28 avril 2017 5 28 /04 /avril /2017 15:07

 

Dossier majeur | Articles

 

 

Michel Tournier

 

 

redéfinir la vieillesse

 

 

Jihane Tbini

 

 

 

© Crédit photo : (illustration à venir)

 

 

 

Pour les Anciens, les quatre âges de la vie s’articulent aux quatre humeurs, aux quatre éléments et aux quatre saisons. Aussi trouvons-nous l’équivalence suivante : flegme-eau-hiver-vieillesse11. La vieillesse, rendue à son essence élémentaire, relie l’homme à la ronde du cosmos. Cependant, vieillir demeure avant tout une expérience individuelle. Sa représentation chez Michel Tournier n’échappe pas aux stéréotypes mêlant définition positive et définition négative du grand âge. La polarisation classique, somme toute caricaturale, opposant le « senior indépendant et actif » et le « vieillard dépendant et apathique »2, ne rend pas la complexité de la vieillesse. Ce thème revient avec insistance chez Tournier et affleure dans ses écrits tardifs.

Tournier propose en effet une nouvelle image de cette tranche d’âge qu’il n’est pas aisé de couler dans un moule. L’objectif de cet article sera de montrer de quelle manière il parvient à reconfigurer ce que l’on entend communément par « vieillesse » et « vieillissement ».

Nous essaierons d’abord de situer Tournier par rapport aux dichotomies qui définissent habituellement la vieillesse et de montrer que la vieillesse est un devenir à la fois quantitatif et qualitatif. La vieillesse peut ainsi être envisagée de manière « cumulative » (dans la continuité des autres âges de la vie) ou tel un rite de passage ponctué de paliers successifs.

Nous expliquerons par la suite que pour Tournier le vieillissement incite à repenser le rapport à la vie et aux menus plaisirs du présent. Puis, et à partir des fictions et des écrits autobiographiques, nous dégagerons les alternatives possibles à la déchéance liée à l’âge.

Nous commenterons enfin la manière dont s’opère l’esthétisation de l’âge mûr chez Michel Tournier. Représentée telle une plénitude ontologique, la vieillesse devient une expérience de l’absolu et le sujet âgé un Robinson libéré et heureux.

 

 

La vieillesse appelle généralement des représentations négatives. Dans Le désespoir de la vieille, Baudelaire met en scène la tragédie des personnes âgées. Il décrit « la petite vieille ratatinée » pour qui « l’âge est passé de plaire, même aux innocents » et qui épouvante l’enfant qu’elle désire caresser. Elle « se retir[e] dans sa solitude éternelle et pleur[e] dans un coin ». Le poème cumule les lieux communs liés à la vieillesse : laideur, solitude et désespoir.

Ces topiques ne sont pas absents des textes tourniériens. Tournier dénonce en effet le « racisme anti-vieux » dont personne ne semble s’offusquer outre mesure. Il déplore que « les médias aujourd’hui pratiquent une pédomanie pleurnicharde qui ne voit partout que des enfants malheureux »3 reléguant les vieux à un rang inférieur à cause de leur âge, ce même âge qui jadis « conférait autorité, majesté, amour ». Devant les médias qui, par temps de guerre ou de famine, ne recensent que les victimes parmi les enfants, il ironise : « il va de soi que les vieillards sont à l’abri des bombes et de la faim »4. Il fustige aussi certains changements de la société moderne, libérale et consumériste à souhait, et désavoue par exemple le self-service « cruel aux tempes grises »5.
 

En plus de cette discrimination qui révèle la précarité où se retrouvent les sujets vieillissants, Tournier évoque « l’horreur du vieillissement » et « la fuite assez lâche de l’homme occidental devant les marques qui s’inscrivent malgré lui dans sa chair au fur et à mesure de la vie ». La peur de vieillir est une peur primitive, immémoriale. En témoignent le mythe de la Fontaine de Jouvence et les recherches folles d’alchimistes en quête de l’élixir d’immortalité :

 

Stupidement [l’homme occidental] voudrait pour l’éternité rester jeune, frais, innocent, bébé. Mais la vie laboure inexorablement son corps et son visage, et aucune cure ni chirurgie de rajeunissement ne lui rendront sa lisseur de jadis. Et il a raison de se désoler de vieillir, si les rides et les affaissements qui l’enlaidissent ne signifient rien d’autre que décrépitude.6

 

Guy Debord analyse cette tyrannie moderne du jeunisme et la manière dont la jeunesse est envisagée telle une donnée économique, un « capital », dans un monde où « il est carrément interdit de vieillir ». L’« absence sociale de mort » est due au culte des apparences dans la société moderne, valorisant « l’avoir » au détriment de « l’être ».7 La vieillesse devient taboue et les vieux ne sont acceptés que dans la mesure où, paradoxalement, ils ne se présentent pas comme tels.

À l’encontre de cette attitude de déni, Tournier prend le parti du réalisme et arbore ce qui fait de lui un vieil homme. De visite chez le généraliste, c’est avec l’acuité d’une étude gériatrique qu’il énumère les élancements de sa chair vieillissante et endolorie :

 

Je passe rapidement sur les vertiges – liés bien évidemment à un athérome cérébral –, les prurits interdigitaux – résurgence d’une gale de mon enfance –, et les élancements intercostaux, annonce évidente d’un infarctus du myocarde. Plus inquiétants me paraissent des troubles de la vue unilatéraux et des pertes de mémoire, symptômes classiques d’une tumeur du cerveau.8

 

Ces doléances, aux relents quelque peu hypocondriaques, dépeignent le corps comme une mécanique mal huilée. Le mécanisme grinçant perd son unité. Il est démonté, démantelé. Ce portrait peu flatteur détourne l’exercice rhétorique du blason et consigne sans fard les « grincements d’une carcasse de plus en plus fourbue »9.

Le déclin physique est un motif caractéristique de la vieillesse. À ce tableau dépréciatif s’oppose une acception positive de la vieillesse. Les sujets âgés ne présentent assurément pas des profils uniformes. C’est en groupements opposés qu’ils sont généralement répartis et les textes de Michel Tournier ne dérogent pas à ce balancement binaire. Par exemple, le motif de la ride cristallise cette ambivalence : « la ride – pli de la peau – dénote à la fois l’âge, l’usure, mais aussi la sagesse et le savoir »10. Usure et sagesse sont donc l’envers et l’endroit d’une même monnaie.

Une épigraphe de Petites Proses propose une autre définition sur le modèle oppositif :

 

Vieillir. Deux pommes sur une planche pour l’hiver. L’une se boursoufle et pourrit. L’autre se dessèche et se ratatine.11

Entre boursouflure et dessèchement, Tournier exprime sa prédilection pour la seconde forme de vieillesse qu’il qualifie de « dure et légère ».

Dans Gaspard, Melchior et Balthazar, l’âne Kadi Chouïa, témoin de la naissance de l’Enfant Jésus, incarne la figure du vieux sage, pétri d’expérience et béni par les années. Son nom est symbolique à plus d’un titre : « Kadi » signifie « juge, religieux » et « Chouïa » signifie « un peu », ce qui amenuise la majesté du Kadi et trahit la condescendance des hommes. L’analyse onomastique semble reprendre la distinction opérée par Edgar Morin entre « patriarche » (Kadi) et « p’tit vieux » (Chouïa) : la première image est chargée de connotations positives, alors que la seconde « est extrêmement dévaluée »12.

 

L’opposition sédentaire/nomade est un autre exemple de ces paires antinomiques. Tournier évoque la sédentarité qui prend doucement possession de lui avec l’âge et le lien consubstantiel qui l’unit au presbytère où il a élu domicile. Il parle d’une « coquille qu’[il] aurai[t] sécrété autour de [lui] au fil des années »13. Il donne l’exemple inverse avec les « nomades du troisième âge » qui ont « la bougeotte » comme ces retraités californiens qui sillonnent l’Amérique à bord de leurs camping-cars et qui « assum[ent] le pilotage d’engins aux dimensions impressionnantes »14, prenant à contre-pied ceux qui clament l’indigence des seniors. Cette frénésie va à l’encontre de la « tremblote » qui s’empare des vieillards réduits à « sucrer les fraises », cloués à leur lit ou à leur rocking-chair.

La retraite, qui fait partie de ce que Caradec appelle « les transitions du vieillissement »15, constitue un cap qui nécessite que le sujet vieillissant repense son identité et son mode de vie. Tournier explique que prendre sa retraite pour un Européen signifie « se retirer à la campagne », « ne plus aller au boulot chaque jour, ne plus bouger », autant de tours négatifs dont ne se paient pas « nos amis d’Outre-Atlantique » : « Le troisième âge saisi par le démon du vagabondage »16 sonne presque comme une hérésie. Deux attitudes opposées ressortent de ce rapport à l’espace : un élan d’expansion, centrifuge, conquérant, et une posture de repli, un corps qui se pelotonne et se complaît dans un statu quo familier et rassurant.

De ce fait, le rapport au monde dépend de la manière dont l’âge est représenté et vécu et la vieillesse peut être décrite en termes de qualité et de quantité17. En tant que changement qualitatif, elle montre que la vie est envisagée sous l’angle du donné et du construit. Aussi Tournier loue-t-il « l’apprentissage, l’expérience, la recherche tâtonnante, patiente, étendue sur toute une vie »18.

Pour ce qui est de la quantité, elle relève certes du mesurable et constitue une donnée objective. Mais peut-on réellement déterminer le seuil à partir duquel on bascule véritablement dans la vieillesse ? Dans la société moderne, un consensus tacite fait coïncider le début de la vieillesse avec le début de la retraite. Pour Cicéron, la tranche d’âge dite senectute (vieillesse) commence avec la barre fatidique des soixante ans. Chez les Struldbrugs19 dans le Gulliver de Swift, aux yeux de la loi, un individu est considéré mort à l’âge de quatre-vingts ans. Qu’en est-il pour Tournier ?

Pour Tournier, les décennies fonctionnent comme des indicateurs. C’est ainsi qu’il définit un « sexagénaire » comme quelqu’un qui appartient encore à « l’âge du sexe » et un « septuagénaire » comme quelqu’un qui appartient à « l’âge du sceptre », récusant ainsi la vision qui fait du grand âge une période indifférenciée. La septième décennie (produit de sept fois dix-sept étant le chiffre sacré par excellence et dix le symbole de l’accomplissement) est un cap décisif. Le bâton de commandement, et outre son évidente connotation phallique, est l’insigne de la souveraineté. Sa remise répond à ce que l’ethnologue van Gennep appelle un « rituel de consécration » : « relique des ancêtres »20, le sceptre est un objet sacré « à la fois le signe et le réceptacle de la puissance royale-magico-religieuse ». Le nouveau détenteur du sceptre se trouve investi d’un certain pouvoir :

 

La race des panthères grises est en pleine expansion. J’y ai fait mon entrée en 1994. J’étais brillamment entouré lors de la remise solennelle du fameux sceptre, car la génération de 1924 rayonne d’un éclat prestigieux.

 

Tournier se félicite d’appartenir à « la race des panthères grises » et cite des noms illustres formant cette communauté de pairs : « J’étais entouré de Charles Aznavour, Raymond Barre, Marlon Brando, Charlton Heston, Paul Newman, Roland Petit et quelques autres »21.

En tant que seuil, la vieillesse n’est pas étrangère à la sacralité qui auréole tout point de passage. Le sacré est le domaine de l’inviolable, que l’on ne peut fouler impunément si l’on n’y a pas été convié. Eliade note en effet que « le seuil est à la fois la borne, la frontière qui distingue et oppose deux mondes, et le lieu paradoxal où ces deux mondes communiquent, et où peut s’effectuer le passage du monde profane au monde sacré »22.

Tournier procède en plus à la subdivision de cette tranche d’âge en périodes successives selon les décades et ces différents jalons dénotent une expérience singulière du temps. Mircea Eliade explique que « pour l'homme religieux, l’espace n’est pas homogène ; il présente des ruptures, des cassures : il y a des portions d’espace qualitativement différentes des autres »23. Ceci vaut également pour le temps, et tout passage – signifié en l’espèce par la succession de décennies « qualitativement différentes » – acquiert une sacralité certaine :

 

Qu’on le veuille ou non, et sans aucune intervention volontaire de notre part, la vie est une succession de « périodes ». Régulièrement une période s’achève et une autre commence.24

 

Dans ce sens l’expérience tourniérienne du temps n’est pas profane.

En somme, la représentation du « devenir vieux » chez Tournier reprend la distinction faite par van Gennep des trois phases de tout rite de passage : « séparation », « marge » et « agrégation »25 : La séparation marque la disjonction, le détachement (le sujet perçu comme vieux se détache de la communauté des jeunes ou des adultes), la marge est une phase transitoire, une latitude qui se situe entre la maturité et la mort. La maladie et la faiblesse du sujet deviennent autant d’épreuves qui préparent l’accès au palier suivant. Suite à cet intervalle, l’agrégation recouvre l’admission de la personne dans une nouvelle catégorie (celle des « personnes âgées », des « candidats à la mort »).

Cela dit, et malgré cette volonté de fragmenter la durée, l’auteur de Vendredi choisit parfois de gommer enfance et jeunesse puisque « vieillir est un processus s’étendant sur toute la vie qui commence par la naissance et se termine par la mort »26. La vie est en somme une succession ininterrompue de pertes. Cette conception que d’aucuns qualifieraient de « holistique », dispense de la détermination des différentes tranches. L’avancée en âge suit une courbe ininterrompue : « Chaque instant de la vie est un pas vers la mort », regrette Corneille dans L’imitation de Jésus-christ. La vie redevient le « continuun » qui selon Edgar Morin « a été sociologiquement discontinué par l’organisation sociale »27 :

 

Les âges s’intègrent, possèdent une continuité. À un âge avancé, chacun conserve des traits enfantins ; adulte, il est fréquent que l’on prolonge, même sans le savoir, certains traits de l’adolescence. Avec l’âge, chacun devrait être conscient qu’il possède en lui tous les âges de la vie et si on me posait la question « quel âge as-tu ? », je répondrais : « j’ai tous les âges en moi. »28

 

En somme, qu’il soit envisagé sous l’angle de l’hétérogénéité sacrée ou de l’homogénéité profane, le « devenir vieux » ne peut être appréhendé compte non tenu de son terme : la mort. D’ailleurs, une section entière de Petites Proses est consacrée au thème de la « Mort » et répand comme une résonance stoïcienne. L’auteur y livre sa conception de la vieillesse perçue comme initiation : Être vieux c’est apprendre à mourir.

Comme Morin qui affirme « Si je regarde mon carnet d’adresses, c’est un cimetière », Tournier soutient qu’« être jeune, c’est n’avoir perdu personne encore. Mais ensuite nos morts nous entraînent avec eux »29. Il confie dans une entrevue la manière dont il se représentait la vieillesse :

 

Quand j’imaginais la vieillesse, je prévoyais toutes sortes de diminutions physiques ou intellectuelles qui m’effrayaient. J’oubliais le pire : la mort de ceux qu’on aime. Il n’y a rien de tel pour vous détacher de la vie. Où qu’ils soient […] j’aspire à aller rejoindre mes familiers. C’est cela, je pense, la vraie vieillesse.30

 

Ces propos trahissent la contamination du vivant par la mort, de sorte que le vieillissement semble désormais relever de la « survie ». Tournier révèle les étapes de cette initiation qui l’a introduit aux mystères de l’au-delà :

 

Quelle est la leçon des ténèbres ? Que me veulent-elles, toutes ces silhouettes grises ? Qu’ont-elles à me souffler, ces bouches pleines de silence ? Il m’a fallu du temps pour le comprendre, pour l’accepter. Aujourd’hui, je le sais. Ils viennent me rappeler mon appartenance à leur communauté. Ils viennent me dire que je suis des leurs, et déjà mort en quelque sorte.31

 

L’auteur est rappelé à sa condition de simple mortel et fait écho aux dires d’Épicure32: « Lequel vaut mieux, […] que la mort vienne vers nous, ou nous vers elle ? ».

Cependant, et outre cette conscience de la fin, nous constatons chez Tournier la présence de l’élan inverse, c’est-à-dire une célébration inconditionnelle de la vie et une poétique nouvelle du bonheur. Mathilde Bataillé identifie « la sacralisation du quotidien » dans les « textes brefs non-fictionnels » de Michel Tournier33. Elle explique que les détails les plus insignifiants de la vie quotidienne acquièrent une importance singulière liée au sentiment de la perte imminente. Pour Tournier comme pour Proust, la vieillesse « est le temps où l’on découvre le prix du temps »34.

En effet, dans sa préface, Tournier présente Célébrations comme un livre qui célèbre « la richesse inépuisable du monde »35 et dans Journal Extime, il se plaît à noter « les évènements petits et grands de [s]a vie quotidienne, le temps qu’il fait, les métamorphoses de [s]on jardin, les visites qu’[il] reçoi[t] »36. La beauté devient « un phénomène des plus communs. Il est impossible de descendre dans la rue sans s’y heurter »37.

Tournier retrouve la faculté de s’émerveiller devant des « p’tits riens », tel un enfant. Il rejoint la pléiade des « minimalistes positifs » dans leur célébration du minuscule. Le présent prend le dessus sur le passé. Il incombe fatalement au sujet âgé de résoudre la tension continue entre « être » et « avoir été ». En l’espèce, ce sont les situations hic et nunc qui prévalent.38

Même si la « silhouette encapuchonnée »39 de la mort ne cesse de hanter les derniers textes de l’écrivain, l’ermite de Choisel parvient à concilier la double postulation – aux prises à la fois avec Éros et Thanatos – en écrivant lui-même sa propre nécrologie (nécrologie que Serge Koster qualifie d’« anthume »), animée d’un souffle épidictique certain. Cette « chronique d’une mort annoncée » empiète sur le territoire inviolé de la mort et se termine par l’épitaphe suivante « Je t’ai adorée, tu me l’as rendu au centuple. Merci la vie ! »40.

Une autre conception de la vieillesse nie la durée et oppose un démenti farouche à la chronologie. Par exemple, dans les premières fictions romanesques, le vieillissement n’est pas représenté comme un processus graduel mais comme une transfiguration abrupte : Robinson pour qui l’extase solaire a suspendu le cours du temps humain éprouve tout le poids de l’âge avec le départ de Vendredi :

 

Robinson comprit que ces vingt-huit années qui n’existaient pas la veille encore venaient de s’abattre sur ses épaules. Le Whitebird les avait apportées avec lui – comme les germes d’une maladie mortelle – et il était devenu tout à coup un vieil homme.41

 

Une durée de vingt-huit ans se trouve comprimée et en acquiert une pesanteur matérielle.

Le personnage de Balthazar est également sujet à ce « coup de vieux » qui le surprend inopinément avec la mise à sac du « Balthazareum » :

 

Et puis il y a eu l’accident, le noir attentat de la nuit sans lune, cet équinoxe d’automne qui m’a fait passer d’un seul coup de la jeunesse éternelle où je m’étais enfermé avec mes narcisses et mes merveilles, à une vieillesse amère et recluse. En quelques heures, mes cheveux ont blanchi et ma taille s’est courbée, mon regard s’est voilé et mon ouïe s’est durcie, mes jambes se sont alourdies et mon sexe s’est rabougri.42

 

Un raccourci de « quelques heures » provoque la métamorphose spectaculaire du roi esthète que l’éternité de l’art a jusque-là épargné.

Synonyme de dégradation, la vieillesse est à l’origine du fantasme lancinant de la « Belle Mort » tant célébrée par les Anciens. Tournier avoue lui-même aspirer à une fin glorieuse :

 

Ça doit être l’âge. Je me soucie de plus en plus de faire une belle fin. Je regarde les autres mourir. J’apprécie ou je déplore. Certains sortent en beauté, d’autres s’effondrent dans l’abjection ou le ridicule.43

 

De même, les personnages des romans rêvent de dénouements épiques comme si « le non-vieillir [avait] […] pour contrepartie une jeunesse foudroyée »44. Le personnage scabreux de l’oncle Alexandre se dit « assuré d’échapper à l’indignité d’une mort par maladie ou vieillesse » :

 

Non, chère carcasse, maigre et nerveuse […], tu ne connaîtras pas le boursouflement de l’obésité hétérosexuelle, ni celui de l’œdème ou de la tumeur. Tu mourras sèche et battante dans une lutte inégale où t’aura jetée l’amour.45

 

De tempérament veule, Édouard se voit lui aussi mourir de sa belle mort tel un héros homérique :

La guerre lui apporterait cette fin prématurée – à la fois propre, digne de lui, impeccable, sinon héroïque – qui lui épargnerait la déchéance de la vieillesse.46

 

La tension entre le cours irréversible de l’Histoire et les limbes d’une atemporalité mythique est résumée par Baltahazar :

 

En vérité, toute ma vie se joue entre ces deux termes : le temps et l’éternité. Car c’est l’éternité que j’ai trouvée en Grèce, incarnée par une tribu divine, immobile et pleine de grâce, sous le soleil, lui-même statue du dieu Apollon. Mon mariage m’a replongé dans l’épaisseur de la durée, où tout est vieillissement et altération.47

 

Amoureux du portait d’une belle inconnue avant de partir à sa recherche et de la trouver, le roi de Nippur ne peut supporter de voir « la coïncidence de la jeune Malvina avec le ravissant portrait qu’[il] aimai[t] se défaire d’année en année, par « coups de vieux » successifs accusés par la princesse hyrcanienne ». Balthazar réalise avec amertume que « l’éphémère et bouleversante vérité humaine »48 ne peut aspirer à l’éternité.

Dans Le Roi des Aulnes, Abel Tiffauges figure une autre alternative au vieillissement, la suspension de ce qui semble inéluctable. Il se présente comme un être supérieur, transcendant le temps et l’espace :

 

[…] mon éternité me donne une infranchissable distance en face du drame du vieillissement, et j’observe avec un détachement empreint de mélancolie le flux et le reflux des générations, comme un rocher dans une forêt la ronde des saisons.49

 

Cet état d’immutabilité minérale enfreint les lois de la condition humaine vouée à la finitude.

De quelque façon que ce soit, le vieillissement demeure un devenir, une métamorphose. Montandon analyse l’altération qui accompagne la vieillesse et l’associe à une forme d’altérité : devenir vieux c’est devenir autre50. Chaudier relève le « paradoxe ontologique » de la vieillesse : « Sans cesser d’être même, la chose se présente sous une autre forme ». C’est le facteur « temps » qui fonde l’unité de ce qui vieillit. Chaudier explique que « le Temps qui d’habitude n’est pas visible, pour le devenir cherche des corps »51. Le corps porte les stigmates des années et confère une matérialité au temps. Cette « mise en forme » n’est pas sans affinité avec le génie de l’art : la vieillesse devient une expérience esthétique.

Aussi Tournier soutient-il la gageure de représenter l’irreprésentable :

 

Si une vieille femme est figurée tenant à la main, bien en vue, une photo d’elle-même à vingt ans, alors un abîme s’ouvre sous l’œil de l’observateur. Abîme d’un genre particulier, impur certes, mais d’autant plus efficace : abîme de temps, car le demi-siècle qui sépare ces deux visages saute aux yeux, lourdement aggravé par la sereine mélancolie de la vieillarde qui nous prend à témoin du ravage des ans .52

 

À la manière d’un trompe-l’œil, l’auteur représente le vieillissement de la femme et l’« abîme de temps » devient palpable, visible à l’œil nu, et ce grâce à un artifice ingénieux.

Dans un fragment de son Journal Extime, le diariste constate que « les lys du jardin s’épanouissent tous en quelques heures », ce qui lui fait songer au poème de Victor Hugo dont il cite quelques vers. Booz observe « les collines ayant des lys sur leur sommet » puis s’exclame : « Le chiffre de mes ans a passé quatre-vingt ! ». Et Tournier de conclure laconiquement : « Voilà qui me convient »53.

La blancheur laiteuse du lys confère éclat et majesté aux têtes chenues, couronnées de l’emblème royal. L’épanouissement spectaculaire décrit par l’auteur associe la vieillesse à une plénitude heureuse et une double esthétisation de l’âge avancé passe par la métaphore du lys et par l’écran du poème. Cette transfiguration de la vieillesse rappelle l’épisode proustien où Swann commence à percevoir autrement Odette dès qu’il décèle son air de ressemblance avec la Sephora de Botticelli. De même, Michel Tournier s’identifie à la figure de Booz pour sublimer les ravages des années.

Par ailleurs, écrire la vieillesse revient pour celui qui a réécrit le Robinson Crusoé de Defoe à reprendre les motifs du genre littéraire de la robinsonnade. Dans ses mémoires, Mauriac éprouvait déjà cette analogie :

 

J’habite une île, je suis assis sur un rocher. Quelle solitude que la vieillesse ! je décris mon rocher et mon île. Les pensées qui m’y viennent, les inspirations qui m’y visitent. Que pourrais-je faire d’autre. Un vieil homme est toujours Robinson.54

 

Nous tenterons donc de creuser cette parenté entre la représentation de la vieillesse et l’écriture de la robinsonnade.

Le premier ingrédient du genre serait incontestablement la solitude du sujet. C’est ainsi que dans Le vent Paraclet, Tournier évoque la solitude du naufragé de Speranza :

 

Robinson se présente d’abord comme le héros de la solitude. Jeté sur une île déserte, orphelin de l’humanité tout entière, il lutte des années contre le désespoir, la crainte de la folie et la tentation du suicide.55

 

« Le désespoir, la crainte de la folie et la tentation du suicide » sont effectivement des écueils qui guettent les sujets âgés et solitaires. Sollicité par une maison de retraite qui lui demande une inscription pour la salle de séjour, Tournier propose cet aphorisme, tragique de vérité : « les enfants vont en groupes. Les adultes sont en couples. Mais le vieillard s’en va tout seul »56.

Sur son île déserte, Robinson, manque de ressources et se bat pour sa survie. Nous pouvons en dire autant du sujet vieillissant, mis sur le ban de la société et contraint à gérer les interdits médicaux que lui impose son état.

Loin de la civilisation, le vieil homme-Robinson s’inscrit dans une temporalité à part, dans une durée anhistorique, loin du rythme effréné de la vie active (travail, mondanités, projets) scandée par les balancements d’un glas par trop menaçant.

Par ailleurs, la régression est une autre caractéristique commune à la vieillesse et à l’écriture de la robinsonnade. Tournier, dont les textes sont parcourus par le fantasme d’un regressus ad uterum57, semble trouver dans le sort de Robinson une alternative satisfaisante. Faisant l’expérience d’une régression, le seul survivant de la Virginie est nu, faible, condamné au mutisme. La vieillesse offre de même une galerie de vieillards édentés ou frappés d’incontinence, bégayant inlassablement les mêmes mots à l’image des enfants en bas âge.

L’espace de la robinsonnade – l’île ou tout espace analogue – répond pourtant chez Tournier à la même définition que l’absolu :

 

Qu’est-ce que l’absolu ? C’est étymologiquement ce qui n’a pas de rapport, pas de relation. Terme négatif par conséquent qui bloque simplement l’activité spontanée, aliénante et scientifique de notre esprit. Car nous sommes dressés à tisser constamment un réseau relationnel où nous sommes pris avec les choses et les gens qui nous entourent. Chaque objet, chaque homme se trouve nié en lui-même pour renvoyer à d’autres objets, à d’autres hommes, à des fonctions, à des modes d’emplois, à des valeurs extrinsèques dont les étalons se situent ailleurs, très loin, nulle part.58

 

Tournier note l’équivalence sémantique entre la définition de l’absolu et la définition de l’île « expression géographique de l’absolu »59 et conclut que « pour retrouver l’absolu, il n’est que de couper ces liens »60. Ainsi, cette forme de rupture devient libération et la vieillesse, avatar insulaire, apparaît comme une émancipation :

 

Marcher au pas ? Je l’ai assez fait dans mon enfance. Comme beaucoup de jeunes, j’adorais les clans, les embrigadements, les mots d’ordre. Et puis, en vieillissant, j’ai commencé à secouer tout cela.61

 

Si la vieillesse est cette île hostile, coupée de tout, le sujet vieillissant refait le parcours de Robinson, avec ses différentes phases, allant du désespoir et de l’impuissance, à l’acceptation et à l’adaptation, avant d’atteindre au final cette « héliophanie » qui couronne le périple du Robinson tourniérien.

À la clausule de Journal Extime, Tournier évoque l’euphorie qui accompagne « la fin du voyage ». Une perspective téléologique place le crépuscule de la vie comme une destination vers laquelle tendre sciemment. L’avancée dans l’âge est désormais perçue tel un crescendo, se terminant par une éclatante apothéose. George Sand signait une vision optimiste analogue :

 

On a tort de croire que la vieillesse est une pente de décroissement : c’est le contraire. On monte, et avec des enjambées surprenantes. […] On ne s’en rapproche pas moins du terme de la vie, mais comme d’un but et non comme d’un écueil.62

 

L’idée de finalité parcourt de même le discours de Tournier qui déclare que « la fin du voyage, c’est son but, sa finalité, mais aussi son achèvement, son point final »63. Nous retrouvons aussi la métaphore traditionnelle qui assimile la vie à un voyage tortueux, semé d’embûches et l’homme à un homo ambulator, constamment en mouvement.

 

Cette image n’est pas sans affinité avec celle de l’homo viator chrétien, homme-pèlerin, de passage sur le Terre et promis au grand voyage vers la Jérusalem Céleste64. La spatialisation du temps sur laquelle repose la métaphore du voyage domine le fragment « Ombre »65 où l’on peut lire que « le chemin de la vie va d’est en ouest ». Les verbes de déplacement accompagnent le périple de l’enfant qui marche le dos au soleil levant et de l’homme mûr qui « avance de plus en plus lentement, et s’amenuise à mesure que grandit son passé ».

Outre l’idée de finalité et de destination, la vieillesse présente pour Tournier des attraits insoupçonnés, chose pour le moins inhabituelle dans un discours sur le grand âge. L’écrivain affirme en effet être envahi de « bouffées d’euphorie qu’[il] ignorai[t] jadis »66 et assure que « c’est l’un des charmes – et non des moindres – du grand âge »67.

Il compare « l’approche de la mort » – vivifiante à bien des égards – et la naissance qui « s’accompagne d’une souffrance affreuse ». « Rien de plus cruel que cette insertion brutale hic et nunc dans l’existence », conclut-il. À l’inverse, avec la « proximité de la mort », le registre de la volupté contamine progressivement le texte et l’irrigue d’une isotopie du plaisir :

 

À l’inverse, la mort est provoquée par un coup de volupté d’une intensité mortelle dont la drogue et l’orgasme ne sont que de timides avant-goûts. Les mâchoires de l’espace et du temps – hic et nunc – s’étant brusquement desserrées, me voilà délivré de l’existence. Je m’épanouis comme une bulle dans le néant avant de disparaître en éclatant de rire.

 

Au demeurant, le paroxysme du plaisir est communément appelé « la petite mort » et les stupéfiants, mortels subterfuges, ont un effet euphorisant.

Le grand âge devient un absolu, qui ne se définit plus par rapport aux âges antérieurs, et accède à la plénitude ontologique.

Ainsi, Tournier dépeint les splendeurs et misères du grand âge et se démarque de la vox populi qui ne cesse d’accabler les sujets vieillissants. La variété des nomenclatures – « tempes grises », « panthères grises », « âge du sceptre » etc. – montre que le grand âge recouvre un spectre large. L’auteur de Vendredi ne cherche pas à gommer les affres de la sénescence qui se présentent à la manière de « dommages collatéraux » préparant l’envolée euphorique à l’approche de la mort. La vieillesse survient tel un finale magistralement orchestré.

Son statut médian entre la vie et la mort la dote de la sacralité des seuils. Rythmée de points de passage, la vieillesse apparaît comme un domaine sacré qui implique une initiation, la construction d’un savoir sur soi et sur le monde.

Chez Tournier, la prise de conscience du vieillir n’est pas liée au regard de l’Autre, or c’est souvent le détour par l’autre qui provoque cet accès de lucidité.

Véritable expérience de l’absolu, la vieillesse est considérée pour elle-même, délestée des liens antérieurs. Dans leur isolement insulaire, et avant de faire « le grand voyage », les Aînés vivent leur solitude d’abord comme un fardeau puis comme une libération. Ils n’existent plus que pour eux-mêmes.

Les écrits de Michel Tournier permettent enfin de renégocier la hiérarchie des âges que Morin compare ainsi :

 

L’adolescent était considéré comme un être sans expérience de la vie, bruyant, utopiste, tandis que le vieillard, de son côté, était l’être toujours sénile bon à mettre au placard. Entre les deux, la figure de l’adulte n’a guère eu de mal à émerger en véritable plénitude de l’humanité.68

 

Paraphrasant Morin, nous pouvons affirmer qu’avec Tournier, le grand âge devient la « véritable plénitude de l’humanité ».

On a peut-être l’âge de ses artères, mais « la grande question, c’est de savoir mettre le temps dans son jeu »69. Tournier nous invite à penser le Temps comme un artiste qui dispose des corps, les transforme et se les approprie.

 

Notes

 

1 Michel Tournier, Célébrations, Mercure de France, 1999, p. 310.

2 Vincent Caradec, Sociologie de la vieillesse et du vieillissement, Armand Colin, « coll. 128 », 2008.

3 Michel Tournier, Célébrations, op.cit., p. 129.

4 Ibid.

5 Ibid., p. 130.

6 Ibid., p. 75.

7 Guy Debord, La société du spectacle, Buchet/Chastel, 1967.

8 Michel Tournier, Célébrations, op.cit., p. 102.

9 Ibid.

10 Ibid., p. 400.

11 Michel Tournier, Petites Proses, Éditions Gallimard, 1986, p. 79.

12 Edgar Morin, Mamou Yves, « Continuum des vies et discontinuité sociale », in Retraite et société 3/2001, n°34, pp. 166-173, www.cairn.info/revue-retraite-et-societe-2001-3-pages-166.htm

13 Michel Tournier, Petites Proses, op. cit., p. 12.

14 Michel Tournier, Célébrations, op. cit., p. 233.

15 Vincent Caradec, op. cit.

16 Michel Tournier, Célébrations, op. cit., p. 233.

17 Le même dispositif théorique sert d’ailleurs à définir la maladie, cousine germaine de Dame Vieillesse : « La maladie revêt deux formes, l’une quantitative, l’autre qualitative. La maladie quantitative se ramène à un manque (hypo) ou à un excès (hyper). Ainsi la pression artérielle peut être excessive ou au contraire dangereusement insuffisante. La santé se définit de ce point de vue comme un équilibre harmonieux de toutes les fonctions », in Le miroir des idées, Mercure de France, 1994, p. 32.

18 Michel Tournier, Petites Proses, op. cit., p. 99.

19 Les Struldbrugs sont immortels mais continuent à vieillir indéfiniment, à l’instar de Tithonos pour qui Éos, la déesse de l’aurore, obtient l’immortalité mais pas la jeunesse éternelle.

20 Arnold Van Gennep, Les rites de passages, Paris, A. et J. Picard, 1981.

21 Michel Tournier, Célébrations, op. cit., p. 130

22 Mircea Eliade, Le sacré et le profane, [1957], Gallimard, 1965, p. 28.

23 Ibid., p. 25.

24 Michel Tournier, Journal Extime, Editions Gallimard, 2004, p. 144.

25 Arnold van Gennep, op. cit.

26 Michel Tournier, Petites Proses, op. cit.

27 Edgar Morin, op. cit.

28 Ibid.

29 Michel Tournier, Petites Proses, op. cit., p. 243.

30 Serge Koster, Michel Tournier, Zulma, 2005 [1986], p. 216-217.

31 Michel Tournier, Petites Proses, op. cit., p. 242.

32 Cité par Sénèque.

33 Mathilde Bataillé, « les textes brefs non-fictionnels de Michel Tournier : la célébration de la vie au miroir de la maturité », in Thélème, Revista Complutense de Estudios Franceses, vol 29, n°1, 2014, pp. 23-35.

34 Chaudier Stéphane, « Vieillir dans à la recherche du temps perdu », in Gérontologie et société 3/2005, n°114, pp. 15-30, www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2005-3-page-15.htm.

35 Michel Tournier, Célébrations, op. cit., p. 10.

36 Michel Tournier, Journal Extime, op. cit., p. 11.

37 Ibid., p.39

38 Nous nous inspirons de l’analyse de Caradec, op. cit.

39 Michel Tournier, Journal Extime, op. cit., p. 13.

40 Michel Tournier, Petites Proses, op. cit., p. 245.

41 Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique, Gallimard, 1967, p. 138.

42 Michel Tournier, Gaspard, Melchior et Balthazar, Gallimard, 1980, p. 39.

43 Michel Tournier, Célébrations, op. cit., p. 55.

44 Joëlle Prungnaud, « le non-vieillir et la fable du vampire », in Figures du vieillir (dir. Alain Montandon), Presses Universitaires Blaise Pascal, CRLMC, 2005, p. 55.

45 Michel Tournier, Les Météores, Éditions Gallimard, 1975, p. 129.

46 Ibid., p. 291.

47 Michel Tournier, Gaspard, Melchior et Balthazar, op.cit., p. 37.

48 Ibid.

49 Michel Tournier, Le Roi des Aulnes, Gallimard, 1970, p. 84.

50 Alain Montandon, « préface », in Figures du vieillir (dir. Alain Montandon), Presses Universitaires Blaise Pascal, CRLMC, 2005.

51 Stéphane Chaudier, op. cit.

52 Michel Tournier, Petites Proses, op. cit., p. 137.

53 Michel Tournier, Journal Extime, op. cit., p. 143.

54 François Mauriac, Nouveaux mémoires intérieurs, Gallimard, 1965, p. 46.

55 Michel Tournier, Le vent Paraclet, Éditions Gallimard, 1977, p. 221.

56 Michel Tournier, Célébrations, op. cit., p. 128

57 Tournier invente par exemple le verbe « dé-naître » qui signifie un retour possible aux limbes prénatales, cf., Célébrations, op. cit., p. 131.

58 Michel Tournier, Le vent Paraclet, op. cit., p. 298.

59 Ibid., p. 299.

60 Ibid., p. 298.

61 Michel Tournier, Petites Proses, op. cit., p. 99.

62 George Sand, Journal intime, Paris/Genève, Slatkine, p. 232.

63 Michel Tournier, Journal Extime, op. cit., p. 262.

64 Landman Claude, « la vie est-elle un voyage ? », in La revue lacanienne 3/2011, n° 11, pp. 187-194 ; www.cairn.info/revue-la-revue-lacanienne-2011-3-page-187.htm

65 Michel Tournier, Petites Proses, op. cit., pp. 240-241.

66 Michel Tournier, Journal Extime, op. cit., p. 242.

67 Ibid., p. 262-263.

68 Edgar Morin, op. cit.

69 Serge Koster, Michel Tournier, op. cit., p. 199.

 

 

***

 

Pour citer cet article

 

Jihane Tbini, « Michel Tournier, redéfinir la vieillesse », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°6|Printemps 2017 « Penser la maladie et la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 28 avril 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/tournier-vieillesse.html

 

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Le Pan poétique des muses - dans Numéro 6
28 avril 2017 5 28 /04 /avril /2017 10:51

 

Dossier mineur | Textes poétiques

 

 

Extrait de

 

 

Naevus Bleuet, chapitres 43 à 45,

 

 

Éditions Cockritures, 2015

 

 

Joan Ott

 

 

Cet extrait est reproduit avec l'aimable autorisation de

l'auteure et de sa maison d'édition Cockritures

Extrait de Naevus Bleuet, chapitres 43 à 45, Éditions Cockritures, 2015

© Crédit photo : Première de couverture illustrée de Naevus bleuet.

 

 

 

Elle ne marmonnait plus. De cela, il était certain. Elle s’enfermait parfois dans la salle de bains, mais pas très souvent, et pas très longtemps. Il l’avait épiée pendant des heures, sans qu’elle s’en aperçoive. Elle passait le plus clair de son temps à tricoter devant la cheminée en écoutant Mozart. Inlassablement Mozart, L’Ave verum, encore et encore, du matin au soir.

Et si ça recommençait ? Si ça recommençait comme avant ? Mais avant, elle ne faisait pas ça. Mozart, oui, mais pas autant. Avant, c’était… Rien à voir, non, non, ce n’était pas ça. Ça ne pouvait pas être ça. Elle aimait Mozart ? Et alors ! C’était son droit.

Oui, mais à ce point-là…

Et puis, du jour au lendemain, il n’y en eut plus que pour Schubert. Au début, ça le rassura : il n’y avait pas que Mozart. Oui, mais l’opus 100, cent fois répété, et jour après jour, c’était tout de même un peu inquiétant, non ?

Mais non ! Elle avait des lubies, des passions. Chacune durait un temps, avant de laisser la place à une autre, qui elle-même serait remplacée par une autre, et ainsi de suite, pour enfin revenir à la première, boucle bouclée, cercle parfait. Infernal ? Non, non… une manie inoffensive, tout au plus. Markus avait décidé de bannir à tout jamais de son vocabulaire le mot obsession. Elle avait toujours été un peu bizarre. Même ses copines le disaient. Toutes, elles le disaient : Amandine ? Elle est un peu spéciale. Et elle en convenait volontiers, ça la faisait même sourire, parfois. Spéciale, étrange, originale, bizarre, elle l’avait toujours été. Pourquoi changerait-elle ?

Pourtant, pendant les deux années passées à s’occuper de Mathilde, elle ne passait pas son temps à écouter le même CD à longueur de journée. Est-ce qu’elle allait mieux, alors ? Peut-être. Ou alors, ça lui manquait terriblement, mais elle prenait sur elle, à cause de Mathilde. Mais non : elle n’avait pas une minute à elle, la malade l’occupait entièrement, voilà où était la vérité. Il n’aurait peut-être pas dû l’étouffer sous l’oreiller.

[…]

Je fais bien attention. Parce que s’il me voit, s’il m’entend, il va croire que… et alors, la clinique. Mais il ne m’aura pas. Il ne m’aura pas parce que je ne suis pas folle, pas folle du tout, c’est lui, c’est eux tous, mais c’est lui, oui, lui surtout. Qu’est-ce qu’il croit ? Que je ne le vois pas ? Il me surveille, il m’épie, il m’observe. Tout comme les autres. Oui, eux aussi. S’ils s’imaginent que je ne le sais pas ! Je les vois, tous, ils sont là, ils me regardent et ils parlent, ils disent des choses, et quelles choses ! Je les entends, je sais tout, tout ! Depuis le temps ! Ils en ont après moi, tous autant qu’ils sont. Rouge, moi ? Rousse, oui, mais pas rouge. Ce n’est pas la même chose, pas du tout, mais eux, ils ne voient pas la différence, ils sont comme ça, tous pareils, ils ne savent pas. Ne veulent pas savoir. Ne sauront jamais. Bêtes immondes qui me narguent, qui me tancent, qui me jaugent et me jugent du haut de leur blondeur, du haut de leur noirceur. Âmes pourries, avilies. J’avais cru pourtant… mais non, aucun espoir…

les choses ne changent pas

pas plus que les gens on croit qu’ils peuvent changer que tout peut changer on veut y croire on y croit presque mais non rien ne change jamais même lui oui même lui

lui surtout il dit qu’il m’aime mais la vérité sa vérité leur vérité à tous AU FEU LA ROUGE mais c’est fini bien fini ils ont bien failli m’avoir une fois déjà il s’en est fallu de peu s’en est fallu d’un cheveu de rousse mais ça a raté alors maintenant ils recommencent mais ils ne m’auront pas

pas plus que la première fois ils ne m’auront jamais et lui pas plus que tous les autres des bêtes assoiffées de sang

sang rouge lui comme les autres mais ils auront beau faire tous autant qu’ils sont ils ne m’auront pas je ne sortirai plus d’ici ici ils ne peuvent pas me voir pas de fenêtre et bien attrapés tous oui bien attrapés attrapés attrapés attrapés j’ai ce qu’il faut voilà comme ça encore encore

plus rien voilà c’est bien

comme ça maintenant lui et eux

eux et lui bien attrapés tous

bien attrapés tous autant qu’ils sont

[…]

Il la trouva à l’étage, dans la salle de bain de leur ancien appartement où ils ne montaient plus jamais.

Ciseaux ouverts à ses pieds, X d’acier froid et menaçant qui brillait sur la masse des cheveux coupés.

Crâne nu mais rouge encore.

Rouge du sang qui s’écoulait en fins filets, barbouillant ses épaules, son front, ses joues diaphanes de rousse. Elle était là, immobile, assise sur le rebord de la baignoire. Ses yeux grands ouverts ne cillaient pas. Absente. Ailleurs. Muette, immobile, souriante. Comme statufiée.

Il la porta jusqu’à la chambre qu’elle avait faite sienne, nettoya et pansa ses blessures puis s’allongea tout contre elle, sur le grand lit des parents dont depuis des mois elle l’avait banni. Il la berça longtemps : Ma chérie, mon amour, ma mie, mon aimée, reviens, ne me laisse pas, qu’est-ce que je deviendrais sans toi, sans toi je ne suis rien…*

 

* Voir la page du livre chez l'éditeur : http://cockritures.fr/naevusbleuet/index.html

 

***

Pour citer cet extrait

 

Joan Ott, « Extrait de Naevus Bleuet, chapitres 43 à 45, Éditions Cockritures, 2015 », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°6|Printemps 2017 « Penser la maladie et la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 28 avril 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/naevusbleuet.html

 

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Le Pan poétique des muses - dans Numéro 6
28 avril 2017 5 28 /04 /avril /2017 09:50

 

Dossier majeur | Textes poétiques

 

 

 

Extrait de

 

 

SI jamais tu partais

 

 

version pour le théâtre

 

 

d’après le roman de Joan OTT

 

 

Joan Ott

 

Cet extrait est reproduit avec l'aimable autorisation de

l'auteure et de sa maison d'édition Le Manuscrit

Extrait de SI jamais tu partais, version pour le théâtre d’après le roman de Joan OTT

© Crédit photo : Le visuel de l’affiche pour le spectacle "Si jamais tu partais",

adaptation du roman de Joan Ott.

 

 

 

Lucie, devenue une vieille dame, se souvient. Ceci est la toute fin de la pièce.

Les enfants sont restés longtemps à la maison : des diplômes en veux-tu en voilà, mais pas de travail, la crise… Ils ont tout de même fini par se caser. Alors ils sont partis eux aussi. Ils se sont mariés sur le tard, et ils ont fait des petits : un chacun. J’espère bien qu’ils s’arrêteront là parce que plus, je ne sais pas si j’aurais la force. Les avoir tous les trois le mercredi, ça me fait bien plaisir, et leur raconter des histoires – leur héros préféré, c’est Licou le Protecteur. Chaque semaine, ils me réclament une nouvelle aventure, une qui fait bien peur… alors je recycle mes vieilleries : la panthère noire, le méchant loup, les dames Grenouilles et Piquedoux… ça me fait bien plaisir. Mais ça me fatigue un peu aussi. C’est que je vieillis. Elle se regarde dans le miroir. Finalement, c’est quoi, une vie ? Pendant des années, on attend d’être grand, et puis un jour on est grand, alors on commence à s’agiter, on s’émeut, on crie, on pleure, on rit, oui, on rit aussi, on aime parfois, oui on aime, au moins une fois : on se rencontre, on se quitte, on se retrouve, on se perd, on travaille, on gagne des sous, un peu, beaucoup, qu’importe, on fait des enfants, on les regarde grandir, et puis les enfants des enfants, et on ne se voit pas vieillir, jusqu’au jour où on est bien obligé de voir, on ne peut plus faire autrement, alors on se dit : C’est ça, ma vie ? C’est rien du tout ! Pas même de quoi en faire une chanson. Et le bonheur ! Ce fichu bonheur ! Quand donc les gens comprendront-ils enfin que ça n’existe pas ? L’amour, oui, peut-être, mais le bonheur… Au miroir : Oui, oui, j’arrête ! Mais tout de même… je vieillis… même si ça ne se voit pas… Elle lisse son visage, tentant d’effacer les rides, puis se tire la langue enfin… pas trop encore… je vieillis. Mais je n’ose pas dire non. Je ne voudrais pas passer pour une décatie, une plus bonne à rien, alors je dis oui pour les mercredis. Et comme la maison est grande, je dis oui pour les vacances aussi.

Elle va s’asseoir : Quand ils ne sont pas là, c’est bien aussi.

J’ai tout mon temps. Du temps à revendre… Alors, je me souviens…

Elle enlève ses chaussures qui tombent au sol avec un bruit mat

Musique : Les Mots d’amour, version Paul Motian

Souvenirs du temps où j’étais déesse, et danseuse étoile, et chanteuse. Souvenirs du temps où je faisais des romans… Mais non… pas l’ombre d’un… pas même une ligne. Rien. Des livres, j’en ai lu pourtant : libraire pendant plus de quarante ans… J’ai été une bonne épouse et une bonne mère, enfin… j’ai fait comme j’ai pu… Maintenant j’essaie d’être une bonne grand-mère.

Elle se lève, fait des demi-pointes maladroites devant le miroir en fredonnant.

S’ils me voyaient !

Elle pouffe dans sa main.

Mais ils ne me voient pas. Je suis bien sage, toujours bien sage, quand ils sont là.

Elle se remet à danser

Et j’espère que je pourrai dire oui quelques années encore, pour les vacances et pour les mercredis. Parce que des petits dans une maison, c’est encore de la vie…

Sur la fin de la musique, lentement le NOIR descend.

 

Fin

 

***

Pour citer cet extrait

 

Joan Ott, « Extrait de SI jamais tu partais, version pour le théâtre d’après le roman de Joan OTT », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°6|Printemps 2017 « Penser la maladie et la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 28 avril 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/si-jamais.html

 

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