N°11 | Parfums, Poésie & Genre | Dossier mineur | Florilège / Poésie des aïeules
À mes vers
&
À une femme poète
Poèmes choisis & transcrits par Dina Sahyouni
Crédit photo : Elisabetta Sirani, "Melpomène, la Muse de la tragédie", domaine public, Wikimedia.
À mes vers
Dans les sombres forêts qu'un Dieu caché tourmente,
Quand le chêne effrayé sent fléchir ses rameaux
Et jette sous les cieux sa voix qui se lamente,
Calme, la fleur sourit, se mirant sur les eaux,
Le vol de l'ouragan sème en vain l'épouvante ;
Elle garde, tranquille, à l'abri des roseaux,
Pendant que le torrent près d'elle gronde ou chante ;
Son parfum au poète et sa graine aux oiseaux.
Soyez tels, ô mes vers ! si l'amour vous inspire ;
Rendez-vous sans tarder où quelque âme soupire,
Cherchant le ciel d'azur sous l'orage vainqueur,
Et, discrets confidents, pour calmer ses alarmes,
Comme aux sources des bois vous baignant à ses larmes,
Dans ce cœur attristé faites naître une fleur !
À une femme poète
Tu demandais des fleurs, en voici pour ta tombe,
Ô toi qui vis trop tôt le rivage inconnu
Où la rose flétrie et la feuille qui tombe,
Pleuvent sur les mourants dont le jour est venu !
Recouvrez son front pâle, ô sombres scabieuses,
Mariez votre pourpre au muguet argenté,
Inclinez-vous sur elle, ô pervenches pleureuses,
Que sous un dais de fleurs son sein soit abrité !
En voyant de mes mains s'échapper vos corolles
Où les pleurs de mes yeux se plaisent à couler,
Qu'elle ait, dans le tombeau de plus douces paroles
Pour le céleste ami qui la vient consoler !
Car les frêles mourants dont le destin s'achève
Avant l'heure marquée à tout homme ici-bas,
Dans l'éternelle nuit ne cessent point leur rêve ;
La foule les oublie et ne les entend pas !
Mais nous qui comprenons les plaintes de la brise,
Nous, poètes errants au hasard emportés,
Nous savons deviner, quand un rameau se brise
Ce qu'il contient de pleurs pour les jours regrettés !
Aussi lorsque, le soir, passent des bruits étranges,
Nous, sans nous effrayer, nous écoutons, rêveurs,
Les immobiles morts parler avec les anges
Dont les lyres d'argent frémissent dans nos cœurs !
Recouvrez son front pâle, ô sombres scabieuses,
Mariez votre pourpre au muguet argenté ;
Inclinez-vous sur elle, ô pervenches pleureuses,
Louisa va sourire en renvoyant l'été !
Les poèmes ci-dessus proviennent de FLEURENTIN, Zoé (1815-1863), Poésies élégiaques (Ancienne élève de la Maison impériale de Saint-Denis), Paris, au bureau de la revue de la Province, C. VANIER, Libraire-Éditeur, 25 rue de Buffault, 1861, pp. 3-4 puis 28-30. Ce recueil de poèmes appartient au domaine public.
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Pour citer ces poèmes élégiaques
Zoé Fleurentin, « À mes vers » & « À une femme poète », deux extraits de FLEURENTIN, Zoé (1815-1863), Poésies élégiaques, (1861), choisis & transcrits par Dina Sahyouni pour Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°11 | ÉTÉ 2022 « Parfums, Poésie & Genre », mis en ligne le 30 juillet 2022, Url :
http://www.pandesmuses.fr/no11/zf-femmepoete
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