N°10 | Célébrations | Dossier mineur | Florilège
Splendeur & solitude
d'Isadora Duncan
Sociologue, poète, artiste peintre
Crédit photo : La danseuse, chorégraphe & auteure américaine "Isidora Duncan" Stadsschouwburg, 1904-1905, domaine public, image Commons, wikimedia.
Point le crépuscule la colombe s’envole
Tu danses solitaire au pied du Parthénon
Chlamyde rouge ouverte un corbeau te survole
S’enflamme en panache l’envoûté tympanon
Hurlent dans ma tête les sirènes du port
La pensée s’absente l’espace-temps recule
Le ballet s’achève ton spectre s’évapore
Je reste abasourdi sur le rocher d’Hercule
Je traque ton fantôme aux racines du monde
Entre vestiges grecs et brumeux labyrinthes
Décrypte jour et nuit l’occulte mappemonde
Pour rattraper tes pas de Cnossos à Corinthe
La lune agonise j’observe son éclipse
Tu danses toute nue sur ton propre cercueil
Un éclair te transperce avant l’apocalypse
Au seuil de l’Olympe Terpsichore t’accueille
Tu te lèves matin fraîche comme une rose
Le soleil de Provence emballe ton humeur
La paix tant recherchée comme une fleur s’arrose
Pourvu que s’estompent les méchantes rumeurs
Ta douce compagne flatte ton beau plumage
Tu soldes d’un baiser sa tendre connivence
Le miroir Liberty te renvoie ton image
Tu rêves un instant de sérum de jouvence
Ton matou somnole sur l’amas de coussins
Des feuillets griffonnés traînent sur l’ottomane
Entre collier d’agate et sari d’organsin
Dans le boudoir s’écrit ton fatum de gitane
Tu pars en vadrouille sans laisser de consigne
Le chat dresse une oreille au moteur qui ronronne
La Parque parsème ta journée de ses signes
Devant le portillon un colporteur claironne
De New-York à Moscou les souvenirs s’embrouillent
Embrumés de Bourbon dans les bars de hasard
Envoilés de Vodka et de futiles brouilles
En compagnie galante ou parmi les gueusards
Maïakovski te chante au fond d’une caverne
La polka s'attise sous le feu d’un flambeau
Il brise son cristal le démon le gouverne
Tu déchires ta robe et brûles les lambeaux
Quand s’offre à ta gloire Paris des années folles
Tu perds le goût de vivre et l’appétit des planches
La ville s’embrase les belles batifolent
Tu brésilles le noir dans ton alcôve blanche
Tu fuis les boulevards et les soirées mondaines
Les vraies muses gardent leur secret sous la chape
Ton corps paie le prix fort après chaque fredaine
Gare Isadora gare au futur qui t’échappe
La brise t’enivre d’odeurs de romarin
Tu roules trop vite le corbeau vocalise
Dans un flash t’apparaît le ténébreux marin
Qui te transporte au ciel et se volatilise
Ton bolide glisse sur une route étroite
Au bord de la chaussée siffle un admirateur
Dans le rétroviseur la Camarde miroite
Tu délaisses le frein pour l’accélérateur
L’échappée te procure un émoi sans pareil
Un ange invisible t’embarque dans l’espace
Son vaisseau sidéral au zénith appareille
Sur la colline bleue guette un fameux rapace
Sur ton pare-brise s’écrase un apollon
Tu l’honores sitôt de son pesant de larmes
Ton cœur bondit soudain comme un pauvre ballon
Pleures-tu le papillon ou ton ego sans armes
Ta voiture taquine au plus près les virages
Ton écharpe s’allonge en serpent de satin
La vitesse t’emporte au cœur du mirage
L’étoffe s’enroule dans la roue du destin
Danse Isadora danse au-delà de la scène
Le grand azur attend ton salto de dauphin
Lucifer lui-même s’improvise mécène
De ton céleste show devant les séraphins
© M. Saha
***
Pour citer ce poème élogieux inédit
Mustapha Saha, « Splendeur et solitude d'Isadora Duncan », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 10 | Automne 2021 « Célébrations », mis en ligne le 16 octobre 2021. Url :
http://www.pandesmuses.fr/no10/ms-splendeuretsolitude
Mise en page par David Simon
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