Lettre n°15 | Eaux oniriques... | Articles sur la poésie | Revue Matrimoine | Poésie érotique | No 9 | Dossier mineur permanent
Amores y amantes / Noche de sombra
Amoureux et amants / Nuit d’ombre
de Jacinta Ceballos
Œuvre traduite de l’espagnol du Mexique et préfacée par
© Crédit photo : Jacinta Ceballos, poète maxicaine contemporaine.
C’est une poésie intimiste teintée de sensualité, de volupté et d’érotisme que nous offre notre amie mexicaine Jacinta Ceballos dans ce recueil de poèmes. Elle est celle qui n’a pas froid aux yeux car elle ose exprimer ses désirs ardents sans tabou, sans vulgarité ni grossièreté. Elle est de ces femmes libérées qui considèrent que l’évocation ou la description de l’acte d’amour ne doit pas être le monopole du sexe masculin. Quoi de plus naturel que d’exprimer en toute liberté ses désirs amoureux, ses fantasmes !
D’entrée de jeu, elle met en évidence les différentes parties de son corps qu’elle soumet aux caresses de son partenaire. Les préliminaires sont annoncés par ces vers :
« tes mains glissent sur ma peau blanche
touchant mes seins dressés
ma poitrine ardente
baisant mon ventre
frôlant mes hanches
par des mouvements lents
doucement tu laisses descendre
tes doigts
jusqu’à mon intimité »
À l’instar d’autres pays de l’Amérique latine, le Mexique n’est entré dans l’ère du féminisme que dans les années 70 alors que la religieuse Sor Juana Inès de la Cruz avait déjà tracé le chemin d’émancipation de la femme dès le XVIIe siècle via la culture du lyrisme amoureux dans ses poèmes.
« Je ne peux ni te garder ni te quitter,
pourquoi je ne sais, en te quittant ou en te gardant,
il y a toujours un je ne sais quoi pour t’aimer
et bien des si pour t’oublier. »
Il faut sans cesse réinventer sa vie de couple et pour cause elle déploie des trésors d’imagination car comme dit Corneille dans le Cid : « L’amour est un feu qui s’éteint faute de nourriture ». Aussi est-elle « dans la séduction provocatrice »
C’est grâce à la connaissance de son corps qu’on arrive à maîtriser sa sexualité. Anaïs Nin nous l’a fait remarquer par cette assertion : « L'érotisme est l’une des bases de la connaissance de soi, aussi indispensable que la poésie. » Diderot de son côté a su lever le voile sur la nature de la femme dans les « Les Bijoux indiscrets » en mettant en scène Louis XV et Mme de Pompadour sous les traits du sultan Mangogul et de sa favorite Mirzoza »
Jacinta Ceballos s’exprime sans fausse pudeur en utilisant un langage érotique non un langage convenu comme les femmes poètes latino-américaines de la deuxième moitié du siècle dernier :
« inlassablement tu me pénètres
et parvenant à l’extase
nous nous émerveillons d’un long soupir. »
Elle témoigne de sa reconnaissance envers son partenaire qui la comble en faisant d’elle une femme épanouie. Elle nous fait comprendre également que l’amour est une force donc, ça rend heureux, comme on dit, ça fait du bien. De ce fait, elle se sent en confiance, elle respire l’amour, la passion la fait vibrer :
« tu couvres mon corps de baisers
et véhicules ta passion »
C’est l’amour qui donne un sens à son quotidien. Même le jour se met au diapason de leur amour :
« se perdre dans le mystère silencieux
le jour se lève
avec un chant d’amour. »
*
« avec ma langue ardente
je vérifie tes chemins
pleins d'humidité
lentement s’ouvrent
les pétales
pour dévorer
le sexe. »
Jacinta Ceballos célèbre l’amour en beauté en rejoignant la liste de poètes latino-américaines qui ont écrit des poèmes sur les plaisirs charnels comme l’Uruguayenne Delmira Agustini, la chilienne Gabriela Mistral, Prix Nobel de Littérature en 1957 et plus près de nous la Nicaraguayenne Gioconda Belli, internationalement connue et la Mexicaine Lina Zerón traduite en français par Claude Couffon .
Ainsi comme dit Georges Perros « L’érotisme, c’est de donner au corps les prestiges de l’esprit ».
Quelques poèmes de Jacinta Ceballos :
Prólogo
Este libro está consagrado a los amores y amantes que en las noches atormentan y enloquecen a la sombra y estimulan los sentidos. Escribir es esa necesidad de querer tener la esencia tan íntima y efímera; es filtrarse en un sueño profundo donde sale la locura de los deseos.
Resulta increíble cómo cada quien puede dar una interpretación diferente a una misma imagen: mis locos sueños están reflejados en estos poemas que son solo instantes fugaces que ya ni recuerdo. Aquí, hablo de los cuerpos de los amantes que pierden su deleite para llegar al éxtasis del placer, de cómo las miradas se convierten en cómplices, cómo una mujer enamorada soporta el silencio del amante.
Y darle vida al dios y que su cuerpo arda de pasión. Entre amores, quejidos y silencios, dime ¿Qué callas? Es el tiempo el que se encarga de borrar las sombras que guardamos con recelo. El cuerpo es el único que saborea esas caricias perdidas y se deleita con los besos escondidos. En las noches extenuantes se abre el abismo y entre fatigas hay que darse el permiso de sentir.¿Quién no ha tenido un amor o un amante en la oscuridad de la soledad?
Jacinta Ceballos
**
Prologue
Ce livre est dédié aux amoureux de l’ombre que les nuits tourmentent, affolent et dont elles stimulent les sens. Écrire est ce besoin essentiel si intime et si éphémère; c’est sombrer dans un sommeil profond où émerge la folie des désirs.
C’est incroyable que chacun puisse interpréter si différemment une même image : mes rêves fous se reflètent dans ces poèmes qui ne sont que des instants fugaces complètement effacés de ma mémoire. Ici, je parle des corps des amants qui perdent leur propension à parvenir à l’extase, de la complicité de leurs regards, de la façon dont une femme amoureuse supporte le silence de l’amant. Donner sa vie à dieu et laisser son corps brûler de passion.
Entre amours, gémissements et silences, dis-moi, que tais-tu ? C’est le temps qui se charge d’effacer les ombres que nous gardons avec appréhension. Seul le corps savoure ces caresses perdues et se délecte de baisers clandestins. Dans les nuits exténuantes l’abîme s’ouvre sur des ennuis, il faut s’autoriser des regards complices et savoir comment une femme amoureuse endure le silence de l’amant. Qui n’a pas vécu une relation amoureuse dans l’ombre de la solitude ?
Jacinta Ceballos,( traduction française Maggy De Coster)
Si Dios fuera hombre
Si Dios fuera hombre
amaría con todo su ser
lloraría en las noches quietas
viendo una estrella
pediría un deseo
cantaría con el arcoiris
el milagro de la esperanza
abriría los ojos de su alma excitado
ante la belleza de una mujer
su cuerpo de hombre
saborearía la carne fresca
sus manos presurosas
acariciarían los pechos ardientes
se le quemarían las venas
y las llagas de la piel arderían
se emborracharía con buen vino
por el placer prohibido
de una noche.
“Amantes y amorosos
Si Dieu était un homme
Si Dieu était un homme
il aimerait de tout son être
il pleurerait durant les nuits tranquilles
en voyant une étoile
il ferait un vœu
il chanterait avec l’arc-en-ciel
le miracle de l’espérance
il ouvrirait les yeux de son âme excitée
devant la beauté d’une femme
son corps d’homme
savourerait la chair fraîche
ses mains seraient prêtes
à caresser les poitrines ardentes
ses veines le brûleraient
et les plaies de la peau le lanceraient
il s’enivrerait de bon vin
pour le plaisir défendu
d’une nuit.
El canto del amor
Cuando el amor canta en la mañana
respira por la noche
en los poros se aniquila el tiempo
se sueña un poco de magia
llena de mieles
donde lloran las sílabas
convirtiéndose
en aullido del dolor
y las venas transportan
los recuerdos de fantasmas
que vuelan en el aire
tiñendo las nubes
para morder
el secreto de la noche
que deja nuestro olor
perdido en el misterioso silencio
el día se levanta
con un canto de amor.
Le chant d’amour
Quand l’amour chante au matin
respire la nuit
le temps s’annihile dans les pores
on rêve d’un peu de magie
pleine de miel
où pleurent les syllabes
en se convertissant
dans un hurlement de douleur
et les veines transportent
les souvenirs des fantasmes
qui volent dans l’air
en teignant les nuages
pour mordre
le secret de la nuit
qui laisse notre odeur
se perdre dans un mystérieux silence
le jour se lève
avec un chant d’amour.
Tatuado
El beso vaga
por el cuerpo sediento
que sacia la sed
entre los brazos
navega impaciente
y se consume
en los ojos
donde se hunde
el universo tan pequeño
arde el pecho
donde gimen los labios
llenos de sed humedad
en la noche delirante
queda tatuado el mito
de los cuerpos que callan
el secreto del otoño.
Tatoué
Le baiser erre
sur le corps assoiffé
il étanche la soif
impatient il navigue
entre les bras
et se consomme
dans les yeux
où s’enfonce
l’univers si minuscule
la poitrine où gémissent les lèvres
assoiffées d’humidité
dans la nuit délirante
est en effervescence
le mythe des corps qui taisent
le secret de l’automne
reste tatoué.
Dedos delirantes
Llenaré tu cuerpo
con las caricias
de los dedos delirantes
ligeramente rozaré
tus pezones resaltados
olvidando el tiempo
que se abre
con las manos hechizadas
abriendo paso con mi beso
para despertar tus sentidos
y engarzar tu llama
en los cuerpos
hechos nudo.
Doigts délirants
De caresses
des doigts délirants
je comblerai ton corps
je frôlerai légèrement
tes mamelons rebondis
en oubliant le temps
qui s’ouvre
avec des mains ensorcelées
en ouvrant la voie avec mon baiser
pour éveiller tes sens
et enchâsser ta flamme
dans les corps
dénudés
NLR : Jacinta Ceballos, est architecte, photographe et poète mexicaine
***
Pour citer cet article
Maggy De Coster, « Amores y amantes/Noche de sombra / Amoureux et amants/Nuit d’ombre de Jacinta Ceballos », œuvre traduite de l’espagnol du Mexique et préfacée par Maggy DE COSTER, texte reproduit avec l'aimable autorisation des auteures et leur maison d'édition, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n° 15 « Eaux oniriques : mers/mères » N°9|Hiver 2021 « Artistes en Poésie », sous la direction de Maggy de Coster, mis en ligne le 3 février 2021. Url : http://www.pandesmuses.fr/lettre15/no9/mdc-jacintaceballos
Mise en page par David Simon
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