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Tombeau pour une troubaderesse
Textes & photographie
Art. Wikipédia
© Crédit photo : Chantal Robillard, "Estours".
Ce sont trois poèmes dont deux en haïkus encadrant une sextine en hommage à la troubaderesse (ou troubadouresse) méconnue voire oubliée Na de Castelloza.
Les photographies ont été prises aux environs de Meyronne (43), où cette poétesse a fini ses jours. C'est un pays de loups et l'un des coins de la bête du Gévaudan au XVIIIe siècle.
Na ! (haïkus partiellement monosyllabiques)
J’ai lu hier dans un
Manuel Assimil dit
« L’Auvergnat d’ poche »,
Qu’il y eut ici*, joie,
Une vraie châtelaine
Troubaderesse,
C’est incroyable !
Que j’aimerais trouver ce
Hameau Meyronne !
Je me demandais
Pourquoi dans les sextines,
TeRines, -nines,
Un rien m’attirait.
Ma « Sizaine des Cendreux »**,
Sextine en prose,
Sur la montée de
Langeac vers le Mont Mouchet
Finit à Ruynes.
La châtelaine,
Dame Truc de Meyronne,
Na Castelloza,
A vu tous ces bois,
Forêt de Pourcheresse,
En a fait des vers,
J’en suis certaine,
Contre le vent qui hurle
Et contre les loups.
Rage d’écrire,
Contre tous les hurlements,
Haines, jalousies.
De vos temps, le jour,
Sur quoi, qui, écriviez-vous,
Na Castelloza ?
Je mets des mots sur
Vous, je vous vois près du feu,
À tourner les vers,
Chercher la rime,
Puis trouver la sextine
(mieux que les haïkus ?).
© Crédit photo : Chantal Robillard, "Les gorges de la Seuge".
2. Ronces et ruines à Meyronne : sextine
N’ayant vu que ronces
N’arriver aux ongles,
Navire vert aux fleurs,
Naviguer d’inverse.
Narrer à mon oncle
Navrant « conte aux ruines ».
Na, ce sont tes ruines !
N’approcher tes ronces ?
N’amener mon oncle ?
Nageant sous son ongle,
Nature s’inverse,
Nacre en forme de fleur.
N’attraper nulle fleur,
N’amasser vent ; ruines
N’aimer, sens inverse,
N’attirer que ronces.
N’arrimer ses ongles :
Na(u)tilus furoncle.
N’avait vu mon oncle,
Naguère taxi, fleur
Nappée sous son ongle.
N’abîmons ces ruines,
N’accrochons aux ronces
Nattes : tresse inverse.
N’aiguillons rien vers ce
Natif d’ici, l’oncle.
Naval champ de ronces,
N’armer d’épines fleurs.
N’a château que ruines,
N’a vallée que jongle.
N’a incarné l’ongle,
Navette à l’inverse.
Nazis vus à Ruynes :
N’avait seize ans l’oncle,
Naïfs tués en fleur,
Narines sous ronces…
Ronces : castel pour Na.
Ongle écrire mena,
Fleur d’encre mâchonna.
Inversa siècles, Na.
Onc les rimes tourna
Ruines trouva Domna.
© Crédit photo : Chantal Robillard à Estours.
3. Délivrance (en haïkus)
Coule la Desges,
De sa source vers l’Allier.
Nous la remontons,
Gorge sauvage,
Route en lacets tortillés,
Fatras de ronces,
Le fond de vallée,
Cul de sac désert, soudain,
Se met à grimper.
Deux chiens aboient
Férocement contre nous :
C’est donc habité !
Vient un paysan,
Soupçonneux, boiteux, taiseux.
C’est « Délivrance » ! ***
Mon oncle parle,
Ou plutôt parlemente.
Le vieux, renfrogné,
Ne le connaît pas.
N’a jamais pris de taxi.
Mais l’oncle venait !
Pour une dame,
Avec son petit enfant :
A dû bien grandir ?
Le retraité, là,
Se déride enfin : ceux, oui,
De l’autre maison.
L’homme nous mène
Au fond de la basse-cour.
Montre une porte ;
Puis grommèle un peu :
« Vous craignez pas les ronces ? ».
Nous laisse aller seuls
Par une sente,
Bordée d’orties bien fraîches !
Précipice, au fond :
Mieux vaut pas y choir,
La Desges coule sans bruit.
En équilibre
Plus que précaire,
On s’apprête à retourner
Chez le vieux ronchon.
Tout à coup je vois,
Un peu plus bas, sous nos pieds,
Voûte avec pierres.
Voilà tout, Na, tout
Ce qu'il reste du château !
Nous marchons sur le
Chemin de ronde.
La maison du paysan
Est sur le castel.
Toutes les pierres
Ont été prises au château.
Enfin… ses ruines.
© C. Robillard
*au fond de la vallée de la Desges, juste en dessous de Venteuges et du mont Mouchet.
**nouvelle publiée dans le numéro 70 de la R.A.L puis dans Hôpital Cendrillon (éd du GREF).
*** film de John Boorman.
© Crédits photos : Chantal Robillard, "Tombeau pour une troubaderesse", images des poèmes prises par LE PAN POÉTIQUE DES MUSES pour montrer la mise en page originelle de l'ensemble poétique, ajoutées le 7 février 2022.
***
Pour citer ces sextine & haïkus élégiaques inédits
Chantal Robillard (poèmes & photographies), « Tombeau pour une troubaderesse », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Numéro Spécial | Printemps 2022 « L'humour au féminin » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 2 février 2022. Url :
http://www.pandesmuses.fr/ns2022/cr-unetroubaderesse
Mise en page par David Simon, dernière mise à jour le 7 février 2022.
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