REVUE ORIENTALES (O) | N°1 | Florilège de créations poétiques
Agar (fragment)
Poème choisi, transcrit & remanié pour cette revue par Dina Sahyouni
Crédit photo : "Hagar and Ishmael Saved by the Angel", tableau du XVIIIe siècle domaine public, Commons.
Le fragment poétique ci-dessous est un poème de DESBORDES-VALMORE, Marceline (1786-1859), il provient de son recueil Les Pleurs, poésies nouvelles, par Madame Marceline Desbordes-Valmore, Préface d'Alex DUMAS, Paris, Chez Charpentier, Libraire, Palais-Royal, MDCCCXXXIII/1833, pp. 239-243. Le recueil est tombé dans le domaine public.
– Elle jeta de grands cris et se mit à pleurer.
– Or, Dieu écouta la voix de l'enfant ; et un ange de Dieu appela Agar du ciel, et lui dit : Agar, qu'avez-vous ? ne craignez point, car Dieu a écouté la voix de l'enfant du lieu où il est.
XLIII
Quelle mère un moment ne fut ambitieuse ?
Quelle mère, en plongeant son âme curieuse
Dans les jours où son fils ira chercher ses droits,
N'a dit : Voilà mon fils ! Que sont les fils des rois ?
« Vents ! portez dans les cieux la voix de ma prière.
Dieu ! versez le pardon sur l'orgueil à genoux :
Oui, l'orgueil m'a saisie, ô mon Dieu ! J'étais mère ;
Et la mère et l'enfant tendent les bras vers vous !
« Enfant, ne pleure pas. Voici des fleurs. Je t'aime.
Nous trouverons là-bas, peut-être, un frais ruisseau ;
Tu dormiras content sous un jeune arbrisseau ;
Et peut-être avec toi j'y dormirai moi-même ! »
Ainsi la triste Agar, un enfant par la main,
De son cœur oppressé brise le long silence.
L'enfant rit à sa mère ; et, plein d'obéissance,
Cueille une fleur mourante et poursuit son chemin.
Ce chemin est brûlant ; le soleil le dévore :
L'enfant poursuit en vain, de chaleur obsédé,
L'arbre vert, l'ombre et l'eau ! Triste, il a demandé :
« Ce frais ruisseau, ma mère, est-il bien loin encore ? »
– « Là bas ! répond Agar. – « Oh ! que c'est loin là-bas,
Ma mère ! » – Elle se tait, détourne son visage ;
Du voile qui la couvre elle forme un nuage,
Comme un linceul mouvant où se traînent leurs pas.
Ses premiers pas, à lui, l'éloignent de son père !
Ô Sarah ! de ton fils le sort est plus prospère.
Ô Sarah ! Cet enfant pâle, nu, sans soutien,
C'est le fils d'Abraham... Non, mon Dieu ! c'est le tien !
Sauve-le ! sauve-nous. Un peu d'air ! un peu d'ombre !
Dieu ! ta main devant le soleil !
Le bruit frais de l'eau vive, un arbre au rideau sombre,
Une pierre mouillée, un fruit, et du sommeil ! »
Et l'enfant tout à coup s'arrête. Elle s'arrête.
Du voile qui l'étouffe il dégage sa tête ;
De ses cheveux touffus lent à se découvrir,
Il tremble. Il jette enfin d'une lèvre altérée :
« J'ai soif ! » – Et dans le ciel l'espérance est rentrée...
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Pour citer ce poème
Marceline Desbordes-Valmore, « Agar (fragment) », poème extrait de DESBORDES-VALMORE, Marceline (1786-1859), Les Pleurs, poésies nouvelles, Préface d'Alex DUMAS (1833), choisi, transcrit & remanié par Dina Sahyouni, Revue Orientales, « Les figures des orientales en arts et poésie », n°1, mis en ligne le 24 avril 2021. Url :
http://www.pandesmuses.fr/periodiques/orientales/no1/mdv-agar
Mise en page par Aude Simon
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