N°11 | Parfums, Poésie & Genre | Dossier mineur | Florilège / Poésie des aïeules
Muse
Poème choisi & transcrit avec une note par Dina Sahyouni
Crédit photo : Johann Heinrich Tischbein, "Une Muse", peinture, domaine public, Wikimedia.
Le poème ci-dessous provient de SOUCHIER, Adèle (1832-19??), L'oiseau blessé : poésie, Paris, BLOUD et BARRAL, libraires, 18 rue Cassette, 1878, pp. 36-38. Le recueil appartient au domaine public.
Vous voulez le portrait d'une muse charmante,
Mais, créé par ma plume et non par mon pinceau,
Le type ravissant d'une idéale amante ?
Eh bien ! voyez l'éclat de son regard si beau !
Ce pur rayonnement jaillit d'un azur sombre,
De ce bleu velouté qui devient presque noir,
Contraste poétique et suave ! c'est l'ombre,
La seule ombre, il est vrai, que notre œil puisse voir
Sur le visage ovale, éthéré, d'une blonde,
D'une blonde expressive, aux attraits séduisants,
Dont les grands cheveux d'or ont des flots comme l'onde,
Dont les charmes lui font d'immortels partisans.
Beau front que le génie habite et qu'on admire,
Brillant tel que l'aurore, inspiré chaque jour ;
Bouche pensive et fière, avec un doux sourire,
Où la rose a posé sa nuance d'amour ;
Galbe noble, onduleux et royale prestance ;
Blancheur de neige où rit la fleur de nos buissons ;
Teint plein de morbidesse1 avec sa transparence ;
Voix d'ange résonnant en d'ineffables sons.
Et puis le sentiment ennoblit ce visage ;
L'âme, l'élan, l'essor et le beau feu sacré
Éclatent ; car là sa véritable image :
C'est la Muse ! la Muse ! un doux être adoré !
Chère consolatrice, embellis ma chambrette ;
Ma demeure est à toi, mon réduit est ton bien ;
Nous y vivons à deux, et tu me fais poète ;
Nous y vivons à deux, et tu me fais poète,
Blonde patronne aimée, harmonieux gardien !
Un seul braiser de toi, ma radieuse fée,
Donne l'enthousiasme et le culte du beau,
Ton luth est un sonore et magique trophée,
Que ton cœur fait vibrer sous un hymne nouveau !
Ô Muse ! me voici fidèle à ta tendresse,
Pourrais-je t'oublier, te déserter jamais,
Toi dont le bleu regard me protège sans cesse,
Toi qui m'aimes toujours ainsi que tu m'aimais !
On me dit de chanter, et je me sens des larmes !
Oui, des pleurs sont montés de mon cœur à mes yeux,
Mais ma lyre m'est chère, elle a pour moi des charmes ;
La muse est une amie, un ange gracieux,
Et je l'aime ! Je t'aime, ô vision divine,
Ô rêve éblouissant inondé de clarté,
Blanche sœur d'Apollon qu'un poète devine,
Et qu'il voit en extase, épris de sa beauté.
Mais qu'elle est bonne aussi, cette blonde Prêtresse,
Quittant un fier séjour pour venir nous bercer !
Quand nous avons besoin d'une douce caresse,
Aussitôt, généreuse, elle sait tout laisser !
Note
1. Morbidesse est un adjectif littéraire soutenu désignant une langueur, une certaine grâce romantique. En art, cet adjectif désigne ce qui est suave ou très doux.
***
Pour citer ce poème de l'aïeule
Adèle Souchier, « Muse », extrait de SOUCHIER, Adèle (1832-19??), L'oiseau blessé, poésie (1878), choisi & transcrit avec une note par Dina Sahyouni pour Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°11 | ÉTÉ 2022 « Parfums, Poésie & Genre », mis en ligne le 7 août 2022. URL :
http://www.pandesmuses.fr/no11/souchier-muse
Mise en page par Aude
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