26 avril 2017 3 26 /04 /avril /2017 14:41

 

Dossier majeur | Textes poétiques

 

 

 

Vive la Retraite !

 

Joan Ott

 

 

 

 

 

 

 

© Crédit photo : (illustration à venir)

 

Synopsis

 

Enfin retraités après une longue vie de labeur, Aline et Germain ont acheté une île déserte au beau milieu du Pacifique où ils comptent couler des jours heureux, loin de l'occident en faillite. Benoît et Francine ont fait de même. Ils vont bientôt se rendre compte qu'ils ont été arnaqués. Pire peut-être : manipulés par le Système…

 

Décor

 

Au sol, du sable. Fond bleu.

 

Costumes

 

Chemises à fleurs, paréo…

 

Scène 1

 

Dans le noir, bruit d'hélicoptère qui s'envole. Quand la lumière se fait, Germain et Aline sont debout, tournés vers le fond, deux gros sacs de voyage à leurs pieds. Ils vont ensuite lentement faire un tour sur eux-mêmes, pour découvrir l'ensemble du paysage

Aline

Ce ciel…

Germain

Oui, n'est-ce pas ?

Aline

Ce qu'on va être heureux !

Germain

Oui, mon amour : heureux, seuls tous les deux, jusqu'à la fin de nos jours.

Aline

Tu n'as pas l'air convaincu…

Germain

Mais si ! Puisque c'était mon idée.

Aline

C'était la mienne aussi.

Germain

C'était notre idée à tous les deux.

Aline

Germain

Il faut reconnaître que leur publicité était vraiment bien faite !

Aline

Plus de pollution ! Du soleil toute l'année !

Germain

Oubliée, la Crise !

Aline

Oubliés les chômeurs, oubliés les millions de pauvres et de malheureux !

Germain

Vivre simplement, sans rien ou presque ! Vivre sainement !

Aline

Vivre nus !

Germain

Face à l'Océan !

Aline

Somnoler sur la plage, bercés par le bruit des vagues !

Aline

Le bonheur absolu !

Germain

Le bonheur parfait.

Aline

Et ça ressemble tout à fait à la photo du catalogue. Sauf que je ne vois pas le bungalow.

Germain

Il doit être un peu plus loin dans les terres. Question de sécurité, en cas de tempête.

Aline

Il n'y a jamais de tempêtes ! Ni ouragans, ni séismes, ni tsunami, ni raz de marée d'aucune sorte. C'est ce qu'ils nous ont affirmé, à l'agence.

Germain

Ils n'allaient pas nous dire le contraire. Ils sont payés pour vendre, figure-toi !

Aline

Je suis naïve, c'est ça ?

Germain

Non, chérie. Peut-être juste un peu crédule, parfois.

Aline

Et toi, défaitiste, toujours !

Germain

On ne va pas se disputer, hein !

Aline

Non, bien sûr que non…

On entend un bruit d'hélicoptère qui approche.

Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce qui se passe ? On a oublié un bagage ?

Germain

Non, tout est là.

Le bruit d'hélicoptère se fixe un instant, puis s'éloigne.

Aline

On dirait qu'il est reparti…

Germain

Tant mieux ! On se met à la recherche de notre maison ? On n'a qu'à laisser les bagages ici pour le moment.

Aline

C'est ça qui est bien sur une île déserte. Aucun risque, rien à craindre, pas l'ombre d'un voleur !

Ils sortent à cour.

Scène 2

 

À jardin entrent Benoît et Francine, chacun un gros sac de voyage à la main. Ils avisent les bagages d'Aline et Germain.

Benoît

Qu'est-ce que c'est que ça ?

Francine

C'est pas possible : il n'y a que nous !

Benoît

Qu'est-ce que je t'avais dit ? Les îles désertes, ça n'existe plus depuis longtemps. Seulement toi, toi… tu n'écoutes jamais !

Francine

On s'est fait arnaquer, c'est ça ?

Benoît

On n'a plus qu'à rentrer chez nous. Sauf qu'on a tout vendu pour pouvoir acheter ici... Quant à se faire rembourser…

Francine

On ne peut pas rentrer, chéri. En tout cas, pas avant le ravitaillement. Trois mois… On ferait mieux de trouver notre bungalow, en attendant.

Benoît

Si au moins on avait le téléphone…

Francine

C'est toi qui as insisté pour qu'il n'y en ait pas : Tant qu'à vivre sur une île déserte, coupons-nous du monde carrément. Plus de kit mains libres ! Vivre libres, tout à fait ! C'est ce que tu as dit. Ces mots-là, exactement.

Benoît

C'était une boutade ! Je ne faisais que répéter les mots de la pub !

Francine

Pas du tout. Si ça n'avait tenu qu'à moi…

Benoît

Bon, on ne va pas se disputer, hein ?

Francine

Non, bien sûr que non…

Benoît

Alors, on le cherche, notre bungalow ?

Francine

On emporte nos sacs ?

Benoît

Ils sont trop lourds.

Francine

Et si on nous les vole ?

Benoît

Les voleurs n'iraient pas bien loin…

Ils sortent à cour.

 

Scène 3

 

Germain et Aline entrent à jardin.

Germain

Si on ne l'a pas trouvé, c'est qu'il n'y en a pas.

Aline

On va vivre où, alors ?

Germain

Je ne sais pas… Je ne sais pas.

Aline

On va mourir !

Germain

Mais non, on ne va pas mourir.

Aline

Si ! C'est tout ce qu'on peut faire !

Germain

Ne pleure pas, mon amour. Je suis là. Je serai toujours là.

Aline

Et tu nous construiras une jolie maison ?

Germain

Mais oui, ma chérie. Une case toute mignonne, avec une terrasse et un auvent. Et tout autour, un jardin.

Aline

Arrête, tu veux ? Maladroit comme tu es ! Deux mains gauches dans des moufles !

Germain

Avise les sacs de Francine et Benoît

Mais qu'est-ce que c'est que ça ?

Aline

Ils ne sont pas à nous, ces sacs !

Germain

Ou alors, les nôtres ont fait des petits…

Aline

On n'est pas seuls…

Germain

Apparemment…

Aline

On s'est fait gruger.

Germain

Voler.

Aline

Arnaquer.

Germain

Rouler. Empaffer en profondeur.

Aline

Délester de tous nos biens.

Germain

Envolés tous nos espoirs.

Aline

Mortes nos douces illusions…

Un long silence bien lourd

Bon, c'est pas tout ça. Qu'est-ce qu'on fait ?

Germain

On attend. Ils vont revenir. Ils ne doivent pas être bien loin. S'ils ont l'air gentil…

Aline

On fait amis-amis. Et sinon…

Germain

L'île est assez grande pour quatre. Un couple à chaque bout, on ne se gênera pas.

Aline

Et si ce n'est pas un couple ?

Germain

Il y a deux sacs. Les mêmes que les nôtres. Ceux donnés par l'agence. C'est un couple, forcément.

Aline

Non, pas forcément. Ça peut tout aussi bien être…

Germain

Chut ! Les voilà !

Scène 4

Francine et Benoît reviennent à jardin.

Les quatre ensemble

Vous êtes qui, vous ? Qu'est-ce que vous faites là ?

Aline

C'est notre île. On l'a achetée. On est chez nous.

Francine

Pas du tout ! C'est nous qui l'avons achetée.

Germain

C'est notre île à nous.

Benoît

C'est bien ce que je pensais : l'agence nous a arnaqués. Elle a vendu l'île deux fois. Et elle ne s'est sans doute pas arrêtée là…

Germain

Une belle escroquerie ! Ah ils vont m'entendre !

Aline

Vous avez un téléphone ?

Germain

Non… Et vous non plus, n'est-ce pas ?

Francine

Secoue la tête, montre ses mains vides…

Mais on ne s'est pas présentés… Francine.

Ils se présentent.

Germain

On ne va pas se laisser abattre. On va trouver un joli coin et construire un abri, en attendant…

Benoît

En attendant quoi ?

Aline

Le ravitaillement, dans trois mois.

Germain

Quel ravitaillement ? Vous n'avez donc pas compris ? Personne ne viendra. L'hélicoptère nous a déposés et il est reparti. Les bungalows n'existent pas, les vivres non plus. Il faudra qu'on se débrouille seuls. Et pour commencer, trouver une source.

Bruit d'hélicoptère

Aline

Ils reviennent ! Ils reviennent ! On est sauvés !

L'hélicoptère se fixe. Voix amplifiée par un mégaphone.

La Voix

Chers résidents ! Ceci est un message du Système. Les personnes de longue expérience représentant une charge que la société n'est plus en mesure d'assumer, elles seront désormais confinées par lots de six à huit cents individus dans des îles paradisiaques semblables à celle-ci : eaux poissonneuses et gibier à profusion. Le Système ne doute pas de votre capacité d'adaptation et vous souhaite une heureuse retraite.

Bruit de l'hélicoptère qui s'éloigne tandis que se fait le noir.

Fin

***

 

Pour citer ce texte théâtral

 

Joan Ott, « Vive la Retraite ! », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°6|Printemps 2017 « Penser la maladie et la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 26 avril 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/vivelaretraite.html

 

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Le Pan poétique des muses - dans Numéro 6
26 avril 2017 3 26 /04 /avril /2017 10:37

 

Dossier mineur | Textes poétiques

 

 

 

Poème sans titre de Daniel Aranjo

 

 

 

 

 

 

 

 

© Crédit photo : (illustration à venir)

 

 

 

 

 

     [Nuit ; au fond de la scène, tournant parfois presque le dos au public, Cassandre dans un cercle de lumière, dont on variera insensiblement le périmètre et l'intensité jusqu'à l'extinction finale, elle-même progressive ; vague gestuelle harmonieuse de Cassandre, en accord avec le long drapé de son vêtement lustral :]

 

     CASSANDRE [quasi-chant] :

 

C'est le jour de mourir, prêtresse je le sais,

c'est l'heure et c'est le port

entre la bergerie et la tombe des dieux,

 

c'est l'heure, c'est le tour,

ô mer seule nourrice et l'aïeule des choses

alors que de mon œil la torche ne brûle plus tes fonds.

 

L'enfance d'abord est morte, si tu ne le sais pas,

dans sa brume de joie, quand je fus punie,

comme d'un trait sanglant, du vierge amour d'un dieu.

 

Puis ce fut Troie,

ce fut son aquilon de traits sur nos bûchers

comme la grêle sur du verre, et le piège, et les sorts

 

le soir, à la veillée, entre les bagages d'un départ

(quelques pointes de flèche qu'un enfant faisait tressauter d'un casque

et qui nous désigna l'une, puis l'autre, d'un chiffre quand elles en tombaient)

 

puis, à l’écart des Muses, sur le chemin du port,

tout un rang de pontifes grecs presque sereins

après dix ans de guerre sous une averse ensoleillée

 

tendant dans l’air luisant sans bouche ni buccin

le psaume mort d’une langue inconnue

qui n’enchante plus que l’âme, et de plus loin que l’âme...

 

Dernier ciel, dernier matin, dernier regard du dernier col

dans mon dos, sur le dernier rempart inexpressif de Troie déjà herbu de siècles

(la voix douce, et perçante jusqu'à l'âme, de ma sœur au loin séparée),

 

la brune tendresse des filles là-bas de chez moi jamais jamais

plus retrouvée depuis mes aînées ma cousine ma sœur ma tante si jeune

la brune tendresse d’un ventre là-bas de chez moi

 

      LES DEUX CAPTIVES CHOÉPHORES [soudain visibles, assises ou debout, dans le halo élargi autour de Cassandre] :

 

Ψ puis nous toutes, puis nous tous parqués comme un peuple

aux autres venu parler de poussière et de feu et de poutres tordues,

de traite enfin autour des îles, ô mer limpide, jusqu'à toi. Ψ

 

        CASSANDRE [parlé] :

 

Et toi, close Virginité, qui t’en es allée de sous l’ultime, ultime toit d’enfance :

  1. j’eus beau être prêtresse et avoir tout prévu,

  2. je ne savais pas qu’un viol ridicule, comme celui-là, dût me disperser à toutes les poussières de la vie, ou de ce qui pût en rester, après… ça…

Comme si le vrai devait être toujours forcé, distraitement, par ceux qui n’en savent rien, ni des lueurs premières qui s’y sont, enfance elle aussi, purifiées au long de mois joueurs d’enfance

aux mille coins, recoins, chemins blancs, balançoires d’horizon de cet infini jouet que, pour nous autres fillettes devineresses à foulard, yeux ronds et clairs

put être une citadelle nommée Troie sous la garde rieuse de nos parents et d’un dernier grand frère héleur là-bas à mi-distance, pacifiée, d’horizon…

 

       [Nuit.]

 

***

 

Pour citer ce poème

 

Poème sans titre de Daniel Aranjo, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°6|Printemps 2017 « Penser la maladie et la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 26 avril 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/sanstitre-aranjo.html

 

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Le Pan poétique des muses - dans Numéro 6
25 avril 2017 2 25 /04 /avril /2017 11:09

 

Dossier majeur | Textes poétiques

 

 

Qu’est ce qu’elle a à me regarder

 

comme çà, la bourge ?

 

 

Sylvie Troxler

 

 

© Crédit photo (illustration à venir)

 

 

 

Qu’est ce qu’elle a à me regarder comme çà, la bourge ?


 

J’suis pas un chien tout de même !

D’accord, j’ai tout qui pend !

Des pis vides qui ballottent sur mon nombril, à la place des seins,

une panse pleine de plis qui retombe sur mes cuisses, à la place du ventre,

les cuisses comme des os entourés de gélatine, et les bras, quand je les écarte, comme des ailes de chauve- souris !

Eh oui, c’est moche, le corps d’une vieille, tout rabougri, tout desséché. Comme son cœur d’ailleurs.

À force de plus rien recevoir, plus un baiser, plus une caresse, plus un sourire – pourtant, on paye pas d’impôts sur les sourires, à ce que je sache ! – eh bien, on se durcit. On donne plus rien non plus. On râle, on se plaint, on crache.

Pour les médecins, on est des cas, pour les infirmières, des numéros, et pour tous ceux qui s’occupent de nous, des emmerdeurs.

Alors, on finit par ressembler à des branches calcinées et on devient méchant.

Depuis 3 jours, je suis nue sous ma blouse.

Pourtant, j’avais bien des habits quand le Samu m’a cherchée. J’étais même en chemise de nuit, en train de faire ma toilette dans la salle de bain. Je suis tombée, après, je sais plus.

En arrivant ici, on m’a mis une sorte de sac de coton bleu, ouvert derrière pour que j’ai les fesses à l’air. C’est plus pratique pour les couches !

Car maintenant, en plus, je me fais dessus ! Pas assez de personnel pour me lever quand je sonne ! Ça les arrange, sauf que ça pue. Et je me sens vraiment dégueulasse.

Déjà que j’ai plus de dents ! Ils ont perdu mon dentier. C’est pas grave, qu’ils disent, je mange que du mixé.

L’aide-soignante me gave, elle me parle comme à un bébé. Je comprends rien, pourtant elle crie. Elle vient de Belfort, alors….. ! Le français, c’est pas mon truc. En primaire, je me débrouillais plutôt bien, j’étais même la première.

Mais dans ma tête tout fout le camp. Et puis, je suis dans le cirage. Ils m’ont accroché une sonde à oxygène dans le nez, une perfusion dans le bras droit et une attelle à la main gauche.

Je me demande ce qu’ils me mettent dans la purée, c’est contre la douleur, je suis sonnée.


 

Ma voisine me toise de ses grands airs, tu crois qu’elle me dirait un mot ? Rien, même pas un bonjour le matin !


 

On devrait mettre les vieux avec les vieux à l’hôpital. C’est pas bon pour mon moral de voir une jeunesse.

Et pour elle, je suis qu’un cadavre ambulant. J’ai la mort qui sort de tous les trous. Ça me rappelle ces tableaux de la salle d’attente du Dr Knopf – ah, j’ai retrouvé son nom, c’est bon signe –, que de squelettes, même les fleurs elles avaient l’air d’être crucifiées. J’ai jamais su qui avait peint ça, il parait que ces horreurs se vendent des millions…


 

Parfois, je tourne la tête vers elle, juste pour l’observer. Elle a de ces seins, des vrais ballons, je suis sûre qu’ils sont refaits.


 

Les miens, on aurait dit des petites pommes bien rondes. Mon cousin Germain qui savait y faire avec les filles les prenait dans sa main pour les soupeser. Un jour, ma mère nous a surpris dans la grange. Elle l’a chassé avec sa faux, et moi, j’ai pris une de ces raclées ! « T’es qu’une catin, Emma » qu’elle a hurlé. Il se trouve qu’Émile l’a appris. P’t’être ma sœur Lili qui a cafté. Elle a toujours été jalouse. Elle le voulait le Germain. Il me trouvait plus jolie. J’étais la petite dernière, de dix enfants, six garçons, quatre filles.

Ni belle ni laide, mais j’avais un truc qui faisait rêver les garçons : une auréole de boucles blondes douces comme du coton, qui prenait le soleil aux premiers rayons.

Émile, il caressait ma tête en murmurant: « Bisch mi Sunnastrissel, Emmala ». (Tu es mon rayon de soleil, petite Emma.)

Émile et moi, on est nés le même jour, de la même année, dans le même village. Tous y voyaient un signe. Il fallait bien qu’on nous marie !

Mon nom, c’est Emma Baum, d’abord c’était Fritsch. Je suis née le 23 mai 1919, à Pfurstersheim. ca me fait dans les 89 ans, je crois, ou alors….99 ??? Oh, puis zut, vous avez qu’à compter.

Mon père Armand est mort de ses blessures de guerre. Trois balles dans la hanche, ça vous tue pas un homme, mais ça vous emporte petit à petit. Gangrène, amputation et puis le cœur qui finit par lâcher. À trente-huit ans, ma mère s’est retrouvée seule pour nous élever. Enfin, avec mes frères. Ils travaillaient tous. Y en a un qui s’est pendu. Au plafond de la salle à manger, avec sa cravate. Il avait vingt ans. Alfred. On n’a jamais su pourquoi. Ma sœur Lili est morte de la leucémie, à dix-sept ans, un si joli brin de fille. Hélène, ma gentille Hélène, de la tuberculose, l’année suivante.

Lucien est tombé à Tambov. Et Joseph est parti d’un cancer des poumons, il fumait ninas sur ninas, on lui avait pourtant dit de s’arrêter. C’était en mai 68, ça je m’ en souviens, qu’est ce que ça bardait à Paris ! J’aurais bien aimé monter sur les barricades et lancer des pavés sur les CRS en chantant l’Internationale ! « C’est la lutte finale, groupons nous et demain l’ Internationaaaale, sera le genre humain ! » Formidable, ma mémoire n’a pas flanché sur celle là !

Les autres, je sais plus. Y a plus que moi qui suis en vie.

Dans quinze jours, j’ai quatre-vingt-dix ans. Ou cent ?

Il y aura une fête à la maison de retraite. Le maire viendra m’apporter des fleurs et des rochers en chocolat. Ça fait trente ans qu’il est maire et trente ans qu’il m’apporte des fleurs et des rochers en chocolat. C’est comme en Iran, y a qu’un seul candidat et il obtient 99% des suffrages !

Je l’ai connu en culottes courtes, le Gérard. C’est le fils de la Gertrude. On sait pas trop d’où il vient. Elle était grosse quand elle a épousé le Georges. Il se pourrait bien qu’elle l’ait fait avec un boche. Moi, ça m’est bien égal ! Et ça n’a empêché personne de voter pour lui. C’est un bon maire. En trente ans, jamais un containeur ni un panneau sur mon trottoir. Ma rue en parfait état, le passage piéton refait quand il le faut. Poli, gentil, propre sur lui, de droite mais pas trop, juste ce qu’il faut pour obtenir les subventions et les visites de notre cher ministre, Jean Marie. Et puis, ils parlent tous alsacien à la mairie.

Gardez ça pour vous, c’est moi qui barrais son nom sur mon bulletin de vote. J’écrivais Georges Marchais par-dessus, même après la mort de Georges, parce que Gérard Mayer et Georges Marchais, ça fait GM ! Eh oui, je suis communiste, de père en fille, j’ai ça dans le sang. J’étais amoureuse de Manoukian. Quel courage, quel panache, quel physique !!! Oh la la, je m’emballe, voilà que je fais de la tachycardie !

Où j’en étais ? Ah oui, ma fête !

Cette fois-ci, ils m’ont demandé de réunir toute ma famille.

C’est qui ma famille ?

J’ai qu’une fille, Janine. Les autres, je les ai fait passer. Ma mère, elle m’engueulait : « J’en ai eu dix, tu veux faire comme moi ? Ça suffit bien, une fille! » À chaque grossesse, elle m’emmenait chez sa copine, Lina. Un coup d’aiguille à tricoter, et hop, on n’en parlait plus ! Sauf que la troisième fois, j’ai failli y rester. Remarque, après, j’ai plus jamais été enceinte.

Il préférait çà, Émile. Il me montait dessus quand il voulait, j’avais plus peur. Sauf que je sentais plus rien.

Émile, c’était un brave gars. Un bon boulanger, travailleur. Il me ramenait sa paye chaque semaine. Il gardait juste de quoi s’offrir un pichet de blanc au bistrot après le boulot.

Parfois, il marchait plus droit quand il rentrait. Ça me dérangeait pas, ces jours-là, il me foutait la paix.

 

Sauf les jours de pleine lune ! La lune lui montait à la tête, plus que le vin. Alors, il se mettait à gueuler et il hurlait, comme ma mère : « Emma, t’es qu’une catin ! » Un soir, il a voulu me frapper, j’ai pris le couteau de cuisine, et je le lui ai planté sur la gorge. « Si tu lèves encore une fois la main sur moi, je te saigne comme un cochon ! » Mon père était boucher, il savait que je plaisantais pas ! Il a jamais recommencé !

On a repris la maison de son oncle, une petite ferme à colombages, on vivait bien.

Lui, il bricolait, moi, je m’occupais du jardin, surtout des fleurs. Ma spécialité, c’étaient les géraniums. Chaque été, j’étais dans le journal : le premier prix des maisons fleuries de Pfurstersheim, c’était moi, Emma Baum !


 

Ma voisine se penche vers moi. Qu’est ce qu’elle me veut ? J’entends rien, ils ont oublié mes prothèses à la maison.

Le voyant rouge s’est allumé, voilà l’infirmière : « Alors Mme Baum, on arrache sa sonde ? Voyons, il faut être sage, vous avez l’air bien agitée. Et il parait que vous parlez toute seule ? »


 

Je savais bien qu’elle allait me dénoncer, je peux même plus me raconter mes souvenirs.

Ma fille, quand elle vient, elle parle pour moi. Évidemment sans dents, tout ce que je dis devient de la bouillie. Je la laisse divaguer, je fais juste oui ou non de la tête. De toute façon, elle comprend rien. On s’est jamais entendues, avec Janine. Elle est partie de la maison à seize ans. En Hollande ! Émile, il lui a pas pardonné. Elle est revenue deux ans après, avec un grand gaillard aux cheveux blonds, tatoué de partout, genre Vicking vous voyez, enceinte jusqu’aux yeux. Une fille qu’elle a eue. Céline. Ou … Catherine ?

Le père, il connaissait pas un mot de français, ni d’allemand, on aurait dit qu’il éructait quand il ouvrait la bouche. Il fumait des cigarettes bizarres qui empestaient toute la maison, on avait beau aérer, l’odeur de fumier restait accrochée aux rideaux ! Et il passait ses journées au lit, avec Janine ! Ils ont vécu chez nous pendant six mois, et puis Émile les a foutus à la porte. On a gardé la petite. Le Hollandais, il est rentré chez lui, « Gotverdamm », qu’il a dit, – ça je l’ai compris sans problème –. Janine, elle a trouvé un boulot à Strasbourg. Serveuse qu’elle était. Elle revenait le dimanche pour voir sa fille.

La petite, elle l’aimait bien son grand-père. Parfois, il l’emmenait à la boulangerie. Il lui montrait le fournil et lui offrait un petit pain au lait ou un Streussel. Elle revenait les joues en feu, et la tête pleine des légendes de lutins qu’il lui avait inventées.

Une belle blondinette, aux yeux bleus comme des myosotis, bien gentille, facile à élever.

Pas comme sa mère qui passait son temps à brailler.

Un soir, Émile il est pas rentré du bistrot. On me l’a ramené sur une civière. Crise cardiaque.

À cinquante-neuf ans, comme son père. Je lui avais dit d’aller voir un médecin, il s’essoufflait drôlement dans les escaliers. Même qu’une nuit, il s’est réveillé, le visage carrément violet. Mais il était têtu comme une mule : « C’est pas à mon âge que j’irai chez le toubib ! » qu’il répétait. Voilà où ça l’a mené ! À la tombe !

Ensuite, Janine elle s’est mise avec une espèce de maquereau. Valait mieux qu’il voit pas ça Émile ! La chemise ouverte sur un torse velu, des chaînes en or partout, et une voiture de sport. Une ??? Mazzerati, ça existe çà ? Vous croyez que ça gagne autant un patron de pizzeria ? Moi, je vous le dis, il était dans la mafia, le Paulo ! Il venait de Calabre, ce sont les pires, non ?

Janine, ses jupes devenaient de plus en plus courtes, ses cuisses de plus en plus grosses, et son rouge à lèvres de plus en plus dégoulinant. J’en ai eu assez de les voir chez moi, j’avais trop honte, vous comprenez, ça jasait dans le quartier.

Un dimanche, on s’est disputés, ils ont emmené la petite, et ils l’ont mise en nourrice, même la nuit. Au Neuhof, chez une Algérienne !! Vous vous rendez compte, ma pauvre Miggala : elle passait des géraniums, de la choucroute et du Jesus Gott aux cours des cités, au couscous et à l’Inchallah !

Je suis restée seule dans ma maison, à m’occuper de mes fleurs et à me rappeler du bon vieux temps.

Jusqu’au jour où j’ai commencé à perdre la tête. Je partais en course sans savoir pourquoi, je fermais plus le gaz, ni les robinets. Un soir, j’ai plus su rentrer chez moi. Je me suis perdue, c’est le boulanger qui m’a ramenée.

Janine, elle a eu peur que je fasse sauter la baraque. Alors, elle l’a vendue et ils m’ont mise dans une maison de retraite.


 

Ça s’appelle « la Joie de Vivre », quel programme ! Que des gâteux ou des timbrés.

En bas, c’est « la Maison bleue ».C’est peint en bleu, il parait que ça calme.

« C’est une maison bleue, adossée à la colline, on y vient à pied, lalalala, » c’était Maxime Le Bois qui chantait çà, vous vous souvenez ?

Ici, c’est le niveau des fous, « des démences séniles » comme ils disent pour faire plus chic. Là où on vous attache dans votre lit, où il y des barrières partout et où ça hurle nuit et jour.

Au premier, ça s’appelle « la Vie en Rose ». Celle-là, je vous la chante pas, tout le monde connaît. C’est d’Édith Moineau, non, euh Édith comment déjà ?

Ils ont mis du rose partout, parce que c’est bon pour le moral. Cause toujours !

C’est l’étage des gens comme moi, des « Anciens », – on n’a plus le droit de dire vieux, c’est une injure, comme nègre ou juif – ceux qui parlent encore, qui tiennent debout avec des béquilles ou qui savent manier leur fauteuil roulant.

Tiens, j’ai une idée pour l’animatrice : on pourrait jouer aux auto-box dans les couloirs, ça mettrait de l’ambiance !

Y a que des femmes, à part Charles, la coqueluche de ces dames. Elles se battraient pour être à sa table ou faire une partie de cartes avec lui. C’est vrai qu’il est plutôt beau garçon : soigné, bien mis, distingué, un vrai gentleman.

Je vous raconte pas la bousculade le jour de la fête de Noël ou du 14 juillet. Heureusement qu’il y a le directeur et les pompiers pour nous inviter à danser. Charles y laisserait son pace- maker et sa prothèse de hanche !

Moi, j’ai un faible pour notre jeune docteur. Je l’appelle Émile pour simplifier.

Il a un air à la Gabin, comme mon homme, un air canaille qui vous veut du bien, qui sait danser la java et vous conter des mots doux.

Le Dr. Émile, il me dit que je suis jolie, que j’ai l’air d’un ange, avec mon auréole de cheveux blancs. Pourtant, je les perds par poignées, je crois même que je deviens chauve. Elle a du mal à cacher les trous, Melle Brigitte. Ben oui, je me fais coiffer toutes les semaines. Et alors, ça vous dérange ? Un peu de respect, je vous en prie. C’est tout ce qui me reste de dignité !

Je sais : je suis vieille, laide et décatie. Mais pas encore assez pour passer au troisième.

Le troisième, c’est « la Verte Prairie ». Le vert, c’est la couleur de l’espoir. Faut y croire ! Moi, je l’appelle le purgatoire.

C’est l’étage des « grabataires », ou plus simplement, des légumes : ils parlent plus, ils râlent ou ils gémissent. Des tuyaux de partout, pour manger, pour respirer, pour pas avoir mal. Ils voudraient en finir mais ils peuvent pas se débrancher. C’est l’antichambre de la morgue, quoi.

Heureusement que j’en suis pas là ! J’espère bien mourir avant. D’un coup ! Le cœur qui lâche et c’est fini ! Comme Émile.

Quand je suis arrivée ici, je pleurais tout le temps. Je supportais pas de végéter dans une seule pièce où il ne me restait que la photo de mon mariage et ma commode en chêne. – J’ai fait croire à Paulo que c’était du sapin, sinon, il me l’aurait piquée aussi.


 

Le Dr. Émile, il m’a prescrit des anti-dépresseurs. « Il peut courir ! » que je me suis dit.

À chaque repas, j’ouvrais la gélule et je versais la poudre dans la terre du ficus à côté de ma table. Ben, ça lui a pas réussi. Au bout de huit jours, il a commencé à perdre ses feuilles, au bout de trois semaines, il avait l’air d’un squelette, – tiens, comme ces peintures chez le Dr. Knopf. Il a fini par crever.

Et moi, ça m’a bien fait rigoler. Ils trouvaient tous que j’allais mieux! C’est sûr, je me suis bien marrée à planquer le petit comprimé tous les midi. Et encore plus de voir l’effet que ça faisait au ficus! Heureusement que j’avais mieux comme engrais pour mes géraniums! Du jus de betterave que je leur donnais, c’est peut-être ça que je devrais prendre?


 

Où est ce que j’en étais ? Ma voisine, elle commence à m’énerver, on dirait qu’elle m’écoute maintenant ! En plus, je crois qu’elle prend des notes. Qu’est ce que j ai bien pu révéler ?

J’ ai pas parlé d’ Émilie au moins ?


 

Car Émilie, j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux. C’est Céline, ou … Catherine ? qui a voulu lui donner mon prénom. Elle trouve qu’elle me ressemble. Un petit mouton blond, aux yeux bleus comme des améthystes, aux joues rondes et rouges comme les pommes de mon verger, toujours à sourire et à gazouiller.

Elle porte des couches et elle n’a aucune dent, comme moi, quoi!

Émilie, j’ai envie de l’aimer, de la câliner, de lui donner, de lui apprendre. Plus qu’à Janine, plus qu’à Céline. C’est mon bonheur, mon trésor, ma chérie, mon amour, ma Joie de Vivre à moi.

Elle me le rend bien vous savez.

Quand je la prends dans mes bras, elle se pelotonne contre moi, et je sens son petit cœur qui bat, fragile et chaud comme celui des poussins que j’attrapais autrefois dans le poulailler. Lorsqu’elle prend mon visage entre ses mains, me tapote les joues et me fait de gros bisous, ma hargne se fond en tendresse, mon corps souffrant se dénoue comme une liane, mon âme aigrie prend la douceur d’un sucre d’orge, et mes sombres regrets se noient dans la lumière de l’avenir d’Émilie.

Pour elle, je serai la plus belle des Mamies.

La fête doit être réussie.

Dès que je serai remise, je prendrai rendez-vous avec Melle Brigitte, je lui demanderai une permanente spéciale, un rinçage argenté, et même un maquillage de star.

Je porterai mon tailleur rouge de chez Rodier, avec un chemisier blanc. Et je m’achèterai un nouveau foulard de soie.

Émilie posera sur mes genoux. À ma droite, Céline, avec le père de la petite, un gentil garçon, aimable avec moi et fou de sa fille, à ma gauche, Janine. Derrière nous, Gérard le Maire, le Dr. Émile, Charles.

 

Et vous, ma chère voisine, qui racontez si bien ma vie, vous y serez j espère ?

 

***

Pour citer ce récit 

 

Sylvie Troxler, « Qu’est ce qu’elle a à me regarder comme çà, la bourge ? », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°6|Printemps 2017 « Penser la maladie et la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 25 avril 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017regarder.html

 

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