Poèmes inédits
Dependere, Famille, Femme en-vie,
J'encharme, Lâchons-moi,
Sa mère !, Sauve & Usons Suzon
Dependere
Et puis un jour, il n'est pas revenu. Ils avaient leur rythme ; routinier, répétitif, stable, fiable..... sécurisant. Ce jour là, il a raté l'heure. Elle savait qu'elle ne le reverrait plus. Et elle s'applique de l'eau minérale sur la nuque, dernier bastion contre son feu qui lui ronge la peau. Il l'a toujours emporté sur sa raison. « Ne pars pas » Elle ne me le dit pas. Elle l'insère en moi, de menues peurs en menues peurs.
« Ne pars pas »
Ma volonté et mon désir l'emportent sur la solidarité que j'aurais pu avoir envers elle.
« J'ai besoin de toi » me dit-il. « Ne pars pas »
Et moi je me demande pourquoi l'on me retient plutôt que de me suivre. Je cherche encore. Je cherche toujours. Je trouve assurément mes amours.
Ici ? Beaucoup. Ailleurs ? Je ne m'inquiète pas de manque d'amour. « Love is all » disait un pro-fête. Je ne m'inquiète de rien.
Ce projet n'est pas plus bête qu'un autre.
Qui peut le comprendre ?
Elle.
Ma fidèle compagne. Mon âme jumelle. Ma sœur des profondeurs, qui se blesse à interroger ce qui la contraint, dans la tentative magnifique de remplir son vide de feux véritables. Faisant fi, s'il le faut, des feux d'emprunt, de ces flammes particulières qui la réchauffent mais point ne la brûle. Faisant fi, superbement, dans sa joyeuse détresse, de tout ce qui ne lui convient pas. Se jetant, intrépide, dans les hauteurs sans fond de son imaginaire jamais complètement incarné. Fidélisant son acte à sa pensée. Affinant patiemment ses sensations en abandonnant masques et camisoles, pour se découvrir toute entière. Être elle-même. Simplement. Courageusement.
De tout l'amour à donner, elle s'octroie la plus grande part et dans le confort de cette immensité, ne pas savoir la soulage.
Qu'il est donc doux de s'avoir.
***
Famille
Qu'est ce que ça peut me faire Ce qui se fait, ce qui se dit. J'ai pas trop d'temps à perdre
À établir des compromis
C'est pas que je veux déplaire Ou causer du soucis. Envie de tout défaire. Ne vois pas là que je fuis.
Y'a peu de chance mon frère Pour que je reste ici Y'a peu de chance mon père Pour que je fasse ta vie.
Je sais que ce n'est guère Pour m'entraver, pardi ! Et qu't'aurait été fier Si j'avais réussi.
Réussi à me faire Selon c'que t'as compris De ce qu'il faut sur terre, pour être bien lotie.
Mais toute vie mon père À son lot de soucis. Si j'côtoie la misère, C'est celle qu'on m'a appris.
Maint'nant pour être légère, Je dois t'laisser ici. J'te laisse ici mon père et prends soin de ta vie.
Toulouse. Janvier 2010
***
Femme en-vie
J'suis passée par l'chemin D'une p'tite femme qui s'pavane. Qui prend ses airs de catin Pour la cause nymphomane.
Elle usait de ses charmes, Attitude « m'as-tu vu » Touchait l'attention des hommes En moulant son dodu.
Femme fatale ou soumise Mad'moiselle est joueuse P'tit homme sous son emprise La croit fille d'Artemise
Cette parade du désir Elle la jouait à ravir Et p'tit gars s'plaignait pas À la vue de ses bas.
Ce qu'il faut aguicheuse Maniérée sensuelle. Sacrée p'tite allumeuse Qui aspire aux chandelles.
Quand elle y a mis le feu, Lui mettrait bien les doigts. Pas vraiment amoureux. Pas vraiment Homme de joie.
Femme-enfant gourmandise Elle est souvent pleine d'émoi Elle vit sa vie cerise Elle s'en met plein la joie.
Elle en joue.... de sa langue Pour ceux qui pointent le doigt... Ceux-là jugeant malpropre Parce qu'elle crache sur leurs lois. La désignant salope Parce qu'elle se doit sa joie.
J'encharme
C'est mon arme. Je la déploie à tout va. C'est que...je charme, Presque malgré
moi.
Qu'une âme me plaise Et je me fais à sa guise. Je me déguise Et m'accorde à son
souhait.
Je suis......caméléon. J'ai mille couleurs à mon panel.
Du plus luxueux des salons À la moindre des ruelles, J'entretiens tous les sujets.
Je fais parler les passionné-e-s, D'eux-mêmes ou transcendé-e-s. Je ravigote le blasé.
Du mendiant au marmiton, Du médecin au grabataire, Du musicien à l'antiquaire,
J'ai plu même à quelques cons.
Petite madame, C'était mon drame D'être belle fille Jamais tranquille.
En tant que femme, J'en use sans ruse, Point n'en abuse. Je suis ma flamme.
Buguélès. Juillet 2011
***
Lâchons-moi
Il faut que tu me laisses.... Tranquille maintenant.
D'une histoire de belles fesses À la passion des amants Du flacon de mon ivresse
Au sujet de mes tourments
Et toi qui me laisse.... Tranquille, c'est navrant.
Je regarde ce qui reste Et entre dans le rang De cette vie modeste
À laquelle j'aspire tant.
J'ai lâché du leste À l'ambition d'antan Le moindre de mes gestes Conforme à
mon allant.
On s'est connu merdeux, Aveugles aux sentiments. On s'est rendu heureux. J'ai
mal en dedans !
Et moi qui te laisse.... Tranquille, il est temps !
On s'attire, on s'entend, on s'étend, on s'étire On se tend. On se tire.
On s'y prend, à s'attendre. On aspire.... On s'méprend. On s'reprend. On chavire.
On en prend..... de la graine.
Toulouse. Septembre 2011
***
Sa mère !
Tu seras le sein des autres ma fille, Leur soleil, leur force. Nous te l'avons fait savoir.
Tu le sais maintenant.
Mais il y a quelque chose Que je ne t'ai pas dit Rien ne t'y oblige...
... que toi même.
Monein, Avril 2015
***
Sauve
Il y a toujours quelque chose qui se sauve. Il y a toujours quelque chose de sauvé. Sauvons le sauvable et laissons le reste. Passe ton chemin, Coûte que coûte !
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Usons Suzon
Quand j'étais petit garçon Avec ma grande copine Suzon On partait se promener En vadrouille toute la journée. On rapportait des crapauds, Tout fiers dans nos jolis seaux Et on courait partout, Même dans les chemins de boue.
Mais, loin de nos p'tits jeux, Là-bas dans le village, ON parlait de ma copine Et de nos remue-ménages :
« C'est un garçon manqué. Quand ils veulent pour la cloîtrer. Faut qu'elle comprenne sa destinée, Ce n'est qu'une fille en vérité. »
Alors ils l'ont enfermé, Lui ont parlé de p'tits bébés Dont elle aurait à s'occuper Entre le linge et le marché.
Et loin de nos jeux, Là-bas dans sa cage, J'voyais ma copine Sage comme un orage.
Après ils lui ont raconté Des histoires des grand mariages. Et en attente d'être possédée, Elle aide sa maman au ménage.
Elle est toujours apprêtée, Elle parle plus qu'à ses poupées Et pour quand j'viens la chercher Elle a appris un rire pincé.
Et loin de nous deux, Elle reste à ses mirages. Et loin de nous deux, J'continue mon voyage.
Y'a tellement de choses à faire, Tellement de choses à voir Et grâce aux pères de mes pairs Moi on me laisse à mes espoirs.
J'vis ma vie comme je l'entends,
Aiguillé par ma raison Qu'on m'aiguise patiemment Au fil de discussions.
Elle, loin de tout jeux, Suzon subit le carnage De ces moyennageux Et de leur héritage.
Pour elle y'a qu'une passerelle Qui mène à l'avenir (Nietszche). Dans cette sphère culturelle, Elle est vouée à servir.
Pour elle y'a qu'une passerelle Qui mène à l'avenir, Dans le quasi-universel, Elle est vouée à servir.
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Marie Mazaudou, « Dependere », « Famille », « Femme en-vie », « J'encharme », « Lâchons-moi », « Sa mère ! », « Sauve » & « Usons Suzon », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°10/Megalesia 2017, mis en ligne le 15 avril 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/suzon.html
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