N°7 | S'indigner, soutenir, hommages & lettres ouvertes
Avant-première
Hommage & soutien
Le Courage et le militantisme
d’une plasticienne luxembourgeoise
Blog : http://sylvainjosserand.blogspot.fr
Le 29 mai 2014, la jeune artiste plasticienne luxembourgeoise, Deborah De Robertis, s'assoit à terre devant le tableau de Courbet, "L’origine du monde"— exposé au musée d'Orsay — et, jambes écartées, exhibe son sexe devant les visiteurs à la manière du modèle du tableau, avant d'être délogée par les gardiens et la police venue en renfort.
Cette artiste réalise ainsi une installation vivante en face du tableau éponyme, en adoptant devant un public interloqué une posture presqu’analogue à celle du modèle de l’œuvre du génial peintre qui rejetait la peinture académique et des nus trop lisses.
Tout le monde connaît ou a vu ce tableau dont le dernier propriétaire fut Jacques Lacan, avant qu’il n’en fasse don au Ministère de l’Économie et des Finances. Le but de cette évocation n’est pas de rappeler les différents mystères qui entourent son commanditaire, ni d’évoquer les nombreuses polémiques soulevées par cette peinture jugée provocatrice par certains, ni de situer la place occupée par cette œuvre dans la vie du célèbre psychanalyste, mais de souligner l’acte courageux et militant de Déborah.
Déborah De Robertis ne dispose pas de la notoriété de Koons qui n’hésitera pas à installer un sex-shop en plein milieu de l’exposition qui lui est consacrée au musée Beaubourg à l’automne 2014. Sex-shop où il s’est mis en scène et fait photographier avec la Cicciolina (une actrice du porno). Un gardien a été affecté à cet espace dédié pour filtrer les entrées, preuve s’il en est que l’on n’est plus ici dans l’Art mais dans un tout autre registre. Ce lieu est interdit aux visiteurs de moins de 16 ans, pour permettre à la vulgarité de se conjuguer avec le manque de respect pour le corps féminin.
Déborah s’affiche à Orsay sans la moindre autorisation, sans la supervision d’un Commissaire d’exposition et sans les subsides du Ministère de la culture. Elle n’est ni dans le buzz ni dans la subvensionite des artistes contemporains passant autant de temps à courtiser les sponsors officiels qu’à créer, tant les œuvres monumentales qu’ils offrent au public exigent de lourds sacrifices financiers. Deborah par son installation devient sa propre création, sa « propre origine du monde ». Elle se dévoile au sens où l’entendrait probablement le philosophe Heidegger.
Elle veut signifier, me semble-t-il, que la construction, au sens ontologique du terme, est encore possible face à un monde dominé et terrorisé autant par les puissances d’argent qui s’enrichissent de la fabrication d’armes, de polluants pour la culture et l’élevage intensifs, de l’extraction sans limite d’énergies fossiles que par la déconstruction programmée d’idéologues sanguinaires qui voilent leurs femmes. Leur cynisme et leur cruauté les conduisant d’ailleurs en inversant deux lettres du mot voile, à violer leurs esclaves et leurs prisonnières.
Deborah nous parle de la vie. Elle s’inscrit dans la longue tradition des mythes des déesses-mères ou des déesses des origines. C’est une Vénus de Quinipily.
Les mythes, n’ayant aucune temporalité, nous aident à revisiter quotidiennement les parts d’ombre et de lumière de notre inconscient. À nous féconder de l’intérieur pour promouvoir la vie et pour lutter contre la spirale mortifère des démiurges du temps présent.
Déborah par son geste, réprimé par la force publique, symbolise l’Origine de la Vie et de sa sauvegarde, qu’il s’agisse de celle des règnes minéral, végétal ou animal.
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Sylvain Josserand, « Le Courage et le militantisme d’une plasticienne luxembourgeoise », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°7 | Automne 2017 « Femmes, poésie & peinture » sous la direction de Maggy de Coster, mis en ligne le 3 juillet 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/courage-militantisme-peinture.html
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