Premier colloque 2017-2018 | II – La poésie et les poètes selon les contemporaines
Quid de la poésie ?
Depuis La Cantilène de Sainte Eulalie, premier texte littéraire français de 880, qui exhale les complaintes d'une martyre, la poésie française a fait du chemin. Du Moyen Âge à nos jours, elle a évolué dans la forme mais demeure l'expression des sentiments humains rythmés par la musique des mots, lesquels puisant leurs racines dans le vécu du poète.
La poésie, exprimant des situations observables de par sa morphologie, sa constitution, peut tendre vers l'abstraction. Elle rend compte également des faits tangibles, traduit le schéma affectif du poète, en ayant recours à des images qui peuvent se former par analogie ou par opposition ou contraste.
Ce sont autant d’éléments qui entrent dans son organisation et qui la distinguent d'une pensée prosaïque, somme toute concrète ou accessible au commun des mortels. À l'égard de ces derniers, le poète doit jouer le rôle d'éclaireur en ce sens qu'il leur dessille les yeux pour mieux appréhender le réel qui, tant de fois, leur paraît flou.
La poésie : un élan du cœur
« Quand la main écrit c’est le cœur qui parle et qui soupire » avance Musset. Donc, on écrit pour panser les morsures d’un vécu malheureux ou pour sublimer ou transmuter une souffrance en harmonies spirituelles par la musique des mots.
« Ah ! frappe-toi le cœur, là est la poésie ! » lance Victor Hugo. Cela dit, la poésie répond à un besoin de traduire les émotions de l’âme, les élans du cœur. Ainsi, le poète ne saurait se soustraire à cet appel venant du tréfonds de son être à des moments inattendus. « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux / Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots » s’exclame Musset. N’est-il pas vrai que certaines évocations douloureuses de l’existence nous font déboucher sur la voie royale de la poésie.
La poésie : une arme qui ne tue pas
Elle appelle plutôt à « changer la vie » comme l'avisait Rimbaud sans mettre en péril la vie des uns et des autres. Tantôt elle berce en remuant les sens, tantôt elle est comme un ferment qui porte à l'élévation, à la transcendance. Elle reflète les préoccupations du poète et lui octroie une place particulière dans la société, place au nom de laquelle il revendique ses droits : se fait entendre, se faire comprendre.
La poésie s’empare de vous, elle frappe à votre porte au moment le plus inattendu. L’on s’ouvre à elle et elle envahit votre espace vital en faisant corps avec votre personne. Elle peut vous solliciter le matin, au réveil, dans le silence de la nuit, dans des moments de contemplation ou à la suite d’une situation implacable qu’il faut dépasser en déversant son trop-plein intérieur en harmonies verbales, véritable chant de l’âme. Elle peut naître aussi d’un vide apparent puisque la nature a horreur du vide. Dans ce cas, elle se fait l’écho de votre inconscient. Elle peut aussi naître d’un élan de joie. Un rien ou un tout peut flatter l’inspiration jusqu’à donner naissance à un poème qui est le fruit de la sensibilité et de l’imaginaire du poète. Dans cette optique, il y a un conditionnement ou ce que je pourrais appeler « un état poétique qui est en rapport avec l’être en soi ».
La poésie dans sa diversité peut revêtir différentes fonctions : didactique, satirique, épique, lyrique, narrative... Par ailleurs, le poète dans sa quête perpétuelle de changement, peut impulser le sentiment de partage, qui va de pair avec la justice et le bonheur pour tous.
La poésie : porteuse d’idéaux
La poésie peut donner lieu à un cadre de réflexion, à savoir qu'elle est porteuse d'idéaux qui la mettent en confrontation avec la philosophie. À ce compte, elle est dispensatrice de bienfaits immatériels dans un monde trop matérialisé. Elle devient indispensable et Ionesco de convenir que : « Les poètes sont inutiles mais indispensables. »
Si la connaissance des formes classiques s'avère un passage obligé pour un poète, il n’en demeure pas moins que les préoccupations de ce dernier ne se résument pas qu’à l’art pour l’art. Ne pas négliger la valeur esthétique qui lui est un atout. C'est un credo juste. Néanmoins, il est louable que le poète se penche sur la dictée de l'heure afin de retranscrire ou traduire pour tout un chacun les Vérités qui s'imposent. La poésie est événementielle, dans ce cas, elle prend la forme d'un chant qui s'entend dans tous les champs.
La poésie est un concert de mots dont participent le réel et l'imaginaire. la compréhension de la poésie ou du discours poétique s'éloigne de celle du langage courant. De ce fait, le poème se décline en musicalité, en sonorité, en rythmique et en images qui lui confèrent une morphologie propre.
La poésie : un don qui se cultive
Et pour cause, la valeur d'un texte poétique se mesure par le degré d'émotions déclenchées à sa lecture, par le transport causé, grâce à la cadence des mots et enfin par la poussée d'admiration suscitée chez l'auditeur, eu égard à sa qualité esthétique. Ainsi, disons que la poésie est un don qui se cultive avant de s'installer durablement comme un comportement voire une manière d'être, de se connaître et de s'appliquer. Elle incarne le sens des réalités auxquelles nous sommes assujettis. Elle est la vague qui berce nos tympans et caresse nos cœurs. Elle est aussi la pulsion qui s'éveille en nous quand tout nous déchante. Elle est certes, cet élan d'humanité qui entraîne les incompris, les illuminés, les maudits, les voyants comme Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Lautréamont et bien d'autres, à tout chambarder pour donner l'alerte, pour faire éclore un règne nouveau.
Qu’en est-il du vrai poète ?
Il se doit d’assurer la transmission des valeurs en images réelles capables de produire un effet sur les sensibilités. C’est un éclaireur dont le flambeau (la plume) doit élucider les réalités tangibles. Il doit pouvoir se démarquer des bâtisseurs d’inepties en opposant son refus de la contre-vérité poétique. Dans cet ordre de pensée, la poésie en tant que manifestation du schéma intrinsèque du poète, répond à une nécessité, un impératif et ne peut nullement se situer dans un contexte de préfabrication de la pensée intellectuelle.
Disons pour finir, que nul ne saurait anéantir cette force (un cadeau de la nature à l’égal de la Vie) qui fait se mouvoir les poètes. On a martyrisé les poètes comme Lorca, Chénier..., pour leurs idées. On les a marginalisés et jetés dans l'oubli pour les ressusciter à la veille de leur mort physique (comme c'est le cas de Rimbaud) et les immortaliser mais on ne réussira jamais à engloutir cette citadelle fortifiée qu'est la poésie, laquelle a su traverser tous les siècles. Honni soit qui mal y pense !
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Pour citer ce texte
Maggy de Coster, « Quid de la poésie ? », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Premier colloque international & multilingue de la SIÉFÉGP sur « Ce que les femmes pensent de la poésie : les poéticiennes », mis en ligne le 15 janvier 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/quid.html
Dernière mise à jour : 15 juin 2017
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