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La poétesse cubaine Nancy Morejon évacuée
du 40ème Marché de la Poésie à Paris
© Crédit photo : La poétesse cubaine Nancy Morejon au 40ème Marché de la Poésie à Paris, capture d'écran d'un ordinateur, image fournie par l'autrice, 16 mai 2023.
La poétesse cubaine Nancy Morejon évacuée du 40ème Marché de la Poésie à Paris.
On appelle l’armée « la grande muette ».
Alors comment une poétesse, prolifique par définition, une causeuse, une bavarde, peut-elle être accusée de complicité avec un état policier ? Qui va resserrer l’étau sur elle, éplucher les pétitions qu’elle a signées, peut-être sans réfléchir, celle qui enfreint toujours les règles du silence ?
Je ne plaide pas l’irresponsabilité de la poétesse, loin s’en faut, mais je fais confiance à son intuition, bien différente des bouffonneries diplomatiques et des règlements de compte. Une poétesse connaît ses sentiments et a le droit à l’erreur. Tant qu’elle n’a pas plagié, violé ou tué, pourquoi la piéger dans l’étau judiciaire ? Pourquoi exhiber un sérieux tellement opposé à la poésie ? Quel poète peut se prendre au sérieux ?
J’étais avec Nancy Morejon à la Havane, en février 2012, où j’ai participé à de grandes tribunes de la Feria del Libro, et reçu un prix de poésie. Fidel Castro apparaissait le soir à la télé. Les Cubains l’écoutaient avec respect et bonhommie alors que les magasins étaient vides. « Le dictateur » venait de publier ses mémoires d’une façon archi dictaroriale, à savoir que les écrivains étaient ravis d’être invités à ses agapes et de recevoir des exemplaires dédicacés. Fidel Castro, un mythe vivant… J’étais triste de voir autant mon amie poétesse de New York City que celle de Saint Domingue, et d’autres, adorer un fils de propriétaires terriens symbole de la lutte contre le capitalisme : tout repose sur cette ambivalence qui n’est pas réglée. Et j’étais absolument la seule à ne pas honorer ce chef, dont les portraits publics accompagnaient ceux du Che.
© Crédit photo : La poétesse Camille Aubaude assise à côté de la poétesse cubaine Nancy Morejon au 40 ème Marché de la Poésie à Paris, capture d'écran d'un ordinateur, image fournie par l'autrice, 16 mai 2023.
La barbarie est partout. Le 16 mai, avant l’éviction de Nancy Morejon, la presse française a révélé que quarante-sept prisonniers allemands ont été exécutés par des résistants français qui n’avaient pas le droit de tuer des prisonniers. Sous prétexte qu’une poétesse cubaine a pu échanger avec le « dictateur », populaire en son île, dans le style « petit père du peuple », on soulage sa conscience en pratiquant la censure à l’heure où le gâchis s’amoncelle. Un climat orwellien… On n’avait pas vu cela en France depuis des générations. La censure est un obscur engrenage, et la liberté d’expression un des droits fondamentaux de tout être humain. Un droit inaliénable, auquel il faudrait maintenant ajouter le droit de ne choisir aucun camp… Allen Ginsberg trouvait « le lider maximo » sympathique, décelant chez lui des traits de bohème, explique Jean Portante (dans Allen Ginsberg. L’autre Amérique, Le Castor Astral, 1999, p. 185). Certes, des officiers ont trouvé à redire.
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Pour citer ces texte & images inédits
Camille Aubaude, « La poétesse cubaine Nancy Morejon évacuée du 40ème Marché de la Poésie à Paris », photographies fournies par l'autrice, Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événements poétiques | Festival International Megalesia 2023 « Étrangères », « Frontières du vivant », « Lyres printanières », mis en ligne le 5 juin 2023. URL :
http://www.pandesmuses.fr/megalesia23/camilleaubaude-nancymorejon
Mise en page par David
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