Événements poétiques | Le Printemps des Poètes « Désir » | Les femmes & le désir en poésie
Autour de la pièce d’eau
&
Une journée de femme ordinaire
wikimedia, domaine public.
Autour de la pièce d'eau
Cristal d'aurore sur les parfums du jour
Dans la pièce aux mosaïques
Turquoises et opalines
Un arc-en-ciel de lumières
se déploie dans l'espace
Aux reflets de soie
À portée de main
dans la salle de bain
Les parfums exhalent leurs odeurs
attirent et attisent les souvenirs
Inexorablement
La femme d'ici et de là-bas
À pas de velours
Pénètre les lieux et regarde et écoute
Le souffle du vent
Une larme sur la digue
Elle écoute le goutte à goutte
du robinet de l'ennui
Qui de flac et de floc
donne le tempo à son désarroi
Sur son visage
Apparaissent les sillons de l'âge
Eau monotone
eau d'automne
Mais encore rythme de vie
Un cœur palpite
D'un geste vif
elle met fin à ce bruit
Fermant ce robinet
qui depuis quelque temps fuit
Elle oublie
ce qui soudain avait guidé ses pas
Vers ce lieu-là
Alors qu'elle travaillait
alors qu'elle écrivait
Vers ce lieu de refuge
ce lieu de vasques
ce lieu d'éclats
Ce lieu où parfois
son corps s'alanguit
se délasse
Rose éclose dans la nuit
Elle se souvient
des jours de joie
de chansons et de cris
Des jours actifs
des jours sans trêve
Lorsque ses enfants étaient petits
Enfants de mystères et de rêves
Prêts pour le bain et jouant avec l'eau
magique
L’eau qui s'écoule entre les doigts
L’eau qui ébouriffe
L’eau de cascade qui éclate
Et s'éparpille
pour mourir sur les murs
les glaces et les tapis
Au fil des jeux et des batailles
inlassables
L’eau de mousse parfois fruitée
l'eau veloutée
L’eau qui enveloppe et qui berce
Pour s'allier à la tendresse
Elle revoit les bains de douceurs et caresse
ces moments de bonheur
Elle songe aussi au mari parti
Aux disputes autour de l'eau
qui s'écoule et dont il n’interrompt pas le flot
De la mousse à raser
Qui gicle
sur la glace
en laissant de sales traces
qu’il ne nettoie pas
Elle pense à ces rancunes futiles
À ces histoires qui reflètent
l’absence et le vide
Aux illusions et certitudes inutiles
Elle pense à toutes les unions
qui se défont
Pour de petits riens
Ou pour de nobles et soi-disant justes raisons
À ces décisions qui engagent la vie
Prises dans une pièce d'eau
Un matin limpide qui ne présageait pas
l’inattendu
Un matin de routine
Elle soupire et ouvre à grand fracas
les robinets de la baignoire
L’eau respire de vagues et de marées
Elle rêve de voyages
De chaleurs tropicales et de pluies torrentielles
Surgissant de façon imprévue
de façon impromptue
Entre deux éclats de soleil
Lorsqu'elle vivait là-bas
Elle ressent la lourdeur
L’humidité qui étouffe et essouffle
Les douches tièdes
prises à tout instant
du jour et de la nuit
Pour ôter les odeurs âcres de la sueur inévitable
Pour soulager les piqûres des insectes
qui s'acharnent et blessent
La peau pâle et fine
des exilés de fraîche date
Sur les flots une brise apaise
En tourbillonnant l’eau aspire
les gouttes de thym et de lavande
Qu'elle jette
d'un geste ample et pourtant mesuré
Senteurs et bien-être
Odeurs d'espoir
Elle glisse
dans un cocon bienfaisant et s'assoupit
Elle s’évade dans autre monde
Dans un autre espace
Pour oublier ses souvenirs
Elle sourit
Une journée de femme ordinaire
Une journée de femme
Aujourd’hui ou hier
Toujours les mêmes labeurs
Toujours les mêmes rêves
Tôt levée
Au petit jour du quotidien
À la hâte se préparer
Les habits, le café
la toilette
Les enfants à réveiller
Et durant quelques instants
Être partout à la fois
Devoirs bouclés, cartables prêts
Coiffés, lavés, bien habillés
L’argent pour la kermesse
Les consignes à rappeler
Et puis ranger, ranger, ranger…
L’heure de l’école a sonné
Vite partir travailler et débuter la journée
La consultation, les gens à écouter
Leurs souffrances, leurs espoirs
Leur travail devenu insupportable
Les querelles avec le chef
Les soumis, les rebelles
les indifférents, les apathiques
Le téléphone sonne
Les impondérables
Réponses à donner ou à différer
Les urgences, visites à faire
entreprises à conseiller
Et toujours
La pensée en éveil, la pensée diffuse
La nourrice à payer, les courses à acheter
le repas à prévoir
Les enfants à aller chercher
les écouter, les consoler
Comprendre leurs besoins, leurs chagrins
Et trouver le temps
Le temps de lire
le temps d’écrire
le temps d’apprendre
Courir le midi entre deux rendez-vous
Déjeuner de presque rien
ou s’esquiver en catimini
Fermer doucement la porte
et ouvrir son jardin secret
Un instant
Au passant, au complice
Échanger un regard ou davantage
Avant de repartir
Achever la journée
La journée ordinaire
et retrouver le soir
L’homme fatigué, l’homme qui a travaillé
qui a besoin de parler, d’être compris
Tandis que moi
Moi je faisais quoi au juste….
***
Pour citer ces poèmes féministes
Mireille Podchlebnik, « Autour de la pièce d’eau » & « Une journée de femme ordinaire » poèmes féministes inédits, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événement poétique|Le Printemps des Poètes « Les femmes et le désir en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 7 février 2021. Url : http://www.pandesmuses.fr/desir/mp-unejourneedefemmeordinaire
Mise en page par Aude Simon
© Tous droits réservés
Retour à la Table du Recueil▼