbres, jusque dans le christianisme, avec le néant de la Genèse : « Terra autem erat inanis & uacua & tenebra erant super faciem abyssi & spiritus Dei ferebatur super aquas. Dixitque Deus : Fiat lux et lux facta est »20, par cette seule phrase, Dieu créa la lumière, et annihila les ténèbres, le chaos, le néant. Dans de nombreuses cultures, l'obscurité et l'ombre, sont alors associées au malheur et partant, l'imaginaire de la langue l'y associe également. Par ailleurs, cette notion est exprimée à la fin du poème :

 

Sur un bonheur lointain qu'on a longtemps cherché,

Créé pour nous peut-être ! et qu'indigne d'atteindre,

On voit comme un rayon trembler, fuir... et s'éteindre.

 

Le bonheur, perçu comme s'éteignant au sein d'une comparaison à la lumière vacillante (« comme un rayon trembler »), suggère la présence du malheur par l'absence de lumière. De même, la temporalité nocturne est explicitement mise en relation d'aspects négatifs dès les premiers vers : « Il est des maux sans noms, dont la morne amertume / Change en affreuses nuits nos jours qu'elle consume ». La nuit est provoquée par des sentiments désagréables, qui permettent au locus horribilis de s'ancrer. La couleur noire, suggérée par « l'ombre » et la « nuit », vient renforcer la description du locus horribilis et permet le rapprochement avec des sentiments négatifs. Nous noterons aussi la présence d'éléments naturels traditionnellement associés au malheur, tels que « l'orage » (v. 6), mis en relation avec « naufrage » (v. 5), par la rime en /ʁaʒ/, apportant une dimension négative supplémentaire. De plus, la scène proposée par ces deux vers (« On ne se souvient pas, perdu dans le naufrage, / De quel astre inclément s'est échappé l'orage »), sous-entend un cadre menaçant, comme des récifs, notamment par la mention du « naufrage ». Le locus horribilis semble donc se développer de manière traditionnelle, dans la mesure où la nature est mise en relation de sentiments négatifs, et caractérisée par son obscurité. La mort est même comprise dans ce poème, au vers 11 : « C'est quand on sent mourir son regard attaché », achevant de compléter le tableau d'un lieu hostile, à la fois au sujet lyrique, et au bonheur – et même à l'amour, comme le montre le chiasme au vers 10 : « C'est quand on n'aime plus, que plus rien ne nous aime », qui permet d'insister sur la néantisation du sentiment amoureux, au sein d'une nature-cadre hostile. La couleur, ou plutôt son absence, par la prédominance du noir et de l'obscurité, permet ici le renforcement du rapport entre paysage et sensation.

 

L'idée d'un rapport « lieu-couleur-sensation » est alors à considérer : la couleur sert d'étoffe au paysage et joue un rôle actif dans sa construction. Le rôle de la couleur ne semble pas s'arrêter là pour autant : elle évoque aussi, et peut-être surtout, des sentiments et sensations qui semblent intrinsèques à la couleur21. La notion de couleurs dites chaudes (rouge, jaune, orange) et froides (bleu, violet) participe à cette association collective22. Les premières seront généralement associées à des sensations agréables, à des lieux propices au plaisir, ou au moins propices à la tranquillité, tandis que les secondes seront associées à des sensations désagréables, et à des lieux s'y accordant.

 

Le locus horribilis, à l'instar du locus amoenus, occupe une place de choix au sein des lieux poétiques des Pleurs de Marceline Desbordes-Valmore et toujours se rapportant à la mort. Nature hostile résonnant avec l'insécurité du sujet lyrique, ce topos est dès lors présenté traditionnellement, notamment par la description d'une nature déchaînée et inquiétante23. Le traitement valmorien de la nature, cependant, ne s'arrête pas à la présence de ces deux topoï, mais implique des palettes de couleurs qui permettent un renforcement des sensations, par la notion de suggestion. Ces deux motifs, les lieux et les couleurs, sont donc profondément liés dans la sensation, et semblent indissociables.

 

 

 

III — Un rapport « lieu-couleur-sensation » indissociable ?

 

 

Nous voyons que le lieu et la couleur forment un ensemble cohérent qui concourt à la création de sentiments, positifs ou négatifs, dépendant à la fois du lieu décrit et des couleurs convoquées. Mais cet ensemble est-il indissociable ? La couleur et le lieu sont-ils toujours joints dans les descriptions du locus amoenus et du locus horribilis ?

D'abord, la couleur, si elle est importante, ne prime néanmoins pas sur la force évocatrice des loci, en effet, la dynamique de suggestion chromatique n'est valable que dans un ensemble de codes partagés, dépendant de fait d'un système commun, la langue, partagé au sein d'une culture et d'une époque. Michel Pastoureau l'explique24 :

 

L'historien doit toujours se souvenir que le relativisme culturel concernant la perception, la nomination et l'utilisation sociale ou symbolique de la couleur s'inscrit dans le temps, qu'il a aussi une histoire et que celle-ci n'est pas une histoire immobile. […] le spectre ne doit être envisagé que comme un système symbolique parmi d'autres systèmes symboliques

 

Toute traduction du texte dans un autre système linguistique ne comportant pas le même ensemble de codes rendrait les descriptions chromatiques caduques, néanmoins, les topoï seraient toujours présents en tant que lieux en rapport avec des sentiments positifs ou négatifs. Dans ce premier cas, la couleur apparaît davantage comme un renforcement topique, une étoffe de la description topographique, et de fait, un parachèvement des loci, plus qu'une condition sine qua non de l'évocation sentimentale. Le rapport « lieu-couleur-sensation », s'il est effectivement présent et utilisé par Marceline Desbordes-Valmore, est néanmoins relatif à notre système langagier : le français.

 

Toutefois, le relativisme culturel est à considérer avec du recul : si les couleurs jouent un rôle différent en fonction du contexte linguistique, historique, géographique et culturel dans lequel on les positionne, elles ont néanmoins une place prépondérante dans la poésie originale de Desbordes-Valmore. En effet, nous l'avons vu, la plupart des éléments naturels comprennent en eux-mêmes les couleurs qu'elle convoque, et Desbordes-Valmore désigne régulièrement d'autres couleurs de manière explicite. Dans ce second cas, dans les textes originaux, ce rapport « lieu-couleur-sensation » est indissociable. Non seulement la couleur est-elle une étoffe de la description, mais elle est surtout un élément actif de la transmission des sentiments. En d'autres termes, le paysage, comme l'explique Collot, se donne à ressentir par l'intégralité de nos sens, et non pas seulement par la vue, il n'est pas un « pur spectacle » visuel, mais un théâtre complet, à la fois visuel, olfactif, tactile, gustatif et auditif, offrant donc un rapport « lieu-sensation ». Néanmoins, la vue, et nous l'avons dit, est le principal élément de cette transmission : de là, la couleur est un agent actif de cette transmission, notamment chez Desbordes-Valmore, et offre un rapport plus complet : un rapport « lieu-couleur-sensation ».

 

​​​​​​

Bibliographie

 

Sur la notion de paysage :

 

Francois-René DE CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, [1801], Deuxième partie, Livre IV, Chapitre 1, « Que la mythologie rapetisse la nature », Paris, Garnier-Flammarion, 1996, p. 313 et suivantes.

Michel COLLOT, Paysage et poésie du romantisme à nos jours, Paris, José Corti, 2005, p. 12.

 

Sur la couleur :

Charles BLANC, L'art dans la parure et dans le vêtement (1875), Paris, Henri Loones, 1882, pp. 18-19.

Michel PASTOUREAU, Jaune. Histoire d'une couleur, Paris, Points, 2019, p. 13 ; Le Petit Livre des Couleurs (2005), Paris Points, 2014, p.49 ; « Une Histoire Des Couleurs Est-Elle Possible? », in Ethnologie Française, vol. 20, n°4, 1990, p. 371.

Pierre BOURDIEU, Esquisse d'une théorie de la pratique (1972), Paris, Seuil, 2000, p. 262.

Ludwig WITTGENSTEIN, Bemerkungen über die Farben, Francfort-sur-le-Main, 1979, 1, 68.

 

Sur le locus amoenus :

 

Jean-Michel ADAM, « Locus amoenus », in « DESCRIPTION », Encyclopaedia Universalis [en ligne], consulté le 14 novembre 2022, URL : http://www.universalis-edu.com.ressources-electroniques.univ-lille.fr/encyclopedie/description

Charles BAUDELAIRE, L'Art Romantique, Livre III, Réflexions sur quelques uns de mes contemporains, Partie III, « Marceline Desbordes-Valmore », [1868], Paris, Gallimar, éd. de la Pléiade, p. 1098.

 

Sur le locus horribilis :

 

Marie-Anne LE LANNOU, « Locus terribilis, terreur et conversion », 2020 [en ligne], L'actualité Nouvelle-Aquitaine, Espace Mendès-France. URL : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02868688

 

Sur la notion de suggestion :

 

Edgar ALLAN POE, Poèmes, Paris, Gallimar, 1982, préface de Jean-Louis Curtis, p. 10.

 

Sur l'itinéraire biographique de Marceline Desbordes-Valmore :

 

Marceline DESBORDES-VALMORE, Œuvre poétique, Lyon, Jacques André Éditeur, 2007, avant-propos de Marc Bertrand, p. 14, et chronologie p. 25-26.

 

 

Notes

 

1 Franco-suisse DE CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, [1801], Deuxième partie, Livre IV, Chapitre 1, « Que la mythologie rapetisse la nature », Paris, Garnier-Flammarion, 1996, p. 313 et suivantes.

2 Michel COLLOT, Paysage et poésie du romantisme à nos jours, Paris, José Corti, 2005, p. 12.

3 Ibid., p. 12.

4 Ibid., p. 14.

5 Ibid., p. 22.

6 Comme lorsque nous observons le tableau d'un paysage : les sentiments sont transmis par la vue uniquement, bien qu'il s'agisse d'une perception de l'artiste lui-même à l'origine.

7 Charles BLANC, L'art dans la parure et dans le vêtement (1875), Paris, Henri Loones, 1882, pp. 18-19.

8 Michel PASTOUREAU, Jaune. Histoire d'une couleur, Paris, Points, 2019, p. 13.

9 Pierre BOURDIEU, Esquisse d'une théorie de la pratique (1972), Paris, Seuil, 2000, p. 262.

10Le terme de loci, dans le cadre de cette réflexion, renverra précisément au locus amoenus et/ou au locus horribilis.

11 Jean-Michel ADAM, « Locus amoenus », in « DESCRIPTION », Encyclopaedia Universalis [en ligne], URL : http://www.universalis-edu.com.ressources-electroniques.univ-lille.fr/encyclopedie/description

12 Marie-Anne LE LANNOU, « Locus terribilis, terreur et conversion », 2020 [en ligne], L'actualité Nouvelle-Aquitaine, Espace Mendès-France. URL : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02868688

13 Ludwig WITTGENSTEIN, Bemerkungen über die Farben, Francfort-sur-le-Main, 1979, 1, 68.

14 Michel PASTOUREAU, ibid. p. 12.

15 Selon la définition que donne le Trésor de la Langue Française informatisé (TLFi) du substantif « nature ».

16 Edgar ALLAN POE, Poèmes, Paris, Gallimard, 1982, préface de Jean-Louis CurtisCurtis, p.. 10.

17 Charles BAUDELAIRE, L'Art Romantique, Livre III, Réflexions sur quelques uns de mes contemporains, Partie III, « Marceline Desbordes-Valmore », [1868], Paris, Gallimard, éd. de la Pléiade, p. 1098.

18 Michel PASTOUREAU, Le Petit Livre des Couleurs (2005), Paris Points, 2014, p.49.

19 Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal (1857), Paris, Garnier-Flammarion, 1964, p. 86-87.

20 Genèse, 1:2-1:3 : « La Terre était informe et vide, et il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. Et Dieu dit : que la lumière soit, et la lumière fut. »

21Voir, pour cela, les travaux complets de Michel Pastoureau, dans sa série d'ouvrages d'histoire culturelle et sociale sur les couleurs – noir, rouge, bleu, jaune, vert et blanc.

22 Quoique critiquée dans les domaines scientifiques et artistiques, cette notion n'en reste pas moins commune et admise dans l'imaginaire collectif.

23 Voir par exemple le tableau « Paysage. Le Torrent », de Jacob van RUISDAEL (1660-1670), représentant des torrents en forêt, qui peut alors renvoyer à une image « pré-romantique » de la nature, par des cascades violentes, aux tons sombres, rappelant la violence de la nature déchaînée.

24 Michel PASTOUREAU, « Une Histoire Des Couleurs Est-Elle Possible ? », in Ethnologie Française, vol. 20, n°4, 1990, p. 371.

Notice biographique du rédacteur de l'article :

Né le 24 août 2002, Owen ARDERIU, est étudiant en première année de Master Recherche et Création Littéraire, à l'Université Paris-Saclay. Après avoir suivi une Licence Humanités, spécialité Lettres Modernes à l'Université de Lille, il s'est engagé en recherche littéraire, et envisage de poursuivre ses études sur le long terme. Ses travaux de mémoire portent sur les lieux poétiques, les lieux topiques et leurs dégradations au sein de l’œuvre poétique de Marceline Desbordes-Valmore, en questionnant une nouvelle forme des lieux chez la poétesse. 

Son intérêt pour la poésie de Marceline Desbordes-Valmore n'a pas été immédiat. Loin d'une passion de longue date, il a découvert son œuvre à l'occasion de son premier travail de recherche, lors de sa deuxième année de Licence, souhaitant travailler sur la poésie romantique, qui, elle, faisait partie de ses premières lectures autonomes. C'est en cherchant une poétesse pouvant être comparée à Baudelaire, dans le cadre d'une étude de la perception de la nature en fonction du genre des autrices et auteurs, qu'il a lu pour la première fois Les Pleurs. Et qu'il ne cesse, depuis, de les relire. Ces textes l'ont retenu dans la force de l'intimité qu'ils créent, et l'ont poussé à les étudier.

 

***

 

 

Pour citer cet article inédit

​​​​

Owen Arderiu, « La couleur des lieux chez Marceline Desbordes-Valmore : indice du lien entre le paysage et les sensations ? », Marceline Desbordes-Valmore | Revue annuelle, internationale, multilingue & poéféministe (poefeminist), « Les couleurs dans les œuvres des autrices Desbordes-Valmore », n°3, 2023-2024 & Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 15 | AUTOMNE 2023 « Poétiques automnales » & N° 15 | AUTOMNE 2023 « Poétiques automnales », volume 1, mis en ligne le 16 décembre 2023. URL :

http://www.pandesmuses.fr/periodiques/mdvno3/no15/arderiu-couleurdeslieux

 

 

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