N°7 | Dossier majeur | Textes poétiques
Influence picturale
© Sarah Mostrel, toile 1.
« Il y avait une Tristesse en forme d’Homme qui ne se trouvait pas sa cause dans le ciel clair » (Klee)
&
Déséquilibre… mental
Part… manquante
Rothko, De Staël
Un pointillé comme un frisson…
Œuvres coïncidences
Désespérance…
Au hasard d’une transcendance
Illuminations
Absence
Désapprobation
Religion
Décalage
Foi expirée ?
Nul ne sait…
Comment savoir ?
Sentir ?
Penser ?
Imaginer ?
Seul l’élan compte
Pas l’aboutissement
N’est-il pas ?
Cris de seuls
Flagrance de solitude…
Fragrance éteinte
Peu de sculpteurs
Peu de poètes
Peu de peintres
S’en sortent
Psychanalyser le tableau ?
Quelle quête absurde !
Inspecter le monde plutôt
Observer l’ensemble
L’interaction avec soi
S’éblouir
de celui qui a voulu rendre visible
l’invisible…
© Sarah Mostrel, toile 2.
&
Aimé trop tôt
Ou abandonné
Aimé trop tard
À titre posthume
L’artiste erre
Le malaise grandit
La pression des marchands est immorale…
Telle celle de l’éditeur en expectation
Il pousse l’être à produire
À dupliquer
Mais que se passe-t-il quand le peintre contredit l’original ?
« Être artiste, c’est attendre l’été
L’été vient, mais il faut avoir de la patience » !
disait Nicolas de Staël
Attendre
Suspendre
malgré la soif, la hâte
La nécessité absolue
De se jeter sur la toile
De réfléchir la matière
De l’embrasser
Freiner l'emportement
L’approche
Ne pas s’enduire de suie trop « soi »
Sous faute de ne plus réapparaître
De se fondre
Dans la lumière intérieure, trop forte…
En trame de fond
Des contours si fragiles, si frêles
Du rouge, du bleu, du blanc
Du jaune, du rose, du vert
Élisabeth Vigée Le Brun, Berthe Morisot
Émilie Guillaumot-Adan, Marie Bracquemond
M’impressionnent
L’une avec ses portraits
L’autre avec ses flous
Leur grâce, leur expression prenante
Agissent
Louise de Vilmorin affirme que Berthe Morisot « eut des enfants pour faire des tableaux »
C’est beau. Et curieux à la fois.
La prégnance de l’artiste est si souvent incomprise
Sa démarche, inexplicable
Gauguin est mort dans la misère
Van Gogh, selon Antonin Artaud, était un suicidé de la société
Rothko, suicidé lui aussi, disait : « je vois mes tableaux comme des drames »
Suicidé encore Nicolas de Stael
(René Char ne voulait pas y croire)
En pleine gloire !
Chagrin d’amour fait des ravages
La musique ne suffit pas…
© Sarah Mostrel,toile 3.
&
Hantée par les morts
Les blessures
La finalité non résolue
L’âme blessée se penche
Émue comme jamais
Sensible
Sans autre choix que
Recevoir
Réceptionner le malheur
L’épreuve
Le désastre
La ruine
Ils auraient préféré être apaisés, les morts
Aller vers des sphères plus tranquilles
Passer à côté du malheur
Changer de lot
Compenser la fragilité par la force
S’adonner au bonheur
Aborder un terrain stable
Plus solide
Au lieu de s’émouvoir encore
De comprendre
et de ne pas comprendre
D’être dans cette sensibilité à outrance
Dans ces couleurs
Qui vous fendent le cœur
À en perdre la raison
La tête
L’inspiration
La santé
La volonté de vivre
La ferveur
L’espoir…
© Sarah Mostrel, toile 4.
« Une ombre. Mais quelle ombre ? Et sur quel chemin ? Est-elle, même, une ombre, cette ombre ? Est-elle l’ombre d’une ombre ? L’ombre d’elle-même ? Un moment à saisir… comme le paysage qui fuit. » (Édouard Dor)
Attraper ce moment fugace
Oser déjouer les paris audacieux
Tu es innocente, tu le jures !
Les créateurs te fascinent
Ils expriment l’art vivant
Le grand Art assurément
Ils t’incitent à continuer
Mais te freinent aussi
Tu te fais toute petite
Les sabots invalidants sont lourds
Ils vous ôtent la lucidité de la survie…
© Sarah Mostrel, toile 5.
&
Vous qui ne voyez rien d’autre
que le dessus
Ignorant les couches inférieures
La souche de toute chose
La peine la plus profonde
La couleur déteinte en filigrane
Vous qui n’avez aperçu
qu’instantanés de vie
dans leurs tentatives essentielles
de happer un regard
Ne jugez pas !
Ils ont fui le morne
Expressions à l’état brut
Brute parfois
Sans protection
Sans bouclier
Sans atout
Affreux malentendu qui résiste
Et ne se dissout pas
Même dans l’étreinte du pinceau
Avide de traces…
© Sarah Mostrel, toile 6.
&
La souffrance de l’artiste est un accouchement difficile
Les poings levés, les mains agiles
Il tente de modifier la réalité
Recouvrir
Chasser les fantômes
Dissoudre
Oublier
Émerger
Abolir ce sort timide
Gommer les marmelades éternelles
Tombant en déconfitures
Cachant l’intrinsèque vérité…
Le peintre « apporte son corps » dit Valéry
« C’est en prêtant son corps au monde
que le peintre change le monde en peinture »
renchérit Maurice Merleau-Ponty
© Sarah Mostrel, toile 7.
« Si nulle peinture n'achève la peinture,
si même nulle œuvre ne s’achève absolument,
chaque création change, altère, éclaire, approfondit, confirme, exalte,
recrée ou crée d'avance toutes les autres. »
Vraiment ? Le philosophe est optimiste :
« Si les créations ne sont pas un acquis,
ce n’est pas seulement que, comme toutes choses, elles passent,
c’est aussi qu’elles ont presque toute leur vie devant elles. »
La vie devant soi ?
Malgré l’apparence du lavis ?
L’enfouissement des aspérités ?
Le transfert vers le tableau ?
Le coup de pinceau fortuit
ou décidé ?
Imposé ?
Aléatoire ?
Désespéré ?
« Je vois mes tableaux comme des drames » (Rothko)
© SM
***
Sarah Mostrel (poème & illustrations), « Influence picturale », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°7 | Automne 2017 « Femmes, poésie & peinture » sous la direction de Maggy de Coster, mis en ligne le 9 novembre 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/11/influence-picturale.html
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