N° III | ÉTÉ 2025 / NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES » | 1er Volet | Dossier | Articles & Témoignages | Revue Matrimoine
Tamara Lempicka
(1898-1980)
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Crédit photo : Tamara Lempicka (1898-1980), autoportrait de la peintresse en Marie ou une Sainte, capture d'écran par LPpdm d’une photographie libre de droits trouvée sur le web.
Née en mai 1898 à Varsovie, de Boris Górski, avocat russe de confession juive et d’une mère polonaise, Maria Gorska évolue dans un milieu confortable, et effectue de nombreux voyages avec sa sœur Adrienne, dès sa prime enfance, à Saint-Pétersbourg, Varsovie, Monte-Carlo et Lausanne, lieux de villégiature. La Première Guerre mondiale éclate lorsqu’elle a 16 ans. Que faire ? La peinture est déjà une vocation pour la jeune fille qui vit à Saint-Pétersbourg chez une tante et qui s’est inscrite à l’Académie des beaux-Arts. Deux ans plus tard, elle rencontre Tadeusz Lempicki, un avocat qu’elle épouse en 1916.
Lors de la révolution d’Octobre, c’est la débâcle. L’aristocrate est arrêté par les Bolcheviks en 1917, elle parvient à le faire libérer mais ils doivent fuir. Le couple vend bijoux et œuvres d’art, rejoint Copenhague puis Paris chez des cousins. Il faut gagner sa vie. Repartir à zéro. Tadeusz ne veut pas travailler. La jeune femme sait déjà ce qu’elle veut être : artiste peintre. Qui plus est, célèbre et riche ! Elle se forme à la Grande Chaumière, avec André Lhote, et à l’académie Ranson, avec Maurice Denis. En 1922, elle se présente au Salon d’automne, et déjà, se fait remarquer avec un style très particulier. Sauf que son œuvre Perspective, qui représente deux nus féminins dans une pose intime, est signée Lempitzky et tous croient que l’auteure du tableau est un homme. Le pot aux roses sera découvert deux ans plus tard.
Le style de la jeune femme devient reconnaissable entre tous. Elle mêle de ses pinceaux la Renaissance italienne et le néo-cubisme, un sacré mélange de classicisme et de modernité, d’élégance et de structuré. Tout cela se fond parfaitement dans le mouvement Art déco en vogue. Les personnages sont parfois architecturaux, les femmes peintes à la garçonne. Les peintures ont du rythme, on y perçoit une réelle maîtrise pleine de délicatesse et de géométrie. Tamara croit au décoratif et oriente son art de la sorte.
Sa première exposition personnelle a lieu à Milan en 1925 et c’est le succès. L’artiste prend son envol et s’émancipe. Elle fréquente le beau monde, l’écrivain André Gide, la chanteuse Susy Solidor, le couturier Paul Poiret, de riches industriels, des princes russes comme les Youssoupov à Boulogne. Elle prend comme modèles la duchesse de la Salle, le grand-duc Gabriel Constantinovitch (cousin du tsar Nicolas II de Russie), le Dr Boucard, inventeur fortuné…
Ses tableaux sont novateurs, souvent provoquants et véhiculent une image de la femme très libre. C’est en fait ce qu’elle est, libre, indépendante, avant-gardiste et bisexuelle déclarée (on lui connaît notamment des relations avec les auteures Colette, Violet Trefusis, Vita Sackville-West…). Installée à Montparnasse, elle aime la vie parisienne, fréquente les bars de nuit, donne libre cours à ses attirances d’un soir. C’est le temps de l’après-guerre, le jazz bat son plein, les femmes sont belles et sensuelles, et c’est ainsi que Tamara les peint.
Cependant, celle qui fréquente la bohème dérange. Sa beauté, son charisme, sa liberté font peur, ses nus féminins font parfois scandale. Tamara n’en a que faire, travaille sans compter. « Mon but : ne copie jamais. Crée un nouveau style, clair, sculptural, des couleurs lumineuses, et perçois l’élégance dans tes modèles », énonce-t-elle. Et elle réussit avec brio. « Je veux qu’au milieu de cent autres, on remarque une de mes œuvres au premier coup d’œil », ambitionne-t-elle. C’est le cas.
En 1927, la mondaine sort avec le dandy Gabriele d’Annunzio. Le vieil écrivain italien tombe éperdument amoureux de la belle de 35 ans sa cadette, et offre à sa protégée un topaze qu’elle gardera toute sa vie. En 1928, elle divorce de son époux, père de leur petite fille Marie-Christine dite Kizette, née en 1916 et dont Tamara ne s’est pas beaucoup occupée. La fillette est souvent laissée à sa grand-mère Malvina et délaissée par sa mère pour qui le métier d’artiste passe avant tout. (Kizette confiera plus tard sur cette maman absente, impulsive, excentrique, capricieuse, pas facile à vivre et voulant tout contrôler : « elle était stricte avec tout le monde mais tout d’abord avec elle-même (...) On n’avait pas le droit d’être fatigué, de remettre au lendemain les choses à faire. » « Nous étions proches », ajoutera celle que sa maman a peinte et qui l’emmenait chaque année en vacances, sur les lacs italiens, en Espagne, en Grèce.)
En 1929, Tamara part à New York, et est très impressionnée par les gratte-ciels. De plus en plus demandée, elle expose en Pologne où elle reçoit une médaille de bronze à l’Exposition internationale de Poznan, à Paris (dans quatre salons et à la galerie Colette Weil) et aux États-Unis (au Carnegie Institute de Pittsburgh).
La même année, la transgressive aux mœurs débridées rencontre le baron Raoul Kuffner, grand admirateur de son art. C’est un propriétaire terrien hongrois dont la famille a été anoblie par l’empereur d’Autriche, un aristocrate. La libertaire déménage alors rue Méchain, dans un superbe atelier dessiné par l’architecte Robert Mallet Stevens. Il n’y a pas que Tamara qui fait sensation dans la capitale ! Sa sœur d’un an sa cadette, Adrienne alias Ada de Montaut, architecte et première femme membre de l’Union des artistes modernes, fait aussi fureur. Mariée à Pierre de Montaut, membre de l’Union des architectes modernes, elle est spécialisée dans le cinéma, un domaine que Tamara adore, avec Hollywood.
Tamara vénère Greta Garbo et en a définitivement les allures, en égérie des Années folles. Son fiancé « Rollie » est riche, la portraitiste attitrée de la jet-set l’épouse en 1933. De comtesse, elle devient ainsi baronne, mais côté artistique, ce n’est plus l’euphorie des débuts. Tamara déprime. Ses tableaux s’en ressentent. Les sujets changent. La crise économique fait rage.
En 1939, la Seconde Guerre mondiale éclate. Tamara et son mari fuient aux États-Unis, où l’artiste entretient sa réputation de reine de la mode, continue de peindre, et pose avec son idole Garbo. Elle expose à New York et à San Francisco chez Paul Reinhardt et chez Julien Levy, mais l’art décoratif n’est plus en vogue et on l’oublie... Elle se met à l’abstrait. Dans les années 70, on la rappelle, mais la star est passée à autre chose. Elle coule des jours plus calmes dans le pays de l’oncle Sam, prend du temps pour elle, a une résidence au Mexique, pays où elle s’éteindra, à Cuernavaca, en 1980.
© Sarah Mostrel, extrait de « Femmes inspirantes » (éd. Non Nobis) reproduit avec l’aimable autorisation de l’artiste-autrice et sa maison d’édition.
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Pour citer cet extrait inédit
Sarah Mostrel, « Tamara Lempicka (1898-1980) », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : ÉTÉ 2025 | NO III NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES », 1er Volet, mis en ligne le 3 juin 2025. URL :
https://www.pandesmuses.fr/2025noiii/sm-tamaralempicka
Mise en page par Aude
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