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Non, le rose n’est pas
la couleur des filles !
Article & photographies
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© Crédit photo : Une œuvre de Jana Bernartovà, photographie par Françoise Urban-Menninger.
Une passionnante exposition vient d’être présentée au CEAAC de Strasbourg dont l’intitulé « Cuisse de nymphe émue » renvoie à une phrase relevée par une lectrice de Tolstoï dans Guerre et Paix. En décrivant le pantalon du Prince Hippolyte, Tolstoï en qualifie la couleur de « cuisse de nymphe effrayée ».
Tereza Jindrovà explique le travail de Jana Bernartovà qui est depuis toujours fascinée par la problématique des couleurs et par la perception que nous en avons et qui évolue au fil du temps.
C’est ainsi que d’après l’écrivain Jean Ray, Homère aurait considéré le rose telle une couleur fragile et éphémère, reléguée au rang de la subjectivité de la poésie…
Dire que c’est là l’origine du stéréotype qui consiste à attribuer le rose aux filles serait ignorer qu’au Moyen-Âge, le rose était la couleur de la virilité !
Dans un premier temps, la couleur de la layette était unisexe, puis le bleu (couleur divine par référence à la Vierge Marie) fut attribué aux filles alors que le rose était destiné aux garçons. Sortis de leurs couches, garçons et filles portaient indifféremment une robe blanche jusqu’au 19e siècle.
Sans doute est-ce le développement des échographies qui a généré un trousseau sexué, voire dédié une place aux jouets roses pour les filles. Pastoureau invoque ainsi l’arrivée de Barbie et du code couleur adopté aux USA pour expliquer ce phénomène qui a déclenché par la suite la fameuse taxe rose dénoncée par les féministes et qui consistait à faire payer des objets utilitaires tels qu’un rasoir plus cher lorsqu’il était de couleur rose !
Mais n’oublions pas que jusqu’au 18e siècle, le rose était la couleur de la robe des prostituées ainsi que celle des lanternes des maisons closes ! Quant à Goethe dans son traité des couleurs, il affirmait que le sexe féminin était attaché au rose et au vert d’eau !
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© Crédit photo : Un tableau de Jacob Bunel montrant Henri IV vêtu de rose, image fournie par Françoise Urban-Menninger.
Or lorsque l’on observe les tableaux peints au cours des siècles, l’on peut constater que les hommes sont vêtus de rose tel Henri IV peint par Jacob Bunel... Et même si d’après certains sondages, les femmes avouent bouder le rose, cette couleur continue d’être associée au genre féminin !
Pour ma part, je prends plaisir à en décliner toutes les nuances du blanc rosé au rose églantine, en passant par le rose Bengale et le rose pourpré, voire lilacé, pour revenir au rose amarante, ce qui est en soi déjà tout un poème où le rose n’en finit plus d’embaumer notre imaginaire !
© F. Urban-Menninger, novembre 2021.
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Pour citer ce texte inédit
Françoise Urban-Menninger (article & photographies inédits), « Non, le rose n’est pas la couleur des filles ! », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Numéro Spécial | Printemps 2022 « L'humour au féminin » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 15 novembre 2021. Url :
http://www.pandesmuses.fr/ns2022/fum-lerosenestpaslacouleurdesfilles
Mise en page par David Simon
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