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Versos azules / Vers bleus
de Susana Sánchez Nardón
© Crédit photo : Jacinta Ceballos, poète maxicaine contemporaine.
À la lecture de « Versos azules » (Vers bleus) de Susana Sánchez Nardón, il me vient à l’esprit ces vers du poète mexicain moderniste Amado Nervo :
« Para curar la pertinaz / pena, en las almas escondida, / un nuevo amor es eficaz; »
(« Pour soigner la peine / tenace,/ cachée dans les âmes, / un nouvel amour est efficace; »)
Comme lui, Susana est marquée par le sceau du chagrin d’amour. Oiseau blessé, elle rêve de trouver une main panseuse pour l’accueillir, la soigner pour qu’elle puisse reprendre son envol à la clarté de l’amour sous un ciel clément :
« Un pájaro azul / herido quedo en el olvido » (« Un oiseau bleu / blessé gisant dans l'oubli »)
Cependant, elle nourrit la crainte de ne pouvoir rattraper le temps dans sa fuite inexorable. « Ô temps suspends ton vol » (Lamartine).
Elle est envahie par la nostalgie d’un amour nourricier parti en fumée, un rêve qui s’est évanoui comme le fugace parfum d’une rose trémière dans l’air.
« Los sueños se difuman en el aire diluidos » (« Les rêves dilués s’estompent dans l'air »)
Comme nous le rappelle Pierre Corneille dans le Cid « L’amour est un tyran qui n’épargne personne ». Et l’on comprend bien ce leitmotiv amoureux de la poète qui frise même le masochisme :
« necesito amarte, amarte / amarte hasta morir y sofocar… / Necesito desear / Y sentir el dolor / Del deseo carnal… »
(« J'ai besoin de t'aimer, de t'aimer / t'aimer à en mourir et en suffoquer … (« J'ai besoin d’aimer / Et de sentir la douleur / Du désir charnel… »)
Impuissante, elle se tourne vers la poésie pour trouver la voie de la libération, je dirais même du catharsis pour déverser sa souffrance. Ainsi nous comprenons bien Alfred de Musset quand en 1832, dans « Namouna », un conte oriental, il nous révèle : « Sachez-le, – c’est le cœur qui parle et qui soupire / Lorsque la main écrit, – c’est le cœur qui se fond ; »
Alors la poète percluse de douleur, laisse s’épancher son « cœur fragile » :
« Apareces en mis sentimientos / como una ráfaga de viento / en todo momento, / que dejas latiendo / a mi corazón » (« Tu apparais dans mes sentiments / comme une rafale de vent / à chaque instant/que tu fais battre mon cœur »)
Prisonnière d’un amour déchu qui hante son esprit et peuple ses nuits de cauchemars, elle nourrit l’espoir de voir revenir l’être aimé pour lui offrir « un coffre lleno de amor » (« un coffre rempli d’amour »)
Si pour Calderón « la vie est un songe » pour Susana « La vida es sueño / El sueño es la vida » (« La vie est rêve / Le rêve est la vie »)
Puisque l’espoir naît du désespoir, l’on comprend bien que Susana Sánchez Nardón nourrit l’espoir de voir l’idylle défunt renaître de ses cendres comme le Phénix. Pour ce faire, elle serait sans doute prête à donner sa vie :
« No tengo más que regalarte / sino mi propia vida » (« Je n'ai plus que ma vie / à t’offrir »)
Nous relevons de très belles images qui reflètent l’esprit romantique de la poète sans oublier ce bel oxymore : « Esperaba la dulce tortura de tus besos » (« J’attendais la douce torture de tes baisers »)
Pour finir, apprécions ces vers qui de par leur éloquence, traduisent bien l’état d’âme de Susana Sánchez Nardón.
« Mis ojos se llenan de lágrimas de cristal, / que surcan como torrentes infernales»
(« Mes yeux se remplissent de larmes cristallines, / Qui perlent comme des torrents infernaux ») et :
« Soy carne no deseada / En un herrumbre desgastada / Por lágrimas heladas »
(« Je suis chair non désirée / Délaissé sur métal rouillé / Par des larmes glacées »)*
* NDLR, Suasana Sánchez Nardón est enseignante et poète argentine.
***
Pour citer cet article
Maggy De Coster, « "Versos azules / Vers bleus" de Susana Sánchez Nardón », œuvre traduite de l’espagnol du Mexique par Maggy DE COSTER, texte reproduit avec l'aimable autorisation des auteures et leur maison d'édition, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n° 15 « Eaux oniriques : mers/mères » & N°9 | FIN D'ÉTÉ 2021 « Femmes, Poésie & Peinture », 2ème Volet sous la direction de Maggy de Coster, mis en ligne le 4 février 2021. Url : http://www.pandesmuses.fr/lettre15/no9/mdc-versosazules
Mise en page par David Simon
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