N °7 | Dossier majeur | Textes poétiques
Poèmes des ancêtres
À une artiste
&
Pygmalion
Louise Ackermann (1813-1890)
Crédit photo : domaine public, Gallica, estampe de Louise Ackermann*
À une artiste
[P. 13/P. 39 PDF]
Puisque les plus heureux ont des douleurs sans nombre,
Puisque le sol est froid, puisque les cieux sont lourds,
Puisque l’homme ici-bas promène son cœur sombre
Parmi les vains regrets et les courtes amours,
Que faire de la vie ? Ô notre âme immortelle,
Où jeter tes désirs et tes élans secrets ?
Tu voudrais posséder, mais ici tout chancelle ;
Tu veux aimer toujours, mais la tombe est si près !
[P. 14/P. 40 PDF]
Le meilleur est encore en quelque étude austère
De s’enfermer, ainsi qu’en un monde enchanté,
Et dans l’art bien aimé de contempler sur terre,
Sous un de ses aspects, l’éternelle beauté.
Artiste au front serein, vous l’avez su comprendre,
Vous qu’entre tous les arts le plus doux captiva,
Qui l’entourez de foi, de culte, d’amour tendre,
Lorsque la foi, le culte et l’amour, tout s’en va.
Ah ! tandis que pour nous, qui tombons de faiblesse
Et manquons de flambeau dans l’ombre de nos jours,
Chaque pas a sa ronce où notre pied se blesse,
Dans votre frais sentier marchez, marchez toujours.
Marchez ! pour que le ciel vous aime et vous sourie,
Pour y songer vous-même avec un saint plaisir,
Et tromper, le cœur plein de votre idolâtrie,
L’éternelle douleur et l’immense désir.
Paris, 1840
***
Pygmalion
[P. 41/P. 67 PDF]
Du chef-d’œuvre toujours un cœur fut le berceau.
L’art, au fond, n’est qu’amour. Pour provoquer la vie,
Soit qu’on ait la palette en main ou le ciseau,
Il faut une âme ardente et qu’un charme a ravie.
Après tout, tes enfants ne sont point des ingrats,
Artiste ! ils sauront bien te rendre ta caresse.
Lorsque Pygmalion, ce vrai fils de la Grèce,
Croit n’avoir embrassé qu’un marbre en son ivresse,
C’est de la chair qu’il sent palpiter dans ses bras.
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Référence bibliographique : ces poèmes sont des extraits – sélectionnés, transcrits et remaniés par D. Sahyouni – de l'ouvrage de Louise ACKERMANN (1813-1890), Œuvres de L. Ackermann, (sous titre) Ma vie – Premières poésies – Poésies philosophiques, Paris, A. Lemerre, 1885, 1 vol., XX-187 p., pp. 13-14 & p. 41, Bibliothèque nationale de France, a été mis en ligne sur Gallica en juin 2010, voir aussi les permaliens des poèmes transcrits : page 13, page 14 & page 41.
* Cette estampe a été choisie par DS : Anonyme, Recueil. Portraits de Louise Victorine Choquet, Mme Ackermann (XIXe s.), Bibliothèque nationale de France, département "Estampes et photographie", N-2 (ACKERMANN, Louise Victorine Choquet, Mme) http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb41870220m. Ce document a été mis en ligne sur Gallica en novembre 2012.
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Louise Ackermann, « À une artiste » & « Pygmalion », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°7 | Automne 2017 « Femmes, poésie & peinture » sous la direction de Maggy de Coster, mis en ligne le 13 octobre 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/10/pygmalion.html
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