N° III | ÉTÉ 2025 / NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES » | 1er Volet | Dossier | Articles & Témoignages | Revue Matrimoine
Rosa Bonheur
(1822-1899)
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Crédit photo : Anna (Elizabeth) Klumpke (1856-1942), « Portrait de Rosa Bonheur » dans son atelier, 1898, peinture tombée dans la domaine public, capture d'écran par LPpdm d’une photographie libre de droits trouvée sur le web.
Avec un nom pareil, elle était sans nul doute prédestinée au bonheur. Née le 16 mars 1822 à Bordeaux, Marie-Rosalie baigne dans le domaine artistique dès son plus jeune âge. Son père Raymond Bonheur, issu d’une famille de cuisiniers toulousains, est peintre. Sa mère, Sophie Marquis, musicienne, fait la connaissance de l’ami de Goya quand il lui donne des cours de dessin. À l’époque, les filles n’ont pas accès aux écoles d’art. Une chance donc pour Sophie qui tombe amoureuse très vite de son prof. Le couple se marie en 1821. Rosa naît un an plus tard. L’enfance est une période relativement heureuse pour la petite. Partageant sa vie entre la ville et le château de Grimont, à Quinsac (Gironde), elle se souvient qu’entre elle et ses deux frères Isidore (né en 1924) et Auguste (né en 1927) : « J’étais le plus garçon de tous. ». « Je vois encore l’empressement avec lequel je courais au pré où l’on menait paître les bœufs. Ils ont failli me corner bien des fois, ne se doutant pas que la petite fille qu’ils poursuivaient devait passer sa vie à faire admirer la beauté de leur pelage ». Un jour, les choses changent. Adepte de Saint-Simon, Raymond part pour Paris. Un abandon difficile pour l’enfant de 5 ans qui le rejoindra un an plus tard avec sa mère, son frère Auguste et sa sœur Juliette bébé. Autant l’enfance de Rosa, à la campagne, a été faste, autant sa jeunesse va être miséreuse. En attendant, elle rêve. Sophie n’ayant pas connu son père (elle a été adoptée par Jean-Baptiste Dublan de Lahet, un commerçant bordelais), Rosalie imagine que du côté maternel, elle est issue d’une famille royale, et fantasme sur ce grand-père qu’elle ne connaît pas. Elle sait aussi que sa mère n’a pu s’émanciper que grâce à son tuteur qui lui a alloué un professeur de danse, de chant, de musique, puis de dessin — discipline qui lui a permis de rencontrer son mari. La mort de M. Dublan de Lahet va l’éclairer sur ses origines. Le riche commerçant qu’elle croyait étranger est en fait son grand-père ! Une révélation ! Rosa grandit dans la pauvreté. Elle a du mal avec sa scolarité. Sa maman trime dur. Prof de musique, elle donne des cours de piano le jour, prend des ouvrages de couture la nuit, et a du mal à tenir le coup. Très attentive à sa fille aînée, elle se met à lui enseigner la lecture et l’écriture en associant un animal à chaque lettre de l’alphabet. Ce qui va être déterminant pour la suite. Hélas, Sophie meurt alors que Rosalie n’a que 11 ans. Un crève-cœur pour elle qui doit désormais se débrouiller pour vivre. Elle rentre en apprentissage en tant que couturière, est placée en pension, mais c’est dans l’atelier de son père que vont se révéler ses talents. Elle veut venger sa mère, qui n’a pu vivre de son art. C’est décidé, elle s’y consacrera toute sa vie !
À 17 ans, Rosalie Bonheur se fait déjà remarquer artistiquement. A 19 ans, elle expose ses animaux peints et sculptés au Salon de peinture et de sculpture de Paris. Raymond épouse en secondes noces, en 1842, Marguerite Peyrol, qui lui donne un fils, Germain (lequel deviendra aussi peintre, comme tous ses frères et sœurs…), tandis qu’on continue de s’émerveiller des réalisations de celle qui prend le nom de Rosa au Salon de 1844.
Dès lors, elle va être récompensée de plusieurs prix, dont la médaille de 3e classe (bronze) au Salon de 1845 et une médaille de 1re classe (or) au Salon de 1848. L’État lui commande une œuvre, Le Labourage nivernais, qui va trouver sa place au musée du Louvre. Sa renommée est faite. A 27 ans, elle est nommée directrice de l’École
Impériale gratuite de dessin pour demoiselles. Elle y restera jusqu’en 1860. « Je vais faire de vous des Léonard de Vinci en jupons ! » assène-t-elle à ses élèves.
Son œuvre continue de subjuguer. On y perçoit souvent une peinture d’homme tant son tracé est fort, nerveux, solide. Un de ses grands formats Le Marché aux chevaux est acheté par le marchand et collectionneur d’art britannique Ernest Gambart, ce qui lui vaut une notoriété internationale. Elle part en Angleterre, rencontre Géricault, voyage en Écosse, en Belgique, on la présente à la reine Victoria, qui s’émeut de ses créations. A 38 ans, elle part vivre à By, près du village de Thomery en Seine-et-Marne. Là, elle installe son atelier avec, à disposition, les animaux qui lui servent de modèles : un lion, une lionne, un cerf, un mouton sauvage, une gazelle, des chevaux, en tout, près de 200 ! En 1865, l’impératrice Eugénie la décore de l’insigne de Chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur. Rosa est définitivement reconnue pour son talent, mais aussi pour sa personnalité affirmée.
Garçon manqué, elle n’a aucune intention de se marier, au vu des mauvais souvenirs des relations de son père avec sa mère. Elle fume le cigare, chasse, porte des pantalons (pour cela, elle doit avoir une permission de travestissement, renouvelable tous les six mois auprès de la préfecture de Paris. « Quel ennui d’être limitée dans ses gestes quand on est une fille ! », soutient-elle alors que cette demande de travestissement ne sera abrogée qu’en… 2013). Elle a des cheveux courts, monte à cheval et surtout, entend rester indépendante, affligée que sa mère n’ait pu développer une carrière artistique car trop écrasée par Raymond.
Le décollage artistique de la peintre va heureusement perdurer, et la hisser au sommet. Rosa gagne de l’argent grâce à son art et s’aperçoit qu’elle peut se débrouiller seule. Elle aide financièrement sa famille, est une femme, mais accomplit des choses jusque-là réservées aux hommes !
Alors que Raymond avait dans son adolescence réalisé le portrait de la jeune Nathalie Micas (1824-1889), Rosa s’était liée d’amitié avec cette jeune fille de deux ans plus jeune qu’elle. Elle la rejoint et s’établit avec elle (et vivra avec elle plus de 40 ans, jusqu’à sa mort en mai 1889). Nathalie est aussi devenue peintre. Passionnée par les questions mécaniques et scientifiques, elle vient aussi d’inventer un système de freins pour arrêter les trains. La relation fait jaser, Rosa n’en a que faire. « Nathalie [Micas] était la compagne de mon enfance, elle avait été témoin de mes luttes et de mes misères, elle avait partagé mes joies et mes douleurs », écrira Rosa amoureusement.
En 1889, la peintre animalière fait une étonnante rencontre. « Le colonel Cody » alias Buffalo Bill de passage en France avec son spectacle de cirque, le Wild West Show. Elle est subjuguée. Ils se lient d’amitié, elle veut étudier les buffles, les bisons, il est curieux de ses peintures, lui offre une panoplie de Sioux. Elle réalisera pour lui un portrait. À cette occasion, elle rencontre Anna Klumpke, jeune peintre américaine qui partagera sa vie jusqu’à sa mort et à qui elle léguera son héritage, ainsi que le soin d’achever sa biographie. A 77 ans, l’artiste est emportée par une congestion pulmonaire fulgurante. Elle sera inhumée au Père-Lachaise, à Paris, près de Nathalie.
© Sarah Mostrel, extrait de « Femmes inspirantes » (éd. Non Nobis) reproduit avec l’aimable autorisation de l’artiste-autrice et sa maison d’édition.
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Pour citer cet extrait inédit
Sarah Mostrel, « Rosa Bonheur (1822-1899) », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : ÉTÉ 2025 | NO III NUMÉRO SPÉCIAL « CRÉATRICES », 1er Volet, mis en ligne le 3 juin 2025. URL :
https://www.pandesmuses.fr/2025noiii/sm-rosabonheur
Mise en page par Aude
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