REVUE MDV | N°1 Célébration | AS | Anthologie
Illustration pour le poème
"Le Derviche et le Ruisseau"
de Marceline Desbordes-Valmore
© Crédit photo : Cristina Rap, Le Derviche et le Ruisseau de Marceline Desbordes-Valmore, encre sur papier avec des interventions numériques, 2020.
Le poème récupéré et transcrit par DS pour La REVUE MARCELINE DESBORDES-VALMORE :
DESBORDES-VALMORE, Marceline (1786-1859), À mes jeunes amis, Album du jeune âge, Paris, A. Boulland libraire, Rue L'honoré, n° 199, et à la Librairie Centrale Palais Royal, 1830, domaine public, domaine public, livre disponible sur GALLICA, voir la Bibliothèque nationale de France.
[P. 75 réelle du livre / p. 93 en version PDF]
Le derviche et le ruisseau
Un ruisseau, frais enfant d'une source cachée,
Promenait sur les fleurs son humide cristal :
L'herbe au pied du miroir n'était jamais penchée ;
Il y versait la vie à flot toujours égal.
Harmonieux passant, son mobile murmure
Enchantait la Nature ;
Un doux frémissement, quand de ses molles eaux
Il mouillait les roseaux,
Avertissait au loin quelque nymphe altérée
Qu'un filet d'eau roulait sous les saules tremblants ;
[P. 76 réelle du livre / p. 94 en version PDF]
Et la bergère, au soir, dans la glace épurée,
Venait baigner ses pieds brûlants.
Un derviche dormeur, au fond de sa cellule,
Oubliant que sa soif y puise du secours,
Las d'entendre le bruit de l'onde qui circule,
Pour prier ou dormir, veut en briser le cours :
Mais du ruisseau la pente est à jamais tracée ;
De la rive, où sa voix s'élève cadencée,
Rien ne peut détourner son tendre attachement.
Le dévot s'en irrite, il gronde, et lourdement
Au milieu du cristal jette une pierre énorme,
Criant : « Silence enfin ! Il est temps que je dorme ! »
Innocemment rebelle, arrêtée en courant,
L'onde à son tour s'offense, et vive, peu dormeuse,
Elle se change en cascade écumeuse,
Qui semble menacer de devenir torrent.
Le derviche effrayé se recule, s'agite,
[P. 77 réelle du livre / p. 95 en version PDF]
Étourdi du fracas que lui-même a causé ;
Pour ses rêves pieux il cherche un autre gîte,
Regardant son jardin sans fatigue arrosé.
Accablé de chaleur, il s'assied sur la route ;
De son front irrité l'eau tombe goutte à goutte :
« Maudit ruisseau ! dit-il, me résister ! frémir !
Murmurer quand je parle ! ah ! je sais des entraves
Qui rendront avant peu tes libertés esclaves ! »
Et, rafraîchi d'espoir, il se met à dormir.
Mais, tandis qu'à plein cœur, le derviche sommeille,
L'oiseau dans le buisson, la vigilance abeille,
Le vent qui fait tourner la feuille du bouleau,
Tout imite une voix soufflant à son oreille :
« Dormez en paix, mon père, et laissez couler l'eau. »
Pour citer ce poème illustré
Cristina Rap « Illustration pour le poème "Le Derviche et le Ruisseau" de Marceline Desbordes-Valmore », Marceline Desbordes-Valmore|Revue annuelle, internationale, multilingue & poéféministe (poefeminist), « Célébration », n°1, mis en ligne le 4 août 2020. Url : http://www.pandesmuses.fr/periodiques/mdv/no1/2illustration-cristinarap
Mise en page par Aude Simon
© Tous droits réservés
Retour au N°1 ▼