Lettre n°15 | Eaux oniriques... | Textes poétiques thématiques
Mer infamilière
Texte de
Œuvres artistiques de
© Crédit photo: Poline Harbali, Série Le Damas des autres, no 1.
« Et ce jour-là les grands vaisseaux,
Fuyant le port qui diminue
Sentent leur masse retenue
Par l’âme des grands berceaux. »
Gabriel Fauré, Sully Prudhomme, Les berceaux
Lointaine tache d’huile toujours en devenir autre
Ligne fragile et accaparante
Ô ferry de l’enfance jeune fend chacun derrière ses armes, parfois
Revenu de soi on pourra dessiner
Sur les mythologies familiales répétées en écume trop épaisse
S’y engouffrer et mettre une croix sur un visage connu
On y peint en rouge rappel d’un maillot rayé
Veines vives en fratrie ou réseau augmenté des couleurs éteintes
Les chausses des dames anciennes toujours vues portées sous les chevilles enflées,
Qui ont eu un jour les cheveux noirs de là-bas
C’est toujours ce qui retient si tangage et rien autour,
Point hanté de l’univers
Toujours d’autres eaux à vêtir entre le proche et le lointain
Partir comme ouvrir une mer, l’immensité venue d’une faille
© Crédit photo: Poline Harbali, Série Le Damas des autres, no 2.
Saignée blanchâtre entre toi et devant
L’albatros pélagique qui fiente dans l’Éternel
C’est toi qui vogues avec ton atavisme
Ça fume en ton vaisseau cheminée au visage maternel
Tu penses l’ailleurs sous cette cape une main sur la cuisse
Du père ou du frère la chair en point d’appui
Tes gouttes encrées pleuvent ce que tu es
À la proue tu écris une mer noire et deviens le monde
Nouvel Euphrate tranché dans les flots déjà là
Parce que tu suis et sèmes en chemin ton chez-toi
Tu traces tes cieux en traits étiques à l’horizon
Là naît le neuf nouveau-né ou l’adieu aux empreintes
Tu sais l’abysse utérin devenir loin
Qu’on oubliera les dates anniversaires de l’enfant regardé,
Vieilli dans sa peau, incarné, passé
Abandon dernier des vivants hors de ses eaux premières
Tu sais l’âme jamais noyée dans le trop grand
Parce que mille bouées discutent, flottent, ayant posé leur marque
Traversé l’immuable, fait bouger et peut-être écaillé, fait changer son visage
Alors tu peux converser en fauteuil l’horizon dans le dos.
©CC
* Ce poème est écrit d'après deux œuvres de l'artiste franco-syrienne Poline Harbali. Les deux œuvres sont tirées de sa série "Le Damas des autres", voir le lien vers son site et en particulier cette série : https://www.polineharbali.com/Le-Damas-des-autres
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Pour citer ce poème philanthropique
Carole Clotis, « Mer infamilière », poème inédit d'après les œuvres artistiques de Poline Harbali, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°15 « Eaux oniriques : mers/mères », mis en ligne le 12 janvier 2021. Url : http://www.pandesmuses.fr/lettre15/cc-merinfamiliere
Mise en page par Aude Simon
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