N°12 | Poémusique des femmes & genre | Dossier mineur | Florilège | Instant poétique en compagnie de...
Le chaos en spectacle
en extraits
Poèmes de
Traduction du hongrois par
© Crédit photo : Portrait photographique Lea Nagy.
Île
Pas de bruit humain.
Pas de bateau sur l’eau.
Soupir.
Solitude.
Fuite.
Une vague s’écrase sur un rocher.
La nuit, une cigale est assise sur mon genou.
La pleine lune éclaire la mer.
Sur une petite île. Seule.
Le silence est roi. Le silence est moi.
Pas de bruit humain.
Pas de bateau sur l’eau.
L’important était ailleurs
(en souvenir de Géza Szőcs)
Quand à côté de toi ton amant qui dort sera comme
une statue de toile chaude étalée sur le dos,
et tu regardes la petite tache chauve sur le sommet de
sa tête,
parce qu’il a vieilli,
puis tu chuchotes, comme ça :
il a vieilli,
et tu caresses cette petite tache,
où il n’a plus de cheveux,
seulement de la peau,
plus rien ne reste à ce reste endroit,
seulement de la peau,
comme c’est soyeux, doux,
ça brille quand la lumière l’éclaire.
La lumière matinale se déplace avec rythme
d’un coin de la chambre à l’autre,
tu ouvres la fenêtre,
pour mieux regarder ses rayons,
puis tu fermes tes yeux,
dehors la mer se déchaîne,
et tu restes là comme un violon géant,
tu n’es déjà plus dans l’ambiance non plus, tu le sens,
puis tu ouvres la fenêtre encore plus grande,
comme la vapeur du ciel est douce,
tu ne l’avais même pas remarqué plus tôt,
parce que tout était trop beau,
l’important était ailleurs, pas de
rester là comme un violon déprimé, et
de regarder les vapeurs du ciel à l’aube,
pendant que dort sans cheveux ton amant d’une fois.
Nouveau monde bleu
Tu emportes tes derniers bleus.
Plus rien ne reste de toi.
Le silence tremble seul.
Demi-mots
Je ne vois pas ce dont tu parles.
Je vois ton chapeau.
Tes doigts s’agitant nerveusement.
Pourquoi es-tu nerveux ?
Tu touches ton chapeau.
Tu es assis en hauteur,
j’imagine un cheval en-dessous de toi.
« Sois humble ma petite fille ».
« Honorable ».
Me disait toujours ma mère.
Maintenant c’est ce que je te dirais.
Si je t’entendais seulement.
Mais tu ne fais qu’expliquer.
Demi-mots :
Tu le fais.
Non, je ne te menace pas,
tu fais ce que je dis,
je suis ton chef,
je dis,
tu fais,
tu le fais.
Enlève ta main de ma cuisse.
Mon oreille bourdonne.
Pourquoi es-tu nerveux ?
Cordes de lumière
(Rê, dieu solaire)
Sa matière s’est transformée en fil de lumière.
La voûte céleste se rétrécit,
les rêves s’y déversent.
Sol temporel mouvant,
dont l’existence est chantée par des coquillages.
Les vents brûlants voltigent,
volent dans les hauteurs,
la tête du faucon, sa grandeur,
se voit jusque depuis le fond de la mer.
Il rame dans une yole dorée.
Voyage dans le ciel du Nil.
Apophis tisse une ombre aux arrivants de la lumière.
Aigle en pétroglyphe, frai de l’espace-temps.
Péninsule lors du crépuscule du serpent.
La voûte céleste est bruyante.
Les membranes du temps s’entremêlent.
La lune brille jusque dans un sombre marécage.
La lumière s’étend sur les barques.
Elles tanguent en silence.
Un voilier s’y approche doucement,
argenté.
Un guerrier brûlant danse
dans le voûte céleste enfumée.
Sur la mer
Me voici donc :
J’ai embarqué sur l’eau.
Je signale mon départ en sifflant
dans un coquillage.
Où suis-je donc :
Sur des îles plus rouges qu’en rêve,
dans des parfums de figue,
des sphères digne d’un conte.
Je débarque sur la côte.
Me voici donc.
© Lea Nagy.
Ces extraits sont publiés avec l'aimable autorisation des autrices & auteurs de Lea Nagy, Le chaos en spectacle, préface de Patrice Kanozsai, traduction du hongrois par Yann Caspar, Éditions du Cygne, 2022, format A5, 67 pages, 10€.
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Pour citer ces extraits poétiques inédits
Lea Nagy, Yann Caspar (traducteur), « Le chaos en spectacle en extraits », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°12 | HIVER 2022-23 « Poémusique des Femmes & Genre », mis en ligne le 3 octobre 2022. URL :
http://www.pandesmuses.fr/no12/leanagy-lechaosenspectacleenextraits
Mise en page par David
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