Lettre n°13 & N°9 | Dossier mineur | Textes poétiques
Sarabande ou vision lugubre
Le temps m’étend, me consume. Des moments de grâce, de tristesse, de rien s'improvisent une vie.
Voici le court récit d'une autopsie de la vie.
Vivre, c'est fourvoyer, c'est apprendre à mourir*.
L'écriture est une musique du soi, un chant bigré du monde.
Souvent lorsque j'ai mal de vivre, je me réfugie dans le silence salvateur.
Souvent lorsque les larmes deviennent des lacs et les lacs des mers violettes, je pars en partance, là où s'arrête le monde, où demeure le blanc de la page blanche ou celui d'une vie.
Vivre, c'est écrire et écrire c'est vivre. Sans l'écriture, la mort s'empare du reste.
Le blanc d'une page, d'une vie, m'appelle puis me fait noyer dans l'absurde.
Souvent mon radeau s'élance tel un navire ontologique du soi pour atteindre un rivage remémoré. Souvent les cordes accordées d'un violon transforment mon radeau en chapelle gothique où un dieu perplexe se meurt et une déesse violette bleutée de tristesses voit le jour.
Souvent lorsque j'ai mal d'écrire, je pars en partance, en soi-disant moi, dans l'à-peu-près du moi.
Devenir un mot, un mot mouvant, invisible, indivisible, pluriel, une chose non assignée, un mot muet…
...et questionner l'orgueil d'un jour qui se lève au loin, demeurée autre, dans l'inquiétude...
Le je me voue à l'oubli ; à une célébrité qui m’écœure le cœur.
Je voudrais écrire avec l'invisible souffle du vent, avec la couleur limpide des larmes, avec l'arc-en-ciel, avec les chérubins des cieux antiques et modernes, avec les mèches de tes cheveux, toi liberté chérie qui me nargues souvent, m'apportes la nausée divine tous les matins, toi liberté chérie, muse lointaine, bohémienne, volage, ne t'attaches plus à moi pauvre mortelle ensevelie dans les souillures des signes sans cygnes, ni cieux bleus à atteindre. Mes signes s'entassent en pages tels les cadavres et, les génocides des mots ne suffissent guère à arrêter les misères des humains. L'écriture est une crucification des signes.
...écrit le 8 janvier 2018
* Voir, Montaigne : "Philosopher, c'est apprendre à mourir".
Ce poème en prose a été sélectionné pour paraître dans un de nos numéros imprimés de 2018.
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Pour citer ce poème inédit en prose
Dina Sahyouni, « Sarabande ou vision lugubre », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°13 & N°9 | Fin d'Été 2021 « Femmes, Poésie & Peinture » sous la direction de Maggy de Coster, mis en ligne le 15 janvier 2018. Url : http://www.pandesmuses.fr/2018/1/sarabande
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