N°8 | Dossier majeur | Florilège de poétextes
Des rides... & Vieille
Poèmes & dessin de
Poétesse plasticienne
© Crédit photo : Christelle Reix, "Vieille".
Des rides...
Des rides à caresser
Du bout des doigts
Des rides à décompter
Le rebours du temps passé
À rire, s'étonner, rire, crier, rire, pleurer
Un parchemin, tissu délicat
À manger de baisers, tissu délicieux
Tes rides me bouleversent
Comme un doux abandon
D'une peau trop lissée
Dans la douceur des plis
Glisser le tendre du doigt
Et me dire ravie
Que les années à venir
M'enchantent, déjà,
À découvrir de nouveaux paysages
Dans le coin de tes yeux
Les petits plis froissés
Qui roulent dans ton cou
Accueillant les baisers
Comme des billets doux
Fermer les yeux
Et déchiffrer
Le braille de ta peau...
Vieille
Je m'imagine âgée, et dans cet avenir, je me questionne sur ce moment où je me dirai vieille.
À cinquante et trois années, la bascule du corps a déjà commencé.
Pourtant, je ressens encore des émois d'adolescente et ma pensée se déplie en gymnaste entraînée. Dans le parcours aux embûches d'une parole qui dit vrai, comment sentir ce point de butée qui me nommera vieille ?
Je rêve que mon regard continue à ne voir que le beau dans les rides, un itinéraire escarpé et joyeux, et dans le fil de mes cheveux, la poudre d'une neige un matin de décembre.
Dans le regard de l'autre, inviter la buée de l'enfant qui ne voit qu'un halo d'un corps parlant et si la langue ne bégaie pas, encore, donner une impression, peut-être, d'éternité.
D'une illusoire image, je préfère l'échappée des plis de la chair qui roulent en bonds joyeux, une peau qui rit de ses tourments et des os qui s'effritent mais restent dignes, jusque dans les plaies.
Le toucher qui s'émerveille d'un grain de peau délavée, une carte du monde en parchemin tissé, de larmes, de rires, en culbutes silencieuses.
L'aimant d'un bout de doigt qui déambule en sillons vagabonds sur des vallons fatigués...
J'ai peur, parfois, que le temps ne s'échappe, que le saisir ne devienne un acte impossible, et que mes doigts noueux n'aient plus le choix et se ferment, en dépit, sur des rais en suspens ...
À l'orée d'un vieillir, je le souhaite enchanteur va-nu-pieds, qu'il continue longtemps à s'étirer, afin de pouvoir sentir son goût sucré salé dans le creux de mes jours, sombres ou fortunés.
***
Pour citer ces poèmes sur la vieillesse
Christelle Reix (poèmes & dessin inédits), « Des rides... » & « Vieille », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°8 | Été 2021 « Penser la maladie & la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 4 juillet 2021. Url :
http://www.pandesmuses.fr/no8/cr-vieille
Mise en page par Aude Simon
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