Megalesia 2020 | Essais ou manifestes
Collectif féministe invité de Megalesia
Manifeste

© Crédit photo : Le visuel actuel pour le Collectif Mille et Une Queer, image utilisée pour les réseaux sociaux.
Janvier 2020
C'est avec une immense fierté et une grande joie que nous lançons le collectif "Mille et une Queer"1
QUI SOMMES-NOUS ?
"Mille et une Queer" est un collectif féministe qui réunit des personnes LGBTQI+ issues de l'immigration "arabe" ou perçues comme telles2.
Nous défendons un féminisme intersectionnel et pro-choix.
Intersectionnel car lorsqu’on est une fxmme3 arabe, noire, asiatique ou rom, qu’on est aussi lesbienne ou bisexuelle, qu’on vit dans un quartier populaire… les dominations subies peuvent s'accumuler et peser sur notre bien-être, notre santé et notre liberté.
Pro-choix, car nos corps nous appartiennent. Sexualité, avortement, contraception, foulard, mini-jupe, style butch, refus de l'épilation… Nous revendiquons le droit imprescriptible de chaque femme à disposer seule et librement de son corps.
D’où, et de qui que viennent les injonctions, « Marie-toi avec un homme », « mets ou retire le voile », « sois une bonne beurette », « défrise-toi les cheveux »… Il s’agit toujours, de contrôler notre identité, notre corps, notre sexualité, comme s’ils ne nous appartenaient pas.
NOS OBJECTIFS ?
Sortir de l’invisibilité, donner de la fierté à nos identités multiples !
En l’absence totale de visibilité et de modèle positif pour les fxmmes Queer de l’immigration, souvent issues des quartiers populaires, construire son identité est un combat au quotidien.
Nous voulons rendre visibles nos parcours, nos histoires de vie, nos récits et redonner de la fierté à nos identités multiples qui sont une richesse.
Nous souhaitons que notre collectif soit un espace d'accueil en sécurité et de confiance pour toute.s celles.eux qui s'y reconnaîtront.
Nous appelons à l'empowerment des fxmmes Queer issues de l'immigration.
Pour un combat véritablement intersectionnel !
Nous lançons un appel pour que la défense des personnes LGBTQI+ soit pleinement intégrée aux luttes féministes, contre le racisme, l'islamophobie et les inégalités dans les quartiers populaires. La convergence des luttes est nécessaire pour un combat véritablement intersectionnel.
NOS LUTTES
Dans nos fiertés, pas de racisme, ni d'islamophobie !
Nous combattons l’homonationalisme4 parce que les LGBTQI+ phobies ne sont l'apanage ni des habitant·e·s des quartiers populaires, ni des personnes issues de l'immigration, ni des musulman.e.s. En témoignent —entre autres — les cortèges de la manif pour tous, quasi exclusivement blancs et issus de milieux privilégiés. Par ailleurs, les lois qui pénalisent l'homosexualité, notamment au Maghreb, sont souvent l'héritage de la colonisation occidentale.
Nous combattons avec la même vigueur et sans les hiérarchiser toutes les LGBT phobies, d'où qu'elles viennent.
Nous dénonçons le fémonationalisme5. Le patriarcat est universel.
On voudrait faire croire que l’Islam et les civilisations « arabes » ont inventé le patriarcat. On voudrait faire croire que les violences faites aux femmes sont l’apanage des « autres ». Les sciences sociales ont démontré que la domination masculine est un fait constant dans l'histoire de l'humanité. Le sexisme, la misogynie et la violence sévissent dans la plupart des civilisations humaines et tuent des fxmmes partout dans le monde.
Que ces violences émanent de nos familles, nos quartiers, de milieux blancs et bourgeois, du cinéma ou du monde politique, nous les dénoncerons toujours et avec la même vigueur.
Islamophobie : le nouveau visage du racisme anti-arabe
L'islamophobie n'est qu'un visage plus "acceptable" d'un racisme profond et très ancien envers la communauté maghrébine et moyen-orientale.
Il est en effet plus facile d'essentialiser la religion musulmane comme étant intrinsèquement violente, misogyne, sexiste que de déconstruire le patriarcat qui intoxique nos sociétés.
L'écrasante majorité des religions (Judaïsme, Christianisme, Islam, Bouddhisme....) est empreinte du patriarcat, du sexisme et de la violence des sociétés dans lesquelles elles se sont développées, ayant été de surcroît largement interprétées par… des hommes.
Dans la plupart de ces traditions, un travail d’interprétation est en cours, souvent réalisé par les croyant.e.s afin de débarrasser ces spiritualités de ces maux et mettre en valeur ce qui permet de bâtir une société plus juste, inclusive et porteuse de paix entre les peuples.
Par ailleurs, les violences à l’égard des fxmmes n’ont pas disparu avec la sécularisation des sociétés.
Non à l'instrumentalisation de la laïcité pour stigmatiser les musulmans
La libre expression des opinions religieuses, lorsqu’elle ne porte pas atteinte à l’ordre public, est fondée sur un droit fondamental reconnu par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et garantie par les textes internationaux, comme la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (1950). Nous nous opposons à toute forme d’instrumentalisation de la laïcité pour stigmatiser la communauté musulmane.
Ni Shérazade, ni soumise, ni "beurette" des pornos !
Être une fxmme queer arabe ou perçue comme arabe, c’est aussi se heurter à un double fantasme sexuel. Si dans Google, depuis un an, le terme « lesbienne » ne renvoie plus automatiquement à du contenu sexuel, le mot-clé « beurette » reste le plus recherché en France sur les sites porno, héritage d'une mentalité coloniale. Il y a là l'érotisation d'une domination double : "la femme" et "la femme colonisée". Nous voulons mettre à jour et déconstruire ces représentations avilissantes.
Nous souhaitons par ailleurs mettre à nu l'imaginaire et les représentations issues de l'orientalisme et de la colonisation sur « la femme arabe ».
Nos corps et nos sexualités nous appartiennent et nous travaillerons ensemble à les décoloniser.
Par nos voies/voix longtemps minorées et silencieuses, nous voulons contribuer aux côtés des acteurs et actrices engagé.e.s à construire une société pluraliste, juste et inclusive pour chacun.e d’entre nous.
Groupes de parole, ateliers de lecture, rencontres avec des auteur.e.s et personnalités engagées, événements festifs…nous vous tiendrons informé.e.s des prochaines activités :)
Rejoignez-nous :
1001Queer@gmail.com
Notes explicatives
1. Le collectif s'est permis cette petite entorse à la grammaire dans sa présentation et dans le texte car il souhaite que le mot Queer reste tel quel pour être directement "identifiable" et aisément trouvable sur les réseaux. Le mot Queer est utilisé donc comme un nom propre.
2. Par "perçue comme arabe", nous entendons inclure toute personne originaire de pays ou de communautés considérées à tort comme "arabes" et subissant donc les mêmes discriminations : Berbères, Turquie, Iran, Afghanistan, etc.
3. Nous avons fait le choix d'utiliser dans notre texte le mot "fxmme.s" dans une volonté d'inclure toute personne ne s'identifiant pas sous le mot "femme".
4 et 5. L’homonationalisme et le fémonationalisme désignent respectivement l'instrumentalisation raciste des revendications LGBTQI+ et des luttes féministes afin de stigmatiser des groupes jugés intrinsèquement homophobes ou misogynes, en particulier les habitant.e.s des quartiers populaires et les communautés perçues comme arabes ou musulmanes.
Voir aussi "Être lesbienne, arabe et musulmane : interview de Nour du collectif Mille et Une Queer", paru en mai dans TÊTU.COM :
https://tetu.com/2020/05/05/nour-35-ans-jadore-dire-que-je-suis-lesbienne-musulmane-et-arabe/
***
Pour citer ce texte
Mille et Une Queer, « Manifeste », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Megalesia 2020, mis en ligne le 7 mai 2020. Url : http://www.pandesmuses.fr/megalesia20/mille-et-une-queer
Mise en page par David Simon
© Tous droits réservés
Retour à la table de Megalesia▼