Lettre n°16 | À nos ivresses & aux Bacchantes | Chroniques de Camillæ/Poésie & Cinéma ou Chroniques cinématographiques
Agnieszka Holland,
Le Procès de l’herboriste,
avec Ivan Trojan, Josef Trojan
& Juraj Loj
https://camilleaubaude.wordpress.com/
Jan Mikolášek, un jeune homme tchèque d’une rare beauté, recueille le savoir d’une vieille femme pour guérir les êtres humains par les plantes. L’enseignement de cette femme est limpide : « Connais ta place, ne monnaie pas tes dons ». Elle est haïe par les gens de bonne réputation, bien qu’elle les soigne. Le père du jeune initié l’enferme dans sa chambre. S’ensuit une scène où, armé d’une hache, le futur herboriste rompt avec sa famille. Une scène digne d’entrer dans une anthologie, ce qu’on appelle couramment best off du genre.
Ce n’est pas la seule de ce film témoignant d’un immense talent et montrant les fortes strates de la fragile existence humaine, dont l’ombre peut s’effacer à chaque instant. La plus belle scène se déroule dans la forêt aux pouvoirs de magicienne, là où règne la lumière. Ce médecin pour qui la nature est son désir préférable, sa préfère âme, y vit des moments d’amour avec son assistant, dans sa belle automobile, qui suscite la jalousie. Les amants font mine de s’étrangler, mais le moment n’est pas venu.
Les scènes d’embauche puis de séduction de l’assistant sont aussi des scènes dramatiques et sacrées (mieux que best off, ou « anthologie »). Le désir charnel, les combats physiques et psychologiques, sur une assise de dépendance, mènent leur ronde éternelle pour séduire le spectateur, et le placer sur un pied d’égalité avec ce haut mage1.
Cette œuvre magistrale de la réalisatrice Agnieszka Holland contribue à faire comprendre et à rendre immortel Jan Mikolášek, sous les traits de l’acteur Ivan Trojan. Ce personnage doué, et beau à tous les âges, est né à Rokycany le 7 avril 1889, quand la Bohême faisait encore partie de l’ Empire Austro-Hongrois. Jugé en 1958, il sort de prison en 1963 ou 64, et meurt à Prague, le 29 décembre 1973, à l’âge de 84 ans. Il repose dans la ville phare des Alchimistes, au cimetière Olšany (Olšanské hřbitovy), près de l’occultiste tchèque Pierre de Lasenic. Bref, tout un monde d’imagination, qu’Agnieszka Holland transmet, sans le figer, pour créer une allégorie.
L’Herboriste devient « l’homme qui défia l’état », et les plantes sont « la passion d’une vie ». Les éléments de fiction s’établissent sur l’histoire vraie de ce médecin-guérisseur-chaman-herboriste qui gagnait la confiance des malades, et a dû affronter des torrents d’animosité. Quelles sont ses cohortes d’ennemis ? La face inverse des cohortes de malades, dans une façon de répons, entre chœur et soliste, aux forces de vie ; ce sont les anti-nature, les homophobes, l’être humain lambda, jaloux et délateur, qui instaure la tyrannie. L’Herboriste sait qu’il a ce mal en lui. Sa connaissance du mystère de l’univers se solde par une défaite totale. La dramaturgie explosive de cette fiction sert un sentiment d'amour homosexuel sincère et profond, créant des scènes de lumière dans un climat politique de ténèbres, puis d’obscurantisme totalitaire, avec la censure et la terreur.
Note
1. En quoi la bande annonce passe à côté de l’essentiel, car elle montre la prison alors que le spectateur espère au-delà de toute raison que l’herboriste restera physiquement libre.
Lien vers la bande Annonce https://www.youtube.com/watch?v=2G0KdrbTRoE
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LE PROCÈS DE L'HERBORISTE Bande Annonce (2021)
LE PROCÈS DE L'HERBORISTE Bande Annonce (2021)© 2021 - KMBO
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Pour citer cette chronique cinématographique
Camille Aubaude, « Agnieszka Holland, Le Procès de l’herboriste, avec Ivan Trojan, Josef Trojan et Juraj Loj », Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°16, mis en ligne le 21 juillet 2021. Url :
http://www.pandesmuses.fr/lettreno16/ca-agnieszkaholland
Mise en page par Aude Simon
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