13 octobre 2020 2 13 /10 /octobre /2020 12:38

Événements poétiques | Un pan de poèmes pour  Toutes à l'école 2020

 

 

 

 

La fileuse et l'enfant

 

&

 

 

Ondine à l'école

 

 

 

 

 

 

 

 

​​Marceline Desbordes-Valmore

 

Poèmes choisis & transcrits pour cette revue par Dina Sahyouni

 

 

 

 

La fileuse et l'enfant

 

 

J'appris à chanter en allant à l'école :

Les enfants joyeux aiment tant les chansons !

Ils vont les crier au passereau qui vole ;

Au nuage, au vent, ils portent la parole,

Tout légers, tout fiers de savoir des leçons.

 

 

La blanche fileuse à son rouet penchée

Ouvrait ma jeune âme avec sa vieille voix

Lorsque j'écoutais, toute lasse et fâchée,

Toute buissonnière en un saule cachée,

Pour mon avenir ces thèmes d'autrefois.

 

 

Elle allait chantant d'une voix affaiblie,

Mêlant la pensée au lin qu'elle allongeait ;

Courbée au travail comme un pommier qui plie ;

Oubliant son corps d'où l'âme se délie ;

Moi, j'ai retenu tout ce qu'elle songeait :

 

– « Ne passez jamais devant l'humble chapelle

– Sans y rafraîchir les rayons de vos yeux.

Pour vous éclairer c'est Dieu qui vous appelle ;

Son nom dit le monde à l'enfant qui l'épèle,

Et c'est, sans mourir, une visite aux cieux.

 

 

« Ce nom, comme un feu, mûrira vos pensées,

Semblable au soleil qui mûrit les bleds d'or ;

Vous en formerez des gerbes enlacées

Pour les mettre un jour sous vos têtes lassées

Comme un faible oiseau qui chante et qui s'endort.

 

 

« N'ouvrez pas votre aile aux gloires défendues ;

De tous les lointains juge-t-on la douleur ?

Les voix sans écho sont les mieux entendues ;

Dieu tient dans sa main les clefs qu'on croit perdues ;

De tous les secrets lui seul sait la valeur.

 

 

« Quand vous respirez un parfum délectable,

Ne demandez pas d'où vient ce souffle pur.

Tout parfum descend de la divine table ;

L'abeille en arrive, artiste infatigable,

Et son miel choisi tombe aussi de l'azur.

 

 

« L'été, lorsqu'un fruit fond sous votre sourire,

Ne demandez pas ; Ce doux fruit, qui l'a fait ?

Vous direz : C'est Dieu, Dieu par qui tout respire !

En piquant le mil l'oiseau sait bien le dire,

Le chanter aussi par un double bienfait.

 

​​​​​​

« Si vous avez peur lorsque la nuit est noire,

Vous direz : Mon Dieu, je vois clair avec vous !

Vous êtes la lampe au fond de ma mémoire ;

Vous êtes la nuit, voilé dans votre gloire ;

Vous êtes le jour et vous brillez pour nous !

 

 

« Si vous rencontrez un pauvre sans baptême,

Donnez-lui le pain que l'on vous a donné.

Parlez-lui d'amour comme on fait à vous-même ;

Dieu dira : C'est bien ! Voilà l'enfant que j'aime :

S'il s'égare un jour, il sera pardonné.

 

 

« Voyez-vous passer dans sa tristesse amère

Une femme seule et lente à son chemin,

Regardez-la bien et dites : C'est ma mère,

Ma mère qui souffre ! – honorez sa misère,

Et soutenez-la du cœur et de la main.

 

 

« Enfin faites tant et si souvent l'aumône,

Qu'à ce doux travail ardemment occupé

Quand vous vieillirez – tout vieillit, Dieu l'ordonne, –

Quelque ange en passant vous touche et vous moissonne

Comme un lys d'argent pour la Vierge coupé.

 

 

« Les ramiers s'en vont où l'été les emmène ;

L'eau court après l'eau qui fuit sans s'égarer.

Le chêne grandit sous le bas du grand chêne,

L'homme revient seul où son cœur le ramène,

Où les vieux tombeaux l'attirent pour pleurer. »

 

​– J'appris tous ces chants en allant à l'école :

Les enfants joyeux aiment tant les chansons !

Ils vont les crier au passereau qui vole ;

Au nuage, au vent, ils​​​​​​ portent la parole,

Tout légers, tout fiers de savoir des leçons.

(pp.61-64)*

 

 

 

 

Ondine à l'école

 

Vous entriez, Ondine, à cette porte étroite,

Quand vous étiez petite, et vous vous teniez droite ;

Et quelque long carton sous votre bras passé

Vous donnait on ne sait quel air grave et sensé

Qui vous rendait charmante. Aussi, votre maîtresse

Vous regardait venir, et fière avec tendresse,

Opposant votre calme aux rires triomphants,

Vous montrait pour exemple à son peuple d'enfants ;

Et du nid studieux l'harmonie argentine

Poussait à votre vue : « Ondine ! Ondine ! Ondine ! »

Car vous teniez déjà votre palme à la main,

Et l'ange du savoir hantait votre chemin.

 

 

Moi, penchée au balcon qui surmontait la rue,

Comme une sentinelle à son heure accourue,

Je poursuivais des yeux mon mobile trésor,

Et disparue enfin je vous voyais encor.

Vous entraîniez mon âme avec vous, fille aimée,

Et je vous embrassais par la porte fermée.

Quel temps ! De tous ces jours d'école et de soleil

Qui hâtaient la pensée à votre front vermeil,

De ces flots de peinture et de grâce inspirée,

L'âme sort-elle heureuse, ô ma douce lettrée ?

Dites, si quelque femme avec votre candeur

En passant par la gloire est allée au bonheur ? ....

 

 

Oh ! que vous me manquiez, jeune âme de mon âme !

Quel effroi de sentir s'éloigner une flamme

Que j'avais mise au monde, et qui venait de moi,

Et qui s'en allait seule : Ondine ! quel effroi !

 

 

Oui, proclamé vainqueur parmi les jeunes filles,

Quand votre nom montait dans toutes les familles,

Vos lauriers m'alarmaient à l'ardeur des flambeaux :

Ils cachaient vos cheveux que j'avais faits si beaux !

Non, voile plus divin, non, plus riche parure

N'a jamais d'un enfant ombragé la figure.

Sur ce flot ruisselant qui vous gardait du jour

Le poids d'une couronne oppressait mon amour.

Vos maîtres étaient fiers et moi j'étais tremblante ;

J'avais peur d'attiser l'auréole brûlante,

Et, troublée aux parfums de si précoces fleurs.

Vois-tu, j'en ai payé l'éclat par bien des pleurs.

Comprends tout.... J'avais vu tant de fleurs consumées !

 

 

Tant de mères mourir, de leur amour blâmées !

Ne sachant bien qu'aimer je priais Dieu pour vous,

Pour qu'il te gardât simple te tendre comme nous ;

Et toi tu souriais intrépide à m'apprendre

Ce que Dieu t'ordonnait, ce qu'il fallait comprendre.

Muse, aujourd'hui, dis-nous dans ta pure candeur

Si dieu l'ordonnait du moins pour ton bonheur ?

(pp. 100-102)*

 

 

* Ces textes sont des extraits de DESBORDES-VALMORE, Marceline (1786-1859), Poésies inédites, publiées par Gustave RÉVILLIOD, Genève, imprimerie de Jules Fick, 1860. Le recueil en question appartient au domaine public et on peut le trouver sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France.

 

***

 

Pour citer ces poèmes

 

Marceline Desbordes-Valmore, « La fileuse et l'enfant » & « Ondine à l'école », poèmes extraits de DESBORDES-VALMORE Marceline, Poésies inédites (1860), choisis et transcrits par Dina SahyouniLe Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Évènement poétique|« Un pan de poèmes pour Toutes à l'école 2020 », mis en ligne le 13 octobre 2020. Url : http://www.pandesmuses.fr/11octobre20/mdv-ondine

 

 

Mise en page par David Simon

 

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