5 novembre 2022 6 05 /11 /novembre /2022 16:42

N°12 | Poémusique des femmes & genre | Critique & réception | Revue culturelle d'Europe

​​​​​

 

 

 

 

 

 

 

Pierre Boening-Scherel

 

 

« De l’attente et Après »

 

 

 (traduit de l’anglais par Maïa Brami),

 

Éditions Unicité, 2021, 239 pages, 16€

 

 

 

 

​​​​​

 

 

Maggy de Coster

Site personnel

Le Manoir Des Poètes

 

 

 

 

 

©​​​​​​ Crédit photo : Première de couverture illustrée de De l’attente et Après, traduit de l’anglais par Maïa Brami, Éditions Unicité, 2021.

 

 

 

Un recueil de poèmes à tendance cathartique, écrit dans la plénitude de l’âge. Un retour sur une enfance marquée par les horreurs de la Deuxième Guerre mondiale. Mais comment peut-on guérir de son enfance quand on a attendu un père juif déporté et qui n’est jamais revenu ? En « Ouverture », le poète s’épanche sur sa façon de gérer son désespoir. L’espoir naît quelquefois du désespoir :  

 

« Parfois des mots forts confluaient

et ma bouche jurait en une longue prière

Peut-être était-ce suffisant

pour tenir bon,

le lendemain. »

 

Cependant quand le sort s’acharne sur soi on est comme pris dans un déluge et l’on ne peut plus avancer car on ne sait plus où aller : 

 

« Nous ne pouvions anticiper nos pas,

seulement supporter la  rigueur

de matin sans espoir

matins sans retours

sans refuge. »

 

 

©​​​​​​ Crédit photo : Le poėte Pierre Boening-Scherel dans un salon du livre.

 

 

Tenu à couvert par la grâce de sa mère, de surcroît loin d’elle, en attente d’un retour paternel incertain, ce miraculé est resté à jamais abîmé par le remords :

 

«  Reste toujours

ce remords

desséché

de larmes

vivant

mais incapable de me réjouir

des pas qui me portent »

 

 

C’est avec beaucoup de pudeur qu’il exprime sa douleur si ancienne qu’il aimerait tant enterrer pour retrouver le chemin du pardon. Qu’il est loin le chemin qui mène au pardon ! 

 

« Combien de temps encore

avant de pouvoir pardonner

et voir ? »

 

Ses souvenirs d’enfance l’habitent encore car il se revoit en culottes courtes s’accordant de brefs moments d’insouciance en accord avec la nature, avec laquelle il est en osmose, avant de revenir à ses inquiétudes :

 

« Un petit garçon en culottes courtes

cueille la dernière pomme

en remplit sa poche

avant que la nuit

ne ferme le champ. »

 

Mais il se trouve désarmé quand : 

 

«  La pâleur indolente du soleil

s’estompe tôt

diluant l’esprit »

 

Il est évident que c’est dans la poésie que le poète pénitent trouve son salut. Dans son poème intitulé « Pénitence du poète », comme une salve d’espoir, il avance : 

 

« Rebelle-toi !

traque la bête blanche

l’homme à genoux hors d’haleine

rebelle-toi contre les voleurs de lune

vois-nous mendiants de la nuit orange soleil

chassant de nos cannes en fer

le matin désarmé ! »

 

Mais que faire après la Guerre ? Il revient au poète de « Trouver les autres » car, dit-il :

 

«  Une partie qui fut

manque toujours

une partie élémentaire

dont j’ai grand besoin. »

 

 

 

©​​​​​​ Crédit photo : Portrait de la traductrice du livre Maïa Brami.

 

 

 

Poursuivant sa quête, en désespoir de cause, il lance :

 

« Je cherche ce qui était mien

ce que, tout seul, j’ai touché

ce qu’avec les autres,

je ne peux trouver. » 

 

Après « Les raids aériens criblant ciel » et tant de « ponts explosés tels des châteaux forts », il revient au poète de faire le « Le deuil ». Comment faire le deuil des siens ? « Dans un poème pour mon père », il exprime ses regrets, ses souhaits et remémore les derniers moments passés avec lui : 

 

« Un océan me sépare de ton sourire,

Père, »

[…] «  Je voudrais encore marcher avec toi

aux petites heures du matin, pour aller prier »

[…]   « Je me souviens

j’ai pleuré pour monter sur tes épaules

pour apercevoir la Torah brandie rouge à bout de bras

alors que le crime à venir

précipitait sa course »

 

Qu’en est-il de ce « petit ami boiteux » avec lequel il arpentait les rues de Paris ? Il ne se souvient plus de son nom mais son visage lui est resté gravé dans la mémoire.

«  c’était mon ami / mon premier visage », dit-il. Hélas, ce petit garçon est mort à Auschwitz avec sa mère !

 

« Il a laissé son visage sans contours

on marchait ensemble

mangeait ensemble le gâteau de sa mère »


 

La peur, les larmes, l’attente, le rêve, le doute, le remords, le silence sont autant de sentiments qui coexistent dans la vie du poète :

 

« Il y a des silences

qu’aucune main ne peut repousser. »

 

Qu’y a-t-il de plus fort que la peur ? Et le poète de convenir :

 

« il n’y a pas de rat

sous les draps,

mais la peur mord plus fort »

 

« c’était une peur sauvage et mémorable » Pierre Boening-Scherel est quelqu’un qui cherche la lumière pour mieux voir et comprendre. Entendons le terme lumière dans un sens spirituel à savoir qu’il cherche à élucider un mystère. Pour retrouver la sérénité et avancer, il semble trouver la bonne solution : 

 

« Ne rappelle pas à toi les noms

Ou les années, » 

 

« […] calme

bien sur terre

aucun regret,

mais l’absence

emplit l’air,

là-haut dans l’azur

aucun battement d’ailes

seul un geste simple

auquel confier ma marche »


 

« De l’attente et Après », un recueil de poèmes bouleversant qu’on lit avec beaucoup d’empathie. 

 

 

© Maggy DE COSTER

 

 

***

 

Pour citer ce texte inédit 

 

Maggy De Coster, « Pierre Boening-Scherel, « De l’attente et Après », (traduit de l’anglais par Maïa Brami), Éditions Unicité, 2021, 239 pages, 16€ », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques N°12 | HIVER 2022-23 « Poémusique des Femmes & Genre », mis en ligne le 5 novembre 2022. Url :

http://www.pandesmuses.fr/no12/mdc-pbs-delattente

 

 

 

 

Mise en page par David

 

 

© Tous droits réservés

 

Retour au sommaire du N°12

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
LE PAN POÉTIQUE DES MUSES - dans Numéro 12 Amour en poésie

Bienvenue !

 

LE SITE « PANDESMUSES.FR » DEVRA BASCULER EN HTTPS DÈS LA FIN DE SA MAINTENANCE ET LE COMPTAGE DE SES PAGES À ACTUALISER. CELA PRENDRA DES MOIS VOIRE UN AN. NOTRE SITE AURA AUSSI UN THÈME GRAPHIQUE UN PEU DIFFÉRENT DU THÈME ACTUEL. POUR UNE MAINTENANCE À COMPTER DU 20 OCTOBRE 2023. CETTE OPÉRATION POURRAIT PERTURBER VOIRE RALENTIR LA MISE EN PAGE DE NOUVEAUX DOCUMENTS. MERCI BIEN DE VOTRE COMPRÉHENSION ! 

Rechercher

Publications

Dernière nouveautés en date :

VOUS POUVEZ DÉSORMAIS SUIVRE LE PAN POÉTIQUE DES MUSES  SUR INSTAGRAM

Info du 29 mars 2022.

Cette section n'a pas été mise à jour depuis longtemps, elle est en travaux. Veuillez patienter et merci de consulter la page Accueil de ce périodique.

Numéros réguliers | Numéros spéciaux| Lettre du Ppdm | Hors-Séries | Événements poétiques | Dictionnaires | Périodiques | Encyclopédie | ​​Notre sélection féministe de sites, blogues... à visiter 

 

Logodupanpandesmuses.fr ©Tous droits réservés

 CopyrightFrance.com

  ISSN = 2116-1046. Mentions légales

À La Une

  • Bonnes fêtes poétiques de fin d'année 2024 !
    LE PAN POÉTIQUE DES MUSES (LPpdm) REVUE FÉMINISTE, INTERNATIONALE ET MULTILINGUE DE POÉSIE ENTRE THÉORIES ET PRATIQUES VOUS PRÉSENTE SES MEILLEURS VŒUX POÉTIQUES POUR LES FÊTES DE FIN D'ANNÉE 2024 ! Crédit photo : Marie Stillman (1844-1927), « The Rose...
  • Extraits du recueil «Gris de peine »
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Dossier mineur | Florilège| Annonces diverses / Parutions Extraits du recueil «Gris de peine » Sarah Mostrel Site : https://sarahmostrel.wordpress.com...
  • Femme, debout
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Florilège des poèmes primés au Concours féministe de « Poèmes engagés & féministes pour le 25 novembre 2024 » & REVUE ORIENTALES (O) |...
  • AUTOMNE 2024 | NO IV | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941)
    BIENVENUE À NOTRE NOUVELLE DIRECTRICE DE PUBLICATION ( DE L'ENSEMBLE DE NOS PÉRIODIQUES) QUI REMPLACE DINA SAHYOUNI L’ÉDITRICE INDÉPENDANTE SARAH-MARIE DEREZ À QUI NOUS SOUHAITONS UNE BONNE CONTINUATION ! NOS MEILLEURS REMERCIEMENTS À L’ANCIENNE DIRECTRICE...
  • Silence
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Florilège des poèmes primés au Concours féministe de « Poèmes engagés & féministes pour le 25 novembre 2024 » Silence Poème primé de Sandrine...
  • Corps couvert et cœur à nu
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Florilège des poèmes primés au Concours féministe de « Poèmes engagés & féministes pour le 25 novembre 2024 » & REVUE ORIENTALES (O) |...
  • Faïrouz pour l'éternité
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Dossier mineur | Articles & Témoignages | Poésie, Musique & Arts visuels / Poésie visuelle & Revue Orientales | O | N° 4 | Critiques poétiques...
  • Sophie Brassart, « Geste de toile », Éditions du Cygne, Paris 2024, 49 pages, 12€
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Critique & réception | Dossier mineur | Articles & Témoignages Sophie Brassart, « Geste de toile », Éditions du Cygne, Paris 2024, 49 pages,...
  • Vient de paraître le recueil de poèmes « Nos coutures apparentes » par Imèn MOUSSA
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Invitation à lire | Annonces diverses / parutions & REVUE ORIENTALES (O) | N° 4-1 | Varia & Actualité Vient de paraître le recueil de poèmes...
  • Maternité éternelle
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Critique & réception / Chroniques cinématographiques de Camillæ | Matrimoine poétique | Poésie audiovisuelle & REVUE ORIENTALES (O) | N°...