Événements poétiques | Recueil numérique du festival « Le Printemps des Poètes » | Poésie des siècles passés
L'éphémère
Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)
Poème choisi, transcrit & modernisé légèrement avec une photographie prise par Dina Sahyouni
© Crédit photo : Portrait de Marceline Desbordes-Valmore jeune, dessin photographié (pour cette revue par DS.) de ses Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore 1819-1833, Idylles, Élégies, Paris, Alphonse Lemerre éditeur, MDCCCLXXXVI) ouvrage poétique tombé dans le domaine public.
L'extrait ci-dessous provient du recueil de poèmes, tombé dans le domaine public, de DESBORDES-VALMORE, Marceline (1786-1859), Les pleurs, poésies nouvelles, par Madame Desbordes-Valmore, Préface d'Alexandre Dumas, Paris, Librairie de Charpentier, MDCCCXXXIII/1833, volet « Aux petits enfants », pp. 377-381.
Je suis trop délicat, trop faible et trop petit,
Pour porter vos fruits mûrs et porter vos corbeilles,
Dépouiller les tilleuls du trésor des abeilles,
Courber de vos moissons la féconde épaisseur ;
Mais je vous enverrai l'Automne : c'est ma sœur.
– M. H. DE LATOUCHE. –
LXV
Frêle création de la fuyante aurore,
Ouvre-toi comme un prisme au soleil qui le dore ;
Va dire ta naissance au liseron d'un jour ;
Va ! tu n'as que le temps de deviner l'amour !
Et c'est mieux, c'est mieux que de le trop connaître ;
Mieux de ne pas survivre au jour qui le vit naître.
Happe sa douce amorce, et que ton aile, enfant,
Joue avec ce flambeau ; rien ne te le défend.
Né dans le feu, ton vol en cercles s'y déploie,
Et sème des anneaux de lumière et de joie.
Le fil de tes hasards est court, mais il est d'or !
Nul regret ne pendra lugubre sur ton sort ;
Nul adieu ne viendra gémir dans l'harmonie
De ton jour de musique et d'ivresse infinie ;
Ce que tu vas aimer durera tes instants ;
Tu ne verras le deuil ni les rides du temps.
Les feuillets de ton sort sont des feuilles de rose.
Fiévreuse de soleil et d'encens, quel destin !
Atome délecté dans le miel qui l'arrose,
Sonne ta bienvenue au banquet du matin.
Je t'envie ! et Dieu t'aime, innocent éphémère ;
Tu nais sans déchirer le beau flanc de ta mère ;
Ce penser triste et doux ne te fait point de pleurs :
Il ne t'impose pas comme un remords de vivre.
Tu n'as point à traîner ton cœur lourd comme un livre.
Heureux rien ! ta carrière est au bout de ces fleurs.
Bois ta vie à leur âme, et que ta prompte haleine
Goûte à tous les parfums dont s'abreuve la plainte.
Hâte-toi : si le ciel commence à se couvrir,
Une goutte de pluie inondera tes ailes :
Avant d'avoir vécu, tu ne veux pas mourir,
Toi ! Les fleurs vont au soir : ne tombe qu'après elles :
Bonjour ! bonheur ! adieu ! Trois mots pour ton soleil.
Et pour nous, que de nuits jusqu'au dernier sommeil !
Le long vivre n'apprend que des fables railleuses.
Tristement recueillis sous nos ailes frileuses,
Nous épions l'espoir, qui n'ourdit qu'un regret :
Et l'espoir n'ouvre pas sa belle chrysalide ;
Et c'est un fruit coulé sous son écorce vide ;
Et le vrai, c'est la mort ! – et j'attends son secret.
Oh ! ce sera la vie : oh ! ce sera vous-même,
Rêve, à qui ma prière a tant dit : Je vous aime.
Ce sera pleur par pleur, et tourment par tourment,
Des âmes en douleurs le chaste enfantement !
***
Pour citer ce poème élégiaque
Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859), « L'éphémère », poème choisi, transcrit & modernisé légèrement avec une photographie prise par Dina Sahyouni de DESBORDES-VALMORE, Marceline (1786-1859), Les pleurs, poésies nouvelles... (1833), Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événement poétique / Festival Le Printemps des Poètes Mars 2022 | « L'éphémère aux féminin, masculin & autre », Recueil collectif des périodiques féministes de l'association SIÉFÉGP, mis en ligne le 1er avril 2022. Url :
http://www.pandesmuses.fr/ephemere/mdv-Lephemere
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