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Trois poèmes sur la poésie
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De Marot à Verlaine
Toute œuvre à son mystère et Mère Poésie
Pour ma cause est le plus délicat à propos.
Je l’écris et la lis l’âme en acinésie
Quand survient le déclin démêlant ses quipos.
Comme une passion, comme un besoin, l'arcane
Dans l’ombre ou la lueur se dévoile discret.
Comme un passant sur quelques vers, je vais et flâne
Pour trouver en chemin un trésor, un secret ;
Mais l’intrigue peut-être affligeante ou profane
Incitant à la peur sur un simple renvoi ;
Se penchant sur l’amour dans un monde en chicane,
Tant pénible à fixer quel que soit le pourvoi.
De Marot à Rimbaud, ou Verlaine, est saisie
Une vie insolite où jamais le chaos
N’aura de cesse à vivre un parfum d’ambroisie.
Qui sait ? Peut-être encore aujourd’hui leur repos
Demeure secoué par un blasphème ou plane
Un doute doucereux, chagriné d’un regret,
De n’avoir pu nourrir un verbe qui ne fane
Sur leur tombeau, sinon, qu’il fleurisse à leur gré !
***
La Poésie est au poète
comme la vie est au recommencement
Tant notre esprit peut-être au jour sombre ou brillant
Tel un flambeau brûlant d’une flamme inclinée
Qui respecte une loi, car tout en chancelant
Celle-ci se redresse et pointe la nuée ;
L'aède avec raison reprend le bon sillon
Se hissant au firmament ; un silence il surmonte
Pour s'ouvrir la morale en abstrait tourbillon.
Mais de nos jours, traquée, à voir ce qu’elle affronte,
Éprouvée au malheur l’on trouve rarement
Une âme accorte assez, flambante, qui s’immisce
Au vent qui lui murmure, au fleuve ranimant
L’oubli berçant son onde, à l’orage propice.
Seul le poète estime à voir croître une fleur ;
Il la scelle d'un vers au flanc d’un cimetière
Car sa plume et son âme en garde la couleur.
L'énonçant d’une main, hésitant à l’extraire,
La butine avec l’autre, aimant il s’assagit ;
Plus encor, quand la rose au soleil est flétrie,
N’est-il étrange à voir comment l’idée agit,
Il la rime à nouveau voyant qu’elle est meurtrie.
La nature s’invite à l’acte et parle mieux
Recevant de l’humain existentialiste
La grâce poétique instructive à ses yeux.
Il la sculpte à la plume et lui dit qu’elle existe
Saisissant son décor aux instants, aux hivers,
Aux étés, aux printemps pour bénir un automne,
La vie et l’eau, la terre et le feu des éthers,
Suivant avec ardeur l’ornement qui la prône,
L’aurore, son soleil, l'éclat au fil de l'eau,
Fixant ses volontés les plus figuratives.
Mais pour un fief, un champ, son or ou son château,
L’homme a toujours lutté contre les forces vives
Invincibles des cieux à l’horizon sans mur.
La poésie ancienne aux règles primitives
Nous en a confié la trace sans futur
En vagues souvenirs se troublant d’une lutte
Au creux d’un grand chaos dessinant l’univers
Sauvage en harmonie, éternisant la chute
Des plus anciens, criant tous leurs Dieux dans leurs vers ;
Dieu lui-même excepté, car Dieu, le véritable,
Se voila le regard sur son art à le voir
Épineux, bafoué. Serait-ce inévitable ?
Si plus rien n’existait ? Pas même un mot d’espoir,
D’espace, de néant, plus une seule vie
Ne parlerait de mort, donc d’immortalité,
De ténèbres, d’éclats, parlerait-on Survie ?
La poésie, est-ce encore un art ?
Puisse-t-on l’appeler style, prose ou science,
Il ne faut que peu de talent.
Car l’écriture est l’art de servir l’éloquence
Orné d’un biais rutilant
Selon une structure aux lois d’une genèse
À l’incroyable fondement
Composant le savoir, l’élément de la thèse,
De l’esprit et du sentiment.
L'intellect n’est d'ailleurs sa première ressource,
L’instinct moral, l’émotion
Font l’ampleur d’une force empruntée à leur source
Pour créer la sensation.
Ce savoir enrichi par la prosodie,
Attrayant comme un puits sans fond,
Genre encore appelé par l'homme poésie,
Car inépuisable, fécond.
Tel un champ invisible au son d’une pensée
Du centre de l’entendement,
Presque immuable au front d’une plume encensée
Où plane l’ère l’animant.
Donnant l’impression d’un acquis esthétique,
La raison du bien absolu,
Avec pour tout rapport l’aptitude acoustique,
L’amour de l’écrit réélu.
Pourquoi n’a t-il jamais été mis en distance ?
Mais pris en admiration
À l’instar d’autres arts épuisés de brillance
Égarant leur datation.
Doté de rangs divers, sans être un grand génie
Il ne lui suffit que d’un rien
Puisant dans la nature une cacophonie ;
Un soupir, un ris de terrien,
Le chuchotis du vent pourtant insaisissable,
Le doux clapotis d'un ruisseau,
La vague et ses rouleaux galopant sur le sable,
Les astres frémissant sur l’eau,
Un envol de saison sur les feux de l’automne,
L'amertume d’un souvenir.
Il suffit à notre œil que la terre résonne
Pour promptement tout acquérir.
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