Poèmes, nouvelles, lettres, fragments
Gribouillage translucide
Crédit photo : "Water", domaine public, image trouvée sur Commons,
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Water_(2093219665).jpg
I
Dans ma mémoire demeure un espoir
pleurer les villes, les ruines, les hommes, les chagrins
te pleurer enfin
dans ma mémoire emplie de déboires
ton visage bleu, En sof, comme une étoffe du ciel
découpée en pans de vie
déroulée sous les pieds des tyrans
dans ma mémoire, pleure l'espoir
Dans ma mémoire, pleure l'espoir,
pleurent les villes, pleurent les campagnes
pleurent les cieux des temps heureux
Dans ma mémoire, crie le regard
crient les filles, les armes, et les mies
crient les silences de leur souffrance
Dans ma mémoire, se tait le poète
se tait le regard, se fige la main
le cœur pleure, "finie la rigolade".
II
Pauvre plume épuisée, de nos tracées, médusée
Nous étions bien amusées et des leurres abusées
C'était bien l'été…
pauvre plume laissée pour compte
tu chavires tel le navire
pris dans un orage prompt
Pauvre plume tachetée d'encre
ancrée ici, encrée par-là
trempée infiniment de mon sang
.....à 19h00
III
Je ne sais plus écrire, les mots me devancent, voyagent, fuient quelque part
hantent le hasard.
Je cherche à les séduire, ils me taquinent et me jugent dérisoire
Je ne sais plus écrire, les maux sont là, des tas de mots aussi en mare de l'Horla...
Je ne sais plus écrire, les signes s’évanouissent,
je cherche à les attraper et je tombe sur leur nuée
blanche, toute vide, avide de mon sang
Je ne sais plus écrire, je vomis du temps
craquelé en myriade de vents
Je ne sais plus écrire, je dessine des sons
ronds, carrés, rectangulaires, géométriques... que c'est pathétique !!!
Je ne sais plus écrire, je tamponne les feuilles de mes grisailles, des vestiges, des ponts et des pans...
Je ne sais plus écrire, je griffonne, je gribouille, je fustige l'amont
Je ne sais plus écrire, mon sort est bâclé par les mains des Moires
et les Muses s'amusent au loin, ricanent au coin du ciel
Le ciel s'assombrit, plus de mots, plus de maux, plus de signes, plus rien.
Et le rose des friandises – couleur des fans – devient la couleur des femmes
retour en amont, en aval mais certainement pas là où l'aube se réclame de nous…
Je ne sais plus écrire, les amas de larmes gribouillent sur les feuilles,
et la rosée matinale se fane au gré des larmes des oubliées des mots….
Janvier 2017
***
Pour citer ce poème
Dina Sahyouni, « Gribouillage translucide », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°9 [En ligne], mis en ligne le 24 janvier 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/gribouillage.html
© Tous droits réservés Retour au sommaire