N°12 | Poémusique des femmes & genre | Dossier mineur | Florilège
L'espoir &
Cette nuit d'hiver
Poèmes & peinture
Poète, nouvelliste & artiste peintre
© Crédit photo : Pierre Zehnacker, peinture récente de femme de sa série sur les figures féminines, image no 2.
L'espoir
Commencer comme on entrerait dans l'esprit d'une femme qui souffre, qui ne sait pas comment échapper à sa souffrance, et ne voit plus devant elle que de grands arbres se mouvant dans le noir, habités par les bourgeons de sa fièvre... Sentiment qu'une grande fleur pâle, aux reflets éteints, serait en train de l'étouffer, et que son âme prise dans les affres de son combat contre l'étrange maladie ne puisse plus exister que sous la forme d'une pénitence imposée par le prêtre chauve qui la confessa.
Votre beauté, Madame, si effrayante à mes yeux, m'empêche de vous absoudre... Et c'était comme les paroles qu'un serpent répandrait, lancinant, dans la solitude de son âme. Elle ne se vante pas d'avoir connu l'amour, il ne lui en reste que des cendres, l'incertitude d'une mélancolie sans mémoire qui la dégoûtait d'elle-même. Il est des jours pourtant où semblait lui sourire la possibilité d'une renaissance. L'espoir la traversait du vol blanc de ses ailes, un frisson d'amour juvénile irisait les fleurs qu'elle contemplait, et alors un brusque sursaut d'amour-propre l'éloignait de son confesseur et du pli faussement onctueux de ses lèvres froides.
Comme si sa douleur prenait les traits d'un enfant de lumière qui s'avance dans le calme du soir, tout en elle s'apaisait. Parfois, lorsqu'elle songeait aux trahisons qui l'avaient blessée, elle se sentait plus forte que le regret et la nuit. Il y avait à présent cette douceur un peu énigmatique qui ravivait la grâce de son visage comme si elle portait en elle la vérité d'un autre monde.
Cette nuit d'hiver
Ces maniérismes délicats de la pensée la plus perfide et du remords, comment s'en délivrer ?... Où trouver un peu de clarté, un soupçon d'estime de soi ?... À travers les méandres de quelle ville obscure, avons-nous dû traîner le fardeau de notre tristesse ?... Ce qui nous est proche, c'est le souvenir de la montagne, cette lumière sur la mer, et surtout ces grands oiseaux très blancs qui volaient dans les lointains de l'azur, pareils à des rêves de neige et de pureté sans mélange.
Et de notre liberté nous nous faisions une idée très précieuse, loin des falaises et de leur vertige... Et maintenant cette nuit d'hiver, notre histoire d'amour résumée en deux ou trois photos. Sur l'une d'elles, de la façon la plus étrange, tu ressembles à une madone aveugle, et sur une autre, on dirait que tu es une petite sœur amère, esseulée, perdue dans l'horizon d'une plage immense, de l'infortunée Charlotte Corday... Tu voulais écrire des oraisons funèbres au sujet de morts que tu ne connaissais pas. Tu évoques des cimetières, décris des pierres tombales, restitues des épitaphes, convoques des images. Comment ne pas aimer ta tête penchée, tes yeux mi-clos, la douceur infinie de tes lèvres ?... Étroite est la frontière entre l'amour et la mort, disais-tu, et je me sentais très seul, de nouveau, comme un homme abandonné dans la forêt des souvenirs... Je me souviens d'un wagon immobile dans la brume, un train pour Auschwitz, disais-tu, un train que ne prennent plus que les fantômes. Tu enseignais l'histoire à des élèves distraits, tu étais mécontente..
***
Pour citer ces tableau & poèmes en prose inédits
Pierre Zehnacker, « L'espoir » & « Cette nuit d'hiver », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°12 | HIVER 2022-23 « Poémusique des Femmes & Genre », mis en ligne le 10 novembre 2022. Url :
http://www.pandesmuses.fr/no12/pzehnacker-espoir
Mise en page par David
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