Megalesia 2020 | Revue des éditrices & éditeurs/Les métiers du livre
De l’engagement
à la base de la
traduction

Crédit photo : Image de livres anciens dans une bibliothèque, domaine public, Wikimedia.
La littérature traduite représentant 18% de la production éditoriale et 22% de parts de marché en France, on ne saurait nier le rôle considérable que joue le traducteur dans la propagation du savoir, ce qui prouve l’engouement des lecteurs pour les livres traduits ou la culture de l’autre. Donc la traduction donne une visibilité sur la littérature mondiale.
Le traducteur est un auteur à part entière. En matière éditoriale sa traduction suit le même parcours que l’œuvre publiée dans la langue d’origine car traduire c’est réécrire. Après la signature du contrat, il perçoit un à-valoir qui est fonction du volume (le nombre réel de feuillets ou de tranche informatique), de la difficulté du texte à traduire, de l’expérience et de la notoriété du traducteur. Il a un délai à respecter, c’est-à-dire le temps imparti pour terminer la traduction et qui est mentionné dans le contrat.
L’acceptation de la traduction entraîne le versement du solde de l’à-valoir.
S’il est amené à faire des choix particuliers il doit le signaler à l’éditeur. Le livre une fois publié, ce dernier l’honore du nombre d’exemplaires fixé dans le contrat. Son nom doit être mentionné en première ou en quatrième de couverture ainsi qu’à la page intérieure où figure le titre de l’ouvrage.
L’éditeur rend compte au traducteur de l’exploitation de l’ouvrage en lui adressant un relevé de comptes annuels.
Les revenus du traducteur : 18€ le feuillet papier de 25 lignes par 60 signes. La SOFIA, Société Française des Intérêts des Auteurs de l’écrit, créée en 1999 sous l’impulsion de la Société des Gens de Lettres à laquelle s’est ralliée le Syndicat national (SNE) compte 6000 auteurs et 200 éditeurs qui constituent 80% du chiffre d’affaires de l’édition française.
La SOFIA perçoit d’une part des libraires 6% du prix hors taxe des livres achetés par les bibliothèques et d’autre part de l’Etat 1,50€ par inscrit en bibliothèque publique et 1€ en bibliothèque universitaire par personne inscrite. À cela s’ajoute la perception des droits de la SOFIA sur les copies privées numériques qu’elle redistribue aux auteurs et éditeurs.
Le traducteur peut bénéficier du Centre National du Livre d’une aide plafonnée à 7000€ pour un traducteur français et 2000€ pour un traducteur dont la durée de séjour va de un à trois mois et exceptionnellement jusqu’à six mois. Chaque année le CNL dispose d’un budget annuel de 3, 5 millions d’aide à la traduction d’ouvrages français en langue étrangère et l’inverse.
Le statut social du traducteur est géré par l’AGESSA (l’Association pour la gestion de la Sécurité sociale des auteurs), créée le 1er janvier 1978, elle s’occupe de la protection sociale du traducteur soumis au régime social des auteurs. Un prélèvement appelé « précompte », représentant moins de 10% des droits d’auteur est effectué par le diffuseur/éditeur sur ces derniers par l’éditeur.
L’affiliation à l’AGESSA n’est pas automatique même si l’on est soumis au « précompte », il faut que les droits d’auteurs soient supérieurs à 900 fois le taux horaire du salaire de base (le SMIC).
Les traducteurs littéraires à l’instar des écrivains sont tenus de cotiser. Deux versements sont possibles entre mai et octobre. Le régime de retraite complémentaire ou l’IRCEC comprend cinq classes de cotisation au choix.
Le traducteur est soumis également au code de déontologie édicté par l’ATLF (Association des Traducteurs de langue française).
Pour s’engager dans la traduction il est impératif de maîtriser sa langue maternelle et de bien connaître les subtilités de la langue à traduire et par extension connaître les us et coutumes du peuple possesseur de la langue en question afin de pouvoir mieux connaître la corrélation et la différenciation existant entre les deux modes de pensée et d’expression en présence.
La traduction d’un texte poétique requiert au traducteur d’être poète car le ressenti par rapport à un texte poétique n’est pas équivalent chez un non-poète et un poète donc être poète constitue une garantie pour la réussite de la traduction d’un texte poétique.
Traduire c’est l’art de transposer la pensée intellectuelle d’un individu dans un nouveau circuit intellectuel et culturel afin de la rendre compréhensible dans une autre langue sans pour autant verser dans la littéralité, le mot à mot ou la traduction brute comme le ferait un interprète.
Du point de vue qualitatif, la traduction étant une œuvre de re-création, le traducteur peut même s’accorder une certaine liberté afin de ne pas verser dans la platitude et l’insipidité. Cette liberté du traducteur constitue-t-elle une entorse à la fidélité du texte d’origine ? Pas forcément puisque les particularités linguistiques des deux langues peuvent contraindre le traducteur à faire des écarts d’autant qu’il n’est pas toujours aisé de restituer exactement l’idée qui se dégage d’une expression idiomatique ou régionale ou qui relève d’une licence intellectuelle de l’auteur.
Et l’on ne peut pas se targuer de respecter à cent pour cent le génie de la langue. De ce fait, la traduction est un métier exigeant et contraignant qui sollicite de la part du traducteur de la perspicacité, du bon sens, en ce qui concerne la justesse des mots en matière de contextualité.
Traduire est aussi une question de goût et d’affinité, cela dit, on est mieux porté à traduire un texte avec lequel on se sent en harmonie pour ne pas dire en osmose et c’est encore plus facile de traduire un auteur avec lequel on est en relation même s’il ne connaît pas votre langue maternelle. En clair, il peut exister une confrontation intellectuelle entre les deux protagonistes sur certains aspects du texte qui mériteraient d’êtres élucidés, donc la relation de proximité ou de confiance facilite davantage la traduction qui devient le fruit d’un accord parfait.
Mais qui n’a jamais commis d’infidélité ? La traduction est avant tout un travail intellectuel dont le degré de perfection n’est pas algorithmique. Cela dit, il est bien plus facile pour le traducteur de traduire dans une langue qui a le même tronc, la même racine que sa langue maternelle.
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Pour citer ce texte
Maggy de Coster, « De l’engagement à la base de la traduction », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Megalesia 2020, mis en ligne le 5 mai 2020. Url : http://www.pandesmuses.fr/megalesia20/engagement-traduction
Mise en page par David Simon
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